Regrets engloutis - Maxence

Début janvier 2017 –

Tout vacillait. Jour. Nuit.  Elle ne savait plus où elle était. Quel jour. Il n’y avait eu que la douleur, longue, éreintante, épuisante. Les trous noirs se succédaient, parfois il lui semblait entendre des voix connues, celle de Maxence, notamment. De temps en temps, il lui semblait reprendre conscience, quelques instants, quelques minutes tout au plus. Elle n’en était pas certaine, tout semblait si flou et si confus, comme si l’espace temps en faisait que changer, comme si elle n’était plus reliée à rien. Repos. Douleur. Trou noir. Repos. Autre sensation indéfinissable. Douleur. Trou noir. Pensées en friches, brouillées totalement. Heures, jours, semaines ?!

Et puis à un moment tout sembla se calmer ; période d’accalmie. La douleur était toujours présente mais cette fois relativement supportable, son cerveau semblait enfin vouloir pouvoir fonctionner recommencer à réfléchir. Toujours dans les vapes, elle reconnut lorsqu’elle reprit conscience qu’elle était sur un lit. Elle ouvrir les yeux avec difficulté et même si la pièce avait une lumière plus que réduite, elle eut l’impression que ses pupilles venaient de subir un affront sans nom. Qu’est-ce qu’elle foutait-là ? Il lui fallut encore quelques instants avant de remettre plus ou moins les derniers évènements. La mission et les différents échecs. Culpabilité qui la rongea immédiatement de nouveau. Elle avait raté sur tous les points. Jordane…. Jordane ? Est-ce qu’elle allait bien ? Il ne lui semblait pas qu’elle avait été blessée mais comment en être certaine ? Alors elle s’agita un peu dans son lit la Générale, pas beaucoup, par ce qu’elle n’en avait pas la force. Ni de se lever, ni même certainement de vraiment trop se redresser. Elle avait tenté une fois, puis une deuxième mais abandonna bien vite. Elle tourna ensuite un peu la tête d’un côté et de l’autre, éveillant de légères douleurs mais elle ne tarda pas à reconnaitre une des planques de la Garde, et plus précisément l'hôpital clandestin et cela ne l’aida pas vraiment à se détendre.

Elle essaya d’oublier la culpabilité et la honte qui ne faisaient que grandir, l’inquiétude pour Jordane mais n’y arrivait pas. Et bientôt une porte ne tarda pas à s’ouvrir pour laisser une silhouette qu’elle ne connaissait que trop bien. Elle aurait tellement aimé dire qu’en la voyant tous ses soucis s’étaient envolés mais ça aurait été mentir. Il y eu un soulagement, net, précis comme une bouffée d’oxygène très courte, surtout en voyant les traits tirés de l’homme. Max, qu’est-ce qui s’est passé ? Pas vraiment une question en réalité, elle le savait… plus ou moins, mais qu’est-ce qu’il y avait eu depuis ? depuis combien de temps est-ce qu’elle était là ? Elle déglutit avec difficulté, se rendant compte que sa phrase précédente avait peut-être ressemblé plus à des mots mal articulés, incompréhensibles qu’autre chose. Elle choisit alors de prendre le deuxième point qui l’intéressait le plus ? « Jordane ?» Pas très clair, mais Maxence comprendrait certainement sans aucun souci.

Les mains liées en avant, les avants-bras sur les genoux et le regard braqué sur une tasse de café froid, il relève à peine les yeux quand une main se pose sur son épaule et que la voix de Sanae se fait entendre dans la salle de pause. Elle y va. Il hoche. Ne bouge pas.
Le regard reste fixe et lorsqu’il le redresse, la pièce est vide depuis un moment sans qu’il ne sache même s’il a pu rêver la présence de son amie. Etait-ce Niall ? Il est passé non ? Avant ? Après ? Tout s’embrouille dans un brouillard de pensées confuses dans lesquelles une seule chose perce par moment : la tasse devant lui.
Mâchoires crispées, Maxence est là, ailleurs. Jamais vraiment dans cette pièce, inlassablement coincé quelques jours en arrière quand il a récupéré Néolina dans cette planque. Jordane qui fait ce qu’elle peut pour bloquer l’hémorragie et dans sa cage thoracique, la colère de se dire qu’elle pouvait utiliser des sorts, qu’elle pouvait mieux faire.

C’est injuste.
Mais c’est celle qu’il aime qui refuse encore d’ouvrir les yeux.

Une profonde inspiration gonfle ses poumons et comme chaque fois, c’est l’odeur des cendres et de la chair calcinée qui emplie ses narines. Comme s’il lui était impossible de rester ici à attendre sans que cette sensation ne lui colle à la peau.

Lorsqu’il se redresse enfin, Maxence ne jette pas un regard vers le café froid. “Tu devrais sortir de cette chambre et prendre l’air” lui a-t-on dit. La salle de repos des équipes n’était sans doute pas exactement le propos mais c’est bien là qu’il a échoué, à laisser le temps passer sans y trouver d’attache.

Le regard est droit tandis que les couloirs s’enchaînent sous ses pas. Les heures de sommeil ont pourtant été rares et les paroles, avares.
Son plexus s’ouvre pourtant lorsqu’en ouvrant la porte, c’est le regard gris de Néo qui croise le sien. Gris, non de couleur mais de timbre. Elle en réchappe, mais l’issue aurait pu être bien plus définitive si quelques évènements s’étaient trouvés différents. Quelques centimètres, quelques minutes, il en faut peu, parfois, pour faire basculer les choses. Grise, donc. De voix, de teint, de regard.
Si elle baragouine et dégluti, lui a lâché son prénom comme on lâche un ballon dans les airs. L’inspiration avale le prénom balancé dans un soulagement presque brutal et en un instant, le toubib lâche tout pour arriver aux côtés de l’ancienne Poufsouffle.

Sa main se referme sur la sienne, un baiser sur son front et le cœur en carafe.

« Jordane ?»
“Elle va bien. Elle t’a ramenée.” Qu’elle est froide cette main. Qu’il est chaud ce front. “Merde, tu m’as fait tellement peur..” Le souffle roule sur sa peau et coule sur sa joue. Un temps de retard s’attarde avant qu’il ne redresse le dos et pose un genou au sol pour la fixer un instant.
Quelques secondes durant lesquelles il en oublierait presque le soignant qu’il est. Et puis le naturel revient au galop et après un souffle lâché en gonflant les joues, Maxence vérifie ses constantes et s’assure de sa santé.
Réflexes pupillaires, pouls, questions de base.
“Tu te souviens de quoi ?”  

Flou. Douleur. Essayer de retrouver des pensées plus claires, plus fluides. Ses souvenirs. Pourquoi est-ce qu’elle était-là, qu’est-ce qui s’était passé ? Et la réalité l’avait finalement bientôt frappé de plein fouet. Les regrets, les remords qui remontaient. Qui la rongeaient. A quel point est-ce qu’elle avait merdé, des choses qui ne pourraient pas être réparées, des morts encore et toujours. Peut-être aurait-elle dû foncer, les aider à ses collègues. Peut-être qu’elle aurait mieux partir plus tôt pour ne pas mettre Jordane – et elle- plus en danger. Certaines zones restaient quand même encore floues, mais elle avait le global de la situation et surtout le fait que c’était Brooks qui avait fait ce qu’il fallait, d’un bout à l’autre. Que c’était grâce à elle qu’elle était encore aujourd’hui en vie. Elle avait l’impression de divaguer, de ne toujours pas arriver à avoir un vrai flux de pensées, elle ne revoyait que ce qui s’était passé, ne faisant qu’augmenter encore et encore sa culpabilité.

Combien de temps s’était passé exactement avant qu’une silhouette apparaisse sur son champ de vision ? Elle n’en savait rien, mais elle était salvatrice cette apparition. Par ce que c’était Maxence ; l’être qu’elle aimait, celui à qui elle pouvait se confier. L’ami, l’amant, le confident. La présence rassurante, et pourtant si elle était rassurée, elle avait aussi honte. Honte de comment elle avait agi ; peur de ce qu’il pourrait bien penser, ce qui était stupide, c’était une des personnes les plus humaines et les plus compréhensives qu’elle connaissait. Il était certainement même beaucoup plus empathique qu’elle. La main de l’homme ne tarde pas à se refermer sur la sienne avant qu’elle se sente sur son front ses lèvres beaucoup trop fraiche – à moins que ce soit elle qui ait beaucoup trop chaud ?-. Elle n’en était pas certaine et se sentait toujours dans un état second, néanmoins, il y a quelque chose qui l’intéressait toujours en premier lieu : avoir des nouvelles de Jordane. Elle n’était pas certaine de savoir de savoir comment est-ce qu’elle allait. Pas sûre qu’elle ait été blessée ou si elle s’en était sortie presque indemne.  Ses yeux papillonnèrent quelques instants tandis que son homme reprenait la parole “Elle va bien. Elle t’a ramenée.” Si elle avait pu pousser un vrai soupir de soulagement, certainement qu’elle l’aurait fait, mais là, la seule force qu’elle avait, elle la gardait mais son visage devait semblait un peu plus serein. C’était vraiment une bonne chose. .“Merde, tu m’as fait tellement peur..” Visage qui se décompose de nouveau, toujours dans la honte et les regrets, elle essayait de le regardait mais avait bien du mal à garder son attention fixée, à garder les yeux ouverts trop longtemps. Fatigue. Si grosse fatigue et envie de dormir. «   ‘ Solée.» souffla-t-elle quand même, avant de tenter quelque chose qui était censé ressembler à un sourire mais qui devait être plus proche de la grimace.

Elle l’avait ensuite laissé faire ses « trucs de médecin », plus ou moins absente, avant que sa voix ne la réinterpelle et qu’elle essayait de fixer son attention sur lui. “Tu te souviens de quoi ?”  Question piège à son sens. Frisson qui la prend ainsi qu’une nausée montante.   « Tout. Je crois. A peu près tout.» se forçat-elle à dire, d’une façon hachurée mais un minimum compréhensible. « J’ai merdé Max. D’un bout à l’autre.» explosion dans son cœur, de douleur mais non pas à cause de ses blessures mais de tout le reste. Elle le fixa, essayant de voir comment est-ce qu’il prenait cette nouvelle. Paniquant peut-être un peu, un instant ses cheveux changèrent plusieurs fois de couleur. Rouge. Bleu. Chatain. Verte. Avant de reprendre une teinte un peu plus normale. « ‘Solée. J’voulais pas t’faire peur.» rajouta-t-elle en s’accrochant comme elle le pouvait à la main de l’homme comme si elle craignait qu’il s’éloigne même s’il était clair qu’elle n’avait aucune force. « L’mission a échoué ‘cause d’moi.» dit-elle d’une voix blanche où transpirait la culpabilité. Il y avait du vrai là-dedans, elle n’avait pas pour le mieux agi, très loin de là même, mais les choses ne s’étaient pas non plus passées du tout comme prévu et dans ce genre d’action, elle n’était pas non la plus douée. Son point fort était d’entendre, de récolter les informations. « M’laisse pas, s’te plait.»

Les traits tirés, le teint livide, elle s’excuse, balbutie, hésite. Si les liens se font pour elle, le corps peine pourtant à se remettre et le mental flanche. Chacune de ses prises de paroles est douloureuse, hachurée. Tout peine, jusqu’au pincement lourd sous les côtes du médicomage qui dégluti en silence.
Il y a quelques mois, c’est Sanae qu’il veillait ici.
Plus tôt, il perdait Zachary Dissemba.
Et avant, Doryan McKiddle.

Les ombres s’enchaînent, c’est le métier, c’est ainsi. Les échecs n’en sont pas, ils font juste partie du décor. Mais quand ceux qu’on perd sont si jeunes. Quand avoir veillé sur eux s’ajoute à l’équation et qu’à force, certains semble davantage appartenir à la famille qu’à d’éventuelles obligations..
Et enfin, quand il s’agit de ceux et celles qu’on aime..
Les choses sont différentes. On a beau se blinder, on a beau agir avec tout le détachement de la terre, il n’empêche que lorsque la pression retombe, il n’y a plus qu’un Humain face à ce qu’il risque de perdre.
Ainsi les yeux sont humides, la voix lourde et le cœur vif. A l’ausculter, il n’y a à l’esprit que cette possibilité atroce de la perdre. Un nom parmi d’autres, sur une liste. Le basculement d’une vie, pour ceux qui dépassent le cadre de l’administratif et s’inscrivent dans la vie réelle. Dans les manques. Les doutes. Les peines. Les vrais gens de la vraie vie qui perdent de vraies personnes. Des brides de leur vie, passée ou future.
Ceux que Maxence a tant vu défiler et dont il ne connaît que trop bien les manques.

Alors s’il se raccroche aux gestes techniques, aux habitudes ancrés, c’est pour repousser l’échéance. Ce simple moment où il pose le regard dans celle qu’il aime et note à quel point ses mots sont hachés, sa gorge sèche et sa peau brûlante. Ça s’écrase sous ses côtes et hérisse des épines dans sa gorge lorsqu’il y consent enfin. Les yeux mi-clos, le menton bas, les lèvres tremblantes. Un instant, le souffle du médecin se suspend dans sa gorge.

« Tout. Je crois. A peu près tout.» Ce qu’il s’est passé exactement, une part de lui s’en fout. Cette part là voudrait la prendre par la main ou la jeter sur son épaule et l’emmener très loin de tout ça. Alors il se souvient de leur repas, des mois plus tôt. Un an peut être ? A Londres. Deux ex qui se retrouvent et chacun qui tente de mettre un pied dans la vie de l’autre sans vraiment savoir comment s’y prendre. Il voit les regards qui s’attardent, les questions innocentes qui ne le sont pas tant, le quotidien qu’on conte et le passé qui n’en fini pas d’apparaître en filigrane. Il revoit le premier baiser, les fous-rires, le premier repas avec ses mères. Toutes ces choses qui se cristallisent quand, maintenant, elle lui parle de ce dont elle se souvient de cette fameuse nuit. Tandis qu’il voudrait juste l’emporter loin de tout ça ; en sécurité.
Loin de cette première fois où elle lui a expliqué la teneur de son travail et sous-entendu l’intérêt de sa présence au sein de la Garde. Alors si son souffle reprend, ce n’est qu’un élan du corps. Une habitude mal acquise qui appelle à la vie quand l’esprit, lui, est ailleurs. « J’ai merdé Max. D’un bout à l’autre.»   Et il s’en fout. Si tu savais comme il s’en fout. Il pourrait y avoir de la colère. Envers elle, envers Jordane qui n’a même jamais mis les pieds ici pour savoir comment s’en sort sa supérieure, envers la Garde ou envers ceux qui n’ont pas vu le danger arriver. Mais le danger vient de partout et les broient les uns après les autres. Alors oui, il n’en fout des erreurs. Doit-on mourir pour une erreur ?
Bien des couleurs passent dans les cheveux de la sorcière et si Maxence en avait l’aptitude, il est certain que son corps en ferait de même. Mais pour l’heure, il n’a pour lui que la possibilité d’observer ces teintes qu’il n’a jamais vu auparavant. Certaines sont apparues pourtant, au gré des épreuves traversées. Il a vu le doute, la joie, la peine. Tant de nuances pour rehausser le bronze de son regard. Jamais celles-là. Jamais ainsi.  « ‘Solée. J’voulais pas t’faire peur.»
En douceur, Maxence abandonne ses vérifications. Le tour a déjà été par trois fois validé. Il ne sert plus à rien de s’acharner, ce n’est que lui-même qu’il rassure et elle, sans doute, qu’il inquiète. Alors en pinçant des lèvres, il repousse ses excuses d’un geste du menton et inspire pour se donner de la force. « M’laisse pas, s’te plait.» C’est qu’il peine à trouver les mots. Dire quoi que ce soit sonne déplacé. Ça a toujours été un effet des hôpitaux que sa fonction a effacé mais que l’instant remet en avant. Il semble parfois inconvenant de parler. Même pour lui. Le symptôme sans doute qu’il n’est plus à l’instant ni le toubib ni l’ami mais bien plus que ça.
“ça ne risque pas…” Un sourire frêle passe, puis s’assure ; comme s’il se rappelait soudainement être celui qui se doit d’être solide. Alors en douceur, Maxence se redresse sans lui lâcher la main. “Tu me ferais une place ?” Se glisser contre elle n’a rien de simple mais les blessures le permettent à présent et tous deux en ont davantage besoin. En douceur, il l’entoure de ses bras et pose une joue contre sa tempe.
“Laisse la mission de côté ok ? Tu verras ça plus tard. Tu dois te remettre, déjà.” Puis plus bas, il glisse à son oreille les conclusions d’une forme de dissonance. “Jordane n’a pas dit que tu as fait la moindre erreur. Elle a parlé des circonstances, pas de tes décisions.” Si erreur il y a véritablement, la plus jeune a fait preuve d’une certaine loyauté. Par dévouement ou probité, elle a tenu sa langue.
“Comment tu te sens ?”

Est-ce que parfois il n’était pas plus simple d’oublier, de ne pas se souvenir ? Dans ce genre de circonstances du moins. Les minutes passaient et elle avait l’impression de plus en plus d’entendre ses collègues se faire abattre tandis qu’elle s’était presque tétanisée entre ses souvenirs de l’attentat du Ministère et le fait de vouloir aider ses camarades d’armes alors qu’il fallait fuir. Et qu’elle n’avait pas vraiment pu prendre cette décision, c’était Jordane qui avait tout fait putain. Et elle s’en voulait de l’avoir mis en danger à la « gamine » , elle s’en voulait d’avoir laissé ses camarades là-bas sans rien tenter. Il n’y avait que des remords, de la culpabilité, du dégoût de soi-même. Le seul point positif c’est qu’au moins Brooks était en vie et en bonne santé  - du moins autant que l’on pouvait l’être après tout ça-. Alors oui, elle avait merdé et elle pouvait le dire haut et fort – au moins à Maxence-. Pour le reste… pour les autres, elle verrait plus tard, par ce que pour l’instant tout n’était pas clair et réfléchi dans sa tête, par ce qu’elle se sentait beaucoup trop faible, beaucoup trop perturbée. Beaucoup trop de choses et la couleur de ses cheveux qui changeaient, son Don qui prenait le dessus sur ses années d’apprentissage le montrait bien qu’elle était plus que fragile à cet instant précis. Et elle finit par s’excuser de lui avoir fait peur à Max, il n’avait pas besoin de le dire, par ce qu’elle le savait, elle pouvait le faire dans ses gestes, dans ses attitudes, dans ses yeux cernés, les traits de son visage. Et c’était aussi juste logique.

Et il y avait aussi cette peur indicible. Celle de l’abandon, qu’il soit beaucoup trop déçu d’elle, de ses choix et qu’il finisse par partir. C’était stupide, et au fond elle le savait mais… mais c’était quand même plus fort qu’elle. Après tout n’était-elle pas en quelque sorte un peu coupable de la mort de ses collègues par ce qu’elle n’avait pas agi ? Certes, rien ne s’était passé comme prévu mais en tant que chef, elle aurait dû pouvoir prendre les décisions adéquates.  Elle n’était pas faite pour cela, du moins pas lorsqu’elle était sur le terrain. Silence pendant quelques instants, comme s’il cherchait ses mots. “ça ne risque pas…” Qu’il disait avec un léger sourire qui la rassura, beaucoup plus que sa main dans la sienne.  Peut-être par ce  ce sourire évoquait toute cette douceur qu’elle aimait tant “Tu me ferais une place ?” Elle essayait de se décaler un peu, mais même si ce n’était pas chose aisée, ils réussirent à se caler bientôt l’un contre l’autre et elle reposa  sa tête contre lui ayant juste envie de refermer un peu les yeux pour profiter de ce moment, mais la voix de Max la tira de nouveau de ses pensées, de sa fatigue quelque part. Elle essaya de se concentrer pour bien comprendre ce qu’il était en train de lui dire. Laisse la mission de côté ok ? Tu verras ça plus tard. Tu dois te remettre, déjà.” C’était vrai, mais elle ne pouvait pas oublier ce qu’elle avait fait – ou pas fait d’ailleurs ?- Puis il rajouta rapidement avant même qu’elle ait pu répondre quoi que ce soit “Jordane n’a pas dit que tu as fait la moindre erreur. Elle a parlé des circonstances, pas de tes décisions.” Elle fronça cette fois un peu les sourcils. Pas sûre de bien comprendre pourquoi est-ce que Jordane avait agi ainsi et cela la troublait. Elle était pourtant sûre d’avoir tout merdé, mais peut-être que c’était au final moins pire qu’elle le croyait ? Ou alors la plus jeune la couvrait pour X ou Y raison. « Okay.» souffla-t-elle à voix basse. Il fallait de toute manière qu’elle remercie Jordane comme il se doit, elle pourrait peut-être lui demander cela à ce moment-là. “Comment tu te sens ? ‘’ bonne question. Elle hésita quand même un peu « Fatiguée, un peu bizarre, mais je crois que je n’ai pas trop mal. Je ne saurai pas trop l’expliquer.» probablement les médicaments. « Et toi ? Vas-y raconte ce qui s’est passé ces derniers jours.» Silence avant que soudain, elle se rappelle de quelque chose. Elle se sentit comme heurtée de plein fouet. « Gary ?! Tu ? Il sait quelque chose ? Il va s’inquiéter s’il ne me voit pas rentrer.» Et comme il ne savait pas qu’elle était dans la Garde. Un jour, peut-être qu’elle arriverait à penser à elle avant tout, mais là son esprit était à présent focalisé sur Gary. Heureusement que Jordane allait bien, sinon elle aurait forcément pensé à Cooper.

Qu’elle ait merdé ou non lui passe au dessus. Tout autant que la raison pour laquelle Jordane tient sa langue et le fait qu’il aura sans doute oublié tout ça d’ici peu. Ou peut-être pas. Avec son implication auprès de Jane et des lycans, sans doute y aurait-il un jour des prises de décisions à affirmer. Mais pour l’heure ça aussi, ça lui passe au dessus. A trouver contact avec son corps, il l’attire contre lui et laisse quelques doigts couler sur sa peau. En déposant un baiser sur sa tempe il observe un instant les couleurs moirer la chevelure de la métamorphomage et un instant, il lui semble être de retour à l’adolescence. Quand elle perdait le contrôle à chaque émotions fortes et que ses boucles devenaient un véritable baromètre intérieur. Un petit sourire sur les lèvres, il pose un instant le front contre elle et s’emplit de cette sensation tout à la fois exaltante et atroce que de la savoir en vie. Atroce car elle amène à ceux qu’ils ont perdus, au risque inhérent de l’avenir.
« Fatiguée, un peu bizarre, mais je crois que je n’ai pas trop mal. Je ne saurai pas trop l’expliquer.» Un sourire passe. L’ayant soignée en première intention puis ayant été dans le décor pour tout le processus qui a suivi, Maxence lui a quelque idée de l’explication. Mais il n’en dit rien. Le but est bien celui-là. Qu’elle n’ait pas trop mal. Sous le drap, les bandages ont été changés le matin même. Certaines blessures, d’origine magique, marqueront sa peau un moment si elle n’en modifie pas l’apparence d’elle-même. L’avantage de son don, sans doute. Un avantage qui fait qu’on oublie bien volontiers ce par quoi les gens ont pu penser. Mais eux doivent avoir conscience de chaque plaie pour les garder invisibles. A chaque instant.
C’est sans doute ce qu’elle fera au ministère.
« Et toi ? Vas-y raconte ce qui s’est passé ces derniers jours.» Mais avant qu’il n’ait eu le temps de réunir ses pensées et de répondre, Néo sursaute. Naturellement, les caresses de ses doigts deviennent une paume à plat, prête à la rattraper ou à l’apaiser.  « Gary ?! Tu ? Il sait quelque chose ? Il va s’inquiéter s’il ne me voit pas rentrer.»
“Oui, j’ai été balancer à ton ex que t’appartient à une organisation classée comme terroriste par le gouvernement et que t’as fait sauter une des imprimeries d’état le weekend dernier. Que t’as été blessée dans la bagarre et que t’es dans un hosto clandestin depuis…” Un sourire en coin passe tandis qu’il se penche vers elle, l’air de se moquer en doucement. “J’ui ai dit que tes parents avaient appelé. Qu’elles avaient besoin de toi et que t’y étais pour quelques jours pour gérer un truc.” A savoir la première excuse qui lui était venue quand il avait croisé Gary au débotté en allant chercher quelques affaires pour Néo après bien des nuits blanches.
“A priori la Garde a géré pour ton emploi. Et t’as eu quelques visites et prises de nouvelles de ceux qui savent. Pour le reste je sais pas. La terre a peut être arrêté de tourner, je suis pas beaucoup sorti.” Quant à la nécessité de préciser que Jordane n’en fait pas partie, Maxence l’écarte comme il écarte les cheveux rebelles de la belle. “Je sais que t’as besoin de ça pour remettre les pendules à l’heure. Mais tout va bien. T’as besoin de te reposer. Tu veux pas dormir ? On verra après pour l’aspect technique.”
Plus tard aussi pour la réunion qu’elle aurait nécessairement avec ses chefs. Plus tard pour tout. Se reposer, retrouver des forces, se sentir mieux au réveil. Ensuite elle verrait.

Elle essayait de penser … à quoi d’ailleurs ? Elle ne savait pas trop, l’esprit un peu dans la brume mais soudain l’image de Gary fut nette et elle s’inquiéta pour son coloc. Est-ce qu’il était au courant de quelque chose, de quoi ? Est-ce qu’on l’avait au moins prévenu qu’elle ne reviendrait pas de suite ? Gatiss, malgré sa grande taille, restait un grand être beaucoup trop sensible pour ce genre de chose et elle ne voulait pas qu’il s’inquiète alors qu’elle… allait bien, enfin du moins qu’elle irait bien et qu’elle était en vie. “Oui, j’ai été balancer à ton ex que t’appartient à une organisation classée comme terroriste par le gouvernement et que t’as fait sauter une des imprimeries d’état le weekend dernier. Que t’as été blessée dans la bagarre et que t’es dans un hosto clandestin depuis…” Elle fronça un peu les sourcils et retroussa même le nez dans une moue presque boudeuse alors qu’elle avait surtout buggué sur le terme d’ex. Bien sûr qu’il ne lui aurait jamais dit tout cela, personne n’aurait dit à un Gatiss qui ne savait pas fermer sa gueule ce qu’elle était. Ca aurait été bien trop dangereux pour tout le monde. Gary avait quelques qualités mais la discrétion et les bonnes décisions ne faisaient pas vraiment parti de son vocabulaire. “J’ui ai dit que tes parents avaient appelé. Qu’elles avaient besoin de toi et que t’y étais pour quelques jours pour gérer un truc.” bon, parfait ! il n’y avait plus qu’à espérer d’une de ses mères – ou ses frères- ne viendraient pas la voir sinon ça ferait tout capoter, mais le mensonge était quelque chose qui pouvait paraitre vrai. Gary poserait forcément des questions mais si elle faisait genre qu’elle n’avait pas envie d’y répondre, le bougre n’insisterait pas. “A priori la Garde a géré pour ton emploi. Et t’as eu quelques visites et prises de nouvelles de ceux qui savent. Pour le reste je sais pas. La terre a peut être arrêté de tourner, je suis pas beaucoup sorti.” elle eut un bref rire… vite arrêté par ce que douloureux ; mais il est vrai qu’elle n’avait pas vraiment pensé à son boulot, par ce que c’était secondaire pour elle comparé à ses amis, sa famille. Mais, être malade ça pouvait arriver à tout le monde, avec son Don elle pourrait cacher les cicatrices – même si elle n’avait pas encore vue celles-ci- “Je sais que t’as besoin de ça pour remettre les pendules à l’heure. Mais tout va bien. T’as besoin de te reposer. Tu veux pas dormir ? On verra après pour l’aspect technique.” Bien sûr qu’il avait raison et si ça n’avait pas été elle dans ce foutu lit, elle aurait certainement tenu le même discours que son homme, mais les questions continuaient de s’enchainer. Ainsi que les doutes. Est-ce qu’elle était vraiment faite pour cela ? Pour avoir ce grade ? De nouveau elle cligna des yeux. Ange qui passe. Et enfin, elle reprit la parole « Merci pour Gary, ça lui évitera de s’imaginer trop de choses voire de faire des conneries.» Du genre vérifier qu’Azalea ne s’en était pas prise à elle – ou Aloysius-. Elle eut un doux sourire et tenta de caresser avec tendresse la joue de Max mais le geste était encore un peu trop douloureux et lui demandait l’air de rien des forces qu’elle n’avait absolument pas. « Et c’pas mon ex.» ils avaient juste déjà couché ensemble. C’était une manière comme une autre de le rassurer, de lui rappeler qu’elle ne le voyait que comme un ami – auquel elle tenait certes beaucoup, mais un ami quand même-. Elle ferma les yeux comme pour lui donner raison, qu’elle avait besoin de dormir mais elle ne put s’empêcher de demander, un peu malicieuse « T’veux pas me chanter quelque chose – et pas une berceuse ?-» elle ouvrit à demi les yeux pour observer la tronche qu’il ferait, par ce que celle-là, il ne devait pas s’y attendre. Mais elle était bien là, contre lui, et elle avait envie – besoin- de l’entendre parler, s’il chantait elle aurait plus tendance à se laisser porter par la mélodie et aurait moins envie de répliquer.

Qu'est ce que sait Gary qui pourrait lui faire croire qu'elle avait des ennuis ? Pas grand-chose au final, mais ses liens Klara et donc par conséquent avec Azalea voire Aloysius pourraient quand même être une réponse acceptable. D'autant que Gary était fidèle à lui-même et avec une imagination défiant presque toute concurrence. Des choses rien qu'avec ses deux noms, il pouvait certainement en faire presque un roman. Neolina hésita quelques instants avant de se décider à répliquer. Beaucoup de choses à vrai dire... enfin des choses qu'il peut s'imaginer tout seul. Une des amies de son.... ex l'a à moitié étripé.. Et cette nana est dangereuse est.ne m'apprécie pas même si dans la réalité elle ne tentera sûrement rien envers moi. Ça reviendrait à perdre une de ses seules amies. Elle haussa un peu les épaules « S’il se monte le bourrichon tout seul qui sait ce qui pourrait se passer. Je suis loin de le comprendre tout le temps.» Elle eut un petit sourire triste. C’était parfois compliqué avec lui et s’il allait mieux aujourd’hui, elle savait qu’il ne retrouverait jamais cette candeur et cette vraie bonne humeur qu’il avait autrefois. Azkaban l’avait définitivement changé, difficile de l’expliquer tel quel à Maxence vu que ce n’était pas vraiment le sujet ; tout comme il était compliqué d’expliquer les relations de  Gary-Klara-Esteban & co qui était un vrai feuilleton.

Elle avait ensuite fermé un peu les yeux, avant d’avoir soudain une idée… pas si étrange que cela au final lorsqu’on y réfléchissait même si elle pouvait surprendre aux premiers abords. Et c’est ainsi qu’elle lui demanda de lui chanter quelque chose – qui ne soit pas une berceuse-. Elle pourrait ainsi s’endormir avec sa douce voix. Elle en avait besoin et cette demande était venue presque spontanément. “Est-ce que tu ne serais pas en train d’utiliser ton statut de pauvre blessée épuisée pour me forcer à un truc improbable ? Genre chanter. Alors qu’il n’y a pas pire que moi comme chanteur…?” elle essaya de garder sa tête de petit ange innocent et plein de vertues… mais ce n'était pas simple. A vrai dire, elle aurait peut-être dû avoir plus des cornes. Au moins elle avait réussi à le faire rire et à détendre un peu cette atmosphère.  “Tu te rappelles du karaoké ? A la fac ?” Ouais, tout à fait… ceci dit, il est possible que vu son niveau d’alcoolémie à ce moment-là, elle ait cru qu’il chantait bien. Elle en gardait sincèrement un bon souvenir – à moins que ce soit que l’on appelle l’amour, on n’entend même plus les fausses notes de la voix de son partenaire ?-  “’Me semble bien avoir juré ne plus jamais chanter..” Elle l’observa quelques instants, air toujours taquin – mais épuisé-. « Aucun souvenir, désolé chéri.» minauda-t-elle, avant d’ajouter d’un air qui se voulait un peu plus choqué  alors qu’elle ne l’était absolument pas « Moi, utiliser mon statut de pauvre blessée de façon aussi vicieuse … pour te soutirer quelque chose que tu ne ferais jamais en temps non ? Ja-mais j’oserai !» Silence. « Non, en vrai, j’ai plutôt un bon souvenir de ta voix, mais j’étais ptet totalement bourrée. Dans ma mémoire c’était plutôt positif. M’oblige pas à demander à Dorofei de venir ici et de chanter, il serait capable d’me chanter un truc russe. C’pas la langue la plus douce à entendre. On regretterait tous ce moment.»  A vrai dire Coopycoop ne le ferait certainement jamais, mais c’était juste drôle à imaginer et implanter cette image à Maxence était comique. Elle bougea un peu pour se caler un peu mieux, se blottir un peu plus contre lui et ferma de nouveau les yeux pas franchement certaine que ses arguments fonctionnent… dans tous les cas, elle était proche du sommeil.

“ Beaucoup de choses à vrai dire... enfin des choses qu'il peut s'imaginer tout seul. Une des amies de son.... ex l'a à moitié étripé.. Et cette nana est dangereuse est.ne m'apprécie pas même si dans la réalité elle ne tentera sûrement rien envers moi. Ça reviendrait à perdre une de ses seules amies.” Le sang ne fait qu’un tour, le souffle se coupe, les muscles inter-costaux se crispent et refusent de se détendre. Chacun de ces mots peinent tant à faire sens qu’ils sont soutenus par un air détaché rendu absurde par le sujet abordé. Un instant, Maxence n’a pour toute réponse qu’un regard écarquillé, lancé au mur sans que Néo ne semble remarquer quoi que ce soit, dans ses bras et à moitié endormie. « S’il se monte le bourrichon tout seul qui sait ce qui pourrait se passer. Je suis loin de le comprendre tout le temps.»

Loin de comprendre qu’il puisse s’inquiéter qu’une tarée dans la nature te haïsse et puisse t’enlever ? Nan c’est vrai, quel être étrange !

Le regard fixe, sans vraiment réagir, Maxence laisse couler son angoisse sans savoir qu’en faire. L’envie d’imploser passe, elle ripe sur ses nerfs mais ne s’accroche jamais vraiment s’accrocher à lui.  Au contraire, ils continuent, comme si ne rien était. Presque anesthésié par la déclaration. Empêché par la situation, muselé par la fatigue de celle qu’il aime et le refus d’engager une telle discussion dans un moment pareil. C’en est lamentable comme c’est lâche, mais Maxence laisse couler. Du moins il essaye. Alors il feint la joie, compense ce qu’il peut, amène de la légèreté dans leurs échanges. Mais le cœur n’y est pas. Et pour une fois, c’est avec Gary qu’il semble en accord tandis que le comportement de Néo lui échappe parfaitement. C’est de l’inconscience ! Ou est-ce juste lui qui sature des risques sous-jacent. D’avoir peur, surtout, pour ceux qu’il aime.

On accepte bien des choses quand on prend les armes. Le toubib en a conscience. Apparemment, parler de karaoke, du bon temps et des bitures du passé plutôt que de poser les yeux sur l’évidence du présent, ça en fait partie.

« Aucun souvenir, désolé chéri.» Ce “chéri” le heurte presque tant il sonne absurde quand il se sent mis à l’écart de ce qu’il devrait être le premier à connaître. « Moi, utiliser mon statut de pauvre blessée de façon aussi vicieuse … pour te soutirer quelque chose que tu ne ferais jamais en temps non ? Ja-mais j’oserai !» Nan, bien sûr. C’est abscons, ce déni de la situation. Pourtant il vient de lui. Focus, Maxence, focus. « Non, en vrai, j’ai plutôt un bon souvenir de ta voix, mais j’étais ptet totalement bourrée. Dans ma mémoire c’était plutôt positif. M’oblige pas à demander à Dorofei de venir ici et de chanter, il serait capable d’me chanter un truc russe. C’pas la langue la plus douce à entendre. On regretterait tous ce moment.»   Effectivement. Pas qu’il connaisse véritablement Dorofei cela dit.

La conversation se poursuit bonant malant. Pas toujours aisée, mais sachant la fatigue de la métamorphomage, Maxence joue le jeu et petit à petit, c’est son état physique qui l’emporte dans le sommeil. En la serrant contre lui, le toubib la berce, cale sa respiration sur la sienne, s’emplit du rythme des battements de son cœur et de sa respiration. Les minutes passent. Une heure, puis deux. Et lorsqu’il fini par s’extraire du lit. En douceur, tous les muscles contractés pour faire le moins d’ondes possibles sur le matelas. Il prend bien sûr le soin de vérifier les constantes, d’échanger avec les autres soignants, d’être présent pour l’administration d’un sédatif de sorte à la forcer à dormir, puis de retourner somnoler avec elle quelques temps. Mais le sommeil ne vient pas et son cœur n’arrive pas à se défaire de la tension accumulée.
Alors quelques temps plus tard, c’est dans l’appartement de Néolina qu’il débarque. Dix heures du mat. Gary dans le canapé.

“Salut. On peut parler ?”

Impossible de dormir, il était rentré du travail à l’aube mais n’était pas arrivé à fermer l’œil. Après s’être tourné encore et encore dans son lit, il avait fini par descendre se faire un chocolat chaud et mettre la télévision ; peut-être qu’avec un bruit de fonds, cela le détendrait et il pourrait enfin arriver à trouver le sommeil. L’absence de Neolina le stressait un peu, même si Maxence lui avait donné les raisons, il trouvait ça bizarre qu’elle n’ait pas répondu à certains de ses messages, avant de se dire qu’elle devait avoir autre chose à faire que de lui répondre suivant la situation. Il avait fini son mug de lait chocolaté qu’il avait posé sur la table basse, avant de zapper un peu pour trouver un programme musical et il s’enfouit sous plusieurs plaids en pilou pilou pour plus de confort. L’hivers était vraiment un bonheur pour ça et il voulait en profiter à fond !

“Salut. On peut parler ?” Gary qui était plongé dans ses pensées jusque là – pour ne pas dire qu’il commençait à comater-, fit un énorme sursaut. Main sur le cœur, il observa le nouvel arrivé avec un air de lapin atterré qui ne tarda pas à disparaitre « Putain, tu m’as fait peur mec.» Il aurait bien plaisanté un peu mais vu la tronche que tirait Maxence et se « on peut parler », cela ne sentait pas bon. Il essaya donc de se concentrer sur l’homme quand même un peu méfiant. On ne pouvait pas dire que c’était le grand amour entre les deux comme s’il y avait un grand mur d’incompréhension qui les séparait. « Ouais, ouais, vas-y. Tout va bien ?» Neolina n’était toujours pas de retour, mais… si elle était chez ses mères c’était certainement normal. Elle avait d’autre choses à faire, seulement quelque chose le titillait là-dedans quand même : qu’elle ne donne pas du tout de nouvelles. « Il s’est passé quelque chose de grave ? Personne n’est mort, hein  ?» un hein bizarre, mue d’une angoisse indescriptible. Il essaya d’inspirer pour ne pas céder à la panique paranoïaque. Pourquoi dans tous les cas Max lui aurait menti, même si Neolina s’était faite attaquer et qu’elle était blessée ? Cela n’avait pas de sens pour lui.

Il essaya ensuite de réfléchir à ce qui avait bien pu se passer ces derniers jours. Que de la routine, il ne s’était pas pris le bec avec Neo, ils plaisantaient comme d’habitude. Bref, en somme, rien de spécial qui aurait pu inquiéter Maxence ou lui donner envie de parler avec lui… Du coup, il séchait un peu. un peu beaucoup même, ou plutôt beaucoup trop de choses lui passaient par l’esprit ; des farfelues, des immondes jonchées de morts. Il déglutit mais pour une fois arriva à se tenir sage, seul son pied qui tapait au sol montrait clairement sa nervosité. Il attendait les mots de Maxence, une explication sur ce sérieux, sur cette irruption dans le salon.

Communiquer avec Gary n’était pas le plus simple. Ils ne se comprenaient pas, peinaient à trouver des terrains communs, n’étaient pas capables d’accorder leurs violons. L’image persistante du départ de Néolina, des années plus tôt, jouait aisément dans ce malaise ambiant. Du moins cette certitude venait-elle de Maxence, sans doute le seul véritablement dérangé par ce passif existant au sein du trio. La vérité était qu’il n’arrivait ni à se situer, ni à les situer, eux. Le mode de vie de Néolina lui avait toujours échappé et même s’ils avaient convenu d’agir ainsi à présent… c’était maintenant sa stabilité qui le perturbait.
Peut-être un manque de communication.
Sans doute un manque de confiance.

Qu’importe : Gary cristallisait pour lui ce malaise inhérent à sa relation amoureuse et malgré toute sa bonne volonté, le médicomage n’arrivait pas à s’en défaire. Un jour, peut être. Mais pour l’heure, ce sujet ne lui effleurait pas l’esprit. Il notait pourtant la tension chez Gary, sa tendance à détourner le regard, ses hésitations orales.
Et le bond qu’il fit lorsque Maxence s’adressa à lui.

« Putain, tu m’as fait peur mec.»
“Ohw, désolé, c’était pas le but.” Il balayait cette peur sans véritablement s’y attarder, presque irrité, même, de la situation. Ou bien Gary avait des emmerdes personnelles, ou bien son existence le mettait-elle à cran. Dans chacun des cas, Max en retirait une tension évidente. L’angoisse sourde d’un côté. L’impuissance, de l’autre.
. « Ouais, ouais, vas-y. Tout va bien ? Il s’est passé quelque chose de grave ? Personne n’est mort, hein ? »
“Non non, personne n’est mort ne t’en fais pas, ça va.”
Un sourire doux et rassurant passait, habitude prise au travers de son rôle de praticien. Ce faisant, Maxence le rejoignit pour s’asseoir en face du canapé où Gary s’était enfoui sous quelques plaids. Assis sur la table basse, il enchaîna.
“Dis, Néo m’a parlé d’un truc, ça m’inquiète… Je ne devrais sans doute pas parler de tout ça et je sais que c’est ta vie privée mais je m’en fais pour elle… Une histoire sur une amie de ton ex ? On va être honnêtes, je me rends compte qu’on se côtoie toutes les semaines et que je ne te connais pas. Tu peux… m’en parler un peu ?” Les mains en avant, signe d’apaisement, Maxence sait qu’il débarque à froid sur un sujet sensible mais la situation, ses nerfs à vif et son manque de sommeil ne sont pas de bons alliés pour s’apaiser. “Je sais, c’est abrupt et soudain, j’en suis désolé. D’autant plus que t’as manifestement traversé des évènements très compliqués à gérer et que j’arrive comme un connard à tout remuer. Mais tu vis avec Néo et je suis pas l’homme qui a le moins d’ennemis en haut lieu non plus alors … je voudrais juste comprendre la situation.”

Et j’ai la sale impression d’avoir été mis de côté concernant des faits qui, pourtant, pourraient faire basculer le quotidien de chacun, à tout instant…

Et c’est Néo.
Juste… Il s’agit de Néo, merde…

‘’Ohw, désolé, c’était pas le but.”

Il lui fit un léger sourire pour lui montrer que ce n’était pas bien grave, il y avait quand même pire dans la vie… Et d’ailleurs l’apparition de l’homme avait plus tendance à l’inquiéter qu’autre chose. Sans Neolina dans les parages et sachant qu’ils ne s’entendaient pas forcément pour le mieux, il ne voyait pas bien pourquoi est-ce qu’il voulait lui parler si ce n’est par ce que quelque chose de grave était arrivé dans la famille de son amie. Et cette inquiétude, il n’avait pas pu s’empêcher de la laisser germer à voix haute.

“Non non, personne n’est mort ne t’en fais pas, ça va.” bon, c’était toujours ça de pris, mais cela n’expliquait pas vraiment sa présence ici – enfin du moins de quoi est-ce qu’il voulait parler. Il l’observait mais ne fit aucun autre commentaire, attendant qu’il enchaine avec impatience pour éviter de le couper. Les hypothèses germaient déjà dans son esprit et s’il s’était écouté, il aurait pu faire un ou plusieurs longs monologues qui n’avaient pas grand-chose à voir avec Maxence et ce qu’il avait sur le cœur. Un problème de couple avec Neolina peut-être ? Et il ne tarda pas à enchainer “Dis, Néo m’a parlé d’un truc, ça m’inquiète… Je ne devrais sans doute pas parler de tout ça et je sais que c’est ta vie privée mais je m’en fais pour elle… Une histoire sur une amie de ton ex ? On va être honnêtes, je me rends compte qu’on se côtoie toutes les semaines et que je ne te connais pas. Tu peux… m’en parler un peu ?”  hein ? Quoi ? il fronça les sourcils mais compris rapidement qu’elle parlait d’Azalea ; Qu’est-ce que la grognasse psychopathe venait faire là ? Qu’est-ce qui s’était passé ? il n’avait pas envie d’en parler, pas du tout même, mais se contenta dans un premier d’un petit haussement d’épaules. Il aurait certainement pu répondre que non, ça ne le regardait pas ou autres, ce qui aurait été vrai, néanmoins, quelque chose lui disait que c’était important pour Maxence, alors il pouvait bien faire cet effort. “Je sais, c’est abrupt et soudain, j’en suis désolé. D’autant plus que t’as manifestement traversé des évènements très compliqués à gérer et que j’arrive comme un connard à tout remuer. Mais tu vis avec Néo et je suis pas l’homme qui a le moins d’ennemis en haut lieu non plus alors … je voudrais juste comprendre la situation.” Est-ce que Neolina allait vraiment bien ? En vrai c’était vraiment la seule chose qui l’intéressait pour l’instant, il ouvrit la bouche pour poser la question, mais la referma aussitôt. Il lui avait déjà dit que tout allait bien et il devait le croire. « Tu dois parler d’Azalea Carraway. Je ne vois qu’elle.» Il soupira doucement «Quand j’étais à Poudlard et avant mon entrée à Azkaban, je… j’étais en couple avec Esteban et une autre nana Klara qui était de sang-pur. Je suppose que tu t’en doutes, sortir avec deux nés-moldus. Etre en couple absolument pas conventionnel, ça n’a pas trop plu à sa famille. Mais aussi à une de ses amies proches, la fameuse Azalea.. qui n’aime pas grand monde, pour ne pas dire personne. » Il haussa un peu les épaules « Et cette fille est vraiment pas nette dans sa tête, c’est plus le genre sadique. Elle a juste profité de mon passif par ce qu’elle savait que même si elle me tuait, il n’y aurait pas de répercussion dramatique. Ce qui ne serait pas forcément le cas avec Neolina, voire même Margo… Tu connais Margo, je crois, elle est trop cool !?» Par ce qu’au fond, il se doutait bien qu’il en avait rien à foutre de son histoire à lui, mais qu’il voulait savoir de quoi Carraway était capable. « Ca n’a pas grand-chose à avoir avec les haut-lieux comme tu dis, c’est juste disons, qu’on tient tous à la même personne mais qu’on ne peut pas se piffrer. Avec Neo et Margo, on sait juste mieux se tenir que l’autre psychopathe.» Il le regarda dans les yeux un instant « Je ne sais pas trop quelle réponse tu attends, donc si tu as des questions plus précises… vas-y.» Il ne s'était pas vraiment rendu compte que son discours pouvait paraitre un peu décousu, pourtant il avait essayé de répondre au mieux à Wargrave.

« Tu dois parler d’Azalea Carraway. Je ne vois qu’elle.» Maxence se tend sans trop savoir pourquoi. Le nom n’évoque rien pourtant, mais sa sonorité le glace autant que la manière détachée dont Gary en parle. La même que Néolina. Pourquoi ? Comment l’horreur fait-elle pour s’inviter ainsi dans la normalité ? «Quand j’étais à Poudlard et avant mon entrée à Azkaban, je… j’étais en couple avec Esteban et une autre nana Klara qui était de sang-pur. Je suppose que tu t’en doutes, sortir avec deux nés-moldus. Etre en couple absolument pas conventionnel, ça n’a pas trop plu à sa famille. Mais aussi à une de ses amies proches, la fameuse Azalea.. qui n’aime pas grand monde, pour ne pas dire personne. » Un frisson lui passe sous l’échine et ses doigts se referment en poings lâches, avant-bras posés sur ses cuisses. Maxence se crispe, sent la tension dans son dos, sa glotte monter et descendre lorsqu’il dégluti. Que Gary n’ait pas la même notion de danger ou de normalité que les autres, avec son séjour à Azkaban, c’est une chose… mais Néo ? Comment balayer une telle chose, avec autant de facilité que Gary à l’instant, hausse des épaules d’un air placide. « Et cette fille est vraiment pas nette dans sa tête, c’est plus le genre sadique. Elle a juste profité de mon passif par ce qu’elle savait que même si elle me tuait, il n’y aurait pas de répercussion dramatique. Ce qui ne serait pas forcément le cas avec Neolina, voire même Margo… Tu connais Margo, je crois, elle est trop cool !?»  
“Pas plus que ça..” Une réponse glissée là durant les explications de Gary. Margo ? Oui, le nom lui parle et est régulièrement évoque, mais le médicomage n’est pas certain de l’avoir jamais croisée.  « Ca n’a pas grand-chose à avoir avec les haut-lieux comme tu dis, c’est juste disons, qu’on tient tous à la même personne mais qu’on ne peut pas se piffrer. Avec Neo et Margo, on sait juste mieux se tenir que l’autre psychopathe.»
“Sadique”, “psychopathe” ; tant de termes pour la décrire qui crissent sur les nerfs de Maxence comme l’archet sur les cordes du violon d’un néophyte. Atroce, donc. Des termes exagérés ? Ou très justement choisis ?
Sur ses cuisses, les muscles de ses avants bras se tendent et se relâchent par intermittence au rythme de ses doigts qu’il ferme et rouvre, incapable de se détacher du souvenir de ses parents carbonisés, sur le sol de sa maison d’enfance. Et la photo de sa mère biologique, se mouvant pour la dernière fois en boucle, morte, encore et encore. Derrière son silence, les battements de son cœur sont furieux, constants dans la peur qui monte sans cesse. Le corps pâle et blessé de Sanae s’impose ensuite. Puis celui des gamins qu’il a perdu. Sous ses lèvres serrées, Maxence bloque sa respiration une seconde, relâche.

« Je ne sais pas trop quelle réponse tu attends, donc si tu as des questions plus précises… vas-y.»
“Ouais… j’comprend rien.” Sa voix est rêche, son regard dur. “Comment ton ex peut avoir ce genre d’amies ? Définie psychopathe parce que là j’suis perdu, j’ai peur de comprendre..”

Il avait essayé d’être le plus clair possible ne se rendant pas compte qu’il allait peut-être un peu trop dans tous les sens et Max, ne connaissant pas la moitié des protagonistes devait être totalement largué. A la fin, lorsqu’il s’était tu et demandé si l’autre homme avait de nouvelles questions la réponse ne tarda pas à se faire attendre et ce n’était pas du tout celle qu’il attendait ou imaginait.

‘’Ouais… j’comprend rien.”  Ah. Merde. Il ne voyait pas bien comment est-ce qu’il pouvait expliquer mieux les choses, et si la voix du plus âgé était inhabituelle et plus dure, il fit semblant de ne pas remarquer et de faire comme si tout était normal et que tout « allait bien ». Wargrave avait d’ailleurs bientôt la parole “Comment ton ex peut avoir ce genre d’amies ? Définie psychopathe parce que là j’suis perdu, j’ai peur de comprendre..”

Gary haussa un peu les épaules, il ne comprenait pas pourquoi Klara appréciait tant Azalea… alors répondre à cette question était compliquée pour lui. C’était presque un non sens cette amitié à ses yeux tellement les deux femmes étaient à l’opposées. Il se mordilla un peu la lèvre, l’air songeur, essayant de faire au mieux pour satisfaire les demandes de l’homme même si cela le mettait mal à l’aise. Est-ce que Neolina serait d’accord pour qu’il lui raconte tout cela ? Il n’en savait rien… mais … mais il craignait pour la sécurité de son amie alors il préféra ne pas trop y penser , aux conséquences que cela pourrait avoir – s’il y en avait-. Il inspira, et comme il n’avait aucune idée d’aborder la chose, il se dit qu’il allait le faire comme le reste : au feeling.

«une amie d’enfance. Tu sais la communauté sang-pure… qui aime beaucoup la pureté de sang. Même si Klara était très différente, je crois qu’elle était sincèrement attachée à elle… même si je ne le comprends pas. J’avoue que je ne pourrais pas être plus précis, elle voit en elle des choses « positives » qui sont plus fictives et imaginaires qu’autre chose. » Azalea, avec des qualités ? La bonne blague ! Il soupira doucement avant de rajouter « Du genre où tu la vois sourire tu sais qu’il va t’arriver des choses moches. Douloureuses. Le genre à pouvoir foutre le feu à des choses ou des gens. A torturer et y prendre plaisir. Probablement même à tuer des gamins sans ciller. Elle aime voir les gens souffrir, surtout qu’elle ne peut pas piffrer. J’ai l’impression qu’elle y prend son pied… Néanmoins, je pense qu’elle tient vraiment à Klara et qu’il y a certaines limites qu’elle ne dépasserait pas avec… genre Neolina. Ou même Margo.» Petit naïf qu’il était, ou alors peut-être qu’il essayai de rassurer un peu Maxence. Probablement un peu des deux. Neolina travaillait au Ministère avait quand même des amis là-bas,  avait un Don que peu de sorciers avaient. Si elle avait voulu la tuer, elle aurait déjà pu le faire, elles s’étaient déjà vues loin de la population dans une rencontre hasardeuse… où elles n’étaient que elles deux.  Alors, bientôt, il ajouta « Mais c’est différent, j’ai… « tué » un sang-pur, le frère de Klara… même si c’était de la légitime défense et j’suis né-moldu, je l’ai détournée du droit chemin et tout ce que tu veux. Après, effectivement avec ce genre de personnes, on est jamais sûr de rien.» Pour son amie, était-elle vraiment en sécurité ? Il n’en était pas certain, même si Hampton elle semblait croire que tout irait bien et qu’elle ne l’attaquerait jamais Carraway.

Elle fait atrocement mal, cette impression de se prendre tout un monde alors même qu’on aborde seulement l’intimité et les affinités d’une femme qui a été sa compagne durant la moitié de son adolescence, puis son âge adulte. Mal de comprendre qu’on ne sait rien, ou si peu, qu’il se passe tant en parallèle de leur propre histoire et dont il n’a aucune idée. Mal de passer totalement à côté de parts de sa vie aussi essentielles.
Il la sent battre, la migraine, à ses tempes. La crise de nerf, sous ses côtes. Alors Maxence inspire, cherche la contenance du médecin habitué à gérer l’ingérable.

« Une amie d’enfance. Tu sais la communauté sang-pure… qui aime beaucoup la pureté de sang. Même si Klara était très différente, je crois qu’elle était sincèrement attachée à elle… même si je ne le comprends pas. J’avoue que je ne pourrais pas être plus précis, elle voit en elle des choses « positives » qui sont plus fictives et imaginaires qu’autre chose. » ça lui échappe. Ces gens, Maxence les a assez côtoyé pour ne pas y voir de possibilité d’affinités. Il leur a assez fait face. Il a assez perdu de leurs mains. Alors cette explication peine à faire sens.
Il pourrait, bien sûr, songer à Logan et ses excès ; à sa dangerosité, les limites qu’il n’a cessé de faire voler en éclat depuis toutes ces années passés à se côtoyer. Il les a vues, les conséquences de l’éducation sang pure. Mais même là, le sens lui échappe car la suite lui broie les côtes.

« Du genre où tu la vois sourire tu sais qu’il va t’arriver des choses moches. Douloureuses. Le genre à pouvoir foutre le feu à des choses ou des gens. » Des corps sous un porche. Les marches de son enfance. La fumée. Maxence presse ses lèvres, y passe un bout de langue, dégluti. Mais rien n’y fait, l’odeur et le goût des cendres sont toujours là. «  A torturer et y prendre plaisir. Probablement même à tuer des gamins sans ciller. » Tout est toujours là, les corps blessés ou sans vie, les proches éplorés, ceux dont on rattrape la rage pour les empêcher d’aller se fracasser contre les lignes ennemies, la violence de chaque instant, les regards vides. «  Elle aime voir les gens souffrir, surtout qu’elle ne peut pas piffrer. J’ai l’impression qu’elle y prend son pied… Néanmoins, je pense qu’elle tient vraiment à Klara et qu’il y a certaines limites qu’elle ne dépasserait pas avec… genre Neolina. Ou même Margo.»
Un rire nerveux passe dans sa gorge et Maxence ne sait que répondre tant ce simple constat, manifestement accepté par toutes les parties concernée, lui révulse l’estomac.
Mains crochetées l’une contre l’autre, tout ce qu’il trouve à faire : c’est écouter.
« Mais c’est différent, j’ai… « tué » un sang-pur, le frère de Klara… même si c’était de la légitime défense et j’suis né-moldu, je l’ai détournée du droit chemin et tout ce que tu veux. Après, effectivement avec ce genre de personnes, on est jamais sûr de rien.»
Bien sûr qu’il a de l’empathie pour lui. Bien sûr qu’il en est désolé. Mais rien ne fait vraiment sens tant tout est absurde. Jusqu’à la manière dont en parle Gary, comme s’il ne l’avait pas vraiment vécu.
Alors Maxence passe ses paumes sur son crâne, depuis la nuque jusqu’au front et dans l’autre sens. Visage penché, il reste silencieux et bloque sa respiration.
La vérité est injuste : il voudrait exploser, s’en prendre au colocataire, lui faire payer cette nonchalance qu’il a. Les secouer, tous autant qu’ils sont.

“Y’a rien qui va dans cette merde…” Est la seule conclusion qui lui vient, la voix rauque de se contenir, les paupières closes, les lèvres serrées. Après un temps, il redresse le regard. Puis par deux fois, Maxence initie une nouvelle prise de parole. Et par deux fois il se tait.

Les mots tournent en boucle et les images avec eux.

Manque d’air.
Pulsation sourdes.
Gorge sèche.

Maxence se lève, sort de la pièce, rejoint le couloir, pose sa main moite sur la poignée et sort de l’appartement.

- Maybe fini pour moi -

Il avait encore une fois certainement trop parlé, ou pas de la bonne manière, il n’en savait trop rien au final. Il avait essayé d’être le plus factuel possible, axant le plus sur Neolina, ne voulant pas trop « s’impliquer » dans le récit certain que c’est ce que voulait Maxence. Certain que c’est cela qui aiderait son amie. Il ne comprenait pas à quel point il se trompait et qu’à trop déshumaniser tout ce qui s’était passé c’était encore plus étrange et peut-être violent. En même temps, qu’aurait-il pu dire d’autres ? Wargrave n’était pas là pour jouer à son psy, ou pour l’écouter sur ses peurs, ses regrets et compagnie ; Oui, il en était certain c’était probablement le mieux.

Et pourtant, une fois qu’il y eut fini de parler, il remarqua que son discours n’avait pas du tout eu l’effet escompté. Il fronça les sourcils tandis que l’homme ne reprenait pas la parole disant qu’il n’y avait rien qui allait. C’était vrai, il ne pouvait que comprendre que ça devait faire beaucoup en quelques minutes. Il chercha ce qu’il pouvait faire de plus pour aider ou aiguiller Maxence, trouver de nouvelles paroles peut-être… mais rien ne lui vint et d’ailleurs son interlocuteur sembla vouloir parler par deux fois mais aucun son ne sortir de sa bouche, alors il se leva et sortit tout simplement sous l’œil intrigué et plein d’incompréhension d’un Gary qui se demandait ce qui lui prenait. « Bonne soirée à toi aussi Maxence, et de rien pour les renseignements.» soupira-t-il finalement plus blasé qu’autre chose par cette interruption inopinée, par cette obligation qu’il avait eu de raconter des choses dont il se serait passé pour que l’autre parte un peu comme un malotru. Certes, ils ne s’entendaient pas très bien quand même.

Quelque part pourtant, il se disait qu’il pouvait bien lui pardonner, il n’y avait rien de grave et cette question qui touchait surtout Neolina l’inquiétait plus qu’autre chose, par ce qu’il avait l’impression qu’il y a quelque chose dont il n’avait pas confiance et il détestait cela. Wargrave partit il ne pouvait même pas le cuisiner un peu. il fut tenté d’appeler sa famille mais s’abstint. Si mensonge il y avait mieux ne valait pas inquiéter ses mères et sa fratrie ; si mensonge il n’y avait pas, elle n’avait pas besoin qu’il vienne l’emmerder avec des questionnements à la con.