Mettre la vie sur pause - OS

La prochaine barre lui semblait bien lointaine, suspendu à la première, le corps dans le vide, les muscles bandés et le feu dans les veines, Oliver détendait son bras droit, agitait ses doigts sans quitter son objectif de vue. Un souffle entre ses lèvres arrondies et il projetait de nouveau le bras, attrapant cette fois la barre pour avancer d’un cran de plus dans la structure d’entraînement. Tout lui brûlait, le corps épuisé par l’effort. Mais qu’il aimait ça, franchir une limite trop haute pour lui jusqu’ici, avancer, cesser de penser. Car à l’instant, avançant sur la structure métallique à la force des bras, Oliver ne pensait plus à rien. Il n’avait plus en tête ses problèmes avec la justice, la crainte qu’il puisse avoir des retombées du monde magique, le risque qu’il avait que Niall revienne sur sa décision, déterre le dossier et comprenne sa culpabilité, les enregistrements retrouvés et prouvant qu’un sorcier était venu là et l’avait interrogé, les liens avec Ruben et les Inquisiteurs…. Tout s’effaçait enfin pour ne laisser que la violence de l’effort, la concentration vers un objectif, le besoin d’avancer et de se dépasser. A l’instant, il n’était plus Callum, le journaliste ou l’influenceur, se détachait des risques qu’il prenait au quotidien, en allait même jusqu’à oublier les enquêtes sur lesquelles il travaillait avec plus de retenue et de précautions qu’auparavant. Un instant, il n’y avait plus que ces plots sur lesquels il sautait pour avancer malgré leur éloignement les uns des autres, la force physique nécessaire pour grimper le long d’un mat et atteindre une plateforme avant de sauter sur la suivante.

Un instant à ne penser à rien, seulement tourné vers ce que son corps lui permettait de faire, passer les obstacles, avancer, comme lorsqu’il apprenait à se déplacer dans la jungle urbaine à l’adolescence et développait alors ce qu’on appelle le parkour. Un truc d’enfant incapable de rester en place, à la base, qui aimait voir le monde en trois dimensions où il pouvait se déplacer en s’astreignant des contraintes de la gravité. Une façon de nier ses limites, d’aller autrement et de découvrir toujours ce qui pouvait se cacher derrière les murets qui obscurcissaient sa vision. Un instant, plus de journaliste, plus d’humain, plus grand-chose qu’un corps en mouvement apte à dépasser ses limites.

Accélérant, il retombait en terrain connu, passant d’obstacles en obstacles, les sourcils froncés, l’air concentré, se propulsait, estimait la distance… et de difficultés en difficultés, finissait par se manger un mur.

Oliver retombait lourdement en arrière, le dos frappant le sol matelassé en riant de son échec.

« Pas encore au niveau Ninja Warrior, mais pas si mal pour un nouveau ! »

Une voix s’étendait jusqu’à lui tandis que l’homme s’approchait, lui tendant une main pour l’aider à se relever.
Oui, une nouvelle salle. Parce qu’il avait parfois besoin de changer d’air, de regarder ailleurs, de faire les choses autrement. Sa façon à lui de se renouveler, de découvrir sur le plan sportif de nouveaux horizons mais aussi de rencontrer de nouvelles personnes.
La main refermée autour de l’avant bras de l’inconnu, il se redressait d’un bond, toujours hilare de son échec.

« Hey faut bien commencer quelque part ! » Une claque de l’autre bras sur son épaule, le regard sur lui un instant dans un sourire franc. Beau mec, air avenant, yeux pétillants.
« Nan, alors là je ne croirais pas que tu commences seulement ! »

Il le lâchait tandis que son rire poursuivait un instant.

« Et tu aurais raison ! »