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[FB - 14 mai ] I never had the nerve to ask has my moment come and passed.

 :: Autour du monde :: Europe :: — France
Sam 9 Avr 2022 - 17:57

 FB : 14 mai 2016


Le corps irradiant de chaleur, les muscles tendus, les mâchoires serrées, Alec s’était éveillé en sueur, se redressant difficilement dans la chaleur de la chambre chargée de ténèbres. Sans vraiment se réveiller, Mack s’était enroulée contre lui comme dans un réflexe pour l’empêcher de partir. Le visage contre sa hanche, son épaule dans son dos, la cuisse contre la sienne, elle râlait dans son sommeil, sans doute en prise avec une sensation du même calibre que celle qui l’étreignait à cet instant. Un moment, il sembla à Alec que la cicatrice de son bas ventre tirait ou flambait, comme si les résidus du cauchemar s’étendaient à présent jusqu’à sa réalité. Les blessures qu’il imaginait chez Doryan et que son inconscient avaient plaqué sur son propre corps se détachaient encore sur sa rétine à chaque battement de paupière. Les doigts posés sur sa peau ne trouvaient pourtant que la chaleur humide de son épiderme se soulevant au rythme de ses souffles. Contre lui, Mack se recroquevillait un peu plus tandis que le gémissement d’angoisse qu’il bloquait depuis un moment se revalait difficilement.

Respiration bloquée, paupières fermées, front froncé. On ravale, on remballe la panique dans les veines, l’impression d’être aux portes d’un drame impossible, le manque de foi et de confiance. On reste stable, droit, solide. Pourtant ses lèvres tremblaient autant que ses doigts, les muscles tendus dans le silence d’une chambre endormie. Alec n’avait pas le droit de douter, il en avait conscience. Pourtant coincé entre sommeil et réalité, l’angoisse le fusillait. Il s’affirmait sans cesse, refusait de plier, s’acharnait à se dire assez fort, fiable et entraîné, se disait sûr de lui. Rien n’était moins le cas pourtant. Dans les ombres de ses doutes, la proposition de Kezabel revenait, sa confiance en lui pour lui laisser tenter le coup alors qu’il mettait sans doute bien des gens en danger de par son acharnement. Pourtant encore aujourd’hui, Alec était lui-même. Et même s’il soupçonnait Sanae d’être proche de Kezabel, jamais cette dernière ne s’était pointée pour lui effacer la mémoire malgré la date approchante. Pas plus que Logan. Cela voulait-il dire que celle qu’il considérait comme mentor et amie croyait assez en lui pour tenir le choc d’une décision qui était sans doute mauvaise ? Avoir foi en lui-même n’avait jamais été son grand fort alors faire peser l’intégralité de ses proches et de ses valeurs là-dessus ? En silence, Alec dégluti en passant une main dans le dos de celle qu’il voulait garder le plus en dehors de toute cette histoire. Ils en avaient parlé, elle s’était contenté de sourire, d’évoquer le départ de Jayden, mais rien de plus.

« ça va ? »

La question, tellement murmurée qu’il eu un instant de doute quant à la possibilité de l’avoir rêvée, lui fouetta les veines de panique avant d’intégrer qu’il ne s’agissait que de Jayden qui, debout dans le noir, se changeant en silence, ayant sans doute joué dans son éveil quelques instants plus tôt.

« Putain faut pas faire ça.. »

En relevant le regard, lâchant ces mots sans véritablement les prononcer, Alec la vit grimacer, articulant une excuse en lui faisant signe de sortir de la pièce. Son corps, à moitié nu, se distinguait à peine maintenant qu’il la repérait enfin dans la pièce et, se penchant pour passer un short, la jeune femme disparu de son champ de vision, cherchant manifestement quelque chose au sol.

Retenant un souffle, Alec ne pu s’empêcher de se dire que ces derniers instants de normalité étaient gâchés par l’inhérence de la situation. L’ancien Serpentard aurait préféré garder ça pour lui, taire les doutes et les implications et profiter jusqu’aux derniers instants de ce moment qui n’appartenait qu’à eux mais que les Supérieurs venaient gâcher malgré tout.

Doucement dégagé de l’étreinte qui apaisait pourtant son âme troublée, Alec fini par se relever, attrapant au passage le t-shirt que Jayden cherchait manifestement depuis un moment et qui avait terminé sa course non loin du lit, il s’en servi comme d’un arc, le lui balançant en silence. Dans la pénombre, il eu du mal à réellement visualiser comment celui-ci avait fini par atterrir mais l’échange suivant, muet et aussi faussement agacé que joyeux, fut plus clair. En mimes, entrecoupé de souffles amusés, comme deux crétins qui jouaient à ignorer ce que le futur avait à leur réserver. Comme si Jayden ne regardait pas les différentes destinations où elle pourrait disparaitre quelques temps, envisageant d’en parler à Jordane avant d’abandonner l’idée, consciente qu’elle n’aurait pour réponse qu’un rire cynique de celle qui avait décidé de rester à Poudlard le plus longtemps possible malgré le danger.

Tout en attrapant jogging et sous-vêtement, Alec s’arrêta pour choper Jayden par la hanche au passage, la ramenant contre lui un instant. D’ordinaire ce moment aurait sans doute dérivé vers des aspects plus charnels ou été refusé en bloc. Pourtant, dans la chambre muette, comme si ici, maintenant, personne ne pouvait la voir, Jayden le serra un moment en silence contre lui, déposant un baiser étrangement tendre dans son cou avant de se défaire de lui et de sortir.
A la lumière du jour ce moment vint à sa fin. Distante, vive, joyeuse, piquante, aucun signe de ce qui lui tordait pourtant les tripes, Alec la connaissait assez pour le savoir.

« Café ? »
« Ouaip ! Alors tu pars sur quoi, beaux tatoués ou surfeurs des îles ? Vahinés ou créoles ? »
« Bah j’hésite encore tu vois ! »
« Ou les deux… La concurrence va être rude, j’suis dans la merde. »
« Oh, t’as pas idée. J’suis trop bien pour toi de toute façon, c’est connu ça. »
Un sourire aux lèvres, posé sur le sien, accrochant ce regard vif qu’elle lui portait du coin de l’œil avec ses cheveux de flammes dont l’épaisseur était brouillée par le sommeil, Alec l’observa une seconde. « Oh ça je sais. » Sans que ce soit véritablement une blague. « Tu nous devais pas un pain perdu toi ?! » Et en s’ébrouant soudainement, Alec attrapait une poêle dans le placard sous lui. « C’est vrai ! Mais je maintiens qu’y’a eu triche. J’aurais ma revanche t’en fais pas ! »

J’aurais ma revanche.

***

Il lui semblait avoir une enclume remplie d’épines dans le crâne et des ronces dans la gorge. L’épuisement lui martelait le corps et l’esprit, embrumait ses pensées des réussites et des échecs. Il aurait été bon pour son moral de n’avoir que ça, des réussites, durant cet ultime entraînement. Une consécration,  la perfection avant le grand affrontement. Il n’en était rien. Simplement humain, angoissé de ce qui arrivait, conscient du traitement qui serait le sien tout comme de la perte à venir de ses proches, Alec perdait plus souvent sa concentration, rattrapait à coup de rage, ramenait avec la nausée au bord des lèvres des souvenirs qu’il ne voulait pourtant pas ressortir sur le devant de ses pensées. Il remaniait, encore et encore, ce que Sanae lui apprenait à forger comme un labyrinthe mental. L’apparente simplicité de son esprit nappé de brumes cachait des détours qu’il n’aurait jamais appris à construire sans l’implication de Logan ou de la médicomage. Auparavant, l’ensemble était exposé, simple, rugueux et lisse tout à la fois. Le terrain offert par son cousin en termes d’occlumencie avait subi un nouvel élan d’amélioration ces derniers mois et Alec avait senti au fil des séances que certaines choses s’enclenchaient sans qu’il ne sache réellement comment définir ce qu’il mettait en place. Des années plus tôt, il s’était essayé aux sorts de légilimencie, absolument incapable de ne faire qu’effleurer l’esprit de l’autre, n’imaginant pas le travail que c’était que de réaliser l’inverse effort de celui que Logan lui imposait depuis deux ans et que Sanae avait à présent abordé d’un autre angle. Chaque pierre, chaque pensée, chaque souvenir, tout était à présent élaboré avec une réflexion commune, poussée. Elle naviguait, le forçait à changer de stratégie, à exposer ses faiblesses sans découvrir ses flans, véritable générale de guerre dans les conflits de son esprit.

Les souvenirs passaient, lui déchiraient l’âme et le cœur, joyeux parfois, immondes trop souvent, jusqu’à ce qu’il apprenne à cesser de paniquer quand, finalement, c’était son oncle qui se trouvait mis à l’honneur. Forcé de faire face à des images qu’il aurait voulu mettre sous scellé, Alec était régulièrement parti en crises d’angoisses, gerbant ses tripes dans les chiottes de la baraque avant de noyer sa merde dans l’alcool. Et recommencer. Encore et encore. A en avoir l’âme en écharpe, perdue en pleine mer, égarée dans le roulis de ses maux.
Alec s’était échoué sur les bords de la Méditerranée plus souvent qu’il n’en avait jamais eu l’occasion, forcé d’affronter de ce qu’il esquivait depuis des années pour le faire sien, s’en forger une arme, cessé de craindre la morsure, il avait maintes fois pensé ne pas en être capable. Combien de fois la rage avait pu exploser dans ses synapses, combien de fois l’angoisse ou la fureur lui avaient fait perdre pied ou bien au contraire, l’avaient rattrapé pour contre-attaquer ? Combien de fois l’avait-elle vu dans la pire des situations qui soit, mis face à ce que sa vie avait de pire. Son oncle, le rapport de cette ordure avec sa sœur, la culpabilité d’avoir échappé au pire, les violences parentales, l’autodestruction qui en avait suivi, les réactions ou les décisions merdiques dont il avait été capable dans les années précédentes. Une fois même, sa formatrice avait dû le maîtriser, le rappelant à sa place, à accepter de souffrir, de laisser faire, de continuer sans se laisser déborder. A force de creuser, Sanae avait fini par déterré des passages dont lui-même ne se souvenait pas, incapable de se rappeler qu’il était allé plus loin que ce dont l’enfant d’hier se souvenait. Chiottes. Alcool. Rage. Isolement. Chiottes. Alcool. Et on recommence pour être sûrs.

Pas d’abandon, Alec en redemandait là où, normalement, il aurait fuit sans se retourner. Mais il n’était plus temps d’être lâche. Plus le temps de penser à lui, plus le temps de se préserver ou de ménager son égo déjà malmené. Il avançait. Comme un boulet de canon, l’impression, parfois, de se faire plus de mal que de bien.

Pourtant au final, le temps s’allongeait – non de séances en séances mais dans l’ensemble – avant que ne soient extraites de ses neurones les souvenirs qu’il voulait garder pour lui. L’amour retranché derrière les monceaux de merde. La fidélité, la loyauté, ces valeurs que jamais on ne lui associerait remise de côté derrière chaque erreur, chaque décision de merde, chaque plaie qui faisaient de lui un homme détestable.

Dur, bien sûr, de se faire face, aussi froidement que ça.

Les cils en barrière vinrent couper la connexion entre eux. Laissés de côté l’isolement entre un adulte et un petit garçon dans une pièce que tous ignoreraient en pleine réunion de la haute. Détachés, la violence, la rage, le sexe, la recherche pathétique, illusoire et suffoquante d’un besoin de contrôle et de puissance. Tout lui martelait les tempes dans une impression de trop plein immonde. Sanae esquissa un mouvement pour se lever, aller chercher un nouveau verre d’eau, lui laisser une seconde de répit.

« Reste-là, on continue. »

La voix était rauque, roulant dans sa gorge comme le tonnerre au loin et de foudre ses prunelles se posèrent de nouveau sur elle.

Un nouveau tango alors, un de plus dans la valse asphyxiante de ses souvenirs. L’amour la haine la violence, la peine la joie la solitude, la fureur et le dévouement. Il l’entraînait là, elle repassait ailleurs, il mettait des choses en avant, trop évident, trop artificiel, devait recommencer, reprendre du début, repasser les premiers cercles de son enfer pour en changer l’ordre, s’assurer de ses défenses, emporter l’autre du mauvais côté, émerger au bon timing, laisser les émotions affluer, ne pas s’en protéger. Les larmes avaient coulé pour la première fois quelques jours plus tôt, difficilement admises et pourtant attendues. Se montrer vulnérable derrière la couche d’angoisse, se forger la carrure de celui qu’on a brisé, laminé, mis à terre. Les laisser croire qu’ils l’avaient. Jouer le jeu. Garder des cartes en main. Pour ça, il laissait son âme entre ses mains, à elle. L’inconnue devenue meilleure chance, alliée, mentor. De proches en proches, c’était dans ses propres cendres qu’il traçait les fils de ses amitiés, la puissance des amours assumés, la dévotion envers les uns et les autres.

Tu me laisserais mettre en danger Kezabel si tu n’avais pas confiance en moi ? Foi en qui je suis.

« Re-centres-toi. » Et il repartait. Obstiné, martelé.

Jusqu’à l’achèvement. La victoire, plus ou moins. Ridicule sans doute comparée à ce que Sanae pouvait faire mais compte tenu du fait qu’elle partait avec une certaine avance concernant son fonctionnement et qu’il était déjà connu comme ressemblant à cet homme qu’il mettait en avant dans la glue sale de ses souvenirs, peut-être avait-il une chance.

Cette fois, quand Sanae se leva, il ne la rattrapa pas, les paupières closes pour faire taire la violence de la douleur dans ses neurones. Comme souvent, il lui sembla un moment que la médicomage était toujours là, sous sa boite crânienne à lui percer les tempes à coup de foreuse. Essuyant les larmes sur ses joues rougies par la lutte interne qui ne manquait jamais de remuer la barque de ses souffrances passées, Alec était resté un moment là, à calmer les battements furieux de son cœur, les doigts joints de ses doigts sur son front avant de les couler jusque sous ses yeux, au haut de ses pommettes. Rester là, défaire le mal. Artificielles ou non, ces larmes étaient lourdes. Bien plus que le sang effacé sur sa lèvre supérieure, signe qu’ils avaient poussé aujourd’hui comme bien d’autres fois.

Il lui fallu un long moment seul, à accepter qu’il n’était pas parfait, qu’il y avait un risque, qu’il n’avait pas toutes les armes pour la suite. C’était dans le deal de base, Rivers le savait. Pas pour autant que débarquer dans une arène sans rien de mieux que ses poings serrés et une dague dissimulée devenait soudainement une partie de plaisir.

Ouvrant de nouveau les paupières, il prit le verre d’alcool laissé à ses côtés sans qu’il ne l’ait réellement entendu, la potion préparée par avance pour apaiser ses nausées et les douleurs de son crâne, avala la seconde avant de la faire passer d’une gorgée du premier liquide et se leva.

Accepter de faire face au pire pour protéger le meilleur, voilà le contrat qu’il avait signé. Voilà ce qu’il s’acharnait à respecter.

Sans un mot, Alec rejoint la porte de derrière, celle qui donnait sur une petite cour, un jardinet et au loin, les vagues. Sanae était là, assise sur les marches à lui donner l’espace dont il avait besoin. Un verre à la main, elle ne se retourna pas quand il apparu derrière elle, restant un moment debout à observer la mer scintiller au loin. Il serait si simple de disparaitre. Pourtant malgré l’angoisse sourde, les adieux approchant, la conversation douloureuse avec Logan juste avant d’arriver ici – sans doute leur dernière – Alec ne songea pas à s’enfuir.

« ça va me manquer. »

Le ton ironique, fit référence à ce qu’on pourrait sans aucune hésitation désigner comme une véritable torture de l’esprit. Le fond, lui, la remerciait. Car oui, il en était déjà nostalgique. De ça, ces moments, de la lutte, de la sensation d’union, de leur amitié aussi. Peut-être fantasmée, peut-être pas. Qu’importe : il l’appréciait.

D’un pas derrière elle, Alec se rapprocha assez pour se pencher au dessus d’elle, faire teinter le bas de son verre avec le sienne et s’assoir à ses côtés, une jambe laissée droite face à lui. Naturellement et sans y songer, c’est la cuisse contre la sienne, épaule contre épaule qu’il se positionnait. Un manque de chaleur, une peur viscérale qu’il taisait sans cesse, un besoin profondément humain de sentir l’autre non loin, une dernière fois avant le grand plongeon.

« J’ai une chance tu crois ? »

Si c’est pas le cas, tu ne me laisseras pas repartir d’ici « entier » n’est-ce pas ?

Sans quitter les scintillements de l’eau, Alec porta son verre à ses lèvres.

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Alec Kaleb Rivers
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Alec Kaleb Rivers
Lun 25 Avr 2022 - 18:13




Matin du 14 Mai – Flash-back



C’était le petit jour. Là, au loin, tout petit.
De derrière la baie vitrée, Sanae s’était dit que quand Alec frapperait à la porte d’entrée, ce petit soleil serait encore loin, presque trop minuscule, et que quand il partirait, il serait large, haut, bien trop immense. Il s’annonçait sur la ligne d’horizon, se confondant encore avec la mer calme qui sortait de son obscurité et commençait à scintiller doucement dans une symbiose pleine d’émerveillement. Les lucioles sur les vagues se transformeraient bientôt en cristaux éblouissants. Bientôt, oui. Ce mot creusait en Sanae une plaie plus profonde qu’elle ne l’avait anticipée. Chaque heure serait un coup de pelle vers les tréfonds d’une tristesse qu’elle n’avait jusque-là qu’aperçue au loin. Là, toute petite mais si brusquement prête à grossir et bousculer toute le contrôle qu’elle tentait de maintenir. C’était une idiotie de penser qu’elle pouvait prendre de la distance, qu’elle ne serait pas envahie par ce sentiment qu’elle détestait si fort quand quelqu’un s’apprêtait à partir.
Oui, ce sentiment-là, elle ne le connaissait que trop bien. Il était presque tangible dans l’air et il s’apprêtait, elle le savait, à s’étendre jusqu’à devenir parfum dans l’atmosphère. Deux routes qui se sépareraient mais qui pourtant, dans certains espaces, dans certains sous-terrains de l’esprit, continueraient à vivre en parallèle leur vie secrète.

Elle n’en avait pas parlé avec Logan. Leurs conversations n’existaient presque plus, ils s’étaient enfermés dans un silence pesant où chacun ignorait ce dont l’autre avait besoin – ou plutôt, ils pensaient avec maladresse faire ce qu’il fallait sans jamais être sûr. Il devait le savoir sûrement, qu’elle s’apprêtait à donner son dernier entraînement, ses derniers encouragements à Alec. Elle imaginait que leur tour viendrait, qu’ils auraient un dernier moment, eux aussi. Peut-être. Elle l’espérait. Derrière elle, quelques coups sur la porte, devenus familiers, et il entrait déjà. Il avait l’habitude. La sorcière prit une inspiration et se détourna du jour qui se levait.


Il fallut s’armer de patience.
Le moment de vérité était si proche qu’elle ressentait les angoisses d’Alec avec plus de fermeté encore. Elle tenta de ne pas y mêler les siennes. Si elle flanchait, si elle doutait, il perdrait son équilibre déjà précaire. Alors elle demeurait dans cette position qu’elle avait adoptée pour lui, pour eux. Elle n’avait jamais enseigné quoi que ce soit avant, n’avait revêtu ce rôle que pour propulser Alec vers son destin. Un destin. Plusieurs fois elle s’était demandée de quoi aurait été fait sa vie s’il y avait eu d’autres chemins possibles. Son imagination l’avait surprise. Peut-être était-ce d’être si profondément plongée dans le passé du sorcier qui lui donnait de quoi inventer tout un futur. Elle allait de souvenir en souvenir, retraçait l’embranchement des événements qui l’avaient conduit jusqu’ici, dans cette maison silencieuse où plus personne ne vivait. Étrangement, leur présence s’était imprimée elle aussi dans les murs de ce salon dépouillé de toutes photos. Il ne saurait rien d’elle jusqu’à la toute fin. Aucun morceaux d’elle. Et pourtant, tant de morceaux d’elle en lui, ancrés dans l’empreinte que son esprit laissait à chaque passage. Elle l’envoyait au loin, chargé d’une énergie qu’elle tentait de transmettre et dont il fallait aujourd’hui effacer les bordures, les structures. On ne devait pas savoir qu’elle s’était trouvée là, aux détours de son esprit, par petites parcelles dans la brume, comme des poussières dans l’atmosphère qu’il avait construite. Elle flottait en compagnie des cendres qu’avait laissées Logan auparavant. Invisibles tous deux mais si présents.

Elle ne savait si Alec butait seulement car l’achèvement ultime approchait ou si c’était elle qui se montrait plus dure, plus exigeante en ce jour. La seule trace de sa peur était ici, dans l’effort intransigeant qu’elle mettait à le recentrer, à vouloir revenir sur tout, encore et encore. Elle ne s’en culpabilisait pas, c’était pour son bien et il le savait. Voilà pourquoi il se plaçait en guerrier malgré les échecs et les bousculades. Il cherchait l’excellence pour se rassurer, la certitude que s’il y arrivait parfaitement avec elle, il le ferait face aux autres. Cette même recherche les guidait tous les deux malgré la souffrance à laquelle Alec se confrontait. Tant d’images que Sanae aurait aimé ne pas voir, ne pas vivre à travers lui. Une boucle sans fin d’horreurs qu’aucun d’eux ne nommait à voix haute. Nul besoin. C’était là, partout, en eux et dans l’air saturé de la pièce. Alors quand ils parlaient, ce n’était jamais de ça. Jamais directement. Il aurait fallu être idiot pour croire que ça n’atteignait pas la sorcière. Elle en avait rêvé plusieurs fois - sans surprise, d’ailleurs. Depuis qu’elle entrait plus fréquemment dans les esprits des autres, Sanae voyait ses rêves et ses cauchemars se peupler d’images qui ne lui appartenaient pas vraiment. Elle se réveillait trop souvent en sueur, au milieu de ses draps, le coeur au bord des lèvres. Le visage d’un monstre qui n’était pas le sien, de voix étrangères, de violences qui ne venaient pas de son passé. Et elle savait déjà que cette nuit, ses songes pulluleraient de tout ça, encore une fois. Mais étrangement, lorsqu’elle était dans l’esprit d’Alec, parcourant les brumes électriques et les nuages obscurs des sévices de l’enfance, l’idée de souffrir avec lui était réconfortante. Au fond, elle se devait de partager cette douleur puisqu’elle lui faisait revivre avec tant d’insistance. C’était sa punition pour le faire rasseoir avec violence, le faire rester, le forcer au calme quand il voulait partir, ne plus revoir ce qui avait détruit toute son innocence, toute sa joie d’enfant. Sa punition, oui, à elle pour le confronter encore et encore à ça. C’était son choix, à lui, bien sûr. Mais seulement quand il avait l’esprit clair, quand la souffrance n’atteignait pas son point culminant. Il y avait ces moments détestables où il perdait de vue le but de la démarche, où il n’en pouvait plus, où il voulait fuir et tout envoyer balader. Disparaître. Ne plus entendre, ne plus voir.

Elle l’y ramenait toujours, comme un cheval à l’abattoir, avec la menue certitude que c’était pour le mieux. C’était, surtout, ce qu’on attendait d’elle.

Sanae ne s’en plaignait pas. Elle n’en avait pas le droit, coincée entre la souffrance ressentie et l’impossibilité de l’exprimer sous peine de faire de l’ombre à la sienne, à lui. Elle n’avait pas le droit de se plaindre, pas le droit de montrer sa peine. Mieux valait endurer en silence, serrer les dents, jusqu’à ce que ce soit terminé. Elle espérait, du moins, que ses efforts l’aidaient à rester fixé sur la ligne devant lui. Il s’affrontait lui-même, bien plus qu’il n’affrontait son regard à elle. Pas un instant elle ne pensa moins de lui en voyant passer les erreurs, les maladresses, les fausses routes et les mauvais choix qu’il avait pu faire. Elle n’était d’ailleurs pas un juge. Tout juste une spectatrice. Une architecte qui venait déplacer des choses, l’amener à construire des barrières, des pièges, des embûches. Elle s’y connaissait en illusions, voilà tout. Alors elle l’aidait à créer les siennes, à lui, et poursuivre le travail déjà entamé par son cousin. Plusieurs fois elle se demanda si Logan avait éprouvé autant de douleur qu’elle en sillonnant le passé d’Alec, ou si quelque chose en lui avait perdu de sa sensibilité par les propres horreurs qu’il avait vécues. Elle n’oserait jamais lui poser la question, mais elle s’interrogeait, de son côté, sur sa capacité à faire de même avec Kezabel. Etaient-ils les mieux placés pour s’occuper chacun de ceux qu’ils aimaient trop fort ?

Kezabel. Voilà autre chose sur laquelle Sanae redoubla d’efforts. Rien ne devait dépasser, être vu. Ce n’était pas seulement Alec qu’elle protégeait alors mais sa sœur. Le lien le plus tangible qu’ils avaient tous deux. Qu’aurait-il dit qu’il avait su à quel point elle était reliée à cette amie qu’il considérait lui-même presque comme une sœur ?

Pas le temps de s’interroger sur ça. Ils bataillaient en interne, revenaient sans cesse sur les mêmes choses en prenant des chemins différents, en testant chaque possibilité, chaque voie, chaque piège. L’histoire devait tenir. L’illusion devait être parfaite. Ils racontaient une histoire, un scénario bien ficelé qui ne devait souffrir d’aucun trou, d’aucun défaut. On devait y croire, sans hésitation. Quand c’était elle qui voulait lui donner du répit, il insistait pour continuer. Ils ne lâchaient rien, et certainement pas du terrain à leurs ennemis. L’effort était commun. L’épuisement aussi. Elle avait même vu ses larmes, la fragilité que d’autres ne soupçonnaient pas chez lui. Il n’avait après tout pas d’autre choix que de se livrer sous ses moindres détails ; c’était bien la conséquence de tout ça. Alec était plus exposé que jamais sous son regard et elle poussait plus loin ce sentiment, découvrant chez lui des souvenirs qu’il avait occultés et qui remontaient soudainement à la surface. La mémoire était un mystère dont personne n’avait toutes les clés, c’était définitif.

Définitif.

Le mot lui traversa l’esprit alors qu’elle quittait le sien. Les larmes coulaient sur le visage du sorcier. Elle se leva, sans savoir si c’était à lui qu’elle donnait le repos ou à elle-même. Le visage bas, il ne vit pas le léger chancellement dans ses pas. Elle lui tourna le dos pour remplir à nouveau son verre, ses cils battant furieusement à ses paupières. Une boule dans la gorge était remontée malgré elle. Il était prêt. Aussi prêt qu’il pouvait l’être. Et c’était la dernière fois qu’elle était entrée, le dernier passage qu’elle avait fait dans son esprit. Sanae était sortie comme l’on sort d’une maison qu’on abandonne derrière soi, dans la brutale réalisation qu’elle ne la reverrait plus et l’espoir amer que tout resterait à sa place. Elle n’était pas partie brusquement. Sa présence s’était retirée avec une douceur qui contrasta avec la violence de ses interventions. Elle l’avait quitté comme le reflux de la mer sur le sable.

Sanae déglutit en silence, les mâchoires crispées, et versa du whisky dans un verre et sortit une fiole de sa poche, pour dissiper les nausées du sorcier. Elle les déposa près d’Alec dont elle ne voyait que le sommet du crâne baissé. Il était avec lui-même et il fallait lui laisser le temps de se calmer, de revenir, alors elle disparut, discrète, vers la baie vitrée.

La sorcière avait eu raison. Le jour était plus haut dans le ciel, il s’était détaché de l’horizon. Ce serait bientôt le moment de partir. Elle s’assit sur une marche et observa la petite étendue d’herbe qui jusqu’à plusieurs mètres au loin s’arrêtait à un rebord qui donnait sur la plage, en contre-bas. Sur le côté, le potager de son père avait été abandonné. Il n’y avait plus de récoltes, seulement de la terre que le jardinier, en venant une dernière fois, avait retournée. Les arbres fruitiers, eux, continuaient à vivre, en fleurs et parfumés. Elle ferma les paupières un instant, son verre entre ses mains, imaginant qu’il y avait plus que de l’eau à l’intérieur. Ses lèvres se pincèrent et ses doigts enserrèrent davantage le verre. Sur la surface de la mer, le scintillement l’éblouissait presque. De petites étoiles qui s’illuminaient avant de disparaître.

Elle l’entendit arriver mais ne se retourna pas. Le froissement des vêtements, le bruit de ses pas. Sa présence s’évanouirait plus tard dans un claquement de porte discret et emprunt de tristesse. C’était tout ce à quoi elle pensait en cet instant.

« Ça va me manquer. » dit-il.

Un souffle presque amusé se répercuta dans l’air frais. La plaisanterie pourtant ne la traversait pas. Elle entendait déjà l’adieu dans ces mots et juste derrière un merci qu’elle ne voulait pas non plus entendre. Muette, Sanae hocha légèrement la tête en soupirant. La boule dans sa gorge ne s’en allait pas. Alec fit tinter son verre contre le sien, se penchant vers elle, et elle se força à exposer un sourire sur la fine ligne de ses lèvres. Il vint s’asseoir à ses côtés, sa cuisse contre la sienne et son épaule l’effleurant dans une proximité douloureuse. Comment pouvait-on déjà être nostalgique quand le moment n’était pas encore terminé et que l’absence n’était pas encore là ? Ce geste contre elle lui broya le coeur car elle savait ce qu’il cherchait : de la chaleur, du réconfort. Comme un enfant s’accrochant à sa mère en lui demandant si tout irait bien. Mais elle n’était pas une mère et il n’était pas un enfant.

« J’ai une chance tu crois ? »

Quelle ironie, n’est-ce pas ? D’être celle à qui on demandait d’incarner un peu d’espoir quand pourtant ceux qui le désiraient en étaient dénués, trop cyniques pour s’y risquer ?

Elle ne le regarda pas. Ils fixaient tous deux droit devant.
« Tu crois vraiment que je te laisserai partir si c’était pas le cas ? » Un instant de silence. « Tu es prêt Alec. »

Elle aurait aimé avoir de grands mots pour lui mais ils n’aimaient pas ça. La vérité, c’était qu’elle n’avait plus rien à lui apprendre désormais. Il avait toutes les clés entre ses mains.

« Tu feras ce que tu as toujours fait : survivre. » Elle passa un peu d’eau entre ses lèvres. « Tu le feras juste avec plus d’armes qu’avant. » Elle se racla la gorge et se repositionna, sans quitter le contact avec lui, ramenant simplement ses jambes en tailleur, une main sur un genou. « J’aimerais avoir un beau discours pour toi avant qu’on se quitte mais j’ai pas d’autres fioles contre la nausée. » dit-elle, un léger sourire amusé aux lèvres. « Envole toi petit scarabée ! » ajouta-t-elle en faisant un geste dans l’air. Elle lui jeta un regard en biais. « C’est tout c’que j’ai. »
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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Dim 8 Mai 2022 - 23:24

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Il haïssait ça. Se faire rabrouer comme un gosse, remettre à sa place, recentrer. Se montrer faible, être celui qui craque, qui ne peut plus, qui refuse de mettre un nouveau pied devant l’autre. D’ailleurs Alec ne se souvenait même pas véritablement de la dernière fois où il avait renoncé, supplié pour qu’« on arrête », mis un point final à quoi que ce soit. Était-ce seulement jamais arrivé ? La fierté et l’égo bien trop ancrés chez lui pour lâcher l’affaire, Alec prenait d’ordinaire assez sur lui pour ne jamais amener ces quatre foutues lettres sur ses lèvres « stop. ». Et pourtant c’était arrivé avec elle, plusieurs fois. Plusieurs putains de fois. Il y avait là la marque du trop plein, d’une difficulté telle que ces souvenirs lui cassaient la gueule systématiquement et manquaient de lui faire perdre de vue tout le reste. Lui-même, Mack, Jay, Keza ou Jo, Sova ou les autres. Face à ça, même sa sœur s’effaçait par moment, ne laissant que l’enfant mort de peur. L’adulte s’effondrait, tremblait, claquait des dents, gerbait sa peine, son mal-être et sa culpabilité. Face à ça, il n’avait pas toujours les épaules, pas lorsqu’on déterrait les souvenirs enfouis, les scènes passées, les actes reniés. Il n’avait pas fallu longtemps avant qu’il ne se dégage d’elle en comprenant qu’il n’y avait pas eu que la porte fermée et sa sœur derrière celle-ci. Pas longtemps avant de se rendre compte que ses réactions épidermiques à l’approche d’un homme près de lui tenaient au fait qu’il ait lui-même cédé aux « demandes » du monstre, soumis à l’adulte. Pas étonnant que la notion même de soumission soit devenue viscéralement impossible au fil des ans. L’adulte solide qui refusait de céder le moindre pouce de terrain s’était alors effrité au gré des marrées, laissant un jeune homme ébranlé, submergé par les larmes ou les cris, le grondement rauque de la colère et de la haine, le rejet acide d’une situation immonde. Alec ne voulait pas voir ça, pas se voir ainsi, pas affronter ses propres échecs, pas se voir comme coupable. Car c’était bien ce qu’il percevait de lui-même, bien la raison pour laquelle cette plage avait entendu le ronflement du tonnerre de son malheur, bien ce qui tranchait ses nerfs. Se servir de cette horreur pour survivre était de loin la pire des choses qu’il se soit jamais imposé et avoir quelqu’un face à lui rappeler ce pour quoi il agissait était le plus dur des rappels. Aucun contre-argument, seulement la blessure du mal-être pour cracher dans ses veines et fissurer ses os. Alors qu’importe ses refus, qu’importe la violence avec laquelle elle le remettait dans le droit chemin, chaque fois Alec avait dégluti sa souffrance et mis un nouveau foutu pas devant l’autre.

Serrer les dents, ensembles. Avancer. Parce qu’il n’y avait rien d’autre à envisager que ça.

Trop noyé dans ses propres courants acides, le jeune homme n’avait pas compris quelles épreuves elle s’imposait à son tour, gérant ses propres émotions en parallèle des siennes. Pas la disponibilité émotionnelle pour ça, pour être honnête. Pas le courage de se montrer fort et apte à entendre l’autre. Même pas, à vrai dire, la capacité de craindre son regard, ses propres jugements suffisaient par moment à le mettre à terre. Peut-être que détourner le regard d’elle, se refuser à y porter son attention était une manière de s’en préserver d’ailleurs. Penser que, qu’importe ce qu’elle en pensait, ça n’avait aucun réel intérêt au vu de la situation. Qu’importe à quel point elle le jugeait comme coupable de sa propre situation, fautif de ses nombreuses exactions. Qu’importe, il était importe d’avancer et pour être honnête, lui comme elle n’avaient plus l’énergie d’aborder ces sujets en dehors de son esprit. Chaque entraînement le vidait, l’amenait à donner autant qu’il en était capable, allant bien au-delà la majorité du temps pour le laisser lessivé.

Ce jour ne faisait pas exception.

Le regard bas, les mâchoires serrées, les lèvres pincées, Alec voyait rouge au travers de ses paupières. La douleur pulsait dans ses tempes, serrait sa gorge d’un mal-être dont il ne savait se défaire malgré l’affrontement constant de ses traumas du passé, les larmes écoulées, lui qu’on avait connu pour ne jamais se laisser aller à de telles faiblesses. Pas moyen, face à elle, de dissimuler quoi que ce soit, chaque parcelle de sa vulnérabilité mise à mal à chaque intrusion. Ainsi, d’une certaine manière, l’exigence dont elle faisait preuve, la brusquerie de ses gestes ou de ses mots, la dureté de son autorité lui faisaient du bien. Il s’y raccrochait comme à une bouée. Parce qu’il ne connaissait que ça, peut être. Mais surtout parce qu’à éviter le sentimentalisme, elle lui prouvait qu’elle le savait plus solide que ça. Apte à encaisser. Apte à être plus que ce gosse chouinard qui avait eu la faiblesse de céder, que ce soit pour lui ou pour sa sœur. Être dure envers lui était non seulement une obligation et une attitude qu’il attendait d’elle mais également une forme de respect.

Sans ça, sans doute ne serait-il pas resté là, assis sur la table à gérer ses propres émotions, à endiguer le trop-plein, à ravaler l’acide et les souvenirs. Les peurs et le mal se devaient d’exister, de prendre force sans le dominer. Sans vraiment comprendre comment Sanae avait fait pour mettre en place un espace de sécurité pour lui permettre d’apprendre à le faire, il respectait néanmoins le résultat.

En ce levant ce jour-là, Alec se demanda s’il aurait été capable de retracer les détails de cet endroit, de s’y réfugier même, peut-être, lorsque tout serait trop pour lui. Par moment, il veillait à ne pas observer les détails, notait pourtant qu’il n’y avait ici aucune photo, aucun objet trop personnel. S’il fallait trouver un lieu, ce serait sans doute sur le perron, à projeter une présence sans en avouer la forme, à ne préciser dans sa mémoire que l’odeur des embruns, la sensation des grains de sables sur les marches, la texture du gré ou du bois sous ses doigts. Le bruit des vagues. Et la chaleur d’une amie, contre lui.

Le regard planté sur l’horizon à présent, c’était à ses sens qu’il s’accrochait, cristallisant dans sa mémoire chaque sensation que le monde offrait à lui. Il y avait dans son organisme une sensation de vide étrange, comme si ses cellules elles-mêmes prenaient ce temps, mues d’un besoin d’écouter la symphonie du ressac. De goutter le calme, d’étrangler l’angoisse. Le soleil éclatait, finalement, symptôme du temps qui passe. Signe qu’il pouvait à présent compter le temps qu’il lui restait en heures. Le compte à rebours de sa chute battait dans ses veines, conscient de la douleur qui l’attendait à l’issue du dernier tintement de la petite aiguille. L’attente pouvait-elle être pire que la réalité ? Ou trouveraient-ils moyen de faire pire que ce qu’il pouvait salement et légitimement imaginer ? La question pulsait dans ses silences, trop vite rattrapée par bien pire.

Et s’il se plantait ?

Le regard droit devant cessait de voir le vert de l’herbe et le miroitement de l’eau. Il s’accrochait à la bordure entre l’océan et le ciel, à cet entre deux où tout se mêlait, prêt à faire basculer l’univers. Une part de l’enfant qu’il avait été aurait aimé y disparaître, dans cet entre-deux. Ne pas affronter l’avenir, seulement se noyer dans le roulis des vagues et ne plus jamais voir la lumière. Lui, écouta seulement son cœur s’écraser par vagues régulières sur ses os, frappant ses veines en rythme. Chaque coup avant le suivant, avant ceux qu’on lui réservait. Il imaginait ceux qui se préparaient avec délectation, ce qui pourrait advenir s’il se plantait, s’il faisait pêché de confiance, s’il échouait ne serait-ce qu’une fois, ne serait-ce qu’au pire moment.

La question passa ses lèvres sans qu’il ne l’intellectualise réellement. Comme une ultime honnêteté. Un besoin assumé, pour une fois, d’être celui qui pourrait douter. Après il n’y aurait plus trace de cette vulnérabilité, il aurait franchi la ligne rouge, le cap de non retour et il n’y aurait plus place pour ses doutes. Il s’en sortirait, tiendrait, et d’autres garderaient confiance en lui. Ce serait ainsi et rien ne devrait ébranler cette certitude construite au fil des ans. Car le travail qui l’amenait là, dans l’arène, n’était pas seulement ni le sien ni celui de Sanae ni même celui des dernières semaines. Il était le fruit de plus de sourires, de présence et d’efforts qu’il n’y semblait. Sans compter l’apprentissage de Logan, déblayant bien des aptitudes sans qu’il ne comprenne réellement ce qu’il faisait.

Alec n’avait pas réellement conscience de ce que son cousin avait pu exhumer dans son esprit ni même de l’impact de son travail dans son aptitude à présent à comprendre ce que Sanae lui enseignait. Ce qu’il savait, c’était qu’elle posait des mots là où Logan restait muet, lui traçant la voie de la compréhension quand Logan était systématiquement obtus et brutal, enclenchant les réflexes en lui plus que la conscience de ce qu’il pouvait faire. L’idée qu’il n’ait lui-même pas conscience des mécanismes qu’il mettait en place et voulait transmettre ne lui vint pas à l’esprit. Quand à celle de ce qu’il pouvait savoir de ses propres traumas ? Ça faisait bien des années que cette question le torturait de rage.

Logan, comme les autres, s’était tu.
Tout puissant qu’il puisse être, il avait détourné le regard.

Et le ramenait dans son enfer personnel.

Le silence ondulait dans l’air frais, soufflé du large, droit vers eux, léchant la petite maison de bord de mer aux murs clairs.

« Tu crois vraiment que je te laisserai partir si c’était pas le cas ? »  ça aurait sans doute dû l’assommer, mais Alec n’y trouva qu’un amusement réconfortant. Un souffle ironique se mêla alors au sel de la mer, pinçant les lèvres dans le silence de nouveau installé, résistant à l’envie de poser une main sur le genou de la légimen pour la remercier. « Tu es prêt Alec. » Ses mots lui pesèrent autant qu’ils virent le rassurer. Elle n’aurait pas accepté une certaine proportion de risque le concernant, il en restait convaincue. Alors sans doute y avait-il là une tentative de le rassurer, consciente que l’assurance jouerait en sa faveur. Malgré tout, l’idée qu’elle puisse penser ça de lui avait de quoi délester un fragment de ses peurs. Le regard fixe, Alec ne dit ni ne fit rien.

« Tu feras ce que tu as toujours fait : survivre. » Des mots comme un boulet de canon contre son âme. Comme une reconnaissance des difficultés et des épreuves. De « ce qui est déjà », comme s’il n’y avait finalement pas de nouvel effort à faire, simplement à continuer dans une lancée qui était la sienne depuis bien des années. Ses preuves, Alec les avait déjà fait. Chaque jour quand il s’agissait de fixer ses parents et d’affirmer qu’il ne savait où était Janie, chaque fois que ses os avaient craqué ou que son sang avait été versé, à chaque mensonge, à chaque sourire, à chaque regard mauvais. Chaque pas, planté dans le sable, l’amenant dans une seule direction. Mais les empruntes n’étaient plus solitaires depuis longtemps à présent. « Tu le feras juste avec plus d’armes qu’avant. »  Sur ses lèvres, le sourire se tordit, lâchant un simple souffle sec en fermant une seconde les paupières.

Sanae changea de position et son élève fut soulagé de sentir sa cuisse retrouver la sienne.

« J’aimerais avoir un beau discours pour toi avant qu’on se quitte mais j’ai pas d’autres fioles contre la nausée. » Le sourire, communicatif, glissa de ses lèvres aux siennes. « Envole toi petit scarabée ! » Un geste dans l’air mima un insecte s’envolant au loin et affirma un peu plus le sourire qui flottait sur les lèvres du garçon. « C’est tout c’que j’ai. » Elle eu pour lui un regard en biais qui capta son attention tandis qu’il pinça ses lèvres dans un coin de sourire. Baissant une seconde le menton, il fini par retrouver ses yeux un instant, moqueur. « C’est pauvre. » Ses prunelles brillèrent de cet humour tendre qui le quittait rarement en présence de ses proches.

Lâchant son regard, il reporta le sien sur l’eau sans lâcher son sourire de crétin caustique, les doigts enroulés autour du verre de whisky. « J’attendais à minima un monologue d’encouragements, un truc à la « mais ce jour n’est pas arrivé !! » ou quelque chose dans ce goût-là ; et tout ce que t’as pour moi c’est « t’as toujours fait ça, chope une dague et loupe pas la carotide le jour venu » …. … … nan, vraiment, c’est pauvre. Pas faux... Mais pauvre. » Au fil de ses paroles, il s’était de nouveau tourné légèrement vers elle, se penchant contre elle d’un sourire moqueur.

Qu’importe la profondeur de la vulnérabilité, des craintes ou de l’appréhension, certaines choses ne changeaient pas, preuve s’il en fallait qu’il avait sur sa cuirasse bien des épaisseurs d’aciers qui, toutes gondolées soient elles, demeuraient solides.

Quand à ce qu’il fallait de douceur, il suffisait de trouver derrière l’humour la tendresse de son regard clair…. Ou simplement ce petit geste à peine marqué de se pencher vers elle de nouveau, dénotant ce qui n’était pas véritablement exprimé.

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Alec Kaleb Rivers
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Alec Kaleb Rivers
Sam 21 Mai 2022 - 18:53

Il y en avait eu des Je ne peux pas y arriver. sur la marche de cette baie vitrée.
Alec n’en avait pas conscience mais on aurait pu trouver à chaque recoin de cette maison des centaines de petites filles en proie au doute. Des leçons de piano aux entraînements de combat en passant par l’apprentissage effréné des traditionnels savoirs, Sanae avait traversé tant de phases de frustrations et de remise en question qu’elle n’aurait pu se souvenir de tout. Mais elle gardait imprimée en elle la sensation constante de n’être pas assez, de ne trouver nul part la confirmation de ses réussites et d’être terriblement seule dans sa lutte. Si elle voulait éviter une chose à Alec, c’était celle-ci. Ni Logan, ni Keza, ni elle ne pourraient l’accompagner jusque dans la gueule infâme des Supérieurs alors il fallait glisser en lui de quoi se sentir poussé par quelques mains invisibles qui ne viendraient pas le torturer mais le soutenir. Elle abhorrait l’idée qu’il se sente si profondément seul à mener cette bataille. De fait, il l’était oui. Seul face au sort que lui réservaient les Supérieurs, seul à devoir supporter la douleur qu’ils lui infligeraient et les attaques internes qui surviendraient, mais Sanae espérait un miracle : qu’au fond de lui, dans les miettes qui demeureraient de leur passage, à elle et Logan, et dans la garde attentive et rigide des souvenirs trop précieux, Alec trouverait le confiance et la solidarité qu’ils lui adressaient tous. Mais puisque c’était un Rivers, elle pariait intérieurement que ce ne serait pas la seule stratégie qu’il choisirait. La rage et la haine pourraient suffire à tenir bon. L’envie, surtout, de contrecarrer les plans de leurs ennemis en survivant était ce qui avait sans doute guidé les cousins Rivers pendant longtemps. A la force de l’insolence, ils avaient survécu. Et ils survivraient encore longtemps.

C’était, du moins, ce que la sorcière espérait.
Elle ne savait pas ce qui était venu en premier dans l’attachement qu’elle avait envers les deux cousins : son lien à Logan ou celui qu’elle avait tissé avec Alec. Tout ce dont elle était sûre résidait dans l’attachement qu’elle avait envers eux deux et l’investissement qu’elle y mettait. L’affection s’était transvasée naturellement, avec une rapidité qui ne l’étonnait plus la concernant. S’il fallait être surpris, ce serait de voir la réciprocité exister. Alec, bien que différent de son aîné, n’était pas quelqu’un qui se laissait aller à une affection immédiate ou à une confiance tranquille; tout était un combat, une confrontation, une hésitation fébrile à se voir donner des armes à l’autre, et souvent il n’y avait que l’attitude adolescente et défensive d’un enfant à l’humour cassant. Sans doute avait-il fallu qu’elle change et qu’elle se montre changée pour déclencher chez lui un réel lien avec elle. Cela importait peu, sans doute. Ils étaient les complices forcés d’une stratégie depuis longtemps établie, et si Sanae s’évertuait à en changer quelques paramètres, la voie qu’empruntait Alec était toute tracée. Il devait retourner là-bas, montrer la rupture avec Logan, à défaut de pouvoir fuir éternellement. Un constat qui écrasait toute différence entre eux et qui les liait plus profondément qu’ils ne l’avaient prévu.

Elle était consciente, du reste, qu’elle représentait dorénavant la preuve indirecte d’un lien entre Alec et Logan. L’éloignement entre les deux Rivers lui sciait le coeur, bien qu’il soit apparemment nécessaire, et terminait de renforcer les cordages qui les reliaient tous les trois. Alec se doutait-il d’ailleurs de ce qui s’approfondissait entre elle et Logan ? Savait-il que chaque entraînement, chaque échange était vu et revu dans son esprit ? Avait-il une idée de l’élan angoissé qui poussait Logan à venir s’abreuver dans les souvenirs de la sorcière dès lors qu’Alec y apparaissait ? S’il ne se doutait ni de l’amour que lui portait son cousin, ni de l’angoisse qui le martelait à son égard, Sanae ne pouvait le blâmer : le plan se jouait selon la partition et Alec n’aurait pu trouver dans les rares dernières interventions de Logan de quoi nourrir l’idée même d’une affection. La Forteresse ne délivrait aucune caresse.

Peut-être était-ce pour cela qu’Alec se rapprochait tant d’elle. Là, les pieds sur l’herbe et le dos appuyé contre un pan de mur, Sanae sentait cette volonté émaner de lui. Être proche d’elle, avoir un contact physique, ne serait-ce qu’une main, qu’un genou, qu’une épaule contre la sienne n’était pas simplement le moyen de se réconforter. Sans doute y avait-il eu dans la demande de Logan, lors de ces premières paroles qu’elle avait entendues de lui, une demande plus profonde : donner à Alec ce dont il était incapable. Un enseignement où n’existait pas uniquement la violence et le silence. Etait-ce que le jeune Rivers venait puiser à ses côtés ? Le contact qu’il n’avait pas eu auparavant ?

Il n’y avait alors aucun hasard quand Sanae prononçait les mots qu’il devait entendre. Il était prêt, oui. Plus prêt qu’il ne l’avait jamais été et plus conscient de ses armes que quelques mois plus tôt. Son acharnement à chaque entraînement avait été le moteur puissant de ses progrès. Il fallait donc le dire, l’énoncer à voix haute en brisant le silence pudique qui pouvait s’installer entre eux.

Sanae se repositionna mais sa cuisse demeura contre la sienne. En de nombreuses occasions, la sorcière s’était sentie écrasée par les attentes des autres et dernièrement, elle avait combattu l’idée même d’y répondre, mais face à Alec, elle ne pensa pas un instant à lui claquer la porte au nez. Elle répondait sans sentir de boulets à ses pieds. Et s’il fallait éprouver une lourdeur, ce serait de ne pas savoir quoi dire de plus, quoi lui donner à côté de ce contact nécessaire. Aucun grand discours n’aurait pu coller alors elle tenta l’humour qui leur correspondait si bien.

Un sourire se dessina sur les lèvres du sorcier.

« C’est pauvre. » dit-il.

La moquerie était pleine de tendresse. Elle sourit, les lèvres pincées, acquiesçant doucement.

« J’attendais à minima un monologue d’encouragements, un truc à la « mais ce jour n’est pas arrivé !! » ou quelque chose dans ce goût-là ; et tout ce que t’as pour moi c’est « t’as toujours fait ça, chope une dague et loupe pas la carotide le jour venu » …. … … nan, vraiment, c’est pauvre. Pas faux... Mais pauvre. » Elle rit doucement alors qu’il se penchait vers elle, amusé.
« C’est fou quand même...jamais content ces Rivers. » dit-elle en secouant la tête, le regard fixé devant. « Tu voulais un trophée ? Des gommettes de couleurs ? Une médaille avec ton nom dessus ? Un t-shirt marqué « Meilleur élève de la classe » ? » A chaque proposition, elle tournait sa tête vers lui, le secouait d’un mouvement d’épaule.

Elle se tût, un sourire amusé flottant quelques secondes encore sur ses lèvres, et se tourna à nouveau vers l’horizon. Un rayon de soleil grimpait progressivement du sol jusqu’au mur de la maison, s’agrandissant à mesure que les minutes passaient. Les vagues, au loin, scintillaient plus intensément.

« La vérité c’est qu’il n’y a pas d’encouragement ou de récompense à la hauteur de ce que tu vas faire. » dit-elle, son sourire ayant disparu. « Tout est « pauvre » en mots dans cette situation. » souffla-t-elle, presque à elle-même. « Je t’ai appris tout ce qui pouvait t’être utile. Le reste, tu le sais déjà. » Il l’avait appris par lui-même. « Tu sais ce que tu dois faire, tu sais le faire et tu le feras. » Elle haussa les épaules, attristée, grimaçant face au soleil levant. « Je ne vois pas quoi dire d’autre qui pourra t’aider. » Elle laissa passer quelques secondes de silence, plissant les lèvres, jouant de ses doigts sur son genou. Une hésitation, un peu fébrile. Elle aurait aimé lui dire qu’ils penseraient à lui tous les jours et qu’ils guetteraient les nouvelles le concernant. Les prochains jours seraient une longue attente pour eux et un enfer pour lui. Elle soupira, abandonna les mots qui ne voulaient pas sortir.

« Tu penses que Mack est prête face à tout ça ? »


Une question légitime quand elle voyait l’amour qui le maintenait lié à sa femme. Une femme qu’elle n’avait jamais rencontrée et dont la connaissance qu’elle avait d’elle se trouvait dans l’esprit du sorcier. Elle serait le seul soutient qu’il aurait de l’autre côté. Mieux valait alors s’assurer qu’elle ne lui ferait pas défaut.


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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Mer 8 Juin 2022 - 18:34

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Lorsqu’il était arrivé, les lieux semblaient différents. Plus sombres, plus simples, comme si une présence s’y était évaporée. Pas de verre posé sur la table basse ni le moindre déchet. Le fauteuil était retranché auprès de la cheminée, un plaid posé par dessus. Rien ici n’indiquait qu’il y avait un habitant dans le domaine et Alec avait bien vite compris que ce n’était plus le cas. Logan était parti. Pourtant Logan était là. L’ombre parmi les ombres s’était glissé derrière lui, mu par des habitudes empruntés aux prédateurs. Le plus jeune des cousins l’avait perçu avant qu’il ne s’exprime, se retournant d’un geste sec pour lui faire face. A l’extérieur, le monde était calme et le silence des éléments lui avait semblé se répandre comme une traînée de boue entre eux. La distance était devenue sirupeuse entre eux. Épaisse. Logan avait raccroché au monde mais maintenait une barrière entre lui et son cousin qui n’existait pas auparavant. Ainsi planté dans le grand salon, faisant face à l’homme qui lui semblait immense de carrure malgré sa perte de poids et sa taille similaire à la sienne, il lui faisait toujours l’effet d’un roc. Sans doute l’enfant face à l’adulte, le plus jeune face à son aîné ou simplement la puissance qui se dégageait de cet homme tout autant que sa dangerosité latente qui l’amenait toujours à se sentir pris en tenaille lorsque Logan prenait cette posture là. Il tenait ça de son père autant que de lui-même. Un truc dans le fond du regard qui indiquait qu’il ne suffirait qu’un pas, qu’un mot pour que la glace ne devienne lave.

En cet instant, Alec aurait préféré ça au givre, regrettant amèrement ces moments où ils avaient échangé, s’étaient même confiés autour d’un verre lorsqu’à Poudlard, la situation s’y prêtait. Cette posture privilégiée qu’Alec avait eue s’était réduite à peau de chagrin, l’amenant brusquement à avoir cette impression fulgurante de se trouver face à un parfait étranger. Où était le mec qu’il sortait de son lit, un jour de mai après un énième conflit avec Aileen ? Celui qui lui passait ses frasques et fermait les yeux sur les fêtes réalisées au sein de la salle commune des Serpentards ? Il lui avait semblé alors avoir quelque chose en plus vis à vis des autres. A présent, ce statut ne lui offrait plus qu’un regard froid, un port droit et rigide et des lèvres scellées. Logan reviendrait-il un jour à lui ou avait-il seulement halluciné cet homme qu’il semblait être le seul à connaître ?

En lui faisant face, le jeune homme ne pouvait que s’interroger de ce qu’il avait vécu, dans les tréfonds des caves de Poudlard. Ce à quoi il avait survécu pour se braquer d’autant plus à présent. Et en sous-texte, la question la plus horrible : dévisageait-il l’homme qu’il deviendrait lorsqu’à son tour, il se devrait de traverser l’enfer ? Logan avait toujours été plus profondément solide que lui. Alors, lui, ouvrirait-il les yeux après avoir acquis son statut de rescapé ? S’il y arrivait.

« Tu t’améliores. »

Les sourcils froncés, Alec en demeura muet ; incapable de savoir de quoi il parlait. L’occlumencie, l’attitude, l’aptitude à savoir où ce type qui aimait tant faire le spectacle avec son entrée se trouvait dans la pièce. Sans un mot, l’autre avait fini par approcher, l’observant en silence, ne faisant qu’augmenter l’anxiété dans les veines du plus jeune. Dans l’ombre matinale de la grande maison, Logan lui apparaissait menaçant sans qu’il ne sache véritablement d’où lui venait cette impression. La masse qu’il formait se détachait à peine dans la pénombre, les épaules droites, le menton haut, les sourcils froncés traçaient une forme de gravité hostile dans ses yeux. Il sembla à Alec qu’il était sur le point de fondre sur sa proie, son regard perçait seul l’atmosphère pour se planter dans le sien. Peut être était-ce ce qu’il craignait. Une nouvelle attaque, la vérification de dernière minute, l’examen final. Voilà ce qui lui sciait les nerfs. La peur d’échouer face à lui une nouvelle fois. De sentir ses genoux frapper le sol de nouveau, la boue lui emplir les neurones et l’impression toxique d’une lame lui fendant le crâne en deux. Incapable de faire mieux.

Sous ses côtes, le myocarde se fracassait en rythme. Et s’il ne prenait pas le risque ? L’idée lui était venue avec la violence d’un barrage qui cède. Logan n’habitait manifestement plus ici, avait deviné son intention ou l’avait manipulé pour qu’il vienne. Et s’il passait ses derniers instants dans sa propre peau, bientôt défait de ses souvenirs et ses expériences, des parcelles d’apprentissage qui faisaient de lui un être différent de l’adolescent qu’il avait pu être.

Sans vraiment s’en être rendu compte, les muscles de son dos s’étaient crispés mais Logan n’avait rien dit. Donc par dépit, colère, incompréhension, le plus jeune avait décidé d’engager la conversation.

« Je m’suis dit qu’on méritait bien un dernier face à face. » Pas tant le temps de demeurer en sa présence. Pas non plus celui de proposer à Fenella de venir ou de réfléchir aux risques qu’il était prêt ou non à prendre. Pour être honnête, Alec avait surtout trop à gérer pour s’imposer de dealer avec l’agressivité latente d’un homme qu’il respectait et aimait tout autant qu’il le craignait. Du mal à assurer le sentiment de mépris froid qui les éloignaient l’un l’autre et l’impression saisissante de ne pas avoir la capacité d’un jour être à la hauteur de ce que son cousin attendait de lui. Logan lâcha un soupir amusé et un instant seulement, Alec crut qu’il allait pénétrer ses pensées. Mais il n’en fit rien, le dépassant calmement pour rejoindre le salon. « Je t’offre un verre ? » La phrase fit échos aux nombreux verres échangés dans son bureau de directeur de Poudlard ou la chambre d’enseignant dans laquelle ils s’étaient souvent posés quelques années plus tôt. Une période qui lui semblait appartenir à une toute autre vie. « A 5h du mat ? » L’autre haussa des épaules sans répondre. Et d’un ton qu’il aurait préféré plus assurée, Alec fini par acquiescer. Voix blanche. L’autre l’observa du coin de l’œil et sur le coup, le plus jeune ne su que détourner le regard.

« ça va mieux toi ? » Pas de réponse tandis qu’il lui servait un verre. « Sérieux, tu m’aides pas.. »

Lorsqu’il se tourna vers lui, Logan lui tendait le verre d’alcool, un sourire étrangement doux sur les lèvres qui prit totalement de cours le jeune adulte. « Tu sais que je n’ai jamais fini le pur feu de Walters ? » Alec leva son verre en esquissant un sourire. « J’t’avais dit qu’il fallait qu’on se le boive.. »

Un instant, les deux cousins se fixèrent et Alec se demanda si ces moments lui manquaient. Ces phases où ils n’étaient que deux types qui s’étaient souvent évités lors de l’enfance et qui apprenaient à se connaître, à se comprendre. Deux gars qui connaissaient la violence de leur famille et qui, au cœur des murailles de Pouldard, s’étaient permis de baisser un peu les armes l’un face à l’autre.
Avant que la réalité ne les rattrapent.

Lâchant un soupir, Alec vida son verre d’un trait, observé en silence par son cousin qui, après une hésitation, fit de même.

Le jeune homme fixa un moment le fond du verre, le regard accroché par les quelques dernières traces du liquide ambré qui en nappait les bords. Il avait beaucoup à lui dire. Des remerciements comme des inquiétudes, le tout noyé d’une colère dont il ne savait que faire. Pourtant, rien ne sortit, appelant soit à une grande discussion qu’ils n’auraient jamais, soit à de la mièvrerie qu’il n’avait pas la mollesse de déblatérer.

« Méfies toi de mon père. Plus que du tien. »

Surpris, Alec releva le regard, croisant à peine celui de Logan avant qu’il ne se détourne pour observer la pénombre pâle de la plage au travers de la baie vitrée. Le soleil se faisait pressentir, blêmissant les contrastes de la nuit au profit de l’aube à venir. S’il connaissait par cœur les dérives de son père dans le privé, il ne faisait que deviner celles de son oncle, aillant déjà subi une ou deux fois un courroux qu’il n’avait plus envie de croiser. Le « plus que du tien » l’interrogeait pourtant quant à la possibilité de perfidie de cet homme.

« Et de Carraway. »

Un petit rire, à la frontière de la nervosité, passa sa gorge tandis qu’Alec attrapait la bouteille pour s’en servir de nouveau. « Merci de ces conseils hautement utiles.. » J’y aurais pas pensé...
Encore moins en sachant qu’il ne tarderait pas à lui faire face, seul à seul, parfaitement conscient de la manière dont tout ça pourrait tourner. L’angoisse le tiraillait tant qu’il n’entendait pas ce qui se jouait. Ces quelques mots bien communs qui exprimaient pourtant l’inquiétude et la confiance. Des conseils fraternels qu’il n’écoutait qu’à peine.

De nouveau, un geste sec pour avaler le Whisky. 6h. Boarf.

« Tu sais ce que je veux dire. »
« Oui, j’sais. »

Une envie débile lui avait flashé les rétines, celle de demander des nouvelles d’Aileen, de détourner salement l’attention sur autre chose. Un sujet qui ferait mal.
Logan eut un sourire, reprit la bouteille et la rangea.
Alec posa son verre sur la table, pinçant les lèvres une seconde pour en dégager la saveur amère de l’alcool. Le regard posé sur le dos de son cousin, il se demandait d’où lui était venu ce petit sourire ? Légimencie ? Ne l’avait-il pas sentit ? L’idée l’agaça profondément.

« Bon, j’vais y aller. On m’attends. »
« Je sais. »

Savait-il ? Suivait-il à quel point les entraînements avec Sanae s’étaient montrés intenses ? Était-ce pour ça que lui-même semblait se défaire totalement de ce qu’il avait pourtant initié ?

Alec ne savait pas, n’imaginait pas ce qui se nouait entre Sanae et Logan, n’imaginait pas ce qui advenait en arrière de sa conscience. A vrai dire, le jeune Rivers aurait aimé mettre de côté tout ce qui reliait Sanae à n’importe qui, à fortiori Kezabel et Logan. Depuis un moment, chaque fois qu’il ralliait ces lieux ou simplement la pensée de la nippone, Alec cherchait du mieux possible à tout séparer dans son esprit. Comme s’il n’y avait ici qu’elle et lui, la présence diffuse d’une amie dont il ne savait rien et ne voulait rien savoir. Raccroché à ses certitudes, à l’affection tracée entre eux sans que ça n’ait véritablement de sens. Là où il ressentait pour elle un détachement cynique voir même une rebuffade méprisante s’était installé au fil des jours un véritable lien. Par moment, il se demandait si elle n’avait pas adapté son comportement à ce qu’elle savait de lui, comprenant que ce n’était pas avec sa première attitude qu’elle le « séduirait ». Par moment, il se demandait même si tout cela n’était pas écrit.

« Alec ? »
« Hm ? » L’autre l’avait appelé à l’instant même où il attrapait sa veste, pressée dans son poing serré. Le regard de givre paré d’ondées d’orage, Logan hésita. « 'Te fais pas tuer. »

Ils s’étaient observés un instant en silence sans qu’Alec ne su véritablement ce qui se déroulait derrière le regard bleuté du bâtard de la famille. « Ouais.. » Conseil pertinent.

Mais il n’avait pas dit « ne lâche pas » ou « interdiction de flancher » ni n’avait donné le moindre conseil de légilimencie. L’esprit embourbé d’hypothèses, le jeune homme demeura un instant avant d’engager un pas, puis un autre, passant sobrement à côté de lui, une main posée sur son épaule comme il l’aurait aimé voir faire. « Toi non plus. »

Sans insister davantage, Alec avait transplané. Les dunes l’avaient avalé durant de longs moments d’introspection avant que l’heure de toquer à la porte de Sanae ne se fasse jour. Seul face au fracas des vagues, espérant presque un orage, une tempête pour répondre à ce qui secouait en interne. Mais les éléments ne lui avaient pas répondu, allant et venant calmement, les vagues étaient restées aveugles à ses tourments.

***

A présent assis sur le perron, Alec écoutait le rythme constant du ressac, à peine plus apaisé qu’auparavant mais calmé par la fatigue. Sous ses tempes, les veines battaient au rythme de la mer, attendant que la potion ne fasse tout à fait effet pour le débarrasser de la céphalée montante. Plus tôt, il lui avait semblé ne pas être seul. A présent, cette sensation se faisait moins nocive et c’était bien la présence de l’autre qu’il cherchait avec avidité. Il aurait pu être attendu qu’il aspire à quelque chose de charnel et, sans doute, quelque part sous son épiderme, il y avait de ça. Plus tard, il y aurait de ça, plus exactement. Inconscient de ce qu’il se passait dans la vie de la jeune femme, ce n’était pas ce qui le retenait mais seulement l’angoisse étouffante qui le maintenait loin de ces envies. Étonnant de sa part, sans doute. Pas tant que ça compte tenu des images qu’il venait une nouvelle fois d’affronter ce jour-là encore. A vrai dire, Alec n’intellectualisait rien de son propre comportement, ayant déjà trop à faire. Il notait, bien sûr. L’eau à la place de l’alcool, les changements de comportements, l’attention à ne rien filtrer de ses émotions ou de son propre vécu. Mais il était dans le contrat qu’il ne cherche à s’engager sur la voie qui constituait à la connaître. Alors le jeune homme restait avec les maigres parcelles de ce qu’il en savait, notant comme elle semblait plus solide à présent.

Alors même qu’elle-même se percevait en vrac.

Lorsqu’elle bougea, sa poitrine se serra à l’idée pourtant bien simpliste qu’elle s’esquive de son contact. Il n’y avait pourtant là pas grand-chose, un simple toucher bien limité mais qui constituait chez lui tout ce qu’il suppliait de retrouver. La chaleur de l’autre. Rien que ça.
Une chaleur qu’il retrouvait ailleurs, rapidement. Déjà soulagé de sentir sa cuisse et son genou bientôt de nouveau posés sur la sienne. Mais ce qu’Alec nota, surtout, fut la douceur des rires et des mots. Des soupirs pourtant lourds d’une anxiété qu’elle ne lui imposait pas mais qu’il devinait. Était-ce égoïste que d’être apaisé de sentir l’autre s’en faire pour soi.

« C’est fou quand même...jamais content ces Rivers. » Elle secoua la tête, le regard fixé en avant tandis qu’Alec écrasait un léger rire. Il y avait de la tendresse dans ces mots et une seconde, il se demanda si elle leur était portée à tous les deux. Ou si elle était seulement assumée. « Tu voulais un trophée ? Des gommettes de couleurs ? Une médaille avec ton nom dessus ? Un t-shirt marqué « Meilleur élève de la classe » ? » Chaque fois, un léger coup d’épaule venait le ballotter légèrement, soutenir de regards rythmés qui finirent par lui arracher un rire franc envolé vers les flots. « Bah maintenant que tu le proposes.. » Meilleur élève de la classe d’un seul élève. Beau gosse !

Un sourire vif sur les lèvres, Alec lui jetait un regard en coin tandis que leurs rires s’écrasaient l’un sur l’autre, lien social essentiel.
Le silence, doucement, chargé de tendresse lui sembla de nouveau griffé des lacération de son angoisse latente. Elle les rattrapaient, lui autant qu’elle, et s’insinuait dans l’espace, rappelant doucement à la conversation initiale. Celle que le rire ne pouvait jamais vraiment masquer.

« La vérité c’est qu’il n’y a pas d’encouragement ou de récompense à la hauteur de ce que tu vas faire. » « A la hauteur de ». Un frisson lui dévala l’échine, pinçant ses lèvres du compliment sous-jacent. Il se sentait gladiateur avant d’entrer dans l’arène, observé de loin par ceux qui ne le percevaient pas comme une simple distraction mais comme l’humain prêt à se faire taillader. Préparé, certes, mais sans doute pas assez face aux assauts à venir. Nul besoin pour lui de se tourner vers elle pour comprendre que son sourire avait disparu. Le sien l’avait imité, les muscles de son dos et de ses cuisses légèrement plus crispés le poussaient à inspirer profondément en fixant la mousse qui poussait entre chaque dalles d’une allée perçant le petit jardinet. « Tout est « pauvre » en mots dans cette situation. » On est pauvres dans cette situation. Pauvres de le laisser partir, pauvre de ne savoir que faire. Pauvre dans le nombre d’armes dont il disposait face à ses adversaires.
Dans sa poitrine, son cœur lui laboura les côtes.  « Je t’ai appris tout ce qui pouvait t’être utile. Le reste, tu le sais déjà. » L’apprentissage s’était fait au cours des années et sans doute était-il le mieux placé ici pour faire face aux sangs purs. Très ironiquement, sa famille lui avait donné les armes pour cela. Et cela il était seul à pouvoir en profiter…. ou du moins de ce qu’il en savait. En silence, les souvenirs glissèrent sur ses rétines, encore libres d’aller et venir sans chape de protection. « Tu sais ce que tu dois faire, tu sais le faire et tu le feras. » Les muscles de ses mâchoires roulèrent lorsqu’il dégluti en silence, redressant lentement le regard vers l’eau qui brillait au loin. Il le ferait. Ces mots sonnaient comme le chuintement d’un couperet. Mais oui, il le ferait. « Je ne vois pas quoi dire d’autre qui pourra t’aider. » A ces mots, Alec se rendit compte qu’il avait cessé de respirer, gonflant sa cage thoracique d’air, coupant, relâchant doucement. La maîtrise s’imprimait dans ses veines, gonflait sous son épiderme. Il ferait. Il n’avait pas le choix.

Une épreuve parmi d’autres. Le retour en enfance. Se taire, encaisser, manipuler.
Un instant, il songea à Logan, s’interrogea sur son implication dans tout ça, marqué de la même impression qu’il avait suite à son mariage avec Mack. Passait-il son temps à se faire manipuler par les membres de cette famille ? Et dans quelle mesure réussissait-il lui-même à en faire de même ?

Pas le temps de douter. Sanae reprit la parole, le ramenant sur terre. « Tu penses que Mack est prête face à tout ça ? » Pour la seconde fois de la journée, Alec eut un petit sourire teinté de l’impression étrange que son interlocuteur suivait les pérégrinations de son esprit sans qu’il en ait conscience. Sans avoir les yeux dans les siens, c’était impossible n’est-ce pas ? Un simple jeu de circonstances donc. Impression étrange.

La conscience de ses gestes lui vint avec un temps de retard. Les tapotements sur son genou, le soupir entre ses lèvres, l’impression confuse de pensées inabouties. Préférant éviter de chercher ce qui se passait dans l’esprit d’une femme dont il ne savait finalement rien, Alec lâcha un soupir sec, l’arrière de son crâne posé contre le mur. « J’en sais rien... » Il traça pourtant un léger rire en se rendant compte de l’appellation qui avait été la sienne. « ‘Mack’, hein ? » Le surnom de l’enfance avait perduré à l’âge adulte, à présent repris naturellement par une femme qui ne l’avait jamais croisée autrement que dans ses pensées mais qui avait passé des semaines à se charger des souvenirs la concernant. Pas de pudeur, plus vraiment. Juste l’impression amusée qu’elle la percevait comme un être proche, ce qui n’était pas le cas.

Inspiration, blocage, expiration. De nouveau.

« Si je ne lui avais rien dit, elle aurait été foutue de débarquer en trombe. Depuis qu’elle a décidé de confronter mon père à propos de... » Mon oncle. « Bref. » Pour quelqu’un qui se trouvait face aux images des agressions, les partageant avec cette femme durant des heures, il n’était pas certain de la légitimité à se montrer secret et fuyant sur le sujet. Pas moyen, pourtant, de faire autrement. « Depuis, je me méfie. » Contre le mur, son dos s’arrondit, une main déposée à la base de sa cuisse.

« Dans l’idée, elle doit partir avec Jayden dans les îles. Se faire un road-trip entre nanas ou je sais pas quoi. Elles seront mieux sur une plage à se faire des hawaïens. »

Les cocktails, les mecs, les filles. Qu’importe.

S’engouffrant dans le silence, Alec porta son verre à ses lèvres pour en prendre quelques gorgées.

A cette heure ?!
Oui.

L’éthanol lui flamba l’œsophage, traçant un sillon de feu dans son corps. « J’espère qu’elle le fera. Qu’elle ne viendra pas. » Qu’elle soit en sécurité.

A ce moment de sa vie, Alec le pensait sincèrement, persuadé qu’il serait en colère si elle débarquait, cherchant à la protéger avant toute chose. L’avenir le montrerait finalement sous un tout autre jour, incapable d’être autrement que profondément soulagé de la voir à la grille des Rivers le jour fatidique.

« Je peux faire ça seul. » Non. « Il y aura Warren. » Tu n’es pas sûr d’avoir confiance.

J’aurais Warren..

La pensée crachota à ses sens comme la pluie sur une vitre, affreusement conscient qu’il serait surtout bientôt le bourreau avant d’être l’ami. Comment faire pour ne pas tout confondre lorsqu’il serait noyé par ce monde qu’il abhorrait ? De Mack, il n’avait aucun doute ; mais Alec repoussa cette pensée.

« Ou Fenella.» Pas mieux côté confiance.
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Alec Kaleb Rivers
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Alec Kaleb Rivers
Jeu 16 Juin 2022 - 21:03


Elle n’aurait su dire si les mots qu’elle employait engendraient plus d’angoisse que de réconfort. Que dire à un homme qu’on envoyait droit à la potence ? Que dire qui puisse couler un peu de miel sur les plaies maintes fois étirées, élargies jusqu’à ce que la douleur se lie profondément à l’âme ? Ils étaient définitivement, tous deux, pauvres en mots ; pauvres tout court face à l’au revoir qui se dessinait entre eux à mesure que les minutes défilaient. Ils auraient tout aussi bien pu rester assis en silence jusqu’à ce que le courage vienne les cueillir et qu’ils profèrent les dernières paroles qui les propulseraient dans des directions opposées. Ce moment la déchirait déjà et elle comblait le vide que cela laissait dans cette maison par une dernière trace de complicité, une ultime marque d’affection pudique.

A ses côtés, elle souriait, pourtant bien consciente du poids lourd qui écrasait sa poitrine, et son épaule venait chercher le même sourire chez lui. De fausses moqueries, de banales plaisanteries. C’était tout ce qui leur restait en cet instant. Ça, et la certitude d’avoir partagé autre chose que de la douleur, autre chose que l’intransigeance des entraînements. Alors, au milieu des coups de coudes répétés et de l’humour, elle réussit à obtenir un rire franc qui perça une seconde la lourdeur entre ses côtes. Sa réponse la fit sourire et leurs rires se mêlèrent avant que le silence ne reprenne sa place. Il siégeait, plein de chagrin et de peur, entre eux, comme une troisième personne à leurs côtés. Dès qu’il se soulevait pour donner l’espace à autre chose, il retombait immédiatement sur eux et craquelait leurs sourires, inondait l’espoir, et faisait retentir dans leurs esprits le son brutal d’un couperet.

Tout ce qu’elle espérait, c’était que ce ne fut pas son dernier rire et qu’il trouverait au-delà de la barrière franchie, des alliés qui demeureraient à son flanc. Peut-être était-ce cette pensée qui fit surgir l’image d’une femme blonde dans son esprit. Une femme qu’elle n’avait jamais rencontrée et qu’elle ne rencontrerait sans doute jamais mais qui au fil des souvenirs, s’était installée dans sa mémoire. Comment cette femme, justement, s’ancrerait dans tout ça ? Serait-elle assez forte pour tenir ? Resterait-elle aux côtés d’Alec jusqu’à la fin ? Elle ne formula pas sa question de cette manière mais Alec lâcha un soupir avant de laisser retomber son crâne contre le mur.

« J’en sais rien... » Sanae eut un étirement crispé de lèvres, plongeant dans un silence de courte durée. Déjà, un léger rire s’échappa du sorcier. « ‘Mack’, hein ? »
Elle se tourna vers lui, un sourcil relevé. Elle mit un temps à comprendre et eut un sourire avant de lever les yeux au ciel.
« Oh...ça, c’est ce qui arrive quand on passe trop de temps dans la tête de quelqu’un. » Les séquelles, en somme, de toutes les informations récoltées au fur et à mesure, de toutes les images imprimées en elle sans qu’elles ne lui appartiennent. Au bout d’un moment, à plus forte raison lors d’entraînements si intensifs, on ne distinguait plus d’où provenait ni les connaissances, ni les sensations ; tout se mêlait étrangement à soi et la ligne entre l’esprit de l’autre et le sien se faisait plus fine. Elle n’avait pas même fait attention à l’appellation ; elle l’avait tant entendue dans ses souvenirs.

Il prit une inspiration et sembla reprendre le fil de ses pensées.

« Si je ne lui avais rien dit, elle aurait été foutue de débarquer en trombe. Depuis qu’elle a décidé de confronter mon père à propos de... » Sanae détourna le regard, pinçant les lèvres. Elle se souvenait de la conversation entre Alec et sa femme, juste après que cette dernière ait confronté le Père Rivers. L’angoisse qu’Alec avait ressenti l’avait marquée.« Bref. » Il écourtait, peu désireux de revenir sur ce moment. « Depuis, je me méfie. » Elle sentait sa tension. Même en regardant droit devant elle, Sanae restait consciente des gestes qu’il faisait pour se débarrasser de la crispation engendrée par ses paroles. Il se méfiait oui, de la réaction de ceux qui l’aimaient, pour peu qu’ils décident alors de prouver leur attachement en prenant position. Elle ne savait pas comment sa femme aurait réagi, ni ce qu’elle penserait de tout ça. S’il semblait évident qu’elle ne l’abandonnerait pas à son sort, il faudrait tenir sur la distance et devenir pilier dans la tourmente.

« Dans l’idée, elle doit partir avec Jayden dans les îles. Se faire un road-trip entre nanas ou je sais pas quoi. Elles seront mieux sur une plage à se faire des hawaïens. »
Sanae glissa un regard vers lui avant de se détourner.
« Oui, je suis sûre que leur inquiétude pour toi n’altérera pas le goût des cocktails…. » dit-elle, sarcastique. Elles s’inquiéteraient, mille fois sûrement, comme chaque personne qui pensera à lui pendant les heures sombres qu’il traverserait.

Il but une gorgée de whisky et Sanae inspira profondément, déglutissant en silence.

« Je peux faire ça seul. » Son regard le trouva et passa sur son visage. Il pouvait oui, mais le devait-il ? Etait-ce réellement la meilleure stratégie ? Il lui faudrait quelqu’un vers qui rentrer, vers qui s’étendre et rendre les armes un instant avant le retour des Bêtes qui l’attendraient au tournant. « Il y aura Warren. » La sorcière ne put réprimer une grimace et une expiration brusque. « Ou Fenella.» Elle fronça les sourcils, chercha dans ses souvenirs à qui se référait ce nom. La cousine ? Elle ne se souvenait plus vraiment.

Elle se racla la gorge.

« Hm...parfait. L’ancien ami qui a perdu son ticket retour de chez les Supérieurs ou … une... » Elle hésita, levant un sourcil vers lui. « ...cousine ? » Elle secoua la tête. « On sait tous les deux que tu peux faire ça seul Alec, mais si tu dois te trouver des alliés, assure-toi qu’ils aient les mêmes intérêts que toi. » Ses prunelles noires l’accrochèrent un instant. « Et les gens changent souvent de direction. » Elle s’humecta les lèvres et reprit sa contemplation de l’horizon. Une autre pensée lui venait, bien plus sombre qu’une quelconque trahison de confiance. « Tu sais...quand j’ai débuté mon propre apprentissage de la légimencie, il est arrivé un moment où une fois plongée dans un esprit, je trouvais difficile de garder conscience du réel, de ce qui se déroulait à l’extérieur. On se retrouve parfois tellement ancré dans l’autre qu’on oublie où on se trouve, surtout quand ça dure longtemps. On voit et on ressent à travers l’autre, et on perd ses repères. » Elle appuya davantage son dos contre le mur et croisa les bras. « Au final, j’avais pris l’habitude de choisir un point d’ancrage dans le réel : un objet, un son, une sensation. Peu importe. Mais ça m’aidait à me détacher de l’esprit que je visitais pour m’assurer que même lorsque je m’y trouvais, je gardais le contrôle sur la réalité. »

Elle tourna son visage vers lui. Dans ses yeux, elle essayait de distinguer s’il comprenait ce qu’elle tentait de lui dire. Face aux Supérieurs, il devrait jouer un rôle pour survivre, tenter d’obéir aux règles qu’ils se feraient un plaisir de lui imposer, et elle ne doutait pas qu’il ait les qualités pour traverser la souffrance et les épreuves que cela impliquait. Pourtant, il y avait crainte plus tenace en elle : il ne devait pas oublier ni qui il était. Et oh, comme elle savait combien il était douloureux de se perdre et combien il était dur de se retrouver soi-même.


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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Ven 1 Juil 2022 - 14:51

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« Oui, je suis sûre que leur inquiétude pour toi n’altérera pas le goût des cocktails…. » 

Le cynisme se plantait en lui dans une forme de complicité étrange. Capables de se contredire ou de se moquer, ils se tenaient l’un à côté de l’autre liés d’une manière qu’il n’était pas certain de tout à fait comprendre. Elle avait été sa première accroche vers l’affrontement à venir, avait gagné confiance et respect. Devenue une ancre face à l’horreur, Sanae n’avait pas eu le même impact que Logan lorsqu’il s’agissait d’évoluer. Pourtant, à aucun moment ils n’en avaient parlé, n’avaient évoqué ni les faits ni les sentiments, que ce soit lorsqu’il était la victime ou le bourreau. Peut être trouvait-il dans son implacable finesse d’action une forme de douceur qui l’induisait en erreur. Pourtant ces moments-là lui permettaient de s’assurer qu’il y avait bien une forme de bienveillance et d’amitié dans leurs rapports. Son cynisme, largué avec une honnêteté mordante semblait faire référence à des inquiétudes plus globales et aurait pu lui arracher un sourire si l’ensemble ne l’angoissait pas aussi profondément. Une fois de plus, Alec se dit qu’il aurait aimé la connaître autrement, dans d’autres circonstances, pouvoir la retrouver à l’avenir, s’inscrire dans une amitié plus normalisée et non telle qu’elle s’était construite ici. Limitée dans l’espace et le temps. L’amitié à usage unique. Sa réflexion lui pulsait sous la peau d’une anxiété acide et maladive. Et pourtant Alec aurait voulu que ce moment comme le précédent durent sans s’arrêter. De simples coups d’œil, des regards moqueurs ou complices ou la simplicité de la manière dont ils s’exprimaient l’un avec l’autre. C’était la dernière fois. Et aussi difficile qu’elle soit, il aurait aimé qu’elle ne prenne pas fin.

Sanae inspirait, déglutissant difficilement et il lui sembla que c’était dans sa gorge que roulait le boulet avec lequel elle se débattait. Comment avait-il pu douter? D’une gorgée ou deux, Alec lavait cette sensation qui l’oppressait et passait à la suite. A cette assurance incertaine qu’il pourrait « faire ça seul ». Affronter la suite sans y mêler la personne la plus importante dans sa vie et qu’il aurait aimé protéger de ce que sa famille avait à lui « offrir ». La garder loin de tout ça. Mack avait bien assez subi pour qu’il se refuse à lui demander de le suivre. Alors bien sûr, il s’accrochait à ça, ne l’envisageait pas, ne supposait pas qu’elle puisse venir. Il ferait sans. C’était là non négociable. Alec connaissait trop bien la sensation d’être enfermé dans une situation contre son gré. Et ce mariage était là pour libérer la Blackburn, non pour la séquestrer à nouveau. Donc non, il ne lui avait pas demandé, bien au contraire, il avait insisté pour qu’elle suive Jayden. Qu’elle lâche. Qu’elle ne songe pas à ce qu’il vivrait. Naïve pensée.

Resterait bien d’autres alliés. Il faudrait faire avec.

« Hm...parfait. L’ancien ami qui a perdu son ticket retour de chez les Supérieurs  La réflexion faisait mal. Tant sur le terme d’« ancien ami » puisque Warren constituait sa seule bouée au cœur de la tempête. Le point d’ancrage dans le brasier à venir. Il était celui qui lui assurait une confrontation sécurisée avec Azalea et un œil dans le marasme depuis des mois. Mais il était également celui à qui il avait effacé la mémoire plusieurs fois pour s’assurer de ne retirer de leurs conversations que ce qu’il souhaitait lui laisser. Un manque de confiance ? Plus ou moins. Malgré tout le terme « ancien » faisait référence à une évidence : il lui confiait sa vie mais gardait quelques cartes en poche. Warren n’avait pas tout, et Alec restait profondément conscient qu’il se laissait entraîner chaque jour un peu plus vers une idéologie qui le débectait pourtant. Le dérapage prenait un nom : Mily et s’incarnait dans l’existence de leur enfant. A elle seule, elle symbolisait le crédit qu’il était prêt à leur donner. Comment aimer quelqu’un qui avait de telles opinions ? Ça lui échappait. Alec avait beaucoup d’affection pour celui qui le nommait son meilleur ami. Et pourtant, à la fois profondément cynique et salement conscient de la nature humaine, non, il ne lui faisait pas totalement confiance. Oui, il savait qu’il pouvait se retourner contre lui à tout moment et selon la situation et les personnes impliquées. Ainsi, il ne dit rien concernant cette appellation, tristement incertain de sa fausseté. « .. ou … une... » Elle hésita, levant un sourcil vers lui. Le crâne contre le mur, le visage tourné de trois quart, il l’observait d’un regard de biais dérouler le chemin de ses pensées. « ...cousine ? » Sans commenter, Alec acquiesçait. La fille du deuxième frère de sa mère. Celle qui était partie un peu après Janie. Celle à qui il avait tenté de parler quelques fois avant de se murer dans le silence. Celle pour qui il s’était inquiété, d’abord, qu’il avait fini par haïr, ensuite. Comment aurait-elle pu louper une information pareille ? Pourquoi partir en les lâchant. Une de plus qui avait su prendre le large quand lui, le mec, ne pouvait se le permettre. Des putains de barreaux plantés dans ses couilles.  « On sait tous les deux que tu peux faire ça seul Alec, mais si tu dois te trouver des alliés, assure-toi qu’ils aient les mêmes intérêts que toi. » Cette réflexion le fit davantage frissonner que la pensée précédente. Le regard lourd, les prunelles sombres, il laissait un instant son regard chargé d’ombres dans le sien avant de se défaire de l’encre que ses pupilles lui renvoyait. Les yeux posés sur le lointain, il sentit à peine son corps se contracter, les muscles de ses joues rouler sous son épiderme, ses doigts se crisper sur sa cuisse. Quand elle reprit, il savait qu’il aurait dû la regarder mais en était incapable. « Et les gens changent souvent de direction. » Sans doute avait-il besoin d’entendre ces mots qui lui scalpaient pourtant la chair d’incertitudes. Il marchait sur un putain de fil, le gouffre des erreurs sous les pieds. Et des abysses, s’élevaient la mélodie rauque d’un chuintement sordide. Les morts passés et futurs qui l’appelaient à l’échec. Dans sa gorge roula une couronne d’épines.

Il y eut un instant de silence que le futur supplicié ne voulu identifier. Il ne tourna pas la tête vers elle, s’entêtant à fixer l’horizon comme si les lueurs chaudes de l’aube pouvaient lui offrir le repos et la liberté qui lui seraient bientôt refusés. Une douce mélopée teintée de mensonges. Sanae reprit.  « Tu sais...quand j’ai débuté mon propre apprentissage de la légimencie… «  Pourtant, volonté ou non, Alec se retourna vers elle, les paupières légèrement écarquillées, surpris de la voir lui offrir ça. Une part, sans doute légère, de son passé. Un truc personnel. Offrir, oui. Car si la leçon de vie imprégnait jusqu’au ton qu’elle prenait, c’était pourtant ainsi qu’il percevait ces mots. Un cadeau. Un rien qu’elle lui accordait de lien entre eux. Sans doute un peu conne, cette sensation. Symptôme d’un manque constant de l’intimité de l’autre. De proximité. « ... il est arrivé un moment où une fois plongée dans un esprit, je trouvais difficile de garder conscience du réel, de ce qui se déroulait à l’extérieur... » Bien sûr, Alec voyait où elle voulait en venir. Il y avait là le sous-texte des mots que Warren avait eu à la propre encontre le jour où il était « tombé ». « Influençable » avait-il dit. Le terme noyé sous un flot d’autres réflexions. « Lavage de cerveau ». « Compliqué ». « A force de passer du temps avec eux... ». Le propos de Sanae aurait dû lui faire l’effet d’une douche froide. C’était pourtant la lave qu’ils réveillaient. Ses prunelles la percutèrent cette fois, s’y plongeant sans renâcler, prêt à l’écouter mais également prêt à refuser ces conclusions. «  On se retrouve parfois tellement ancré dans l’autre qu’on oublie où on se trouve, surtout quand ça dure longtemps. On voit et on ressent à travers l’autre, et on perd ses repères. » Et puis il comprit. Elle ne faisait pas tant référence aux autres qu’à lui-même. Qu’au type, l’autre, qu’elle avait vu plusieurs fois prendre l’espace. Cet homme qui n’était autre qu’une autre facette, une part de lui nécessaire mais dangereuse. Pas qu’ils soient deux. Pas tout à fait. Alec se radoucit, saisi par la sensation de griffes contre son myocarde. Sanae s’appuyait davantage contre le mur, croisant les bras contre sa poitrine. Il ne su si elle se refermait ou si elle lui évoquait une gamine butée face aux souvenirs du passé.  « Au final, j’avais pris l’habitude de choisir un point d’ancrage dans le réel : un objet, un son, une sensation. Peu importe. » La lave s’éteint, soufflée de tendresse.  «  Mais ça m’aidait à me détacher de l’esprit que je visitais pour m’assurer que même lorsque je m’y trouvais, je gardais le contrôle sur la réalité. » Ses prunelles trouvèrent de nouveau les siennes, Sanae s’y plongeant sans véritablement le faire et un instant, il ne fit que soutenir ce regard, méditant sur les mots dépliés entre eux. Puis Alec eut un petit sourire plissant sa joue en détournant le visage. Le regard au sol, un instant porté sur les joints des dallages et la mousse incrustée entre les graviers, il eut un soupir aux accents de tendresse. « C’est à peu près ce que j’ai dit à Kezabel il y a quelques semaines. » L’image de la toupie tournait devant ses yeux, si proche qu’il aurait pu la voir s’agiter sur le sol, entre sa cuisse et celle de Sanae. Si vive qu’il pouvait la matérialiser. La voir vriller sur le sol de l’hôpital dont il ne se souvenait pourtant rien d’autre. Pas même la couleur du revêtement. Mais ça il le voyait. Tout comme il sentait encore parfaitement les doigts de la jeune femme contre les siens quand il la lui donnait, le reflet de la lumière dans ses prunelles d’ambre fatigué, la rouille de son regard et l’éclat qui y avait pourtant siégé quelques semaines plus tôt sur la plage. « Pour être honnête, c’était plutôt ceux de Logan. » Plusieurs années plus tôt. Volontaire ? Alec avait cessé de se poser la question. Celle qui vint lui fit éviter le regard de Sanae, s’interrogeant une seconde de plus sur ce qui les liait, refusant de poser les prunelles sur elle alors que ce questionnement flottait dans son esprit. Elle aurait fait les mêmes déductions, il le savait. Pas besoin d’entrer dans son esprit pour ça. Et puisqu’il ne souhaitait aucune forme de réponse, pas même son absence, Alec releva le regard pour le poser de nouveau sur la plage, arrêté contre le muret qui délimitait le domaine. Les lèvres pincées un instant, il fit glisser sa jambe droite pour poser le bras sur son genou. Comme un appui.

« Je ne suis pas Warren. J’ai ni respect ni servitude envers ma famille. Je me fous de leur opinion et mon premier réflexe à leur sujet est la haine. » Profonde et instable, prête à dévorer tous les Rivers, lui y compris. « Il est très conscient d’être influençable. De ne pas oublier d’où il vient. » Son regard se brouillant sur l’horizon, les mots devinrent râpeux sur sa langue. La colère, sa compagne, était là pour le préserver du doute et des faiblesses de l’appréhension. « Mais moi non plus j’oublie pas d’où je viens. Je sais ce qu’ils m’ont apporté. La défiance, la colère, l’inflexibilité. Le gosse qu’ils ont engendré ne flanche pas. Il sait que les autres servent leur intérêt uniquement et qu’il y a toujours quelque chose à en tirer. Il sait voir leurs défauts, se servir de leurs qualités. Il sait ce qu’il vaut. » Et c’est sale. « Il sait aussi ce l’autre vaut. » Cette fois, son regard se posait de nouveau sur elle. Lentement. Pas avec douceur pourtant, bien au contraire, il y avait quelque chose de saccadé, comme un coup qui s’abat par une épaule mal échauffée. « Je sais ce que j’ai appris en trois ans. Ce qu’elles m’ont offert, majoritairement. J’me connais. Je sais que je peux être une ordure et que c’est ce qui m’attends. » Sans s’en rendre compte, il avait serré le poing droit, l’avait ramené vers ses lèvres, le coude planté dans sa cuisse. « Je sais surtout que je préfère le type que je deviens après trois ans en dehors de ce bourbier et qu’y’a pas moyen que je lâche de vue celui qu’elles ont cru – peut être naïvement – que j’étais. Ou que je pouvais être, j’en sais rien. » Celui-là. Il vaut quelque chose. Réellement. Pas au travers d’un prisme boursier de mes couilles.

Son bras retomba mollement sur sa cuisse. « Là-bas ils croient tous bien me connaître et j’croyais que c’était mon cas aussi. Mais ils s’plantent. Moi aussi. » J’me plantais et elles avaient raison. Leur dit pas. « Et j’me perdrais pas. » Cette fois, les mots tombaient comme une lame. Droits. Vifs. Assurés. « Elle est pas si loin ma toupie. »

Elle était là, quelque part dans sa mémoire. A l’exact endroit où il avait refusé que Kezabel ne lui efface ses souvenirs. Car chacun d’eux forgeaient cette personne qu’il refusait de voir disparaître. La seule capable réellement de faire la différence, de poser la main sur l’épaule du gosse blessé et de l’empêcher de faire toutes les conneries du monde pour se faire du mal. Car celle-là savait ce par quoi il était passé. Elle, on lui avait donné des clefs. Et des armes.

C’est vous, la toupie.

Jusque là, jamais cette sensation n’avait existé en lui. Celle de savoir qui l’on est. Et de refuser farouchement qu’on le lui prenne.

« Je sais ce que je dois.. et à qui je le dois. » Le regard planté dans le sien, sans équivoque.

Et à qui je ne le dois pas.
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Alec Kaleb Rivers
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Ven 22 Juil 2022 - 19:35

« C’est à peu près ce que j’ai dit à Kezabel il y a quelques semaines. » A ce prénom, Sanae tourna son visage vers lui, ses prunelles se plantant dans les siennes sans chercher à les percer. Elle savait les conversations qu’il avait entretenues avec sa sœur mais désormais il était assez entraîné pour les garder pour lui, pour les mettre là où des intrus ne pourraient pas les voir. Un secret bien gardé. « Pour être honnête, c’était plutôt ceux de Logan. » Un souffle amusé échappa à la sorcière, ses narines frémissant d’amusement, mais Alec fixait irrémédiablement l’horizon.

« Tes mots, ceux de Logan, les miens... » se moqua-t-elle, levant les yeux au ciel. Du pareil au même… Trois bouches différentes et pourtant, des idées similaires au fond. La moquerie s’étalait jusqu’à la tendance de Logan à mettre des idées dans la tête des autres, à les orienter, et les entretenir. Un fin jardinier.

Alec eut un petit rire, sans la regarder, avant que le silence ne vienne tuer dans l’oeuf un amusement légèrement grinçant. Déjà, ses pensées allaient ailleurs.

« Je ne suis pas Warren. J’ai ni respect ni servitude envers ma famille. Je me fous de leur opinion et mon premier réflexe à leur sujet est la haine. » Elle détourna le regard et le reporta sur les vagues scintillantes au loin. Oh, comme il était facile de devenir ce que l’on hait… « Il est très conscient d’être influençable. De ne pas oublier d’où il vient. » N’était-ce pas pire ? De se souvenir mais d’être néanmoins à la place de ceux qu’on avait un jour détesté avec tant de force ? A quel moment cela devenait un choix conscient plutôt qu’un acte de survie ? A partir de quand le plaisir remplaçait le dégoût ? Si elle ne doutait pas que Warren était du bon côté à l’origine, elle le pensait définitivement perdu. Il ne changerait plus jamais de camp, à moins d’abandonner son enfant, sa femme, ou de se séparer de la dernière pour sauver le premier. Un choix qu’elle doutait qu’il prendrait. Ce garçon semblait être parti trop loin pour revenir. « Mais moi non plus j’oublie pas d’où je viens. Je sais ce qu’ils m’ont apporté. La défiance, la colère, l’inflexibilité. Le gosse qu’ils ont engendré ne flanche pas. Il sait que les autres servent leur intérêt uniquement et qu’il y a toujours quelque chose à en tirer. Il sait voir leurs défauts, se servir de leurs qualités. Il sait ce qu’il vaut. » Ces mots la rassuraient autant qu’ils l’inquiétaient. Le cynisme n’était jamais loin et l’angoisse gonflait. « Il sait aussi ce l’autre vaut. Je sais ce que j’ai appris en trois ans. Ce qu’elles m’ont offert, majoritairement. J’me connais. Je sais que je peux être une ordure et que c’est ce qui m’attends. » Une ordure. L’éducation des sangs-purs donnait irrémédiablement des êtres pleins de haine, envers les autres ou envers eux-mêmes. « Je sais surtout que je préfère le type que je deviens après trois ans en dehors de ce bourbier et qu’y’a pas moyen que je lâche de vue celui qu’elles ont cru – peut être naïvement – que j’étais. Ou que je pouvais être, j’en sais rien. » Naïvement… La précaution était irritante. Sanae avait vu l’évolution du sorcier, avait ressenti à travers lui les changements engendrés par les rencontres qu’il avait faites. Elle savait à quel point il avait changé au fil des années, s’était parfois perdu pour se retrouver enfin, souvent dans les bras d’une femme. L’errance, l’absence, la colère...ces sentiments-là n’étaient pas étrangers à la sorcière. Elle trouvait dans la résistance d’Alec quelque chose de profondément fort et de vulnérable à la fois. C’était en cela qu’il la touchait.

Son bras retomba sur sa cuisse mais Sanae était si attentive à ses mots et à la voix qui la portait que les gestes lui importaient peu. Elle le regardait pourtant, voyant ses lèvres se mouver sans qu’il ne se tourne vers elle. « Là-bas ils croient tous bien me connaître et j’croyais que c’était mon cas aussi. Mais ils s’plantent. Moi aussi.  Et j’me perdrais pas. » Cette voix venait de prendre des accents plus tranchants. La détermination venait combattre la peur de l’échec. Etait-il plus avancé qu’eux autres ? Sans même être sûr de ce qu’il pourrait devenir, sans véritablement identifier ce qu’il était vraiment, Alec s’accrochait de toutes ses forces à son identité. Ce n’était pas les plus vieux qui apprenaient aux plus jeunes, mais l’inverse sans doute. « Elle est pas si loin ma toupie. » Un léger sourire étira le coin des lèvres de Sanae. La fameuse toupie ; celle qui réapparaissait dans les souvenirs qu’il partageait avec Kezabel ; ce lien fort et plein de sentiments qui les reliait ensemble. Un noyau multiple sur lequel mûrissait un fruit. Et ironiquement, ils partageaient le même genre d’ancrage sans que ce ne soit clairement dit.

« Je sais ce que je dois.. et à qui je le dois. »

Le regard du sorcier avait trouvé le sien. Il s’y était planté fermement et Sanae n’y voyait pas l’ombre d’un doute. Un soulagement prudent l’envahit et enfin, un sourire tendre et triste apparut sur ses lèvres. La reconnaissance d’Alec venait titiller sa pudeur. Elle n’aurait su y répondre.

« Je n’ai vraiment plus rien à t’apprendre. »


Elle eut un souffle amusé et ses mains tapèrent ses propres genoux. Elle tentait de se donner de l’impulsion, un élan, quelque chose pour la tirer d’une conversation dont elle voyait déjà la fin. Il ne serait pas un Warren. Ses paroles le lui confirmaient. Et c’était tout ce qu’elle voulait savoir. Être sûre qu’il ne finirait pas comme lui, qu’il ne se perdrait pas en route, qu’il n’oublierait pas. Ses jambes prirent la décision de se lever et son coeur suivit le mouvement. Elle le sentait plein d’épines dont les bouts pointus écorchaient sa poitrine. Il fallait se lever, amorcer le départ. Elle s’arracha autant à lui qu’à son immobilisme. Sanae se tourna vers les bords de plage et les vagues qui venaient les lécher avant d’être aspirées à nouveau vers le large. La brise venait soulever quelques cheveux noirs et les rayons du soleil levant baignaient leurs visages d’une lueur orangée, douce et amère à la fois. De trois quarts, elle regarda Alec, se moquant elle-même d’une pensée absurde.

« Il n’y a rien de plus étrange que ce qui nous lie. »
s’amusa-t-elle. « Et tu n’en sais pas le quart... » Elle secoua la tête, retrouvant l’horizon plat et calme. « Peut-être...un jour... » dit-elle en un murmure. Oui, peut-être qu’un jour il connaîtrait autant ce qui les liait que qui elle était. Mais finalement, n’était-ce pas mieux qu’il se l’imagine ? L’imagination était plus forte que la réalité, plus idéalisée aussi. La vérité, souvent décevante. L’important, c’était qu’elle savait qui il était lui, ce dont il était capable, ce qu’il ferait à l’avenir, et à quel point il se battrait.

Elle lui fit face à nouveau et s’approcha, ses jambes venant presque effleurer les siennes.

« Tu ne me dois rien, sache-le. »
Cette dette avait été payée par un autre. « Tu as tout fait par toi-même. Je t’ai simplement poussé. » Dans la bonne direction ou à sa perte ? Elle n’aurait su le dire.

Et oh comme cela lui coûtait de ne pas glisser un mot, une parole seulement sur son cousin. Elle aurait aimé souligner l’affection qu’il y avait entre les deux sorciers, même lorsqu’elle était pudique, discrète. Mais elle ne dit rien et laissa au silence le soin d’accomplir ce que Logan voulait : la distance. Dos au soleil levant, Sanae faisait de l’ombre sur le visage d’Alec et deux doigts vinrent se poser sur la joue de ce dernier, s’y enfonçant légèrement alors que ses prunelles noires trouvaient les orbes bleutées du sorcier. Son esprit se glissa contre le sien sans entrer. C’était un geste comme un autre. Un geste d’au-revoir. Mais ses lèvres demeurèrent scellées, incapables d’articuler les mots qui se formaient dans sa gorge.

J’espère qu’après tout ça, on se retrouvera.
J’espère qu’il y aura un après tout ça…

« Sacré Rivers... »
souffla-t-elle.

L’amusement était piqué de tendresse. C’était tout ce dont elle était capable. Il aurait été absurde de dire tout haut l’évidence : il était temps. Il fallait partir avant qu’aucun d’eux ne veuille plus bouger. Ses doigts quittèrent sa joue et son esprit se rétracta. Derrière elle, le soleil avait fait son ascension dans le ciel et paraissait au-dessus de la ligne d’horizon. Il avait quitté la mer pour se projeter plus haut. « En avant soldat... » dit-elle. Sa voix se crispait et elle évita de peu le ton rauque qui menaçait d’érailler ses cordes vocales. En avant, toujours en avant…





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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Mar 2 Aoû 2022 - 16:33

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L’enfant qu’ils ont engendré ne flanche pas. Il s’acharne, tient, refuse, reste. Il dégueulera de mal être plutôt que de se laisser entraîner sur les flans de l’acceptation. Ce gosse est idiot.
Là où Warren a l’intelligence de jouer, d’être retord, de manipuler jusqu’à sa propre conscience, Alec lui n’avait que l’inflexibilité pour seule réponse. Il passait pour incapable d’être plus fin qu’un refus mural. L’était-il ? Alec en doutait. Warren saurait survivre, il saurait adapter sa conduite pour agir au long terme. Le plus jeune des Rivers, lui, y passerait sans doute, vaincu par sa propre persévérance aveugle. Dans le fond, le jeune homme s’en amusait presque. Il se trouvait là, au porte d’une guerre qu’il ne pourrait remporter, à savoir pertinemment quel serait son avenir à court et long terme et voilà qu’il fanfaronnait, la rage dans la gueule, prêt à cracher à la face de ses ennemis. C’était ainsi qu’il était fait, ainsi qu’il avancerait. Car elle l’avait dit, dans le fond, il ne ferait rien de plus que ce qu’il avait toujours fait. Cette fois, les secrets étaient seulement à plus grande échelle. Et ceux qu’il protégeait, plus nombreux.

Et c’était beau. C’était putain de beau. Une foutue toupie qui ne cesserait de tourner tant qu’il ne l’aurait pas décidé. Elle aurait pu exister quelque part dans son esprit, devenir physique, concrète. A chaque tour, elle accrocherait quelque éclat de lumière, semblant la trouver dans les brumes quand aucun promeneur ne trouverait la moindre lueur en levant les yeux. Mais elle, elle refléterait pourtant la lumière inexistante. Et chaque fois, un regard différent se distinguerait sur sa surface lisse. Car ils étaient multiples, là-dedans, quand auparavant, Alec pensait obstinément marcher seul.

Alors bien sûr, il dégueulait de bons sentiments. À tel point qu’il s’en foutrait sans doute la gerbe s’il s’était vu ici, du haut de ses quatorze ans. Mais voilà la différence, à présent Alec se foutait bien de cette opinion vérolée. Il avancerait, pétri d’un espoir qu’il savait dangereux mais qui, s’il savait l’avouer, lui plaisait. Il y avait sous sa chaire la hargne de Janie, l’obstination bienveillante de Mack, la rage salvatrice de Jordane, le courage bréchu de Kezabel, la combativité furibonde de Caitlyn, la folie joyeuse de Jayden, l’entêtement obsessif de Julian, le mordant de Tallulah, la résilience de Sovahnn, l’inflexibilité de Logan et l’acharnement de Sanae. Et sa propre colère, surannée, moteur de toute une vie. Peut être était-ce naïf, oui, de penser ainsi, aujourd’hui. Mais là, à cet instant précis, il avait besoin de cette force. Besoin de s’assurer qu’il savait ce qu’il jouait tout autant que les cartes en jeu. Alec serait le vecteur d’apprentissages et d’enseignements. Lui, le gosse obtus qui n’apprenait que par égo ou par dépit avait été acteur. Ce n’était pas gagné pourtant. Dès le premier instant, le regard posé sur Sanae avait été moqueur, méprisant peut être. Il avait haït immédiatement son regard calme, sa pureté chaste, sa perfection portée sur elle comme un étendard, suintant de beaux sentiments et déblatérant sur l’importance de l’espoir. Peut être avait-elle changé. Peut être s’était-elle emplie sans le vouloir des émotions obscures qui suintaient des deux Rivers à force de soigner l’un et d’enseigner à l’autre. La blanche colombe avait-elle à présent les plumes souillées de la boue noirâtre qu’ils exhumaient à chaque respiration ? Peut-être. Peut-être lui avaient-ils fait ça. C’aurait surtout été arrogant de le songer et Alec supposait davantage à une adaptation de sa part. Ou pire, une révélation graduelle. Qu’importe, dans le fond, il ne connaissait d’elle que ce qu’il en percevait, que les inflexions subtiles de sa postures, les contrastes de ses regards ou les variations du timbre de sa voix. Elle était multiple et jamais il ne connaîtrait la véritable Sanae. Pourtant, à l’observer du coin de l’oeil, souriant ainsi doucement dans la lueur montante du lever de soleil, Alec savait ne pas se tromper quand il discernait chez elle une affection qui n’existerait plus jamais ailleurs qu’ici.

Ils quitteraient ces lieux et le temps passerait. La marque de sa présence serait effacée et seule resteraient dans leurs esprits les souvenirs de ces moments acharnés. La bâtisse garderait-elle en ses murs la fréquence de ses douleurs, la vibration de sa rage, les séismes de sa peine ?

Autour d’eux, la brise matinale emporta les embruns jusqu’à eux, charriant l’iode et la nostalgie jusqu’à son épiderme frémissant. Il y avait dans la petite cour des feuilles à chanter en cœur, accrochées aux arbres, ou à rouler, mortes, dans la petite allée de graviers. Plus loin, Alec entendait les oyats et les joncs siffler avec le vent. Ça, ce lieu, cette présence à ses côtés, il s’en chargeait autant que possible. Peut être y penserait-il, répétant avec obstination ces mots qu’il venait de prononcer, lorsque la douleur l’emporterait, que la pression serait trop forte, qu’il songerait avoir fait la pire connerie de sa vie. Peut être y penserait-il le jour où il tomberait, à l’instant où il saurait ses amis foutus. Peut être serait-ce là le soir, quand il tremblerait des jours à venir ou dans quelques heures, lorsqu’il marcherait vers celle qui ne souhaitait de lui qu’un gouffre sans fond. Ou peut être rien de tout cela ne subsisterait-il, enchâssé si profondément dans les brumes qu’il ne saurait plus lui non plus y accéder.

Logan était-il ainsi ? Et Sanae ? Avaient-ils dans leur âme bâtie depuis tant d’années des dédales si multiples qu’eux-mêmes s’y perdaient ? Était-ce pour ça qu’elle avait ainsi changé au fil des semaines ? Pour ça que Logan se montrait si foutrement distant et instable ?

Le regard planté dans le sien, Alec se dit qu’il y avait finalement chez elle quelque chose qui lui rappelait son cousin.
Ou peut-être était-ce seulement le mirage d’un respect partagé.

L’impression fut brève, déjà effacée par le sourire triste et doux qui fini par apparaître sur ses lèvres et celui-ci, si simple fut-il, lui brisa le cœur. La tendresse qu’il y lisait n’avait pas de raison d’être. Certainement pas après avoir parcouru son esprit comme elle l’avait fait. Pas alors qu’il n’y aurait dû y avoir d’eux qu’apprentissage et sobre entente. Mais l’image des rires échangés n’était jamais loin. De deux poings entrechoqués, il s’était formé entre eux davantage d’amitié qu’il n’aurait pu l’imaginer. Et en miroir, ses lèvres se peignirent de la même triste tendresse.

« Je n’ai vraiment plus rien à t’apprendre. »

Pas qu’il chercha véritablement à répliquer autrement que par un petit rire en coin, mais Alec n’en aurait pas réellement eu le temps que Sanae claquait ses cuisses en se redressant. Le genre de mouvements faits pour vous tirer du canapé, vous forcer à vous bouger le cul, vous extraire d’une agréable apathie. Il eu l’impression que le choc résonnait sur ses os. L’issue l’appelait, le tirait de chacune de ces petites fins qui, mises bout à bout, signeraient leurs adieux. Il craignait chacun de ces basculements, agacé de cette impression de vertige qui l’agrippait à chaque fois que l’autre bougeait, que ses mots semblaient induire le départ.
Si, tu as encore beaucoup à m’apprendre.. aurait-il voulu répondre, avec la voix suraigu d’un enfant paniqué. Mais de tels mots leur aurait fait mal à tous les deux et puisqu’il était inutile de remuer le couteau dans la plaie, Alec se tut.

Sanae, elle, s’amusa d’une chose qui lui échappa totalement. Pourtant ce simple sourire coula sur son âme comme du miel. Un temps de répit à venir. Elle jouait les prolongations malgré son désir d’arracher le pansement et pour ça, il lui en fut profondément reconnaissant.

« Il n’y a rien de plus étrange que ce qui nous lie. »  De nouveau, un sourire amusé. C’était certain. Le tout et le rien. Elle connaissait autant de lui qu’il en ignorait d’elle. Il affronterait quand elle devrait rester ce « rien » qui lui était pourtant l’arme du « tout ». Marcher ainsi l’un avec l’autre pendant quelques semaines, liés par l’horreur des uns, la manipulation d’un autre et l’espoir des proches. Rien. Rien ne la poussait à faire ce qu’elle avait fait. Ou du moins rien qu’il ne sache. Et pourtant elle lui avait fourni les meilleures armes qu’il puisse posséder. Sans elle, sans Logan avant elle, Alec serait mort. Le Alec d’aujourd’hui, du moins, n’aurait eu aucune chance et sans doute aurait-ce été à Kezabel d’abattre la guillotine. Acquiesçant du menton, le jeune Rivers suivi au loin des vagues aller et venir sur la plage. Des batailles si souvent menées par les vagues pour investir les terres, reculant finalement avant de recommencer leurs assauts le soir suivant. « Et tu n’en sais pas le quart... » Un nouveau souffle amusé vint lui fermer les paupières une seconde tandis que son crâne vint trouver le mur derrière lui. Qu’ignorait-il de ces 75 % qui les liaient en silence ? Ses sens pincés d’une curiosité insolvable, Alec rouvrit les paupières pour les poser sur elle lorsque furent ajoutés ces mots-là : « Peut-être...un jour... »

Peut-être, un jour.
Il y avait tant d’inconnus qui les séparaient de ce jour hypothétique, tant d’impossibilités, tant d’absurdes espoirs qu’Alec n’eut de cœur que de poser le regard sur elle, les lèvres pincées dans un sourire où tristesse et nostalgie valsaient en silence. Ce jour n’existerait sans doute pas et il devrait vivre avec ses interrogations jusqu’à ce qu’on ne le fauche. Ce choix, l’avait-elle fait pour lui, pour Kezabel ou pour elle-même ? Qu’y avait-il d’autre entre eux qu’il ne devinait pas ?

Le regard posé sur elle, Alec se surprit à imaginer, ne serait-ce que l’espace d’une seconde, un monde où leur amitié aurait le temps de s’exprimer autrement que par nécessité.

Assis là, il l’observa faire face à l’océan, seul témoin du drame qui les liait dans la fraîcheur de la matinée. Les vagues allaient et venaient, entraînant sur le sable les lambeaux de leur secret et, en silence, Alec se releva. Un jour, peut être, l’océan recracherait-il les espoirs qu’on lui avait ainsi confié.

Le réfugié ne s’appuya pas au mur cette fois-ci. Il dévisagea l’eau à son tour, écrasant entre ses lèvres la distance à venir. Pas qu’il ne trouva pas quoi répondre. Alec l’évitait simplement, retardant l’échéance par son silence teinté d’une triste tendresse.

Finalement détournée de la plage, Sanae lui fit de nouveau face, se rapprochant doucement jusqu’à ce que la proximité ne l’amène presque à le toucher. Comme un moyen de compenser par la proximité la distance à venir., songea-t-il.

Ça serait comment, pour elle, de le laisser mener sa guerre au loin ? Si jusqu’ici Alec avait songé être rapidement oublié, il comprit en cet instant que ce ne serait pas le cas. Qu’il n’était pas qu’un élève qu’elle aurait formé et auquel elle ne songerait plus qu’au travers de l’affect d’autres personnes.

« Tu ne me dois rien, sache-le. » Bien sûr que si...  « Tu as tout fait par toi-même. Je t’ai simplement poussé. »  Peut être. Peut-être pas. Si l’effort avait bien été le sien, c’était juste, elle lui avait pourtant donné des clefs pour ouvrir des portes qui demeuraient fermées. Pas qu’il sache toujours en gérer les monstres dissimulés, mais du moins avait-elle été là pour l’accompagner dans chacun de ses combats. Et pour lui enseigner à refermer la porte. Alec ne dit rien. Il n’avait la force ni de se battre pour l’égo ni pour les hommages. Il n’y avait dans son âme que la réponse presque chaste de l’affect, de la peur, de la reconnaissance. C’est elle qui cavalait lorsque Sanae glissa contre lui, de deux doigts sur sa joue autant que de son esprit sur le sien. Il n’aurait imaginé cette sensation. La douleur du contact existait toujours, mais elle se faisait suave, douce. Il y avait là un naturel qu’il devina instinctif, affectif. Il aurait pu comprendre en cet instant. Ça viendrait sans doute d’ailleurs, mais pour l’heure ses capacités de réflexions étaient noyées. Noyées de l’encre de ses yeux, noyées d’un flot d’émotions brouillé. En cet instant, Alec aurait aimé projeter son esprit vers elle, la lier une dernière fois comme on glisserait ses doigts entre ceux d’une autre, comme on s’enlacerait. Mais ça, le jeune homme ne savait le faire.

« Sacré Rivers... » souffla-t-elle.

Cette tendresse, il n’aurait pu l’usurper. Pas avec ce qu’elle savait de lui.

Les épines, seules, vinrent étreindre sa gorge et Sanae se retira.

 « En avant soldat... » L’air frais souffla sur sa joue là où la chaleur de Sanae venait de le quitter et, un instant en silence, il ne lui offrit qu’un sourire, son regard dans le sien, léchant le visage noyé par le clair obscur. Le soleil la ceinturait d’une auréole de lumière orangée quand les ombres, pourtant, semblaient prêtes à dévorer sa peau diaphane. En posant une main sur son épaule, Alec acquiesça, soudainement conscient du mutisme dans lequel il s’enfermait depuis un moment.

Mes mots, tes mots, les siens…. Peut être le silence de Logan s’insinuait-il à son tour après ses paroles.

« Bien chef.. » Le sourire était là, souligné par son pouce qui tapota de deux coups sa peau, puis d’un troisième après un instant. Un souffle en baissant les yeux une seconde avant de trouver les siens de nouveau. Alec pressa amicalement son épaule, dégluti, et avança.

Lorsqu’il était parti de chez lui quatre ans plus tôt, Alec était un adolescent seul, en colère contre tout le monde, ne retenant sa rage que pour préserver une seule personne à qui il n’avait jamais vraiment parlé et masquant le reste de ses émotions aux autres. Il était fier, arrogant et jaloux. Blessé. Si putain de profondément blessé qu’il ne savait réagir autrement qu’en entraînant les autres à sa chute ; qu’il ne savait gérer la joie véritable tant elle le prenait de court et qu’il fuyait l’affection avec autant d’angoisse que de lâcheté, conscient qu’au fond, il n’aurait pas la force de se remettre d’un départ de plus.

Un sourire perça les yeux clairs du garçon. De ceux qui ont abandonné l’acier et le givre depuis longtemps mais qui subsistent et creusent des sillons dans ces iris-ci. Sans doute la plus vive de ses insurrections d’adulte, en exact contre-sens de ses rebellions adolescentes.

ça ira.

Un pas en avant, puis un suivant et sa main glissa le long de son épaule avant de mordre le vide.

« A « un jour », peut être. » En douceur, Alec lui sourit, tourné de trois quart entre elle et la plage, la moitié du visage noyé de la lueur chaude du soleil qui, téméraire, conquérait le ciel. « Tu les embrasseras pour moi. » Les autres. Ces trois quarts de raisons que je ne connais pas.

Et puis comme ça, t’éviteras d’être seule ces prochains jours.


« Merci ; chef. » Tout le respect, l’affection et la reconnaissance dans un seul mot.

Et dans un clin d’œil faussement assuré, Alec disparu.

Seul resta sur le perron son verre achevé et posé sur la dernière marche. Et l’écho des battements de son cœur enfouis dans les murs et ses habitants.

- Fini pour moi -
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Alec Kaleb Rivers
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