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[Île de la Réunion] Stepping out of the fog | OS

 :: Autour du monde :: Autres Continents
Ven 23 Fév 2024 - 9:32

Stepping out of the fog


🙤 Cilaos, Île de la Réunion
🙤 Février 2017

 One-Shot

16 février

Il a demandé une carte du monde et des dés à André. Depuis, il s'est enfermé dans le bureau, à contempler cette carte étalée sur le bois sans aboutir à une décision ou à la moindre forme de conclusion. La dodo se réchauffe sur un coin de la table ; il l’oublie, trop préoccupé par les contours de cette carte qui le nargue avec son indécision. Le soleil filtre par la fenêtre, éclaire la pièce. Un petit matin chaud, agréable pour la saison, qui lui donne envie de tourner les talons pour arpenter la forêt de Cilaos avec André. Ils rejoindraient les hauts, passeraient le bonjour à Claude sur son exploitation de goyaviers, chez qui André se fournit chaque année pour concocter son rhum arrangé. Puis lorsqu’ils redescendraient en ville, ils s’arrêteraient à la paillote de Thérèse pour lui prendre une barquette de cabri massalé avant de revenir à la case pour manger sur le perron.

Vivre selon Ajay. Vivre au jour le jour, sans se soucier du lendemain, à profiter des petits plaisirs de l’île. Il se dégotterait un petit boulot, pourquoi pas à la mairie, quelque chose de manuel, ou il ouvrirait un club de sport. Il raccrocherait pour de bon pour tirer un trait sur le passé, tourner la page. Il verserait un loyer à André en échange de la chambre - il pourrait habiter ailleurs, mais il apprécie la présence du vieil homme, et la sienne met du baume au cœur à André. Au moins une fois par semaine, ils joueraient au mah-jong avec Maurice et Marie. Une vie simple, sans prise de tête. Une retraite bien méritée après toutes ces années.

Les dés roulent sur la carte. Il n’a choisi aucune référence, rien ; les résultats ne veulent rien dire. Le roulement des dés contre le bois équivaut à un rappel, simple mais brutal.

Rester à Cilaos, c’est prendre le risque de tout perdre. Tenter de trouver une vie normale alors que le danger rôde. C’est prendre le risque d’être traqué, débusqué. A raccrocher, il perdra ses réflexes, sa prudence presque paranoïaque. Rester presque cinq ans à Londres lui a prouvé que même avec une autre identité, Rossignol le dénichera, peu importe sa cachette. Même perdu au milieu de nulle part, il laissera des traces, des traces que Rossignol remarquera et suivra.

Un risque qu’il n’est toujours pas prêt à prendre. La peur dicte encore ses actions, bien qu’il ne l’admette que du bout des lèvres.

Alors il relance les dés, même s’il ne prête toujours aucune attention au résultat. Le geste relève plus de l’automatisme ; un premier pas aussi vers une décision. Il ne restera pas indéfiniment à Cilaos. Il ne mettra pas en danger André pour l’espoir illusoire d’une vie paisible - précisément le genre de vie qu’il n’aura jamais.

Avec Aldric, il s’est entêté dans cette illusion stupide. Rester cinq ans au même endroit, à monter son club de sport, à rejoindre la Garde pour faire quelque chose de bien de ses dix doigts. S’impliquer, se dévoiler, prendre une bande de chatons boiteux sous l’aile. Il a tenté d’avoir une vie bien rangée - la criminalité, au fond, c’était une assurance, une sécurité pour protéger ses arrières, de quoi aider la Garde, aussi. Pour sûr, c’était agréable de gérer le club, de jouer aux cartes avec ses employés, avec Brook qui râlait toujours de perdre, Ismahane qui se souciait de lui avec la discrétion d’une baleine échouée, et Murphy qui jouait les grands taciturnes. Ce quotidien se serait poursuivi longtemps sans Fauvette, sans Logan ; sans rien pour le troubler. Une belle illusion qui lui a éclaté au visage sans qu’il ne l’anticipe.

Alors il a fui.

L’incendie. La mort d’Aldric. La mort d’Ajay. Toujours la même fuite en avant, plutôt que d’assumer les conséquences de ses choix. Il est plus facile de disparaître dans la nature au lieu de se tracasser la tête pour dégotter une autre solution.

Il doit bien y en avoir une, d’alternative ?

La vraie question, c’est plutôt ; laquelle ?

◈◈◈

18 février

— Encore toi, mon chou ? Je ne pensais pas te revoir de sitôt.

Le surnom a beau être une marque de respect, le ton de Madame laisse apparaître un fonds de reproche, et Bryn le sait. Il ne devrait pas être là. Il ne devrait pas lui rendre visite aussi tôt, à peine une semaine après sa venue dans son établissement. C’est leur règle, afin de préserver le secret comme l’inconnu autour de leur relation. Et pourtant, il n’en a eu que faire. Lorsqu’il s’installe au comptoir, il est de nouveau Bryn, ce gamin qui a mis le doigt dans l’engrenage et qui tente depuis de survivre. Le gamin qui a profité de l’appui de Madame pour aller de l’avant.

— La même chose que d’habitude, Madame.

Elle le sonde du regard un instant, puis se retourne vers la salle. Avec le début de soirée, les clients occupent bon nombre de tables. Un serveur répond à chaque demande, apporte boissons et planches de tapas pour accompagner l’apéritif. Madame lui adresse un signe, puis se pose devant Bryn. Elle lui sert un verre de whisky ; comme d’habitude.

— Comment tu vas, mon chou ?
— Vous voir illumine toujours ma journée d’un sourire.

Bryn ne la regarde pas ; ses yeux se perdent dans le whisky ambré. Jamais de parole directe, jamais d’affirmations trop brutes. Depuis qu’il connaît Madame, tout passe par les sous-entendus, la lecture d’entre les lignes - des codes qu’ils ont construit ensemble, que Bryn a appris par la force de l’habitude.

Sans surprise, elle capte le message caché. Elle se rappelle leur précédente discussion, son avertissement, aussi, et son regard se fait plus doux. Plus soucieux, aussi.

— Tu sais comment parler à une vieille dame. Elle esquisse un sourire amusé. J’espère que tu ne comptes pas essayer de me faire rougir, mon chou.
— Je n’oserai pas.

Il boit une gorgée de whisky. L’alcool lui brûle la gorge.

— Que dirais-tu de jouer aux dés en ma compagnie, mon chou ? Après tous ces compliments, c’est bien la moindre des choses.
— Je crains de ne pas être assez doué, Madame.

Leurs regards se croisent. Un éclat de surprise traverse les yeux de Madame pendant une fraction de secondes avant qu’elle ne sourie davantage.

— Tant mieux ! Dans le placard derrière elle, elle attrape une pochette de cuir qui abrite des dés et un tapis de jeu. Elle le dépose sur le comptoir, entre eux. Je serai assurée de gagner.
— Vous êtes impitoyable, Madame.
— J’avance, mon chou. Je profite de l’occasion. Je prends les choses en main. Elle jette un regard circulaire à la salle, et tire une bouffée sur sa clope qu’elle exhale lentement. Crois-tu que je posséderai un tel établissement en jouant au petit bonheur la chance ?

Bryn encaisse les paroles lourdes de sens. Il garde le silence, incertain. Tout paraît si simple quand Madame expose les faits. Elle pose les dés et le gobelet devant lui ; le tac contre le bois le sort de sa réflexion.

— Alors joue, et avance.

Les yeux de Madame le confrontent, et surtout, lui assènent un message plus cru encore.

‟Je préfère mourir debout que vivre à genoux.”

◈◈◈

20 février
Un message simple, la suite d’un engagement.

‟Laisse-moi deux semaines”, qu’il lui a dit. Deux semaines pour faire le tri, pour se retrouver ; pour prendre une décision. Celle-ci ne vient pas, malgré la progression à tâtons de sa réflexion, mais il n’a pas la moindre envie de reculer. La fuite en avant n’est pas une solution. Lâcher les chatons boiteux sous son aile non plus. Il a promis à Alec qu’il l’aiderait, alors il le fera. Il lui apprendra l’occlumencie, même s’il doit en chier pour le faire.

A dire vrai, cette première semaine de réflexion lui a au moins permis de confirmer quelque chose : il ne veut pas être ailleurs. Il veut être son propre libraire, aider ces gamins qui n’ont pas eu cette chance, et il ne leur tournera pas le dos. Il n’est pas comme le vieux Dante ; il sait à quoi il s’expose, ce qu’il risque à ainsi leur tendre la main. Et comme Madame l’a fait avant lui, il en assumera les conséquences.

Alors il a envoyé ce message à Alec, lui a confirmé le jour de rendez-vous ainsi que le lieu, sous des airs de message d’arnaque - si jamais quelqu’un contrôle son téléphone. ‟N’oubliez pas votre livraison 27 février prochain ! Vous pourrez retirer votre colis Cafespress au XXX à partir de 14h.” Un colis de café pour coller à leur dernière discussion sur le café minable du bar où ils ont été ; un indice subtil qui parlera à Alec.

Plus qu’une semaine.

◈◈◈

23 février

Les dés et la carte sont toujours sur la table. Ils ne le narguent plus. L’indécision s’étiole au fil des jours, gangrenée par les certitudes qui s’installent. Il refuse d’abandonner la bande de chatons boiteux qu’il a pris sous son aile. Il refuse de perdre ce qui s’apparente à son chez lui ; cette case à Cilaos, où l’attend toujours André sans mot dire. Il refuse de laisser tomber le réseau qu’il constitue, où Beck s’implique, où Leslie le soutient jour après jour. Il refuse de s’éloigner de la criminalité qui fait partie intégrante de son quotidien. Il a toujours fureté dans les ombres, frayé avec l’illégalité pour parvenir à ses fins. C’est une partie indéniable de qui il est.

Les dés roulent sur la table ; toujours par l’habitude que par réelle volonté de laisser son destin entre les mains du hasard. Il ne regarde pas le résultat.

Au fond, il sait ce qu’il doit faire. Ce qu’il doit admettre.

Ajay n’a jamais vraiment existé. Il a bien essayé, bon gré mal gré, mais comment exister alors qu’Aldric n’est jamais vraiment mort ? Les flammes n’ont pas eu raison de sa volonté, encore moins de son existence. Ce n’est pas pour rien qu’il a proposé à Beck de bosser avec lui, qu’il a répondu présent face à Alec. Il aurait dû oublier cette bande de chatons boiteux, mais il n’a jamais pu.

Quoi qu’il fasse, il reste Aldric ; la première identité qu’il a choisie pour vivre par lui-même, pour lui-même.

Il rattrape le dé qui manque de tomber par terre. Il n’est toutefois plus le Aldric de Londres ; pas tout à fait, du moins. Ajay et sa vie à Cilaos l’ont affecté. Changé, aussi.

Il n’est ni l’un ni l’autre ; plutôt les deux à la fois.

Rien ne sera facile dans les jours prochains, sans doute aura-t-il des rechutes ; Aldric le sait. Il l’accepte. Pour l’heure, il cesse de fuir, et c’est tout ce qui importe. Il suit les conseils de Madame. Arrêter d’hésiter, de craindre d’éventuelles conséquences qui n’adviendront peut-être jamais.

Les dés sont lancés.

Aldric joue, et surtout, il avance.
(c) Taranys
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Ajay « Aldric » Tivari
Ajay « Aldric » Tivari
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Ajay « Aldric » Tivari
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