Road to destruction ▬ Naveen

Lundi 6 Février 2017
Soho – Londres
Dans la soirée

« Je peux transplaner directement chez lui si besoin. J’me suis dit que ça pouvait être utile si… Enfin, que ça pouvait être utile. » Dingue ce que le cerveau imprime et cristallise comme info en phase de crise. Jusqu’ici j’en avais pas grand-chose à foutre d’où il habite, pas comme s’il faisait vraiment partie de ma vie. Croisé une fois par pur hasard, le reste … Des bribes d’infos par Sovahnn, j’ai pas vu le danger venir, j’ai pas imaginé que ce type était un ancien membre de ceux qui ont retourné le cerveau de Tim, pas une seconde j’ai envisagé qu’il puisse faire partie des salopards qui ont enlevé l’une des personnes à qui je tiens le plus sur cette foutue planète.
Ils seraient un paquet à me dire que je fais de la merde et ils auraient raison mais je fonctionne comme ça quand je pars en vrille, je m’isole. Il n’y a qu’elle qui soit au courant, Jo. Je crois qu’elle a dû voir brûler dans mon regard a peu de choses de près ce qui crame dans le sien. Ce gars là je l’aurai volontiers explosé pour le simple fait d’avoir approché ma meilleure amie, s’être insinué dans sa vie jusqu’à sa fille alors qu’il a fait partie d’une bande de connards qui se lèvent le matin en se disant que casser du sorcier égayera leur journée. Mais y a pas que ça. Et si Sovahnn a au moins partiellement réglé ce truc qui les regarde y a quelque chose qui continue de cramer en moi et que j’arrive pas à faire taire. Lui aussi il me dirait de pas y aller et je sais les risques que je prends mais je les fais taire. Plus de rationalité, plus envie de rester tranquille, ça me consume de l’intérieur alors je fais ce que je fais de mieux, ou surtout de pire dans ces cas là : Je bloque les émotions positives, celles qui peuvent me ramener à la raison, celles qui me rattachent à ceux qui comptent.

Ça t’avancera à quoi ?
A rien, sans doute, mais je ne ferai pas demi tour.

L’adresse est gravé dans ma tête, le GPS me file simplement les infos basiques et je le suis en laissant mes sens faire le reste du taf. Oui, c’est complètement con de me balader dans les rues de la Capitale mais j’y pense pas non plus à ça. Capuche sur la tête, avalé par la nuit déjà bien installée, je me dis que de toute façon je prends moins de risque en frayant en quartier non sorcier. J’ai l’air d’un putain de cinglé a essayer de chercher sa silhouette à chaque fenêtre sans vraiment savoir où se trouve exactement son appartement. Un taré immobile sous la flotte, entre deux lampadaires, à moitié planqué sous un échafaudage.
Sur mon visage je devine le grand bal des tics nerveux, j’me mords l’intérieur de la joue et plisse le nez toutes les trois secondes. Ma bouche se tord, les rictus me collent sans doute un air animal, dans ma poitrine ça cogne comme un orage qui gonde au loin mais qui se rapproche un peu plus à chaque éclair. Aucune trace de peur, juste cette rage sourde et paradoxalement glaciale qui nourrit et impulse chacun de mes gestes, chacun de mes regards, chacune de mes décisions. Un pied à plat qui claque contre le mur derrière moi, genou plié, jambe agitée, les bras croisés sur le torse et l’ongle de mon pouce droit entre mes incisives.

J’ai rien anticipé évidemment, rien ne me prouve qu’il est encore chez lui je sais juste que Sovahnn n’y est plus. Pour autant je me laisse surprendre, ne capte tout de suite la silhouette qui sort de l’immeuble et s’arrête une seconde, deux peut être, comme s’il réfléchissait à la direction qu’il doit prendre. Je nous revois dans la cuisine de l’appart Londonien, à faire connaissance, à s’apprendre sans trop le faire. Tout ça disparaît et j’hésite pas en poussant sur mon pied pour me détacher du mur, pas plus à le prendre en filature. J’suis juste un mec qui marche les mains dans les poches et la tête basse pour se protéger de la flotte, un type dont le regard planqué sous la capuche raviverait sans doute tous les cauchemars de Tim et les angoisses de Sovahnn et Takuma. Je sais pas si le destin a décidé de balancer ça cette semaine, pile celle où Will n’est pas là, mais je sens surtout les effets de la lune qui s’en donnent à cœur joie. Invisible par delà les nuages et masquées par les lueurs de la ville sa caresse est comme un shot d’énergie qui alimente mon organisme.

Dix mètres … Cent … j’le perds un peu dans la foule mais son odeur ne quitte pas mon odorat. Un putain de prédateur en pleine traque, voilà c’que je suis, même ma posture trahit l’animal sous ma peau jusqu’à l’instant précis où je me redresse, redevient l’humain et sa froideur calculatrice « Naveen. » Pour attirer son attention, croiser son regard, y voir la peur ou la surprise, l’attraper par les épaules et le pousser dans une ruelle où l’éclairage était visiblement en option. C’est le cerveau reptilien qui gère la machine, j’peux juste me voir balancer un sort pour nous planquer du reste du monde et glisser ma baguette dans ma poche arrière avant de lui balancer mon poing droit en plein visage. J’y mets pas toute ma force, j’crois pas, mais je dois me faire violence pour pas continuer. Est ce que ça soulage ? Pas une seconde. Pas plus pour Will que pour Sovahnn, pour Liya, même pour Tim. Là tout de suite j’en ai rien à carrer que sur le papier il soit un type bien, l’inachevé que ça a réveillé chez moi demande son dû comme une bête qu’on a affamé trop longtemps.
Tout ça s’enchaîne très vite, je me vois le coller au mur et sortir mon téléphone, lui plaquer une photo devant les yeux en le tenant par le col « Regarde. » Dans ces moments là mon regard est plus sombre encore, mes pupilles se dilatent, éclatent de noirceur « Regarde le. » Ancré dans ses iris je scrute la moindre réaction de sa part alors que sur l’écran on peut voir William adossé à un mur, une clope à la main et les traits tirés, le regard fatigué. Un truc pris sur le vif où il a l’air pensif. Ailleurs. A cause d’eux.

Se concentrer.  Il devait se recentrer sur sa vie quotidienne et essayer de ne pas être trop déstabiliser par ce qui s’était passé avec Sovahnn un peu plus tôt dans la journée et pourtant ça tournait en boucle. Quelque part, il se sentait libéré d’un certain poids de secret qui ne lui allait pas d’un autre… tout semblait emmêlé. Il y avait cette peur sous-jacente que d’autres viennent lui rendre visite et qui seraient bien moins sympathique mais tout aussi mérité, il en avait conscience. C’était un juste retour de bâton dans tous les cas. Ses pensées s’égarèrent un peu sur la belle blonde, sur ce qu’ils avaient pu se dire et il avait bien du mal à faire un point là-dessus. Trop nerveux pour rester chez lui, il décida d’aller faire un tour. Un instant, il hésita à appeler Ruben pour lui dire ce qui venait de se passer que lui aussi fasse attention mais au final il se ravisa. Ca serait certainement empirer les choses et surtout, même s’il adorait son meilleur ami, ce dernier avait un tel avis de la magie qu’il craignait plus pour Sovahnn qu’autre chose. Il n’avait pas l’impression que Shadwell trempait encore dans ses choses louches, Inquisiteurs ou autres, mais ça faisait aussi parfois des sujets fâcheux sur lesquels ils n’étaient pas forcément d’accord et donc ils étaient loin de se dire tout à ce niveau-là. Il se passa nerveusement une main dans les cheveux et pensa ensuite à Jane – ou à un autre membre de la Garde- : est-ce qu’il était censé les avertir ou pas de ce genre d’évènement ? Il n’en avait aucune idée, surtout que ça le concernait à lui – aux Inquisiteurs- et pas vraiment à la Garde. Il préféra se laissa encore un peu de temps de réflexion pour faire la connerie qu’il jugerait la moins grande, pas envie de foutre Sovahnn dans la merde d’une quelconque manière. Il avait déjà assez fait.

Il avait descendu quatre à quatre les marches de l’escalier pas franchement certain d’où est-ce qu’il allait errer, peut-être allez se boire un coup quelque part. Peut-être juste marcher. Il verrait bien ce que son corps allait vraiment lui dicter. Il avait marché…. Quelques minutes plus tard « Naveen. » Froideur, la voix il lui sembla la connaître et lorsqu’il se tourna vers celle-ci il reconnut sans peine Enzo… qui avait loin d’être l’air le gentil garçon de la dernière fois. Et pour cause…. Il déglutit difficilement, essaya de garder son sang-froid mais son cœur battait follement la chamade dans son corps. C’était la merde pour lui. Vraiment la grosse merde, d’autant plus lorsqu’il le poussa dans une ruelle où l’éclairage n’était pas franchement-là. Un véritable coupe-gorge. Inspiration. Il devait se calmer, ce n’était pas le cerveau en ébullition, à paniquer qu’il allait pouvoir quoi…. Parler ? Il avait un doute à ce que Ryans veuille vraiment parler, et d’ailleurs comme pour confirmer cela il se pris une droite en plein dans le visage qui le fit reculer d’un bon pas. Grognant un truc indescriptible, avant de se masser douloureusement l’endroit toucher. Il n’osait pas trop bouger. Il n’avait même pas envie de rendre une droite ou d’essayer de se défendre. Pas pour le moment du moins. L’instinct de survie reprendrait peut-être le dessus à un moment donné.

L’instant d’après il était collé au mur et le téléphone d’Enzo se dégaina. Photo qui montrait un William qui regardait dans le vague. Les injonctions de Ryans montaient bien dans son cerveau même s’ils ne les écoutaient qu’à moitié. Il était désolé. Réellement. Il s’en voulait. Mais ce n’était pas un « pardon » ou il ne savait pas quoi que le garçon attendait. Aucun mot ne suffirait, aucune réaction n’était vraiment adaptée. Un Désolé serait pathétique, pour ne pas dire malvenu. Tenter de lui expliquer que si ça n’avait tenu qu’à lui cet épisode de ne serait pas passé et qu’il avait fait son maximum pour donner un peu de divertissement à William. C’était certainement encore pire. Pourtant c’est ce qui c’était passé – ou ce qu’il avait voulu faire-. Mais, ça, ça ne comptait pas. A quel point est-ce qu’un lycan pouvait ressentir les émotions des autres – si c’était possible ?-. Il  y avait la peur, toujours le rythme cardiaque qui battait la chamade et derrière tout cela, les regrets, la fatigue et la lassitude. Des remords, beaucoup trop. Et quoiqu’il fasse avec la Garde cela ne rattraperait jamais ses mauvais actes, il n’était pas mieux qu’un Supérieur, mais malgré tout ça il continuait de se fixer sur son objectif. Que les Supérieurs ne soient plus qu’un mauvais souvenir, que les Moldus n’aient plus également une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Alors, il y avait eu un fort temps de silence, avant qu’il ne reprenne la parole, doucement « Que veux-tu que je dise Enzo ? » Nouveau silence. «Que je suis désolé ? Je le suis, et tu le sais probablement déjà ça… Que si j’avais pu lui éviter ça je l’aurais fait ? Bien sûr que oui. J’aurais beau te dire que je suis désolé, que j’ai des remords ou autres, ça ne suffira pas et c’est bien normal. Aucun mot, aucun regret ne suffira à enlever ce qu’il a vécu… Alors qu’est-ce que tu attends de moi ? » Le zigouiller lui semblait à vrai dire une option tout à fait envisageable et il sentait que les choses pouvaient finir comme ça. Regarder la photo était certainement un point de départ, voir sa réaction, s’il s’excusait, s’il était désolé, s’il suppliait, s’il n’en avait rien à foutre ? Il n’était pas sûr d’avoir relever le défi, il aurait pu s’excuser plus réellement– mais c’était certainement face à William qu’il devrait le faire un jour s’il survivait-, mais il préférait aller dans cette direction qui pourrait lui coûter cher. Il en avait conscience que ça pouvait être pris comme de la provocation alors qu'il voulait était juste factuel. Il espérait juste qu’Enzo comprendrait (sentirait ? verrait ?)  qu’il regrettait et que ce n’était pas que des mots en l’air pour avoir la vie sauve. Il espérait qu’il avait pu au moins lire tout cela dans ses yeux – si ce n’est un miracle et que Sovahnn ait parlé un peu de leur discussion, même si ça ne porterait pas forcément en sa faveur-.

Est-ce qu’il va le reconnaitre ? Est-ce qu’il va faire un lien, comprendre qui je suis, pourquoi je suis là ? J’aurai presque espéré que ça ne soit pas le cas, que ce visage ne lui dise rien, qu’on passe à autre chose parce qu’il n’aurait rien à voir avec l’enlèvement et la séquestration de William. Ça ne prend qu’une seconde à peine pour que je comprenne que ça ne se passera pas comme ça, que les traits de ce visage fatigué il les connait. Un hasard ? Une photo dans le téléphone de Sovahnn et rien de plus ? Je sens son corps lâcher prise avant son regard, un truc imperceptible mais qui trahit en un battement de cœur cette vérité qui m’effraie autant qu’elle me brûle. Il sait. Il y était. Le pire dans tout ça c’est qu’il ne cherche même pas à nier et ça aussi je le sens venir avant même qu’il n’ouvre la bouche « Que veux-tu que je dise Enzo ? » J’en sais rien, creuse un peu, fais preuve d’imagination.
Dis-moi que vous aviez une bonne raison de faire ça, vas-y fais-moi rêver. Dis-moi que j’me plante, que tu ne sais pas qui est ce type, que tu ne sais pas non plus qui je suis ni ce que je suis.

Cette réaction de sa part c’est comme balancer un litre d’essence sur un brasier, je sens mon bras le plaquer plus fort contre le mur, mes mâchoires se serrer plus encore, mes yeux sortir de leurs orbites. C’est tout ce que t’es foutu de me dire ?! C’est pas à moi de faire le taf alors tu vas te démerder et trouver les mots tout seul comme un grand.
T’es capable de faire ça tu crois ? J’suis pas un sorcier face à toi, j’suis pas plus la créature magique qui change de peau une fois par mois, j’suis rien de plus qu’un être humain qui vrille. Toi, t’es un putain de grain de sable, celui de trop. Il a fallu que tu t’approches d’elle, d’elles, et il a fallu que tu le reconnaisses « Que je suis désolé ? Je le suis, et tu le sais probablement déjà ça… Que si j’avais pu lui éviter ça je l’aurais fait ? Bien sûr que oui. J’aurais beau te dire que je suis désolé, que j’ai des remords ou autres, ça ne suffira pas et c’est bien normal. Aucun mot, aucun regret ne suffira à enlever ce qu’il a vécu… Alors qu’est-ce que tu attends de moi ? » Brasier devient flammes.
Mes nerfs crissent comme du gravier sur du verre à chaque phrase qu’il prononce mais dès l’instant où je glisse à nouveau mon téléphone dans ma poche arrière c’est un sourire mauvais qui étire mes lèvres. Il n’est pas amusé ce sourire, loin de là, pas plus que le rire sec qui m’échappe et secoue le haut de mon corps alors que je secoue la tête de dépit « T’as pas le droit de faire peser ça sur mes épaules. » Ta culpabilité, la situation où c’est à toi de rendre des comptes et non pas à moi de te souffler ce que tu dois faire, dire ou même ressentir.
Réellement désolé ? J’en sais rien et je m’en fous, ce qu’il ressent n’est pas mon problème. Ça ne pèsera jamais bien lourd face à la colère de ma meilleure amie, face à la terreur de l’homme que j’aime « Et non, j’en sais rien. J’te connais pas. » Histoire de remettre les choses à leur place. J’sais pas qui t’es ni d’où tu sors, y a que des bribes de ton histoire dans ma carte mémoire. T’es personne pour moi, t’aurais pu être quelqu’un qui compte mais c’est pas le cas. Comme si elle avait senti le coup venir à te garder loin de nous, en périphérie sans jamais foutre un pied plus franc dans notre univers et notre famille.

Un pas en arrière, je le lâche mais tout en moi est nourri d’une certitude : S’il tente quoi que ce soit, la fuite ou l’attaque, ça se passera mal. Cette fois j'ai pas envie d'armer mes chaines, celles qui retiennent toute la violence qui navigue en moi comme les flots agités dans le lit d'une rivière « T’en sais visiblement bien plus sur moi que l’inverse sinon t’aurais aucun moyen de faire le lien entre lui et moi. » Pourtant ça semble être le cas. Il n’a pas été surpris, n’a pas cillé … alors dis-moi, tu fais partie des salopards à avoir foutu son nez dans notre intimité en fouillant son téléphone ? Vous avez pris votre pied ? Je m’en cogne de tes états d’âme, le mal est fait « T’as joué quel rôle là d’dans ? » A part celui de fermer les yeux.

HRP:

Il aurait pu mentir. Il aurait pu faire l’innocent. Il aurait pu dire tant de choses mais il avait choisi une autre voie. Il préférait essayer d’être franc, sans pour autant répondre vraiment à sa question par ce qu’il n’avait pas de réponses à apporter, rien qui pourrait le satisfaire. Alors, oui, il voulait une vraie question, quelque chose qui pourrait l’orienter. A la limite, il préférait presque se recevoir un nouveau coup dans la gueule qui serait tout à fait justifié plutôt que de continuer à parler dans le vide. Il n’en menait pas large pour ne pas dire qu’il avait peur. Mais tout comme il l’avait fait avec Sovahnn plus tôt, il devait assumer. Il devait assumer les conséquences de ses actes, de ses erreurs.

Enzo avait fini par ranger le téléphone mais le sourire qu’il avait à présent à ses lèvres ne sonnait rien de bon et pourtant il essaya de ne pas trop bouger. De ne pas trop avoir peur. Et le rire sec que le plus jeune eut juste ensuite le tendit un peu plus. « T’as pas le droit de faire peser ça sur mes épaules. » Pourtant, tout ce qu’il voulait c’était savoir ce que Ryans lui voulait : parler, le tuer, lui démonter la gueule pour se soulager ? D’autres solutions, multiples.  « Et non, j’en sais rien. J’te connais pas. » Cela l’intriguait plus qu’autre chose,  effectivement, ils ne se connaissaient plus que cela mais il aurait cru que celui en face de lui aurait pu sentir/entendre certaines choses. Peut-être se trompait-il et pour l’instant il préférait ne pas en dire beaucoup plus, il ne voulait pas que cela lui porte encore plus préjudice. Pas pour l’instant du moins. Pas avant qu’il ait eu à répondre à certaines questions.

Enzo le lâcha ensuite avant de faire un pas en arrière. « T’en sais visiblement bien plus sur moi que l’inverse sinon t’aurais aucun moyen de faire le lien entre lui et moi. » effectivement. « T’as joué quel rôle là d’dans ? » hum… alors comment dire. Un petit rôle. Il ne savait pas par où commencer d’ailleurs, de quoi est-ce qu’il devait parler – ou ce qu’il valait mieux passer sous silence-. Sous silence, en réalité pas grand-chose, vu qu’il n’avait pas joué un grand rôle. Il eut une pensée pour Alejandra, une autre pour Maeve et sentit presque la colère envers elles remonter mais ce n’était pas le moment. Alors il inspira un bon coup. « Effectivement, je sais quelques petites choses sur toi.» Il ne précisa pas quoi exactement, il devait déjà savoir que le portable de William avait été dépecé, analysé… «Je suis celui qui ait allé le soigner lorsque connasse l’a frappé. » il en voulait toujours à Alejandra pour cela et leur relation ne s’était pas améliorée depuis. « Et je suis allé quelques fois le voir, pour lui apporter des jeux cartes,  bouquins, de pizzas et autres choses pour l’occuper. J’essayais de récupérer ce qu’il me demandait.» Il avait essayé aussi de pouvoir le faire sortir quelques pas dehors mais ça n’avait pas été possible et ça, il préféra le garder sous silence. Il planta quelques instants son regard dans celui d’Enzo «Et si tu veux confirmation, je lui ai dit que je m’appelais Sebastyan, c’est mon deuxième prénom. » A moitié un mensonge donc, tout comme il lui avait comprendre qu’il bossait dans le médical. Et il s’était tu, par ce qu’il ne voyait pas quoi rajouter, par ce qu’il n’y avait pas grand-chose à dire, c’était sa seule réelle participation. Tout comme il ne dirait pas que quelque part il avait quand même un peu jubilé lorsqu’Arthur l’avait aidé à s’échapper. Quelque part il savait qu’Enzo n’irait jamais demandé confirmation de ce genre de chose à William, ça serait lui rappeler de trop mauvais souvenir, possible même qu’il se prenne un nouveau pain dans la gueule par ce qu’il lui avait fait cette suggestion, mais tant pis c’était un risque à prendre. Maintenant, il n’y avait plus qu’à attendre la réaction d’Enzo et il ne savait pas trop comment cela allait pouvoir se finir, comment est-ce que le sorcier allait prendre ces révélations. L’attente, même quelques secondes qui paraissaient dans ces moments des heures.

Une impression ou pas, je crois entendre les battements de son cœur accélérer. Une réaction qui ne me semble pas générée par la peur cette fois, comme si autre chose se dégageait de lui l’espace d’un instant. A quoi tu penses ? A qui, peut-être. Si t’as des noms à balancer c’est maintenant qu’il faut le faire « Effectivement, je sais quelques petites choses sur toi. » Des mots qui ne veulent rien dire et à la fois beaucoup trop. Je fais quoi avec ça, hum ? Je suppose, j’me fais des films, j’extrapole ou au contraire je sous-estime. Je m’en veux de ne pas avoir été plus prudent, on se pensait naïvement à l’abri et ça nous aura servi de leçon : Aujourd’hui il faudrait un sacré crack pour réussir à entrer dans nos téléphones « Je suis celui qui ait allé le soigner lorsque connasse l’a frappé. » Garde la tête froide. C’est ce que je me répète en boucle alors que j’ai envie de hurler. Qui est cette femme dont il parle ? La vérité c’est que je fous les pieds là où je ne devrais pas, là où je n’ai pas le droit d’aller. Liam m’a dit ce qu’il pouvait et voulait me dire, j’ai respecté ses silences, ses confidences élusives, j’avais pas prévu de me retrouver dans cette situation où d’autres portes s’ouvrent. J’avais pas prévu de foncer tête baissée dans ce qu’il a vécu là-bas.
Ça provoque des courts circuits dans mon crane et dans mes veines, il y a l’envie d’en savoir plus et celle de respecter ce qui doit l’être. Le respecter lui. Pas celui qui se tient face à moi mais celui qui hante mes pensées depuis des heures parce que je ne sais pas comment gérer ce qui se passe « Et je suis allé quelques fois le voir, pour lui apporter des jeux cartes, bouquins, de pizzas et autres choses pour l’occuper. J’essayais de récupérer ce qu’il me demandait. » De ça il m’a parlé et soudain y a comme un flash qui provoque une explosion en moi.

Est-ce que ce type est celui dont il m’a parlé ? Celui avec qui il a négocié, celui avec qui il a oublié. Ça vient me prendre à la gorge avec violence, je dois lutter contre moi-même pour ne pas lui éclater la tête sur le sol en imaginant ses mains sur l’homme que j’aime. Ça devient de plus en plus confus dans mon crane, cette foutu ironie me compresse la cage thoracique « Et si tu veux confirmation, je lui ai dit que je m’appelais Sebastyan, c’est mon deuxième prénom. » J’oublierai pas. Ce prénom va rester graver dans ma mémoire jusqu’à ce que je sache quoi en foutre et plus encore. J’peux pas lui en parler, je ne peux pas lui rappeler tout ça. J’peux pas remuer la merde et lui demander si ce type-là, cet enfoiré qui a partagé la vie de ma meilleure amie, est aussi celui avec qui il a trouvé un moyen d’oublier alors qu’il pensait ne jamais revoir la lumière du jour.
Mais j’peux pas non plus le regarder droit dans les yeux sans qu’il perçoive la faille qu’est en train de creuser toute cette situation. Ça m’oppresse, ça m’étouffe, je tourne en rond comme un fauve en cage les deux mains noyées dans mes cheveux et les doigts qui s’y agrippent « J’m’en fous. » C’est faux. C’est même tout l’inverse, j’arrive plus à penser à autre chose, à avoir les idées claires. Deux pas d’un côté, trois de l’autre, mon regard ne se fixe que sur le vide « Tu l’as laissé là-bas. » Qui que tu sois, quoi que vous ayez partagé. Et c’est son jardin secret putain, j’ai rien à foutre là. L’ongle du pouce de la main gauche entre les incisives, je m’arrête, le souffle rapide.
Pourquoi il aurait risqué sa peau pour un type qu’il ne connait pas ? Y a rien de plus rationnel dans le fait de ne pas l’avoir fait mais l’admettre m’est impossible pour le moment. Les nerfs chauffés à blanc je braque mon corps à m’en faire mal « Ça fait du bien à ta conscience de faire passer ça pour des vacances all inclusive ? » Le pire dans tout ça c’est qu’au fond j’lui suis reconnaissant, que je l’ai toujours été sans savoir de qui il s’agissait parce qu’à la façon dont Will en parlait je lisais vraiment en lui du soulagement.

Si tu leur demande comment ils m’ont traité, ils te diraient que pour un prisonnier, j’avais pas à m’plaindre. Et c’est vrai.

Ces moments-là étaient un sas de décompression pour lui, sans ça j’sais pas s’il serait encore là ou dans quel état. Le remercier ? Faut pas non plus me prendre pour un con, ça n’efface pas tout le reste. Trois ou quatre. Ils étaient trois ou quatre. Mon cerveau à vif repasse l’une des seules conversations qu’on a eu sur le sujet pour essayer de trouver un sens à tout ça, pour éliminer les suppositions, faire taire les voix « Tu lui as d’mandé quelque chose en échange ? » Ces mots là je les regrette dès l’instant où ils passent la barrière de mes lèvres mais j’le sais, j’aurai pas réussi à les retenir. Le besoin de savoir me brûle la peau, l’angoisse de sa réponse me glace le sang.

Comme si le prix à payer n’était déjà pas suffisamment élevé. J’ai que mon imagination bien trop débordante pour me faire une idée de ce qui lui ont fait subir, quelques mots de sa part. Si je pousse plus loin est ce que ça me soulagera ? J’suis qu’un putain d’égoïste.

Non, il ne savait pas comment gérer la situation pour finir en vie d’ici la fin de la conversation. Sa vie tenait peut-être à un fil, il en avait conscience. Tout comme le stress faisait battre son cœur plus rapidement, comme cette sensation désagréable brûlante dans ses veines. Pourtant, il essayait de dire répondre à Enzo « au mieux ». Il n’y avait pas réellement de bonne réponse, plutôt que des mauvaises. Il voulait néanmoins essayer d’être le plus franc possible enfin disons au maximum, par ce que le garçon qui se tenait face à lui méritait quand même cette part de vérité. Il ne savait pas trop ce qu’il avait pu apprendre ou non par Sovahnn, alors il devait considérer probablement qu’Enzo en savait le moins possible. Comme pour prouver sa bonne foi et que son interlocuteur vérifier ses dires, il donna même le nom qu’il avait donné à William à l’époque.

Et si lui était stressé et franchement pas fier, Ryans lui semblait aussi dans un état second. Aux aboies peut-être. Stressé. Pas bien. Mais Evans n’était pas certains de comprendre tous les tenants et aboutissants de cet état, même si certains semblaient logiques. Et enfin – après avoir maltraité sa tignasse-, le plus jeune avait repris la parole « J’m’en fous. » Ah ? il cligna des yeux, étonné par cette répondu qui était assez inattendue… mais bientôt la suite vint, déjà beaucoup plus logique. « Tu l’as laissé là-bas. » Vrai. Il ne pouvait pas le nier et ne comptait pas le faire. Oui. Il l’avait laissé là-bas. « Ça fait du bien à ta conscience de faire passer ça pour des vacances all inclusive ? » Naveen retroussa un peu le nez. Toujours juste, le Enzo. Il visait foutrement juste. Enfin, non ce n’était pas pour sa conscience qu’il avait fait cela, et s’était quand même senti coupable, mais… certainement beaucoup moins que s’il n’avait rien fait. Il se racla un peu la gorge, ne sachant pas trop comment répondre. Lui aussi péterait un plomb si on avait fait ça à quelqu’un qu’il aimait, alors il le comprenait, néanmoins, il avait aussi d’autres raisons. « C’est vrai, je l’ai laissé là-bas. Tu voulais que je fasse quoi ? Que je le fasse sortir et qu’on risque de s’faire tirer dessus à vue ? Par ce que c’est ce qui aurait pu arriver, d’autant plus que déjà à l’époque je n’étais pas le plus populaires des types.»Et qu’ils savaient tous à quel point il vomissait cette décision de le tenir prisonnier. « Oui, j’ai voulu sauver ma peau, et sûrement la sienne aussi. Oui, j’aurais peut-être pu trouver une manière de le faire évader en nous en sortant tous les deux… mais je ne l’ai pas trouvée. Alors j’ai fait au mieux pour qu’il se sente le moins mal possible. Pas assez, tu vas me dire, et tu auras raison.» Pourtant c’était la seule vérité qu’il pouvait lui servir. Oui, il était coupable, oui il ne l’avait pas fait sortir par ce qu’il ne voyait pas comment faire à l’époque…  Solution qu’Arthur avait trouvé avec brio, comme quoi ce qu’il pensait impossible était au final tout à fait faisable.

« Tu lui as d’mandé quelque chose en échange ? » Il eut un bug d’un instant ou deux. Une totale incrédibilité. Il ne comprenait pas ce propos. « Pardon ?» fut la seule première chose qu’il réussit à dire. Il y avait forcément une raison qu’il pose cette question, mais il ne voyait pas quoi. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ? Est-ce que William lui avait raconté quelque chose, ou alors est-ce qu’Enzo avait cru comprendre des sous-entendus ou tout simplement bluffait ? Les possibilités étaient multiples, et au final, elles ne changeaient pas grand-chose au problème et à sa réponse. « Je ne vois pas ce que j’aurais pu lui demander, je ne ‘’donne’’ pas pour avoir quelque chose en échange.» Il laissa quelques instants de silence avant de reprendre « Mais de quoi est-ce que tu parles exactement ?» Il ne le saurait certainement jamais, et cela ne le regardait pas. Pourtant, il était intrigué par ces paroles et il avait envie de savoir. Cœur toujours dans un rythme frénétique, mais quelque part il y avait la crainte de découvrir une information ignoble qu’il ignorait qu’il pulsait encore plus fort.

« C’est vrai, je l’ai laissé là-bas. Tu voulais que je fasse quoi ? Que je le fasse sortir et qu’on risque de s’faire tirer dessus à vue ? Par ce que c’est ce qui aurait pu arriver, d’autant plus que déjà à l’époque je n’étais pas le plus populaires des types. » Mais ta gueule putain ! Ta gueule ! Arrête de tout ramener à toi, on s’en fout. T’es rien, t’es personne, tu devrais pas prendre autant de place dans nos vies. Tu ne devrais pas y foutre autant de chaos.

Je le revois sursauter dès qu’une porte claque, ça lui rappelait le coup de feu auquel il a échappé. Loin de toute rationalité ça vient me frapper de nouveau à cause des mots de Naveen. Je sais qu’il a raison, qu’en essayant de le faire sortir il l’aurait mis en danger, en aurait fait une cible à abattre parce que ces gars là n’ont pas pour habitude de laisser des témoins derrière eux n’est ce pas ? Vague impression de déjà vu, l’humain pourrit tout et la Magie n’y est pas pour grand-chose. Elle n’y change rien, c’est juste une arme de plus entre de mauvaises mains « Oui, j’ai voulu sauver ma peau, et sûrement la sienne aussi. Oui, j’aurais peut-être pu trouver une manière de le faire évader en nous en sortant tous les deux… mais je ne l’ai pas trouvée. Alors j’ai fait au mieux pour qu’il se sente le moins mal possible. Pas assez, tu vas me dire, et tu auras raison. » Et putain ça me fait serrer les mâchoires. L’envie de lui en coller une autre est là, elle vibre sous la surface, envoie des décharge dans mes mains que je continue de fermer en point jusqu’à lâcher ce qui semble avoir sur lui l’effet d’une bombe.

« Pardon ? » La surprise a l’air sincère, je le verrais sûrement si j’avais pas envie de tout démolir et lui avec.
J’me laisserai pas avoir par ses airs de Saint victimisé, par le choc pourtant clairement imprimé sur les traits de son visage « Je ne vois pas ce que j’aurais pu lui demander, je ne ‘’donne’’ pas pour avoir quelque chose en échange. » Lui, lui et encore lui. Le mec bien, celui qui tend l'autre joue sans doute, qui donne sans attendre de recevoir. T'es une putain de belle personne !
J’entends pas le gémissement rauque et agacé qui m’échappe alors que je recommence à faire les cents pas tout en regardant le ciel dont je vois rien. Rien que des putains de nuages, opaques, les mêmes qui se baladent dans mon crane sans payer le loyer « Mais de quoi est-ce que tu parles exactement ? » Je m’arrête à nouveau, fixe le mur dans le fond de la ruelle, revient sur mes pas et me rapproche de lui pour finalement reculer de quelques pas. Chaque molécule de mon être appelle la violence, l’exprime ou la contient, la sent rugir à l’intérieur. Si j’essaie de me calmer c’est pour faire le tri dans mes pensées, dans mes souvenirs. Je replonge des mois en arrière, sonde les vestiges des mots qu’il a accepté de m’offrir après avoir survécu à cet enfer qui l’a fait trembler pendant trop longtemps. Un bleu, c’était un bleu, non ? Le regard rivé sur Naveen sans rien dire je l’analyse, tente de voir s’il y a quelque chose à recoller pour avoir le fin mot de l’histoire. Sebastyan. J’oublierai jamais l’odeur de sa peur ni le son de ce myocarde qui tonne dans sa cage thoracique.
Les seconde défilent et la plus sombre partie de mon âme jubile sans doute de faire traîner le silence, de le mettre sous pression de cette manière. Juste ou pas j’en ai rien à carrer, il n’est pas Tim, je ne me remettrai pas en cause face à ce type qui ne représente rien pour moi « Laisse tomber. » Si c'est pas toi t'as aucune raison de le savoir.
C’est ce que je fini par cracher dans un mélange de mépris et de dédain, le regardant de haut en bas une expression de dégoût évident sur les traits.

That’s just the darkside of me.

« Ils sont en danger ? » Ça switche de nouveau, pas vraiment menaçant mais j’suis sans doute biaisé, pas à sa place en tout cas « Lui, elles. » Un pas dans un sa direction, un autre, visage fermé et menton haut c’est la glace qui parle à présent alors que j’ancre mon regard dans le sien « Et tu sais quoi exactement sur moi ? Tes potes, ils savent quoi ? » Est ce qu’ils savent que j’aurai aucun scrupule à leur briser les os s’ils s’approchent ?

Il savait qu’il avait certainement trop parlé sur certains points et qu’il aurait dû tourner les choses un peu différemment – sans mentir pour autant- afin d’être certain de ne pas mettre le garçon face en lui plus en rage. Oui, certainement qu’il aurait dû, par ce qu’il sentait cette aura de colère, pour ne pas dire peut-être de violence qu’il ne connaissait que trop bien… mais, il avait choisi d’être plus brut et donc plus proche de la vérité. Il devait assumer ses conneries et ne pas essayer de trop se débiner même si face à Enzo c’était quand même beaucoup plus compliqué. Il avait presque envie de le brosser dans le sens du poil (promis, sans mauvais jeu de mots !) pour s’en tirer à bon coup, mais il luttait pour être le plus vrai, pour ne pas juste écouter son instinct qui lui soufflait d’être un peu plus soft dans ses paroles, d’enrober un peu plus la vérité. A quoi bon ? Tout le long de son monologue Enzo n’avait pas dit un seul mot, il voyait bien à certaines de ses attitudes, ou pire de ses regards que les mots prononcés ne lui plaisaient pas.

La tendance avait presque fini par s’inverser avec une seule phrase qui laissa Naveen totalement surpris. De quoi est-ce qu’il était en train de l’accuser au juste ? Et surtout au final, le plus important, c’était certainement qu’est-ce qui s’était passé exactement dans la geôle de William ? Enzo eut soudain une espèce de gémissement rauque avant de se remettre à faire les cents pas. Attitude qui n’était pas franchement du tout rassurante pour Naveen, mais cette fois, il n’avait vraiment aucune réponse à lui fournir vu qu’il ignorait totalement de quoi est-ce qu’il était question. Il essaya tout naturellement d’en savoir un peu plus et pendant un instant, il eut l’espoir d’avoir une réponse, Ryans s’était arrêté et cette fois fixait un mur. Silence, tandis que le plus jeune s’approchait de lui, toujours dans cette aura de violence et instinctivement, il recula d’un demi-pas. Il savait que face à Enzo, il n’aurait que peu de chance si une bataille venait à se livrait, tout comme il se doutait, qu’il se défendrait un minimum – ou peut-être beaucoup plus-. Mais rien de se passait. Juste un foutu silence dans cette aura de violence sous-jacente. Juste l’attente. Et cette fois-là ; Evans n’essaya pas de reprendre la parole, jugeant préférable d’attendre qu’Enzo décide ce qu’il allait faire ou dire – ou au contraire ne pas faire et ne pas dire-. Secondes qui s’égrainaient beaucoup trop lentement à son goût.  « Laisse tomber. » Est-ce qu’il y eut quand même une déception de cette réponse ? Probablement. Non pas qu’il ait envie de commérage, mais surtout de savoir ce qui avait bien pu se passer qu’il ignorait. beaucoup de choses, ne te fais pas d’illusion il était même fort probable qu’il ne connaissait d’une légère surface de ce qui s’était passé. Il fit abstraction à la mine de dégout que lui jetait Enzo, par ce qu’il avait bien raison de l’observer ainsi.

« Ils sont en danger ? » il fronça les sourcils ne comprenant pas pendant l’ombre d’un instant la question qui était posée, avant de saisir au même moment que Ryans prononçait la suite « Lui, elles. »   Le garçon avait fait un pas vers lui, parlant d’un ton toujours glaçant, ancrant son regard dans le sien. Regard qu’il n’osa pas détourner, déglutissant légèrement difficilement tandis qu’il continuait « Et tu sais quoi exactement sur moi ? Tes potes, ils savent quoi ? »
. Cette fois ce fut le secouriste qui eut un temps de silence, plus pour réfléchir mais au bout d’une dizaine de secondes, il avait finalement repris la parole « Je ne sais pas s’ils sont en danger. Je n’ai plus de nouvelle depuis mai approximativement, je ne sais pas où ils en sont, s’il y a un nouveau groupe ou pas.» Même s’il y avait bien sûr de forts soupçons. Il se passa une main dans les cheveux avant de continuer « Je ne sais même pas si moi, j’suis surveillé… mais j’te déconseillerai de passer par ma porte d’entrée… au cas où.» ce qu’il avait voulu faire comprendre à Sovahnn un peu plus tôt, qu’Enzo et William devraient éviter de entrer par son hall d’entrée – sait-on jamais-. Il se racla un peu la gorge avant de continuer, sur des faits, rien de que des faits «Pas « grand-chose » en soi, que tu es avec William, que tu étais … » Est-ce qu’il pouvait dire certains mots ? Il hésita un instant à dire Poudlard ou trouver une autre formulation… pour ne pas qu’ils se mettent l’un et l’autre dans la panade. Mais il n’y avait personne dans la rue alors son choix fut plus vite fait. « … à Poudlard. Et que tu es un lycan. Peut-être que les autres en savent plus, ça je ne peux pas te l’affirmer avec certitude… mais je pense que beaucoup ont au minimum ces informations.» Peut-être qu’il avait su d’autres choses, mais qu’il avait fini par oublier, par ce qu’au final, cela n’avait plus eu réellement d’importance. Et il savait que certains de ses mots, qu’il sache certaines choses pourraient jouer contre lui. Il aurait peut-être pu ne pas dire son statut de lycan, mais il ne le fit pas. Il pensa un instant à Jane, à ce qu’il avait appris sur les Ombres qu’il avait ignoré jusque-là.  Qu’est-ce qu’il ignorait d’autres ? Vu que visiblement, il y a des choses sur l’incarcération de William dont il n’était pas au courant. Qu’est-ce que ses « ex-collègues » pouvaient bien savoir sur l’homme qui se tenait face à lui ?

Crache le maintenant ce putain de morceau, attends pas que mes nerfs explosent et toi avec. Rien que des secondes, sans doute pas des masses en plus de ça mais mon cerveau vrille, patience inexistante « Je ne sais pas s’ils sont en danger. Je n’ai plus de nouvelle depuis mai approximativement, je ne sais pas où ils en sont, s’il y a un nouveau groupe ou pas. » Et toi tu te balade comme ça dans le plus grand des calmes en te disant que c’est pas grave, c’est du passé, si on n’en parle plus ça n’existe plus.
Je pourrais te dire qu’ils sont sans doute encore là, que j’en ai probablement buté un pas plus tard que la semaine dernière, mais l’esprit fractionné je ne fais pas les liens. Je ne les écoute pas. Tout mon focus est braqué sur Sovahnn, sur Liya, sur Will … Sur ma famille, c’est aussi simple que ça.
Ma famille que les personnes comme toi mettent en danger au nom de la connerie humaine. Est ce qu’un jour on aura la paix ? Est ce qu’un jour le monde arrêtera de s’en prendre à nous parce qu’on est trop sorcier ou pas assez, trop différent, trop hors de vos putains de cases ? Y en a toujours un que ça dérange qu’on ne soit pas comme lui « Je ne sais même pas si moi, j’suis surveillé… mais j’te déconseillerai de passer par ma porte d’entrée… au cas où. » Menaces dissimulées ou véritable mise en garde ? J’en ai pas grand-chose à foutre de ça non plus, faire attention à moi n’est clairement pas un truc qui me préoccupe actuellement et ma présence ici en est l’évidence. Une connerie, une de plus, à force de passer au travers allez savoir j’me suis peut être dit que j’étais increvable et invincible.

Un putain de chat noir qui passe entre les lames, esquive le mauvais sort, souvent boiteux mais qui retombe toujours sur ses pattes jusqu’au jour où la chance le quittera. Neuf vies ? J’en viens à me poser la question c’est vrai.

Et lui dans tout ça ? Sa vie elle ressemble à quoi ? Comment est ce qu’il en est venu à rejoindre le clan des faibles ? Ceux qui craquent, ceux qui jugent, qui détruisent. Ceux qui de la même exacte façon que l’on fait les sorciers enlèvent des gosses pour les marquer au fer rouge. Dans un autre contexte je pourrais sûrement avoir de l’empathie. Pas ce soir, pas cette nuit « Pas « grand-chose » en soi, que tu es avec William, que tu étais … » Qu’est ce que ça peut foutre ça ? Bien sûr que pour moi ça a de l’importance mais pour eux ? Un détail, rien de plus, un détail qui devient un réel problème quand certains estiment qu’on n’a pas le droit, qu’il faut rentrer dans le rang. C’est ça, faut se ranger, se trouver une gentille petite femme docile qui te fera des mômes que tu finiras par prostituer pour les apparences. Ils appellent ça mariage, ça passe mieux. Si je mélange tout ? Sans doute. Sûrement. Mais je crois qu’on en revient toujours au même non ? L’humain parasite, il gangrène, peu importe sa caste, qu’il est de la Magie dans les veines ou non. Est ce qu’on sait faire autre chose que s’entre-tuer ? Je sais que oui, certains jours c’est compliqué de continuer à se le dire et surtout à le penser « … à Poudlard. Et que tu es un lycan. Peut-être que les autres en savent plus, ça je ne peux pas te l’affirmer avec certitude… mais je pense que beaucoup ont au minimum ces informations. » En savoir plus ? C’te blague « Pas grand-chose. » Les mots sortent dans un souffle, dans un rire sec et plein de sarcasme, presque crachés avec dédain. Qu’est ce qu’ils pourraient bien apprendre de plus ? Des tas de choses, des tas de détails, mais là encore quelle importance ? Sorcier, Lycan, j’suis pas certains qu’ils aient besoin de plus.

Un pas sur le côté, puis un autre, la tête secouée de droite à gauche et de gauche à droite avec un sourire amer sur les lèvres, j’sais même pas quoi foutre de cette info. Je l’avais déjà, je m’en doutais en tout cas, alors non ça ne change pas grand-chose à ce stade « J’espère que tu fais tout c’que tu peux pour les faire tomber sinon tu vaux pas mieux. » Des mots cinglants balancés froidement sans lui accorder le moindre regard, les yeux braqué vers la foule qui ne peut pas nous voir, pas plus nous entendre. Ils sont là, vont et viennent sans se douter de rien, j’envie ceux qui rient à s’en décoller les poumons « T’approche plus d’elles. » Plus rauque, ça vibre dans la gorge et ma cage thoracique comme un grondement sourd. La menace est évidente, bien réelle surtout. Cette décision ne m’appartient pas, seule Sovahnn détient les clés de tout ça mais ce soir je dépasse les bornes.

Pas un mot de plus, pas même un regard, si je disparais dans la foule et m’y fonds un instant ça n’est que pour transplaner plus loin. Là où le fracas des vagues sur le grès des falaises fait plus de bruit que celui qui rugit dans mon crâne.

▬ FINI POUR MOI ▬

Il essayait de répondre le plus justement à Enzo, mais il faut bien avouer que … et bien qu’il ne savait pas grand-chose sur ce qui se passait chez les Inquisiteurs/ ex-inquisiteurs/ ou leur nouveau nom de groupe. Il n’était pas sûr qu’ils existaient vraiment encore, ou sous quelle identité. Qui pouvait bien être resté s’ils étaient toujours présents ? Les plus extrêmes probablement. Ruben ne semblait pas en faire partie, et il était à la fois soulagé que ce soit derrière lui aussi tout en disant que c’était dommage, qu’il aurait peut-être pu apprendre des choses intéressantes l’air de rien dans une discussion. Concernant son meilleur ami, il se doutait qu’il avait toujours de gros problèmes contre la magie, et peut-être qu’il tomberait sur d’autres timbrés. Il était déçu de lui-même, de Shadwell, de ne pas réussir à le convaincre d’une quelconque manière. La Garde, même s’il n’avait que des contacts avec deux ou trois membres étaient eux des gens bien qui souhaitaient vraiment rétablir la situation et il aurait bien aimé que son meilleur ami se joigne aussi à eux. Trop têtu, trop ancré dans ce qu’il pensait probablement, il ne verrait jamais la magie sous un bon jour. Naveen s’empêcha de soupirer par ce que ce n’était pas le moment. Une courte poignée de secondes, voilà ce qu’avait duré cette réflexion.

Et il avait continué de répondre à Enzo en essayant de doser un minimum ses paroles et surtout faire en sorte que la Garde n’apparaisse jamais dans son discours, même en sous-entendu. Ici encore, comme avec Sovahnn, il avait envie de lui hurler ça. Qu’il sache au moins, qu’il n’était pas qu’un mauvais type, et qu’il voulait vraiment le meilleur pour les Moldus ET les sorciers. Oui, il avait merdé. Oui, il était impardonnable sur certains points, et il ne cherchait ni le pardon, ni la rédemption, il voulait juste faire ce qui était le plus juste pour le plus de personnes – avec sa petite vision des choses, probablement biaisée et trompée-. Qu’on ne le voit pas que comme un monstre l’aurait bien arrangé, mais il préférait garder le silence. C’était le mieux pour la Garde. « Pas grand-chose. » Par rapport à ceux qu’ils auraient pu savoir, oui, ce n’était au final pas grand-chose, mais il pouvait comprendre aisément le rire sec d’Enzo qui était plus que légitime. Et il n’y avait rien à répondre là-dedans. Il préféra garder un silence plutôt que de dire une énième connerie qui pourrait relancer la colère d’Enzo contre lui.

Inspiration brève tandis que le plus jeune fit plusieurs pas sur le côté « J’espère que tu fais tout c’que tu peux pour les faire tomber sinon tu vaux pas mieux. » Il ouvrit la bouche mais la referma rapidement en se rendant compte que c’était une réponse qu’il ne pouvait pas donner. Il se mordit la langue violemment pour se couper toute envie de répondre quoi que ce soit. Gueule fermée, presque dans une grimace – à cause de la douleur de la morsure, mais qui aurait très bien pur être prise pour cette attaque verbale-. « T’approche plus d’elles. » La menace était bien présente et il la prenait tout à fait au sérieux. Qu’Enzo ne s’inquiète pas, il ne le ferait pas sauf si Sovahnn venait à lui. Néanmoins, ce n’était pas à lui de choisir que la belle blonde pouvait voir ou pas, si elle décidait sans aucune pression ou menace de le revoir, ne serait-ce que pour lui poser des questions, qui était-il pour l’en empêcher ? La réponse, il l’avait dans la bouche, comme un grand frère protecteur. Il avait déjà menacé clairement un des ex de sa sœur qui ne s’était pas bien comporté avec elle, alors il pouvait le comprendre à Enzo. Mais dans un cas comme dans l’autre, ils n’étaient personne pour décider de la vie de leur proche. « Je ne compte pas la recontacter, ne t’inquiètes pas.» souffla-t-il sans même être certain que le lycan l’avait entendu. Non, il ne la recontacterait pas, sauf s’il était certain qu’elle était en danger. Il avait bien entendu Sovahnn lui dire qu’elle ne changerait pas de numéro de téléphone, il y voyait là une ouverture qu’il ne saisirait pas. Il ne voulait pas profiter d’une quelconque faiblesse, si elle voulait le revoir ça devait être de son propre choix influencé par personne.

Et c’était tout, comme il était apparu, Ryans avait disparu dans la foule. Naveen poussa un bref soupir de soulagement en se disant que ça ne s’était pas si mal passé que ça. Il était entier, en vie, sur ses deux jambes ce qu’il n’aurait pas forcément pensé en début de conversation vu la colère du sorcier. A son tour, il repartit presque comme si de rien n’était, ses jambes étaient peut-être un peu plus tremblantes et flageolantes que d’habitude, son cœur battait toujours la chamade, et il était certain que la droite qu’il s’était prise allait bientôt se voir et que la douleur allait arriver dès que l’adrénaline qui parcourait son corps se serait évacuée, qu’il ne serait plus en mode « survie ».