Fire in blue eyes - Nour

Irrévérencieux, ce besoin de lui. Comme des lâmes chauffées à blanc qui vous titillent le corps, embrasant vos nerfs. Il  n’y à pas de quête pour s’éloigner de ce plaisir, il est brut, vivace et comme une plante grimpante s'affaire à vous étouffer petit à petit. Et dans les contradictions que cette sensation fait ressentir, il ne sait plus vraiment s’il a envie que la conquête s’intensifie, s’arrête ou reste la même toute la soirée. En fait, il ne sait plus vraiment comment utiliser les mots dans un sens cohérent. Tout ce qu’il sait, c’est que cette  bouche s’applique telle une divinité sur son épiderme. Suffisamment pour crisper ses hanches, que ses jambes se tendent un peu, se refermant par automatisme, légèrement autour de la tête d’Oliver. Il pourrait bénir cette bouche et, à la place, accepte sa défaite dans un gémissement perdu.

Est-il sûr de ce qu’il a envie de faire ? Il a envie de sentir Oliver se durcir en lui, le pénétrer avec lenteur et de son souffle dans son cou. Il a envie de lui dire qu’il n’a pas l’habitude de s'épancher ainsi avec des inconnus. Que ce n’est jamais comme ça, pas toujours. Que le rencontrer est une surprise,bienvenue, en quête d’un amour qu’il a perdu. Il aimerait lui murmurer qu’il veut sentir ses mains sur sa gorge, qu’il veut le sentir jouir en lui. Et tellement de choses qui lui donnent quelque peu le vertige. Eux deux, c’est une douce surprise, qui brûle quelques étapes malgré tout et pour affirmer son consentement, il hoche tout simplement la tête. Une affirmation silencieuse qui s’ensuit d’un geste un peu cavalier pour lui ouvrir les hanches.

Tout devient flou, une série de fragmentations de sensations : la pénétration, lente, qui tire la chaire un peu endormie. C’est que ça fait quelque temps, et même avec son homme, il ne l’a jamais fait. Le début d’un rythme, la cadence qui se compose, s’ajuste, s’adapte à deux corps.  Pour trouver toujours plus de plaisir, le bon angle. Une jambe droite qui se soulève, englobe le dos transpirant du photographe. Pour mieux se saisir de lui, l’attraper au vol et que la croisière se fasse à deux. Une tête qui se penche en arrière, sur les oreillers, arrachant un gémissement et un souffle désespéré, au bord. Au bord de quoi au juste ? S’il fallait sauter dans le vide, Nour l’aurait fait avec abnégation. Mais, cette chute n’est pas aussi fulgurante, elle grimpe progressivement, jusqu’à ce que ni l’un, ni l’autre n’ait vraiment le choix.

Ensemble, ou du moins, l’un avec l’autre, il sent le débordement de son orgasme. La main effleurant  son sexe ne lui laisse aucun répis. Seul celui  de fondre son regard,  dans la pénombre, à celui du londonien. Un ancrage plus que nécessaire alors que les résultats de son plaisir se perdent entre ses deux corps. Encore soudés, l’américain rêverait de rester dans cet état pour toujours. Et épris d’un réflexe, il se met à sourire, presque amusé, encore chamboulé par son cœur qui refuse de se calmer.

Et après ?

Étourdi, du désir qui a grimpé, lentement d’abord, avec les préliminaires aussi long qu'un voyage, puis trop vite après. Le rythme a changé sans cesse, nerveux, affolé, brutal, amoureux, doux, tendre, passionné…et dans chacune des modifications, le cœur de Nour s’est associé aux brusqueries. Il le sent, encore en lui et le visage posé contre son dos. Il le sent partout sur lui, en lui, avec l’incertitude d’où commence le corps de l’un et où se termine l’autre. Le moindre mouvement interne contracte son intimité autour du membre d’Oliver, et aussi délicieux que douloureux, cela lui arrache un léger sourire. La cavalcade du cœur du sorcier s’apaise cependant peu à peu alors qu’il sent des baisers prolonger une intimité qu’il aimerait bien poursuivre.

C’est déjà un aveu, rarement Nour n’a envie de prolonger ou répéter ce genre de soirée. Enfin si, peut-être avec une seule personne en dehors d’Oliver. La seule qui accompagne ses pensées, ses soupirs et ses larmes depuis tant d’années. A part lui ? Le reste n’est qu’un enchevêtrement de courant d’air. Il a toujours apprécié cela. Une forme de routine bien travaillée.

Lentement, il sent la pénétration reculée et le photographe s’extrait, lui arrachant par nécessité un soupir -il ne saurait dire si c’est d’inconfort, de plaisir - tandis qu’il s'allonge sur le lit. Newrose n’attendait que ce signal pour s’allonger, se retournant sur le dos, le cœur encore affolé. Son regard de glace se pose sur Oliver, encore brumeux d’un plaisir qu’il a adoré partagé avec lui. Tout est là, dans la douceur de son regard, dans le geste qu’il tend vers le torse qu’il effleure, plus pour garder contact. Que tout ne s’arrête pas si brutalement.

“Je vais bien oui, et toi ? - un sourire, léger, emprunt de cette timidité affichée un peu plus tôt - juste besoin de six litres d’eau.”

Nour ne serait pas Nour sans un trait d’humour et la fin de sa phrase s’étire dans un sourire suite à sa taquinerie. “C’est dans ce moment-là, que j’aurais aimé que tu nous prennes en photo.”

L’aveu est dit, amusé en mimant de ses mains un appareil photo qui prend un cliché. Dans un moment d’intimité, quand le lâcher-prise est là. Une photo brute, douce, sensuelle…L’idée l’amuse un peu et il hausse les épaules, la chassant aussi simplement qu’à sa venue.

“Je vais chercher à boire.” Après une brève caresse sur le bras de l’anglais, le sorcier se relève lentement du lit. Le départ est court, mesuré pour que l’attente ne soit pas longue tandis qu’il revient avec une grande bouteille d’eau fraîche. Une seconde seulement, il reste dans l’embrasure de la porte, fixant l’homme dans son lit. Il aime le voir ici, dans ses draps et cette pensée le fait sourire.

Quittant son observatoire, il approche, s’assoit sur le bord du lit et tend la bouteille pas encore entamée à son amant, croisant son regard sans baisser les yeux. “Tiens.”

Oliver n’a jamais été bon au jeu de l’engagement. Aussi loin qu’il se souvienne, il n’y a eu que Liam. Une histoire balbutiante, marquée par le déni et l’hésitation qui s’est terminé dans les cendres d’un crématorium. Comme souvent, l’animalité du moment recule quand le journaliste laisse sur le dos de son amant quelques baisers. Il y repose le front un instant, profite du doux vertige qui suit l’extase. Là il laisse les cœurs se calmer et l’apaisement suivre. C’est ainsi qu’il comble l’humain en manque d’attention qui existe en lui comme en tout autre. Quand le regard de son amant n’est pas dans le sien. Quand les ombres du plaisir sillonnent encore ses veines et que l’instant s’étire dans cet entre-deux parfaitement intime qu’est la retombée de l’ivresse.

Il cherche le contact, le prolonge, puis libère Nour de son étreinte tout en s’assurant qu’il va bien. Alors son amant se laisse en douceur retomber sur le matelas. Sur le ventre tout d’abord, puis il roule sur le dos et lui adresse l’un de ces sourires emprunts de timidité qui ne cessent d’apparaître depuis que l’intime a remplacé les jeux de séductions plus affirmés. “Je vais bien oui, et toi ? Le journaliste hoche en silence, un petit sourire pendu sur les lèvres. juste besoin de six litres d’eau.”

“Rien que ça !” Un rire joyeux éclate dans sa gorge tandis qu’il s’assoit au bord du matelas pour attraper quelques mouchoirs qu’il a repéré dans les environs de la table de chevet de son amant. De quoi s’essuyer la main tandis que celle de Nour s’attarde sur son torse un instant. “C’est dans ce moment-là, que j’aurais aimé que tu nous prennes en photo.” De nouveau, ce rire joyeux, qui claque sur les murs quand le photographe relève le regard vers Nour qui mime un appareil des années 30 qu’on actionne avec l’index. Lui chasse l’idée d’un haussement d’épaule mais dans un sourire carnassier, Oliver lui chope les lèvres avant de lâcher un “’Me tente pas..!” provocateur.

Lorsque son amant s’éloigne en laissant sur la peau de son bras une caresse furtive, le journaliste en profite pour rassembler mouchoir et capote qu’il jette en rejoignant la salle de bain. Où est-elle ? Nour lui répond de la cuisine et lorsqu’il revient, Oliver en ressort, les mains vides et le corps encore humide du petit coup de propre qu’il s’est donné au lavabo. Les habitudes. Un besoin aussi.

L’homme se glisse sur les draps et laisse le sentiment d’aise s’emparer de lui. Ses paupières se ferment une seconde et s’ouvrent ensuite pour se poser sur la silhouette de Nour restée à l’orée de la porte. Il l’observe dans un sourire communicatif puis se rapproche lorsqu’Oliver laisse un petit soupir amusé passer ses lèvres. La bouteille passe de mains en mains dans un petit signe de remerciement et s’il en prélève quelques gorgées, le journaliste ne peut s’empêcher de glisser un “J’t’ai vu mater..” non pas accusateur mais complice. Il n’en faut pas plus pour qu’il referme la bouteille d’un coup de pouce, passe le bras autour du torse de Nour qui s’est assis depuis, et l’entraîne dans le lit pour l’embrasser de nouveau.

Il est entier, Oliver. Ces instants-là, il aime les vivre pleinement. Ils perdurent rarement bien longtemps.

Il s’humecte les lèvres, l’observant. L’envie de courir ses mains à nouveau sur ce grain de peau. D’en capturer un frémissement. D’imaginer ce qu’aurait rendu un cliché de leur union. Obscène, délicat, sensuel. Dénudé de l'ambiguïté des premiers instants, juste eux, unis, après la première découverte. Après l’appréhension, dans le désir qui grimpe. Dans la candeur de s’aimer, même juste un soir comme celui-ci. C’est le genre de poésie qu’on garde pour soi, qu’on accroche quelque part, en repensant, comme on érige fièrement ses souvenirs. Quelque chose de précieux, car il est personnel, jalousement gardé. Évidemment, Nour aspire à ces moments-là : la richesse d’une étreinte, l’intimité. C’est dans ces petits bouts de soi et de l’autre qu’il se sent enfin lui, libre. Pas aliéné à une forme de relation, à des obligations et des faux engagements.

Nour quitte son lieu de repli et d’observation, cédant à revenir dans le lit. Il s’est rincé, a profité pour ces quelques gestes prosaïques pour se recomposer. Le lit cède sous son poids, les draps sont encore froissés, chauds de leur étreinte. S’affalant contre lui, sa main effleure son bras, dans un prémisse de caresse qui n’a pour but que de reconnecter. Et après ? Juste ce regard, qui se croise dans le sien, s’émerveille du sourire qu’il collecte. Un dernier baiser, l’apaisement qui les gagne probablement en même temps.

Il y à des temps pour parler, d’autres pour ne faire que se frôler, jamais trop fort, en parallélisme, en voulant se toucher sans la passion d’un peu plus tôt. Les yeux papillonnants, il se sent aspiré par un début de sommeil. C’est lent et paisible et le dernier coup d'œil qu’il lui lance transmet plein de choses : des mercis, pour avoir été là ce soir, pour avoir partager cela. Une demande silencieuse, veux-tu rester dormir ? Un espoir peut être, plutôt surprenant de sa part, cela se produira-t-il à nouveau ? En as-tu envie ?

Toutes ces questions ne sont pas destinées à cette fin de soirée. Un baiser en effleurement sur le coin des lèvres, il ferme les yeux, s’endormant dans un sentiment d’aise. Et pour la suite, ni l’un ni l’autre ne savent réellement. Au moins juste pour une nuit, ils se sont aimés.