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Breakdown - Aldric

 :: Autour du monde :: Europe :: — Allemagne
Dim 28 Avr 2024 - 13:32

13 mars 2017

Je flotte. Jamais tout à fait endormie, jamais tout à fait éveillée, coincée entre la douleur et l’épuisement. Les côtes stabilisées par des sorts pulsent pourtant, l’odeur du cataplasme sur les hématomes. Le corps doit se remettre. T’as beau avoir la magie derrière, ça ne fait pas tout. Un bras, ça se répare bien. Une côte ? Tout contre les organes vitaux et les tissus mous ? Bien plus délicat comme opération. Alors il faut stabiliser l’ensemble, aider à la cicatrisation mais rien de plus. Il en est de même pour les contusions. Les nerfs restent à vif, les tissus abîmés, le sang accumulé. D’ici quelques jours il n’y sera plus mais là… là j’ai la gueule d’un chien de casse, tabassé et laissé pour mort.
C’est pas vrai.
C’est pas si loin.
La gorge va mieux, grâce aux soins de Maxence. Mais y jeter un œil suffirait à y voir les marques noires des doigts qui l’ont serrée trop fort.

Alors je flotte. Parce que le sommeil est parfois avare, que la fatigue est prolixe. Je flotte pour pas penser.
J’ai quitté la coloc, n’ai pas rejoint l’appartement de Dorofei, n’ai vu personne. Je suis arrivée ici, cachée sous une capuche avant de transplaner directement dans le salon où je me suis effondrée pendant de trop nombreuses heures, incapable d’aller plus loin que le canapé.
Il reste autour de moi tous les indices de la rupture nerveuse. Les chaussures enlevées en bas et laissées sur place, une sur les coussins du sofa, la seconde sur le tapis. La veste enlevée difficilement et abandonnée sur la rampe de l’escalier quand j’ai finalement eu le courage de me lever. Le verre, servi en bas et oublié, rompue par l’épuisement. La porte, repoussée sans la fermer. Le miroir sur pied de la chambre, retourné pour ne pas voir l’étendue des dégâts. Les volets abaissés. Le téléphone, abandonné sur l’oreiller et vidé de sa batterie depuis longtemps à force d’avoir tourné en boucle sur des vidéos youtube à la con pour m’empêcher de réfléchir. Les fringues que j’ai pas enlevé. Les chiottes même, dont j’ai pas toujours tiré la chasse d’eau, seul aller retour que je me suis permis depuis deux jours.
Le lit. Seule. C’est tout. Les yeux fermés, le creux à l’estomac, le corps qui se révolte de tout.
Les traces de larmes sur l’oreiller, sec depuis longtemps, comme mes yeux qui ne veulent plus couler.

48h d’épuisement, de décompensation pour lécher mes blessures loin de tout et de tout le monde. Loin de ma grande gueule et des épaules qui restent droites. Roulée en boule sur ma douleur, incapable de m’allonger simplement sur le dos même si ça faciliterait l’action des sorts sur mes côtes.

Il faudra deux semaines pour que les hématomes passent du noir au violet, puis au rouge, au jaune et au vert. Ma main gauche est encore sombre, bien que dégonflée et à présent indolore. Le damier de mes bras me saute aux rétines chaque fois que j’ouvre les paupières. Quand aux côtes et à la gorge…
Je garde les yeux fermés. Sombre. Refait surface. Sombre encore.
J’affronte dans la nuit les ombres de la bataille. L’homme sur moi, son excitation à l’idée de me frapper, la lame qui se plante dans son cou, les yeux écarquillés. Puis l’autre et ses bras refermés sur ma gorge, les pieds qui battent le vide, les coups qui n’atteignent rien. Un sanglot dans le réel. Le corps qui tombe au sol et manque quelques parcelles de sa propre histoire débitée en flashs comme si quelqu’un avait accéléré les scènes sur une plateforme de stream. Puis de nouveau le poids d’un homme, la force de ses mains. Celle qui s’étale et se tors jusque dans le monde charge. Celle qui fait surgir d’autres souvenirs, bien plus lointains.
Dorofei d’abord. Trop proche.
Nan, les souvenirs que je fuis sont plus anciens que ça. Ils écrasent le corps d’une enfant, exigent, prennent. Elle plie. Fait. Il suffira de ne plus y penser.
Il suffira juste d’oublier.

Alors les ombres dansent dans la chambre, se referment et jouent avec les terreurs passées. Elles susurrent sur ma nuque comme il serait simple de rejoindre ma mère. Comme il est aisé de briser un corps, qu’importe l’entraînement, qu’importent les muscles durement gagnés. Comme elle reste une putain de poupée de cire aux yeux de verre.
Et puisque les ombres dansent, elles se rapprochent. Elles se meuvent sur le parquet, grandissent au dessus de moi. Elles égarent leurs regards, leurs mains, elles sortent une lame ou dégainent un flingue. Elles posent le tout sur la petite table à côté du lit et grossissent plus encore quand elles se penchent. Lentement. Centimètre après centimètre.

Un bruit.

La douleur flambe mon corps entier quand il se déplie comme un ressort. Le téléphone vole quand ma main attrape la lame sous l’oreiller et la balance droit vers l’ombre qui bloque le coup, intercepte l’arme tenue de ce bras rendu si faible par l’épuisement.

Un instant, je ne comprends pas. Ça explose dans mes veines ; mon cœur fracasse les côtes déjà brisées ; les tremblements secouent mes membres.
L’ombre est humaine. Solide. Si proche.

Puis elle trouve un visage et l’air qui s’engouffre dans mes poumons émets ce qui devrait être un grondement, mais n’approche rien d’autre qu’un glapissement rauque.

La lame échappe ma main et tombe au sol et j’inspire toute la terreur qu’il m’a inspirée. En ravale ce que je peux. Et n’arrive pas à prononcer le moindre mot.
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Jordane Suzie Brooks
Jordane Suzie Brooks
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Jordane Suzie Brooks
Mar 30 Avr 2024 - 15:35

Breakdown


🙤 Bayreuth, Allemagne
🙤 13 mars 2017

 ft. @Jordane Suzie Brooks

3 mars 2017
Cilaos, Île de la Réunion

Les températures sont bien redescendues à Cilaos. Difficile de croire que deux semaines plus tôt, il faisait encore plus de trente degrés la journée, et une belle vingtaine de degrés la nuit. A présent, André s’emmitoufle dans son plaid sur le canapé, un livre épais sur les genoux, tandis que le chat de la case se love sur les briques devant la cheminée. Le feu ronfle dans l’âtre et réchauffe le salon. Le thermomètre extérieur affiche moins deux degrés, et il n’est que vingt deux heures. Au petit matin, le givre recouvrira l’herbe comme les pare-brises des voitures qui ne connaissent pas l’abri d’un garage.

Et dire qu’à moins d’une heure de route, la météo s’avère assez clémente pour errer dans les rues en t-shirt et en claquettes.

Aldric lâche un soupir. Il pose son crayon sur la table, passe une main contre son front. Peut-être qu’il pourrait rejoindre la côte ouest pour le reste de la soirée, profiter des plages de la Saline, déguster un américain bouchons avec une dodo sur le sable blanc. S’accorder un peu de répit au lieu de plancher jour et nuit sur la constitution de son réseau.

Les feuilles ensorcelées s’étendent devant lui. Si André se penche par-dessus de son épaule, il ne comprendra rien à tout ce charabia. Et de toute façon, André ne se penchera pas par-dessus son épaule. André a toujours respecté ses silences, ses secrets. Peut-être qu’il sait, dans le fond. Pas pour la magie, mais pour la vie pleine de remous d’Aldric. Pour le sang qu’il a sur les mains. Pour le danger qu’il encourt au quotidien. Et s’il sait, André n’a jamais changé son attitude, pas plus qu’il ne lui a demandé de partir. Comme Dante et Ajay avant lui, il lui tend la main sans rien lui demander en retour. Mais cette fois, Aldric ne se cache plus. Il a conscience de ce que lui offre André, et il le chérit.

Et même s’il n’a rien à André, que le silence comme les secrets restent maître entre eux, Aldric s’est davantage dévoilé à André qu’à n’importe qui.

Ou plutôt, il est le premier, car d’autres désormais en apprennent davantage sur Aldric, car il le veut bien. Il abat certaines barrières, tend la main, offre un milieu empli de confiance. Il se forge son réseau comme ses alliés, et il ne laissera pas les coups bas prendre le dessus.

Alors il travaille d’arrache-pied sur son réseau. Il consolide chaque planque, tisse une toile épaisse pour assurer la sécurité de ses compagnons de route. Il ne laisse rien au hasard. Il est le seul à connaître l’intégralité des planques - même Leslie, qui est le plus proche de ce qui peut être considéré comme un ‟bras droit”, ne les connaît pas toutes. En cas de fuite, il identifiera sans difficulté son origine ; pas qu’il doute de ses acolytes, mais les moyens pour arracher des informations précieuses sont légions. Aldric en sait quelque chose, alors il prend ses précautions. Il liste les objets manquants, ce qu’il reste à faire, les zones qui ne sont pas couvertes. Une autre feuille récapitule les actions des Supérieurs dont il a entendues parler, avec des indications d’importance pour celles qui nécessitent des actions.

Un autre feuillet, entièrement codé et sans le moindre nom figurant dans les lignes, récapitule les forces et les faiblesses de chaque membre de son réseau. Leslie. Beck.

André, dans une certaine mesure. Même si son logeur ne connaît guère ses agissements, Aldric l’intègre dans ses calculs, dans toutes ses considérations pour l’empêcher de connaître le même sort que le vieux libraire.

La case d’André constitue la planque zéro, celle connue uniquement d’Aldric ; celle qui représente son ‟chez lui”.

Lors des absences d’André, parti rendre visite à ses voisins, faire une promenade ou des courses, Aldric a pris soin de la sécuriser. Rien de très palpable, car la discrétion prime sur le reste, et il ne tient pas à dessiner une cible sur la case avec une prolifération de sortilèges, mais si un intrus approche un peu trop de la case, il le saura.

Une couverture atterrit sur ses épaules. Aldric redresse la tête, croise le regard soucieux d’André. Le vieil homme lui adresse un sourire.

— Va t’coucher. Tu dors debout.

Avec les semaines, Aldric comprend davantage son créole à couper au couteau, mais les émotions transmises par la voix d’André lui parlent davantage. L’aident à comprendre les mots qu’il rate. Il soupire, encore ; se frotte le visage. Il hoche la tête. Ne lutte pas. A quoi bon ? André lui tiendra tête. La dernière fois qu’il a discutaillé, André s’est vengé avec le rougail oignons. Aldric en a encore un souvenir cuisant.

Alors il range ses feuillets, débarrasse la table sous le regard satisfait d’André. Il jette une nouvelle bûche dans le feu, car le vieil homme compte encore lire sur le canapé, et caresse un instant le chat qui ne bronche pas. Puis il disparaît dans sa chambre, sans chercher à truander son logeur en poursuivant son travail assis sur le lit, le dos calé entre le mur et les oreillers.

C’est étrange, après toutes ces années, d’avoir un ‟chez lui”. Même à Londres, ce sentiment lui était étranger.

֍ ֍ ֍

13 mars 2017
Bayreuth, Allemagne

Ne pas recevoir de message de Beck l’inquiète.

Les jours défilent et aucune réponse. Au départ, Aldric a pensé qu’elle était occupée, avec la Garde peut-être, ou avec n’importe quelle activité qui concerne sa vie privée. Il s’en fiche, dans le fond. Elle travaille avec lui, mais il n’a pas à savoir tout ce qu’elle fait à n’importe quelle heure de la journée. Alors il ne s’en est pas soucié. Il lui a envoyé son message pour caler leur prochaine rencontre, puis il a poursuivi ses propres affaires.

Mais Beck n’a pas répondu. Il n’est pas certain qu’elle ait lu son message. Son occupation lui prend peut-être plusieurs jours, qui sait ? Mais l’inquiétude prend le relais. Lorsqu’il l’a convaincue d’accepter les clefs de la planque, il ne lui a pas jeté des paroles en l’air. Il les pensait toutes sincèrement, y compris lorsqu’il a parlé de protection. Elle travaille avec lui. Elle a sa confiance. Elle est sa partenaire, et il ne compte pas lui tourner le dos.

Mais elle ne le sollicite pas. Qu’importe la merde dans laquelle elle s’est fourrée, elle ne l’appelle pas. Par fierté, peut-être ? Ou par manque de confiance ?

Ou peut-être qu’il s’inquiète pour rien, et qu’elle fait les quatre cents coups à l’autre bout du monde avec des amis pour décompresser. Aldric ne lui jette pas la pierre ; lui-même s’avère peu disponible lorsqu’il est à Cilaos. Il garde un œil sur ses prépayés, au cas où, mais à moins d’une affaire urgente, il joue les abonnés absents. Personne ne sait où il est, de toute façon.

Le soupir dans l’âme, Aldric tâche d’oublier ses inquiétudes pour se concentrer sur son boulot. Il prévoit de se rendre à la planque dans la campagne de Bayreuth pour apporter le matériel manquant qu’il a relevé la dernière fois - et de faire pareil pour plusieurs autres planques. Il ne lésine jamais sur les stocks ou sur les fournitures ; en cas de coup dur, il souhaite parer à toute éventualité.

Après plusieurs transplanages pour disperser les pistes, comme à son habitude, il arrive en voiture à la maison, comme un banal moldu. Rien d’anormal. La petite vieille a le nez collé à la fenêtre quand il passe avec sa twingo, à deux rues de là. Ce village apporte une constance tranquille qui détonne avec le but premier de cette maison.

Les sacs dans une main, la clef tourne dans la porte, puis il referme derrière lui. Les sacs atterrissent sur le carrelage dans la foulée pour libérer ses mains et attraper ses armes. Aucune alarme n’a retenti pourtant, mais ce désordre n’est pas celui de Dietrich, encore moins de Franzë.

Beck.

Sans plus se soucier du reste, Aldric suit la trace laissée par les vêtements échoués, une main toujours sur ses armes en cas de besoin. Il grimpe les escaliers, les sens en alerte. Les hypothèses fusent dans sa tête mais il n’en considère aucune. Il n’imaginera rien, surtout pas le pire. Et pourtant, il retient son souffle lorsqu’il pousse la porte de la chambre, lorsqu’il découvre Beck sur le lit, le corps tuméfié aux couleurs si lourdes de sens.

Quel sentiment prédomine à cet instant ? La colère, la peur ?

Aldric relâche la pression sur ses armes, puis s’avance d’un pas doux vers le lit. Le parquet craque. La lame vole vers lui, tenue par un bras trop faible pour offrir une réelle résistance ; il attrape et bloque le poignet sans difficulté. Il appuie ce qu’il faut pour pousser le corps à lâcher l’arme, puis il la relâche. Ses yeux dévalent le corps martyrisé par des inconnus, marqué par des hématomes noirâtres qui ne disparaîtront pas avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Ils croisent ceux de Beck, emplis d’une terreur sourde qui s’étiole petit à petit sans disparaître complètement.

Pas un mot ne trouble le silence. Aldric ramasse la lame, la pose à côté de l’oreiller, de Beck, puis il disparaît comme il est venu. Il gagne la cuisine, où il attrape verre, bouteille d’eau, fruits et petits pains. Il récupère aussi de la glace, qu’il glisse dans une poche bien serrée. Il fait un crochet par la salle de bains pour récupérer des médicaments et du matériel de soins. Et après avoir vérifié que tout est bien verrouillé au rez-de-chaussée, il remonte.

A nouveau dans la chambre, il dépose son butin sur la table de chevet.

— Si t'avais appelé, je serais venu.

Pas un reproche. Ce n'est pas l'heure des reproches. La confiance est encore frêle, et Aldric comprend pourquoi Beck n'a pas appelé. Mais il lui fait savoir qu'il est là, qu'il sera là si elle le lui demande.

Et même si elle n’a rien demandé, il est là pour elle.

Il sert un verre d’eau, attrape un doliprane pour aller avec. De quoi apaiser la douleur avec la poche de glace. Il laisse la boîte bien en évidence, ne fait rien dans son dos.

— T’as mangé ?
(c) Taranys
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Ajay « Aldric » Tivari
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Ajay « Aldric » Tivari
Mer 1 Mai 2024 - 0:55
Il y a tant d’ombres dans mes souvenirs. Des formes menaçantes que j’ai juré d’oublier. Des décisions sales. Des doutes et des lendemains incertains que j’ai repoussé si loin que j’ai fini par ne plus les voir.
J’ai mal. J’ai froid. Je me fous des ombres mais elles ne se délogent pas. Elles glissent sur ma peau, y passent les doigts, me pourrissent de leur souffle. Elles lèchent jusqu’à ma gorge et me laissent asphyxiée. Elles rampent sous les draps, ondulent sous mes paupières. Elles râlent si près de mes tympans..
D’ombre, il en est une qui se penche sur moi, pourrait soulever les draps dans lesquels j’ai passé ces trois derniers jours. Inutile pourtant ; la dernière fois, je m’y suis laissée tomber sans assez de force pour m’y emmitoufler.
D’autres ne voient qu’une silhouette sur un lit. Moi j’y vois un corps vulnérable. Un corps dont l’anxiété explose brutalement quand on se penche sur lui comme d’autres se sont trop penchés, quand il a fallu prendre des décisions, serrer les mâchoires ou les ouvrir et estimer que rien n’a vraiment d’importance.
C’est un véritable coup de jus qui m’arrache à la torpeur, gagne tout mon être et balance une lame droit vers la silhouette. A peine consciente de l’action, je crois pourtant que j’aurais pu simplement abattre le vide tant rien de ce qui me passe dans le crâne est véritablement palpable.
J’le sais. Des mauvaises nuits, j’en ai eu deux trois …

Centaines.

La poigne de l’homme se referme sur la mienne et me rappelle en mordant mes nerfs à quel point ces ombres-là me terrifient. J’ai largué mes défenses, rangé ma grande gueule et tu mes bravades pour ne plus être qu’une immense contusion qu’on doit laisser tranquille pour qu’elle guérisse. Il n’y a plus rien à faire, seulement attendre. Les sorts brûlent parfois mes côtes, signe qu’ils travaillent pour aider à ressouder ces os trop proches des organes vitaux pour tenter un sort plus immédiat comme sur les bras. C’est bon, là encore, pas ma première mauvaise nuit. Je connais le discours. Et j’ai déjà vu des pseudo médicomages à la manque capables de tenter ce genre de blagues. Je sais aussi qu’il faudrait appliquer les cataplasmes et les baumes que j’ai dans mon sac. Pour ça, il faudrait faire face à ma gueule de dalmatien. Sauf qu’ici, j’ai le droit d’abandonner, juste quelques jours. Le droit d’être lâche, le droit de ne pas regarder. Le droit de juste pas avoir le courage de tenir debout quand j’ai trop encaissé, trop longtemps. D’aucun dit que c’est de la décompensation. Moi j’appelle juste ça une pause.
Sauf qu’une pause, ça nécessite qu’on ne me regarde pas.
Et l’ombre me dévisage.

La lame tombe au sol dans une sensation qui me foudroie d’angoisse. Celle d’une poigne trop forte pour moi, qui me presse et force à lâcher l’arme qui aurait pu, un autre jour, constituer le spectre du salut.
Un autre jour, car là elle tombe, inerte.
Un autre jour, car à finalement reconnaître Aldric et sentir sa poigne me lâcher, je sais qu’elle sera inutile.
Ça, c’est ce que je dis. Ce que je répète. Ce que j’affirmerai haut et fort s’il s’agissait de le clamer.

C’est ce qu’il murmure, à sa manière, en ramassant la lame pour la poser près de moi.

Pourtant quand il se relève après m’avoir fixée un instant, sort et prend la porte, je me recroqueville plus encore, bercée d’un frisson glacial. Je pourrais ignorer mes tremblements ou la manière maladive que j’ai de retomber sur le matelas et d’attraper les draps pour les refermer sur moi. Je pourrais taire cette panique sourde, venue de loin, qui pousse mon esprit à imaginer bien des scenarii.
Je pourrais faire “comme si”, comme je fais tout le temps. Mais je me roule sous des draps mal mis qui me recouvrent à peine tant mon corps les bloque. J’y enfouis des jambes nues et un t-shirt trop large. J’enroule mes doigts sur la lame et appuie sur le métal pour y puiser un calme que j’ai pas.

Mais il revient. Ou plus exactement, il rôde à l’orée de mes pensées, assez pragmatique pour repousser les images déviantes de mon esprit fatigué. J’écoute ses pas. Les bruits dans la cuisine, le passage dans la salle de bain, le retour dans l’escalier puis la porte qui s’ouvre et les lattes qui grincent.
Comment j’ai fait pour pas entendre, avant ? Un frisson passe.
Puis Aldric dépose quelque chose sur la table de chevet.

— Si t'avais appelé, je serais venu.

Le cœur fracasse les côtes malades et j’inspire trop fort un instant. Assez fort pour que ça crisse là dessous et que j’enfouisse mon visage dans l’oreiller.
Une gamine.
T’es pas une putain de gosse, arrête. Juste, arrête.

Si t’avais appelé, je serais venu. Le pire, c’est que je sais que d’autres l’auraient fait. Enzo et Alec en premier lieu. Que j’avais une chambre toute désignée pour me poser.
J’ouvre les paupières, les pose sur la poche de glace. Puis les referme un instant.
Mais j’me suis isolée. Pour permettre aux larmes de couler et à l’angoisse de frapper. Pour vivre la douleur plutôt que de tenir debout quand j’y arrive pas.
Sauf que t’es là, et ça fait pas mal foirer le plan.

— T’as mangé ?

Je lâche un grondement, de sous les draps, comme une foutu ado geignarde.
Et là ? T’es toujours sûr des compliments que tu m’as asséné ? Ou t’admets que ça flingue un peu le tableau ?

J’inspire, bloque, grimace de toutes les douleurs qui dégringolent de ma gorge à mes côtes. Ça “va”, pourtant. C’est rien par rapport à ce qu’il y avait avant que Maxence n’intervienne. Au moment où Léon pariait ma survie avec un dé dix. Mais ça a beau n’être rien, à présent c’est trop. Ça l’est toujours quand il n’y a personne et que je suis seule pour me faire face.
Mais puisque ce n’est pas le cas, j’expire doucement avant de me sortir la tête des draps. Je le fixe un instant, ramène le regard sur le doliprane et l’eau que j’ai jamais vraiment lâché du regard quand il les a sorti.
Les côtes renâclent quand je me redresse. Là encore, un mal nécessaire pour éviter de trop forcer sur les sorts mis en place.
J’ai même l’étrange sensation que les os de mes bras vibrent, quand je tire le drap sur mes jambes. Globalement épargnées, bien que marquées également.

- Nan.

J’ai pas mangé.
Et bien sûr, il a ramené de quoi m’alimenter.

Rien que je n’ai pas vu. C’est pourtant lui que j’observe un moment. La tête tourne, la douleur tape. Et j’ai pas envie d’avoir la force de faire “comme si”. Mais il est là.
Mes doigts se crispent un peu plus sur les draps, tirent encore le tissu sur mes cuisses.

- Tss, dis-moi qu’t’es gay. Je peste, en tendant le bras vers le doliprane. A repousser les larmes, je rameute la colère, l’agacement, les râleries. En vain, mon bras retombe sur l’oreiller et m’apprennent qu’il me faut m’asseoir, les gestes en diagonales me sciant le torse.
Alors en détournant le regard, je me force à me hisser sur le lit. Ça va. C’est juste toujours pire quelques jours après, avant que le mieux ne revienne. Quand l’adrénaline a cessé d’agir, que les soins doivent faire effet et que… que j’ai perdu la foi de me battre quelques temps.
Mais son regard d’aigle est là, donc je me rassoie.
Et avale le doliprane.
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Jordane Suzie Brooks
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Mer 1 Mai 2024 - 2:11

Breakdown


🙤 Bayreuth, Allemagne
🙤 13 mars 2017

 ft. @Jordane Suzie Brooks
Rester calme lui demande un sang-froid à toute épreuve. Aldric puise dans ses réserves, dans celles qu’il consacrait autrefois aux missions sous la houlette de Rossignol. Lorsqu’il plongeait dans l’esprit des prisonniers pour en extraire jusqu’à la plus petite information possible. Il n’avait pas d’autre choix que de rester calme. Imperturbable. Il ne montrait aucune émotion lors de ces heures sombres, seulement de l’indifférence à la souffrance qu’il causait. Aux suppliques qui résonnaient dans les cellules.

Mais cette fois, il n’offre pas de l’indifférence à Beck. Il conserve son calme pour être en mesure de l’aider. Ses mains se crispent par moments, avant qu’il ne se force à les desserrer. Il s’oblige à ne pas noyer Beck sous les attentions, alors que ses yeux couvent la jeune femme. Le drap ne suffit pas à dissimuler l’ampleur des dégâts. Et derrière chaque hématome, chaque plaie, Aldric devine les coups encaissés. Il retrace les combats, ce qu’ils ont pu être, toute leur violence qui aurait entraîné dans la tombe n’importe qui d’autre. Mais Beck est toujours en vie, face à lui, laissant dans son sillage l’envie de retrouver les coupables et de leur rendre la monnaie de leur pièce. De fouiller les tréfonds de leur mémoire jusqu’à leur faire regretter le jour où leurs parents ont décidé de s’envoyer en l’air.

L’envie le démange. Il ne demande pas d’explications, seulement des noms, des lieux, des apparences ; de quoi dénicher les coupables, peu importe où ils se terrent. De quoi leur faire vomir leurs tripes par la suite.

Mais Aldric ne pose aucune question. Il muselle sa colère et sollicite tout le sang-froid dont il est capable. Rien de tout ça n’a d’importance. Ce qui compte, c’est d’être aux côtés de Beck. D’être là pour elle. De la rattraper si elle tombe.

Il la laisse faire. Lui laisse tout le temps du monde pour faire ce qu’elle souhaite. Il ne bronche pas face à ses grognements plaintifs, n’émet aucune remarque. Elle ne s’attendait pas à le voir débarquer. Sans doute souhaitait-elle rester seule, et Aldric a compromis ce plan. Alors à défaut de partir, il n’intervient pas plus que nécessaire. Ne la couve pas comme il veillerait sur une gamine. Il attend jusqu’à ce qu’elle soit prête.

Elle se redresse, grogne face à la douleur qu’elle contient, remarque le doliprane comme la nourriture - encore. Même allongée, les gestes d’Aldric ne lui ont pas échappé. Elle reste sur ses gardes, aussi craintive qu’un animal blessé - qu’a-t-elle donc vécu pour se murer derrière une telle méfiance ? La question demeure lettre morte. Trop de choses, à tous les coups. Les fantômes qui dansent dans ses yeux ne lui sont pas inconnus.

Aldric pousse la nourriture comme le verre vers Beck, mais pas un mot n’accompagne son geste. Un rappel silencieux, qui n’engage personne. Elle fait bien ce qu’elle veut, même s’il refuse de la voir dépérir. Si elle s’entête sur cette voie, il agira différemment, mais pour l’heure, ils n’en sont pas là. Et il espère qu’ils n’en arriveront pas là.

Puis tombe une question surprenante, à laquelle Aldric ne s’attendait pas. Il la dévisage, tâche de comprendre ce qui cogite sous les mèches blondes. Pourquoi ce sujet, entre tous les sujets possibles et inimaginables ? A-t-elle peur qu’il cherche à tirer profit de sa situation ? Que la situation dérive entre eux ? Que ses gestes veuillent dire autre chose, depuis le début ?

Aldric baisse la tête, lâche un bref soupir. La question n’appelle pas vraiment de réponse, en réalité. Une sorte de boutade mal placée, mais qui témoigne d’une crainte bien concrète. Fondée, peut-être - mais là encore, toujours aucune question de sa part.

Et la confiance ne sort pas de nulle part. Des confidences lâchées à droite à gauche la construisent, comme les gestes qui valent parfois plus que mille mots.

La confiance. La sincérité.

Ne plus se cacher, surtout.

Aldric se l’est promis le jour où il a refait rouler les dés pour avancer, au lieu de reculer.

— Ouais. Silence. Il pèse ses propres mots, cette confidence qu’il ne fait presque jamais. Ça t’pose un problème ?

Il redresse la tête, braque son regard sur Beck. Il ne cherche pas à savoir le pourquoi derrière cette demande. Il l’observe plutôt se battre contre son propre corps pour avaler le doliprane. Elle réprime la douleur, tâche de maintenir les apparences.

— T’as le droit d’avoir mal. De demander de l’aide. Elle le sait sûrement, mais l’entendre à nouveau fait parfois connecter les neurones entre eux. Et Aldric apprécierait qu’elle percute. La voir s’entêter de la sorte lui soulève le cœur. Tu crois que mon estime pour toi baissera si tu m’demande de l’aide ? Si t’affiches ta douleur ?

Il attrape une clémentine, la pèle sans réfléchir et la tend vers Beck. Elle a le droit de refuser, même si elle a besoin de nourrir son corps.

— Tu fais partie du réseau. Rien changera ça. Et t’as droit à sa protection. De la redite, mais qu’importe. Elle a besoin de l’entendre à nouveau. T’es pas en état, alors je veille sur toi. Autrement, je me serais pas fait chier à te recruter si c’était pour t’abandonner à la première difficulté.

Il croise son regard, le soutient pour bien ancrer ses propos.

— Je te rattrape si tu tombes.
(c) Taranys
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Ajay « Aldric » Tivari
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Ajay « Aldric » Tivari
Jeu 2 Mai 2024 - 23:42
J’ai pas la force et je déteste l’admettre. J’ai pas la force et ça n’a jamais rien apporté de bon. Il en faut des années, pour construire une carapace qui refuse de plier. Il en faut des impacts quand on avait décidé de s’ouvrir. Il faut des luttes, des pleurs, des disputes. Il faut son lot d’injustice.
Je voudrais affirmer n’avoir jamais craqué. Mais ce serait faux bien sûr. Tout le monde craque.
Tout le truc, c’est ce que ça amène. J’ai sous la peau des souvenirs dont je ne veux pas. Des expériences sales et malsaines qui rappellent pourquoi craquer, c’est juste pas une bonne idée.
Je le sais ; quand une digue tombe, la reconstruire est compliqué. Alors je voudrais rassembler la force, expulser l’épuisement, éloigner cette sensation sordide qui me flingue les nerfs. Choisir est une chose, même quand on a seize piges. Être à la merci d’un autre, c’est différent.

La surprise se lit dans le regard d’Aldric dont je quitte le tranchant, pas tout à fait sûre d’assumer ce que je viens de lâcher. Le sujet, c’est pas sa sexualité ; c’est la mienne. Un truc qui émerge bien malgré moi, échappé par l’angoisse lancinante que la situation provoque chez moi.
Il baisse le regard, souffle. Et moi je suis déjà passée à autre chose. Comme si la boutade n’en était qu’une. Une pensée verbalisée sans que j’en prenne vraiment conscience. Un truc qui, en vérité, ressemble davantage à une supplique qu’à une râlerie : dis-moi que t’es gay. Mens-moi. Rassure-moi. Dis-moi que tu t’en fous, que tu vas pas vriller, que je vais pas être incapable de me défendre si ça dégénère.
Je m’en veux de penser comme ça. Pour moi. Parce que je refuse d’en être encore là. Coincée dans l’une des vies passées, emmurée dans un lit sale, des lattes dures ou une moquette brûlante. Je haïs cette pensée lugubre qui refuse de me lâcher si tant est que je sois en position de faiblesse. Je haïs ce que ça dit de moi. Et je haïs que cette gorge soit toujours douloureuse malgré l’os hyoïde remis en place et les sorts pour soigner les tissus. Restent que les hématomes mettent du temps à se résorber et qu’on n’efface pas deux tentatives d’étranglements si vite. Trois en vérité, mais ça, ma peau ne le dit pas.

— Ouais. Je déglutis ma deuxième gorgée de flotte, remonte le regard vers le sien, presque sans comprendre ce qu’il dit. Ce qui me surprend n’est pas le propos - qu’il mente ou pas d’ailleurs - c’est le silence qui suit. Il y a une forme de pesanteur là-dedans. Un truc que j’attendais pas tant j’ai sorti ça avec tout le désintérêt de celle qui ne pense qu’à elle. Mais au travers cette pièce bien trop remplie de moi, de ma souffrance, de mon présent, de mes défauts et de mon passé, c’est un parfum de confidence qui flotte un instant. Un peu d’autre chose que de mon mal-être, qu’il braque dans mon regard à sa manière, tout à la fois neutre et intense. Ça t’pose un problème ?
Si ça me dérange ?
- Ça m’arrange.
Je pourrais me fendre d’un rire nerveux bien sûr. Ou enchaîner sur une réflexion à base de “c’est moins pratique pour draguer”. Mais je manque de force pour les faux semblants. C’est un truc qui lui crève les yeux. Et donc naturellement, ça m’emmerde que ce soit aussi évident.

— T’as le droit d’avoir mal. De demander de l’aide. Quelques mots qui suffisent à me percer le cœur. Embolie sous mes côtes. Je rabaisse le regard. Tu crois que mon estime pour toi baissera si tu m’demande de l’aide ? Si t’affiches ta douleur ? Mon regard retombe sur mes bras bariolés de noir. Ceux qui ont tout pris sans céder, miracle du mois de mars. Sur ma main gauche, la dominante quoi que j’ai pris le parti de me  faire passer pour droitière, dont le pouce a été démis et quelques os brisés, ressoudés depuis. Les contusions sont violettes à rougeâtre, déjà prêtes à se résorber. Puis mon regard glisse plus loin. Sur la cuisse qui émerge des draps quand je les ramène douloureusement sur mon torse. Là où se trouvent la majorité des dégâts, sous le t-shirt, loin de son regard et du mien. Pourtant quand j’inspire, j’imagine la trace noircis des doigts qui décorent ma gorge et ferme les yeux un instant.
Quand je les rouvre, il me tend une clémentine, pelée. Que je prend sans y toucher, calée entre mes genoux, entourée de ces doigts graciles qu’on imagine davantage voleter sur les touches d’un piano qu’à distribuer des mandales et planter une lame.

— Tu fais partie du réseau. Rien changera ça. Et t’as droit à sa protection. Mon souffle se coupe, en suspens. Je referme les paupières, presse la chair du fruit entre mes doigts. T’es pas en état, alors je veille sur toi. Autrement, je me serais pas fait chier à te recruter si c’était pour t’abandonner à la première difficulté. Puis les rouvre, et le regard y est humide ; le souffle raccourcit.
— Je te rattrape si tu tombes.

C’est le genre de trucs qu’on dit, avant que l’autre ne déçoive. Avant de cogner ou de rejeter. Le genre de trucs qu’on m’a déjà dit, mais dont l’auteur n’est plus dans ma vie.
Alors un souffle passe sur ma lèvre quand un sourire la tord en coin. Et j’y passe un quartier de l’agrume, le mâche en silence avant de l’avaler.

- Ouais.. Pas tout à fait convaincue, sans doute. Désolée. Je voulais pas… pousser à la confidence. Changement de sujet, oui. Parce que j’assume rien, que je veux pas m’effondrer en larmes comme une gamine, que je sais pas lâcher du lest quand on me dit de le faire. Sans doute encore moins dans ces cas-là, d’ailleurs.
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Jordane Suzie Brooks
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Jordane Suzie Brooks
Ven 3 Mai 2024 - 0:47

Breakdown


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 ft. @Jordane Suzie Brooks
“Ça m’arrange.”

Des mots étranges, incongrus. Inattendus, surtout.

Des mots qui lui donnent envie de rire, tant ils sont surréalistes. De rire de cette acceptation si banale, de l’attrait qui se cache derrière, bien loin des relents putrides dont il a d’ordinaire l’habitude. De sa stupidité à craindre un jugement.

Et pourtant, ces mots n’ont rien de drôle. Derrière les lignes se cachent des vérités lugubres, qu’Aldric peine à discerner pour l’heure. Des hypothèses se tissent pourtant dans sa tête, brossent un portrait peu racoleur, et lui rappellent à quel point il ne connaît pas cette gamine. Il l’a croisée un jour à Maurice, où ils ont essayé de se planter mutuellement, puis silence radio jusqu’à leurs retrouvailles inopinées au sein de la Garde. Il a alors mis un nom, un surnom plutôt, sur cette tête au caractère bien trempé, et s’ils ont enterré la hache de guerre de cette vie lointaine, ils n’ont pas parlé du reste. La paix a seulement instauré le statu quo - et se croiser à Cilaos n’a rien changé de plus. De nouveaux noms, un silence compréhensif, et un nouveau statu quo. Rien de plus.

Il bosse avec elle depuis plusieurs semaines désormais, lui apprend ce qu’il sait pour lui donner les armes nécessaires à sa survie, mais il ne sait rien d’elle. Elle le suit sans rien savoir de lui, mais il n’est pas mieux non plus. Elle est une inconnue, un surnom perdu dans le méandre des mensonges et des demi-vérités assenées pour dissimuler les fantômes du passé, et il lui a pourtant accordé sa confiance. Il l’a pris sous son aile. Elle est l’une des raisons qui l’ont poussé à ne pas tourner les talons une nouvelle fois.

Peut-être même la raison.

Aldric pose son regard sur elle, la dévisage comme s’il la regardait pour la première fois. Sa réflexion le surprend lui-même, mais d’un autre côté, elle possède une vérité indéniable. Des promesses le lient peut-être à Alec, et ce gamin a peut-être été le déclencheur d’une vaste remise en question, mais leur relation est différente en tous points. Il s’est confié à Alec pour gagner sa confiance. Il n’en a pas eu besoin avec Beck. Ils n’ont pas ce lien de mentor et de protégé. Il enseigne certes ses méthodes à Beck, mais il la considère davantage comme une égale. Sa partenaire.

Beck ne travaille pas pour lui, mais avec lui. Et c’est là toute la différence.

Alors peut-être bien qu’il est resté pour ne pas abandonner Alec alors qu’il a promis de l’aider, mais c’est Beck qui l’a déniché à Cilaos. Beck avec qui il partage ces silences si lourds de sens. Beck auprès de qui il se confie sans réfléchir.

Il n’a même pas proposé à Alec de le rejoindre dans son réseau. L’idée ne lui a même jamais traversé l’esprit.

Aldric n’a jamais su ce que c’était, avoir une sœur. La sienne l’a trahi si souvent que ce mot n’a plus aucun sens entre eux. Il n’a fait preuve d’aucune pitié envers elle lors de leurs retrouvailles. Tout le concept de famille est une notion des plus abstraites pour lui, mais petit à petit, il le découvre au fil de ses rencontres.

André est sans doute ce qui s’approche le plus d’un père pour lui, ou d’un grand-père, ou d’un oncle - il n’en sait rien, une figure masculine qui veille sur lui, lui offre le gîte et le couvert sans question.

Mais s’il devait avoir une sœur, une petite sœur, ce serait Beck.

La pensée fait son bonhomme de chemin dans sa tête, sans même qu’il ne comprenne son origine, mais il ne peut nier sa relation particulière avec la jeune femme. Ce qu’elle lui apporte au quotidien, ce qu’il fait pour elle.

Pas plus qu’il ne peut nier la colère froide qu’il contient, dirigée contre ceux qui l’ont blessée de la sorte. Contre ceux qui la rendent soulagée de le savoir gay.

— Si tu m’dis que tu préfères les femmes, on pourra en faire un slogan. Les gays contre les Sups’. Ça leur défrisera p’têtre les poils du cul.

L’humour grinçant en première réponse, peut-être pour lui arracher un sourire. Sans doute parce qu’il ne sait trop quoi faire. A-t-il un jour été aussi proche de quelqu’un ? Il conserve ses distances avec Alec, en dépit de ses confidences. Et encore, confidences, voilà un bien grand mot… Il a partagé des souvenirs factuels pour créer un terrain commun. Ces souvenirs ne charrient pas les mêmes émotions que tous les silences qu’il partage avec Beck.

A travers toutes ses vies, il a toujours pris soin de ne pas s’attacher. De ne laisser personne percer à travers ses remparts.

Beck a depuis longtemps fait son nid de son côté des remparts, là où les autres se fracassent contre les pierres.

Et pour la première fois, il se trouve désemparé, à tâtonner en quête d’une solution. Ses mots ne suffisent pas à la convaincre, parce que le poids de son histoire écrase ses épaules trop frêles, et que la douleur imprègne trop ses pensées. Mais que dire de plus ? Que faire de plus ?

Il ne sait pas.

— T’as rien poussé. La voix calme, posée, bien loin de tous les troubles qui l’habitent. J’ai choisi de le dire. De te le dire

Il aurait pu mentir, ignorer la question, mais il ne fuit plus, encore moins avec Beck.

Alors il tend sa main vers Beck, braque son regard sur elle.

— Tu veux retourner à Cilaos ?

Pas un mot de plus. Tout en sous-entendus. Cilaos, c’est son refuge, l’endroit où elle n’aurait jamais dû le dénicher. L’endroit que personne ne connaît, pas même Leslie. L’endroit où il a choisi de garder contact avec elle, au lieu de la pousser dans le ravin.

Là où, sous les étoiles, il la laisse entrer dans sa vie un peu plus à chaque fois.
(c) Taranys
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Ajay « Aldric » Tivari
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