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Le sel de l'oubli [Logan]

 :: Autour du monde :: Europe :: — France
Lun 18 Jan 2021 - 13:27

2 Mai 2016, le soir – Marseille, France.




Le soleil s’était couché sur sa déchéance. Même lui ne voulait pas la voir, ne voulait pas la sublimer de quelques rayons. L’étendue noir de la mer dans la nuit était son seul horizon mais son regard était absent. Jambes repliées contre son buste, dos voûté, mains entaillées encerclant ses mollets, Sanae avait posé son menton sur son genou et ses yeux semblaient fixés sur ses pieds que les vagues venaient lécher. L’eau froide et salée allait et venait sur ses orteils ensanglantés, s’infiltrant dans les griffures et les entailles parsemant la peau pâle de ses pieds. Le sable, lui aussi, venait tourmenter les blessures ; les fines coupures sous ses voûtes plantaires rencontraient les milliers de grains sous elles, et tout se mêlait, s’encrassait dans le sang et la sueur.
Là, sur la plage, à l’orée de cette mer qui la saluait dans un va et vient incessant, la sorcière sentait un poids insupportable sur son dos courbé. Le poids du regard de cette maison qui, en hauteur, était comme une ombre menaçante. Pourtant, de la lumière s’en échappait. Signe qu’elle avait été habitée...oh, oui, habitée, elle l’était toujours.

Les baies vitrées étaient brisées, une tempête était passée. Passée pour se crasher et finir sur un coin de sable mouillé.

Elle avait quitté Paris dans la nuit, transplanant après minuit dans une vaine tentative de ne pas s’y trouver pour son anniversaire ; si on la cherchait, elle ne voulait pas être présente là-bas le jour le plus évident de l’année. Et puis si elle n’y était pas le jour même, alors elle évitait la douleur, n’est-ce pas ? C’était une affaire d’heures. De date. Non ? Non. A peine arrivée, elle s’était laissée glissée par terre sur le sol du salon. Comme si toute la fatigue, toute la tristesse, toute la douleur retombaient, de concert, sur son corps qui ployait. Mais il ne ployait pas sans rage ; car ce corps avait demandé l’oubli et il n’arrivait pas à le trouver, à le faire sien. Il s’était empli de tout et de rien, sans l’espoir d’obtenir la quiétude de celui qui ne se souvient pas, ne pense plus, ne ressent plus. Dérisoire petit espoir. Misérable optimisme. La déception frappait bien plus fort lorsque plus aucune solution ne s’offrait alors. Denier espoir mort. Elle n’arrivait pas à oublier, ses pensées la tourmentaient, et elle ne pouvait se résoudre à s’effacer complètement. Des fils la rattachaient à des choses perdues, absentes, rejetées, oubliées un moment pour le bien de tous. Des choses..ou plutôt des personnes.

La brise froide du bord de mer faisait frissonner la peau nue de ses bras. Il lui semblait pourtant que si son corps réagissait, son esprit était trop loin, ailleurs, pour s’arrêter sur la morsure du sel sur les plaies ou sur le froid. Absente, oui, elle était absente de sa propre existence en cet instant ; absente du réel. Elle ne sentait que le crissement de son âme à l’abandon. Pourtant, l’abandon, c’était le sien : c’était elle qui était partie, elle qui avait laissé ceux qu’elle aimait derrière elle, sans réponse, sans excuses, sans rien.

Laissez-moi tranquille…
Laissez-moi sombrer…


Contradiction. Son téléphone avait été rallumé quelques heures auparavant, sans qu’elle ne puisse expliquer son geste. Et les messages, les appels avaient défilé. Des messages d’anniversaire. Des questions inquiètes. Et chaque nom qui apparaissait sur l’écran assénait un coup de plus dans son estomac. Margo…Tout ce qu’elle lui laissait étaient l’incompréhension et l’absence ; elle l’avait gardée loin de tout ça, dans l’ignorance où s’était dessinée leur bulle de légèreté et d’affrontement gourmand. C’était mieux parfois de ne pas savoir, de ne pas faire peser ce poids sur les épaules des autres. Oh, et Kezabel... Elle l’avait contactée. Et la seule question qui avait flotté dans son esprit en lisant, n’avait été qu’un douloureux : Pourquoi ?

Je t’ai trahie. Je t’ai blessée.
Je ne mérite pas que tu fasses un pas vers moi.


Elle avait passé tous ses anniversaires avec elle, avec son père, et cette année...plus rien de tout ça n’avait de sens. Elle ne voulait plus donner de sens à ce jour maudit, sans intérêt, stupide. Le jour de sa naissance n’avait sûrement rien de bien heureux ; c’était l’occasion alors de le déposséder de la joie feinte qu’elle lui avait si longtemps attribuée, car cette joie n’avait plus aucune essence sans les Autres à ses côtés. Pour qui prétendre ? Elle-même ? Aucun sens, vous voyez ? De même que le concept d’exister pour soi-même demeurait trop étrange, lointain, flou, pour elle. Sans public, sans regard se posant sur elle, masque ou pas masque, elle ne savait que faire. Face à son miroir, elle ne voyait que les erreurs, les regrets, les occasions manquées, les non-dits, les silences, les cris...Et comme une manière de rendre ses erreurs évidentes aux yeux de tous, ses cheveux raccourcis attestaient de la chute. Ils n’étaient plus inégaux, elle avait rattrapé ça, et elle sentait les pointes de ses cheveux chatouiller sa nuque.

Plantée dans le sable à sa droite, une bouteille de whisky reposait, ouverte, comme une aide silencieuse dans sa solitude. Une béquille, probablement. Là pour la maintenir au sol, ou debout, elle ne savait plus vraiment. De même que le petit sachet blanc dans la poche de son jean semblait peser lourd, la titiller, comme quelque chose qui chatouillait de plus en plus. Elle avait profané la table basse du salon en étalant la petite neige sur le bois sombre, traçant des routes directes vers cet oubli tant convoité. A présent, la petite neige avait été aspirée, balayée, et des résidus avaient disparu dans le tapis, au même titre que les débris de vitres. La maison éclairée n’était plus qu’un champ de bataille sans ses troupes. Elle avait lacéré, déchiré, les photos sur les meubles. Abominables rappels de ce qu’elle avait été, dans un sentiment paradoxalement nostalgique et plein de dégoût.

Ses doigts abîmés d’avoir cogné dans les murs de sa maison comme s’ils avaient pu les abattre seulement par eux-mêmes, se refermèrent sur la bouteille. Elle se redressa, portant le goulot à sa bouche, rejetant légèrement la tête en arrière pour faire glisser le liquide dans sa gorge. Voilà la seule chaleur qu’elle acceptait ces derniers jours. Elle décolla ses genoux de son buste, écartant les jambes pour placer la bouteille dans le sable juste devant elle, coudes sur ses cuisses, un soupir passant ses lèvres. Son regard retrouvait le réel qui l’entourait, se perdant dans le halo blanchâtre de la lune se reflétant sur les vagues sombres. Juste une seconde, des images de noyade traversèrent son esprit à vive allure, avant qu’elle ne secoue la tête, déglutissant, fermant les paupières en prenant une inspiration. Sa main gauche caressa la poche de son jean, sentant le petit paquet à l’intérieur, mais elle arrêta son geste. Ses sourcils se froncèrent et elle rouvrit lentement les yeux, sans bouger. Des pas sur le sable, derrière elle, se rapprochaient. Et avec eux, une sensation bien étrange qui la fit plus frissonner que la brise. Son esprit chercha, comme un réflexe, s’étendant alors qu’elle ne tournait la tête que de quelques millimètres.

Quand elle comprit, sa main vint saisir la bouteille pour la planter rageusement dans le sable à côté d’elle.
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Sanae M. Kimura
Jana au Sapon
Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Mer 20 Jan 2021 - 19:14
Quel intérêt d’observer en silence quelqu’un se détruire ? Pourquoi la suivre, la voir chercher l’oubli sans jamais vraiment le trouver ? Pourquoi laisser couler le sang, laisser s’engluer l’âme ? Parce que c’était son combat, pas le sien, tout simplement. Pourtant, c’était bien Logan qui l’avait amenée jusque là, dans les ombres sordides de sa propre existence, si abominable et acide qu’on ne pouvait qu’y manquer d’air. Alors elle se noyait. Ce n’était plus l’oubli auquel elle aspirait, mais au coma, aux limbes, à la rédemption. Ce n’était pas le silence qu’elle appelait mais les blessures, le remède à la culpabilité.

L’issue.

Et il n’aurait pu la trouver pour elle, car elle lui était toujours inconnue. Vivre en étant soit, vive en acceptant ses tors et ses péchés, sa haine, sa violence, ses besoins… il n’avait jamais véritablement trouvé le moyen de réchapper à ses propres démons. Sans doute était-il le sien, d’ailleurs, quand sa propre famille trouvait tout aussi bien le chemin de ses mauvais songes. Non, il n’avait pas la solution, il n’était pas la réponse, pas plus qu’elle n’était la sienne. Mais il savait qu’elle était capable de faire bien mieux que lui. Capable d’avancer plus loin, de se stabiliser. D’être, simplement, une meilleure personne qu’il ne souhaitait seulement le devenir. Parce que ce qui la brisait aujourd’hui faisait aussi sa force, quoi qu’il en pense dans tout le rejet qu’il pouvait émettre à l’encontre de son enfance. Sanae avait eu ce qu’il n’aurait jamais. Elle s’en était gorgée, repue, sans même s’en rendre compte. Et à présent, elle en était privée. Alors bien sûr, le moyen le plus évident pour se faire du mal, pour se faire payer ses crimes, c’est évidemment de se couper de ceux qui restent. De les délaisser, de les protéger, qu’importe le nom qu’on puisse donner à ça. Parfois, ces deux verbes ont d’ailleurs la même signification. Elle en appelait à la solitude autant qu’au chaos, autant qu’à la douleur, se complaisait dans ses peines, dans sa déchéance. Elle faisait tout pour sombrer, pour glisser dans l’oubli comme elle avait pu le faire dans un lac gelé bien des jours avant ça. Sans jamais agir autrement qu’à se laisser dériver, c’était bien dans la ville qui lui faisait autant de mal que de bien qu’elle venait se crasher. Et auprès d’une maison où se cristallisaient toutes ses peines, tous ses manques, qu’elle venait s’échouer. Une maison qu’il l’avait observé détruire en silence, tout comme il devinait l’ampleur des plaies et des surdoses qu’elle faisait vivre à ses nerfs. En silence, oui, mais il était là. Et chaque dérapage était géré. Chaque personne qu’elle avait laissé sur le carreau avait oublié son passage, chaque danger avait été écarté, chaque incartade avait été effacée. Il ne pouvait rattraper quelqu’un qui ne voulait être sauvé. Après tout, Logan était d’ailleurs bien plus doué pour délier les chaînes et brûler les ailes que de soigner les plaies. Ça n’avait jamais été son rôle. Par contre, il savait cacher les cadavres, gérer les situations d’urgences. Maîtriser le chaos, les fracas. Alors c’était ce qu’il faisait, sans qu’on le demande, sans même le revendiquer, juste parce qu’intrinsèquement, c’était son rôle. Pas parce qu’il en était responsable, mais parce qu’il en avait la capacité et la volonté, et que ça suffisait largement à l’amener ici, bien loin de tout mais proche d’elle. De cet être morcelé qu’elle ne savait plus comment recoller. Peut-être était-ce une erreur, après tout. Mais elle aurait finie ainsi, tôt ou tard. Elle aurait fini par faire un carnage, à se contenir comme elle le faisait. Alors bien sûr, la bombe désamorcée ne pouvait que faire des dégâts tout de même, comme si elle ne pouvait s’empêcher de remplir son rôle, de chercher la destruction, d’engloutir le chaos autant que le bonheur. Pouvait-elle vraiment balancer les éclats d’obus comme elle le faisait ici en espérant que personne ne serait touché ? Personne d’important ? Car à chaque éclat qui impactait les victimes collatérales, c’était elle qui s’entaillait un peu plus profondément. Son âme, son corps, l’un ou l’autre se fondaient finalement dans une souffrance commune. Et à sa destruction totale ne serait pas acceptable. Déjà pour elle-même, car elle en blesserait d’autres. Mais ça, ça l’importait peu, comme les états d’âme de ses proches. En revanche, elle, elle importait. Pour une raison qui lui était encore bien brumeuse, bien trop  nouvelle pour qu’il puisse poser un nom là-dessus. Mais elle importait. Sa simple présence ici ce soit en était sans doute la preuve la plus évidente. Celle des jours passés ne venait que confirmer cet état de fait.

En silence, alors, il la rejoignait, laissant la nuit l’engloutir à son tour, le digérer dans le roulis rauque des vagues qui emportaient au loin quelques gouttes d’un liquide vermeil trop dilué pour être distinct.

Tu comptes tout noyer ainsi ? Tout diluer ? Tes émotions, tes peines, tes manques, tes craintes. Te diluer, toi. Toi trop intense, trop violente, trop extrême pour t’accepter toi-même. Pour te comprendre. Te voir. Te délier, surtout, afin de comprendre celle que tu veux être dans le désordre des possibilités. Alors ces fils, tu les tire, les tords, tu t’entaille, te pends avec.

Mains dans les poches, il la rejoignait, sentant son esprit avant qu’il ne distingue réellement parfaitement les traits de son visage engloutis dans l’obscurité à peine percée par les quelques lueurs de la lune, des fenêtres en arrière, des étoiles, des reflets enfouis dans l’obscure immensité mouvante de la méditerranée qui aurait voulu tout submerger. C’était avec colère qu’elle frappait la bouteille dans le sable à son approche. L’autre diable, violente, blessée. Toute contusionnée de ses propres erreurs, de ses manques.

Et la réalité, c’était qu’en cet instant, c’était des autres qu’elle était en manque. Alors il la rejoignait, malgré la fureur de l’orage qu’il voyait se profiler au loin.

Qu’importe que le vent souffle… allez, vous connaissez la suite non ?

« Tu n’as pas vraiment envie que je parte, alors épargne-nous ça. Et fait gaffe avec cette bouteille, ça serait con de gâcher. »

Calmement, il la rejoignait.

« Jolie coupe. »

Il aurait pu dire que ça lui allait bien. Mais non, la peine lui allait mal. Alors la réflexion se rapprochait plus d’une information posée là, une inquiétude masquée, une façon de dire qu’il voyait son mal-être, qu’une réelle réflexion sur son physique. Ou sur tout ce que ça cachait.
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M. Logan Rivers
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M. Logan Rivers
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M. Logan Rivers
Ven 22 Jan 2021 - 22:02
« Prends garde à ne pas te perdre toi-même en étreignant des ombres »
Esope


Elle ne savait plus comment vivre. Voilà la triste vérité.
Tout était un effort, une épreuve, un raclement de lame sur la peau. Elle n’arrivait ni à voir où elle se dirigeait, ni à savoir où elle se trouvait présentement en elle-même ; et dès lors qu’elle regardait en arrière, le passé lui riait au nez. Quand est-ce que la lutte se terminait-elle? Quand est-ce qu’elle cesserait de se débattre avec ce qui rugissait et pleurait au fond d’elle ? Son esprit était devenu une cacophonie qui ne cessait que quand elle la noyait dans l’alcool, et dans tant d’autres choses qui promettaient l’oubli. Et entre chaque prise du poison, il y avait ce moment terrible où tout revenait comme une masse qui la mettait au sol, l’écrasait en l’empêchant de respirer. Cette masse, ce n’était pas seulement celle de ses erreurs, de ses mensonges, c’était aussi celle du manque.
Oh, comme il se présentait sournoisement, sous toutes formes...Un parfum, un visage, une couleur, un goût, une voix apparaissait et les pensées allaient directement vers un nom, vers une sensation, un souvenir. Associations d’idées. Pensées parasites qui griffaient l’âme. Il y avait tant de manques qu’elle ne savait plus vers quoi tourner son esprit. Quelques jours éloignée des autres et voilà que le brûlure marquait ses entrailles… On n’était rien sans les autres, hein, c’est ça ? Mais putain, que ça la faisait chier d’en sentir la confirmation. Parce que c’était ça qui l’énervait autant...ça qui faisait grincer les dents, serrer les poings, frapper les mûrs...le manque de ceux qu’elle aimait, de ceux qui comptaient, des disparus autant que des vivants.

Il lui semblait souffrir de plusieurs deuils. Le plus grand ne cessait de tambouriner dans son crâne comme un rappel omniprésent tandis que d’autres s’accumulaient...Le deuil d’une vie qu’elle ne retrouverait jamais, la vie avant la Garde, avant la guerre, avant l’explosion de tout équilibre, de tout confort. Le deuil de sa relation avec Kezabel, de ce qu’elle avait été autrefois dans la simplicité et la confiance rassurante d’une fratrie en pièces détachées mais collées avec tout l’amour que des êtres humains pouvaient se porter ; le deuil sûrement, au fond, de cette figure de grande sœur parfaite qu’elle avait été avant… Et supplantant tout en cet instant, le deuil d’elle-même. Ce Elle qui n’existait plus, qui n’avait plus de sens, plus de visage. Ce Elle qui n’existait que dans un corps au coeur encore battant, et rien de plus. Elle se sentait vide et pleine à la fois. Incapable de se décharger des manques et des blessures. Incapable de remplir l’espace creux avec autre chose que du néant. Les ombres l’enveloppaient autant dans l’atmosphère que dans son être.

Paralysée dans l’entre-deux insupportable, Sanae stagnait dans les méandres et attendait, attendait de trouver des réponses, d’entrevoir une issue. Elle se meurtrissait dans l’attente. Mais il aurait fallu qu’elle bouge, qu’elle franchisse les étapes, qu’elle avance pour éclaircir une vision trouble ; et c’était tout autant son incapacité à le faire que la perspective qu’il n’y avait aucune issue à trouver qui l’enrageait si profondément.

Alors si elle plongeait violemment la bouteille de whisky dans le sable, c’était parce que cette rage ne la quittait toujours pas, s’embrasait quand enfin, une ombre familière venait la rejoindre. La surprise était lasse, arrivait comme un sentiment familier de découvrir qu’il savait, la connaissait trop pour ne pas se trouver là. Et s’il fallait s’étonner d’une chose, c’était sans doute qu’il ait fait ce chemin jusqu’à elle ; un étonnement qui aurait pu être touchant sans doute, si l’amertume ne la gouvernait pas. L’amertume et le rejet de tout.

Son esprit et son corps avaient compris bien avant la Raison. Elle l’avait senti là, s’approcher dans l’obscurité de la plage qui faisait face aux vagues sombres d’une mer qui allait et venait. Le sable se mouvait sous ses pas et elle ne se tourna pas pour le voir la rejoindre. Ses coudes retrouvèrent ses genoux, ses mains pendant dans le vide, regard fixé droit devant elle alors que son visage se crispait.

« Tu n’as pas vraiment envie que je parte, alors épargne-nous ça. Et fait gaffe avec cette bouteille, ça serait con de gâcher. »

Un souffle rageur passa ses lèvres.
Cela ne servait pourtant à rien de protester, elle le savait. Il n’avait pas besoin d’être dans sa tête pour comprendre, quand bien même cela l’énervait davantage encore. Les mensonges ne prenaient pas avec lui. Fait établi. Pourtant, ô comme cela aurait été plus simple...

« Jolie coupe. »

Elle serra les poings, ses phalanges craquant dans le mouvement.

« T’es venu admirer le spectacle ? » cracha-t-elle. « T’arrives un peu tard, le rideau est baissé. »

Le spectacle, oui. Misérable. Sans intérêt. La déchéance putride.
Peut-être y avait-il un profond sentiment de honte vis à vis de lui aussi. La honte de ne pas réussir alors qu’ils s’étaient libérés ensemble.

Tu m’as libéré de ma cage et voilà ce que je fais de ma liberté…
Ne me regarde pas, c’est laid tout ça.


« Ou alors...peut-être que y a un épilogue sympa en perspective... » Sa main gauche sortit un briquet de sa poche et ses mains jouèrent avec un instant, l’ouvrant pour faire sortir une flamme qui éclaira un instant son visage et ses traits tirés. « J’me dis qu’un brasier pour terminer le tout, ce serait pas si mal. De toute façon, j’la supporte plus cette maison. C’est un putain de mausolée. » Et peut-être qu’elle se foutrait le feu à elle aussi...là, dans cette maison du passé.

Et le briquet s’ouvrait, se fermait, s’ouvrait. La flamme fut admirée une seconde avant de disparaître dans un claquement de métal.

« Qu’est-ce que tu fous là Logan ? Tu t’ennuies ? »

Le briquet disparut dans son poing alors qu’elle fixait toujours les vagues. Elle n’avait pas envie d’affronter son regard, pas envie de s’y plonger. Pas envie qu’il soit vraiment là à la regarder être aussi misérable. Quand on touchait le fond, on ne rêvait pas d’un public. Et pourtant...pourtant, par sa présence, il réveillait le manque. Un manque amer, qui la tiraillait parce qu’elle savait qu’elle était la seule à l’éprouver. Et c’était peut-être tant mieux au fond, il la laisserait tranquille plus facilement non ?

Alors, pourquoi était-il là ? Le petit théâtre de son chaos avait remballé son estrade habituelle pour partir en tournée et il ne savait plus comment s’occuper ? Il n’était pas là pour tirer les ficelles, pour l’emmener où il voulait, alors il tentait de reprendre le pouvoir ? Ou peut-être pour se moquer, sans doute, de son appel à l’oubli ?

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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Dim 14 Fév 2021 - 20:46
On n’est rien sans les autres ? Comme il est ironique de voir un roc s’accrocher à sa solitude et pourtant chercher l’autre comme un drogué avide d’une nouvelle dose. Comme il est drôle de le voir, incapable de mettre le doigt là-dessus, apte à voir les plaies de Sanae sans voir qu’il courrait lui-même après ses manques. Ombre dans celle d’Aileen, inconnue parmi les visages ennemis. Toujours à guetter son sourire, bien plus douloureux que ses larmes, ses éclats de rire écorchant son âme un peu plus chaque jour passé loin de son ancienne vie. Non, il ne voyait pas comme il comblait le manque tout autant que Sanae le faisait, à travers quelques verres, quelques grammes de poudre, quelques abandons ou au travers d’un simple pays, d’une simple rage, de simples objets brisés au détour d’une plage abandonnée d’une vie abandonnée. Il ne voyait pas comme il cherchait à travers ses silences la puissance de sa propre absence. Pas plus qu’il ne voyait comme il cherchait auprès d’une inconnue l’image d’une amie qu’il ne pouvait retrouver. Au final, Logan n’avait pas réellement quitté les ombres. Il y observait la lumière, sans un pas en avant, cherchant finalement ce qu’il avait perdu en arrière. Les rires amicaux, la simplicité d’une relation qui lui manquait à présent, la loyauté indéfectible, la confiance vorace. Le manque est là, il s’échoue, à son tour, le long des digues, sur les bords lisses des rochers, emporte les grains de sable, en lime le quartz, englouti le passé.

Il ne voit pas. Mais il le sait.

Tout comme il sait que si en cet instant, c’est le manque qui la ronge, elle refusera une présence qui lui est pourtant essentielle. Alors il est là, le roc bien creusé par les âges, élimé par les échecs, les souvenirs et les manques, incapable d’exprimer ce qui se doit. Et pourtant, il suffirait de lire derrière les non dits pour comprendre que ces pas qui écrasent le sable en disent bien plus qu’il n’en exprime. C’est l’inquiétude, l’affection et la culpabilité qui marchent à ses côtés. C’est une main tendue, aussi blessée et tremblante soit-elle, qui se distingue dans la nuit froide.

Bien sûr, il aurait été plus simple pour lui qu’on en décrypte les contours. Il aurait été tellement simple qu’on le comprenne, qu’on entende les cris d’alarme, les peurs et les doutes, les inquiétudes autant que l’amour qui provoque la déraison de ses actions. Il aurait été simple qu’Aileen entende ses non dits, que ses parents acceptent ses complaintes muettes, que ses frères entendent ses menaces sourdes, que ses élèves voient ce que le masque pouvait bien cacher. Il aurait été agréable, bien sûr, que quelqu’un sache, voit, comprenne. L’amour oublié, les peur masquées, les larmes séchées. Mais, trop fort de nombreux remords, Logan savait que ça n’arriverait pas et qu’il n’y avait ici-bas que la violence du rejet, la rage de l’absence, la haine de l’incompétence humaine. La sienne.

Tu n’es qu’un homme. Tu n’es pas le monstre, pas le roc, pas le guerrier, pas la lame ni le dragon et encore moins la tempête. Tu n’es qu’un homme qui sait, qui comprends mais qui ne le dira pas. Parce qu’il n’a jamais appris. Jamais appris à être là, à parler, à aimer. Alec t’a bien souvent facilité la tâche en comprenant les  non dits. Sanae faisait pareil, à sa manière. Et là ? Qui seras-tu pour elle, quand le tesson brisé d’une bouteille violentée symbolisera simplement la défaite de tes errances ?  
Tu ne vacilles pas, évidemment. Ni quand la bouteille frappe le sol, ni quand elle se redresse, la fureur des étoiles accrochant ses prunelles trempées d’une douleur qui t’étreint, par vagues furieuses. Non, bien sûr que tu ne vacilles pas. Tu ne vacilles jamais, n’est-ce pas ? Menteur de pacotilles. Bien sûr que tu vacilles, tu ne fais que tanguer depuis bien des années. Et avant, sans doute te serais tu enfuis, prétextant le rejet, l’agacement, la stupidité de cet autrui que tu n’arrives pas à appréhender. Sans doute face à une autre, l’aurais-tu fais, levant les yeux au ciel face à tant de faiblesse.

Mais il en est une face à qui tu es demeuré de marbre, tu as encaissé les reproches, jours après jours, années après années.

Aujourd’hui non plus tu ne flancheras pas. Tu le l’interdis. C’était d’ailleurs la seule condition de ta présence ici parce qu’après tout, au fond de chaque tourment, de chaque angoisse, de chaque besoin d’oubli et de soutien, tu sais qu’elle a besoin de ça. De quelqu’un qui encaisse, pour qu’elle puisse ensuite accepter l’évidence. Qu’elle puisse de nouveau tisser le lien avec les autres, maintenant délestée de cette haine virulente, viscérale qu’elle macère et entretien.

Le seul problème dans l’histoire, c’est que tu la jalouse de pouvoir faire ce pas dont tu es incapable.

Tais-toi. Encaisse.

« T’es venu admirer le spectacle ? T’arrives un peu tard, le rideau est baissé. »

Mains dans les poches, il foulait le sable calmement, sans changer son rythme, s’approchant à pas mesurés, lui laissant le temps de cracher le venin et la rage. La peine et le manque. Les reproches, brisés par les vagues. Pourquoi personne n’était  là avant, pourquoi personne ne l’aidait, pourquoi personne ne comprenait ? Pourquoi personne ne pouvait trouver une putain de solution pour l’empêcher de se sentir ainsi ?! N’y avait-il que son père pour l’aimer assez pour tracer un chemin à sa place et l’entraîner sur les dalles blanches d’un avenir tout tracé ?

Lui, il n’avait fait que dessiner une entrée de dalles rouges, un sillon dans la terre avide et il l’observait y verser le sang, les larmes et les cendres. Pourquoi faire ça ? Pourquoi l’enfoncer, la blesser ainsi s’il pouvait l’aider ?

Oui, elle lui en voulait. De ce qu’il avait déclenché, de ce qu’il n’apaisait pas, des réponses qu’il ne possédait pas, de la tourmente dans laquelle il l’avait abandonnée.

Il n’était pas là, voilà ce que ces mots éructaient. Alors il ne baissait pas le regard, accrochait le sien, buvait sa haine. Si, il y était, mais il n’aurait servi à rien qu’elle le sache.

Pourquoi ? Tu as honte ? Tu masque la peur par la rage ? Tu apposes l’affrontement pour ne pas reconnaitre le manque des autres ?

Ce peut-il qu’on nous aime pour ce que nous sommes ?

« Ou alors...peut-être que y a un épilogue sympa en perspective... » Un briquet atteignait ses doigts, en crachait la flamme vacillante sous les assauts du vent.

Penses-tu vraiment que je ne peux t’accepter qu’à travers le brasier ?

« J’me dis qu’un brasier pour terminer le tout, ce serait pas si mal. De toute façon, j’la supporte plus cette maison. C’est un putain de mausolée. »
« C’est vrai. C’est un putain de mausolée. »

Les traits sereins, comme un fond de calme dans la tempête. Le dragon est là, il ne sommeil pas, il observe, ne cherche pas à gronder, à se battre, à exister. Il observe les plaies suinter, les larmes arides crisper l’âme, démonter les vagues.  

Et ces vagues, elle les fixait sans cesse, comme si elle pouvait y noyer sa peine et sa haine d’elle-même.

« Qu’est-ce que tu fous là Logan ? Tu t’ennuies ? »

Il laissait son regard quitter ses traits si lourdement abîmés d’une douleur innextricable, le posant à son tour sur les vagues qui semblait avides de venir jusqu’à elle, l’abreuver, la noyer. Ou simplement emporter au loin le manque sourd des années passées. Le besoin irréel mais si viscéral de retrouver  la seule personne qui avait su la sortir de l’enfer, l’emporter au loin, lui permettre de se construire, lui donner les clefs pour poser les briques de sa nouvelle existence. Il avait tout fait, jusqu’à poser les dalles sous ses pieds, lui avait pris la main, l’avait amenée là où il le souhaitait, là où il le jugeait nécessaire. Une action que Logan ne jugeait pas tout à fait honnête, sans doute de la même façon que la sienne l’était. Fourbe, égoïste sans doute. Néfaste peut être.

Tu t’en veux. De tout. Pour toutes ces vies détruites. C’est pour ça que tu es là Logan ?
Ou alors peut-être a-t-elle raison. Peut-être t’ennuis tu. Peut-être veux-tu voir la tempêter échouer, mourir, se perdre. Peut-être veux-tu voir jusqu’où va ton influence.


« Tu t’en voudrais si tu faisais ça. » Si tu étais encore là pour t’en vouloir.

Pourquoi crois-tu que je suis là ? Idiote.

« C’est le manque que tu veux cramer. Les bonheurs auxquels tu n’as plus accès. La facilité d’un passé fantasmé. » Rien qu’une seconde de silence, le roulis des vagues, le crissement du sable sous ses semelles. « Ce serait une erreur. Ton passé et tes espoirs d’avenir font partis de toi, tu en as besoin pour avancer. »

Une voix douce, calme, apaisée, factuelle aussi.

Lui, la porte ouverte au chaos la refermait. Elle avait eu ce qui lui avait été refusé. Il aurait dû chercher à le détruire, et une partie si vorace et destructrice de lui ne faisait qu’appeler à cette destruction. Pourtant, ce serait une erreur pour elle. Parce  qu’il y avait là, dans les silences d’un passé décharné bien des pierres sur lesquelles elle s’était construite. Bien des choses qui la rendaient plus stable, plus apte à être forte, à être elle, bien des clefs qu’elle honnissait.

Mais elles existaient. Et il ne la laisserait pas se fermer les portes de sa rédemption.
Un certain médecin de guerre lui avait appris ça un jour.

« J’ai juste pensé que tu aurais besoin de compagnie. »

Pas de compagnie. D’un garde-fou. Tu n’es que ça Logan. Un barrage à la folie du monde. Pas étonnant que parfois, tu t’en gorges tant que tu en deviennes l’instigateur. Un trou noir vers un autre espace dans lequel on a bien des peines à s’extirper. Ces ténèbres, tu n’en es pas le seul fautif. Mais tu les as invoquées.

Tu penses que seul, tu arriverais à contenir la fureur d’une étoile en train d’imploser ? Ne penses-tu pas qu’il lui aurait fallu d’autres personnes, bien moins nocives pour elle ?

Non. Parce qu’elle ne veut pas être perçue ainsi.
Cette atmosphère poisseuse qui émanait d’elle, elle pouvait bien haïr d’en être pourvue, d’être observée, scrutée si bas tombée, il n’en était pas moins là pour la comprendre. Etre là, seulement. Si simplement que ça.

Empêcher le drame. Recoller les morceaux.

Seul un déchet peut accepter l’horreur de la déchéance putride. Et l'aimer à travers la brume ferreuse.
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Sam 20 Fév 2021 - 18:47
« I am out with lanterns, looking myself. »
Emily Dickinson



Viens admirer la fange, l’obscurité, la profondeur abyssale.
Viens observer l’éboulement, la chute, le naufrage.
Viens poser ton regard sur les restes de ce qui jadis était.
Mais toi, qui es là, vas-tu rire ou pleurer ?
Moi, je pleure déjà.

Oui, rien ne coulait mais elle pleurait en elle-même depuis si longtemps que si les larmes s’étaient écoulées pour de vrai, elle aurait manqué d’eau. La sécheresse qu’avait laissée l’absence ne pouvait s’imbiber que de plus de poison à mesure que le temps passait. Il ne guérissait rien, empirait tout. Elle ne savait si c’était le deuil en général, ou si le lien qu’elle avait partagé avec son père ne faisait que le rendre plus brutal, plus profond, creusé dans les os. Elle n’était ni sa chair, ni son sang, mais son âme s’était liée à la sienne dans un amour inconditionnel. Rien ne pouvait remplacer ça. Rien ne pouvait guérir ça. Et comme tout ce qui était si entremêlé à soi, dès lors que cette chose disparaissait  en dehors, elle ne se faisait que plus présente au dedans. L’absence tambourinait si fort qu’elle avait chamboulé les fondations de son être : la trappe n’avait alors plus pu contenir aussi bien ce qu’elle renfermait en elle-même, pour lui, pour Eux. Et c’était ajouté à cela, dans les tremblements déjà présents des fondations, la présence inédite d’un autre. Voilà alors que tout flanchait.

Dans toute la honte et la culpabilité qu’elle éprouvait, il y avait cette réalisation douloureuse qu’au tout début de cette histoire, c’était bien la mort de l’être aimé qui avait laissé la place à sa libération future. L’enchaînement des choses était funeste : elle comprenait peu à peu, que cet homme qu’elle avait tant aimé et qu’elle aimait encore, dans sa disparition avait engendré son émancipation. La découverte de cette autre partie d’elle qui ne s’était jamais laissée vivre. Un seul événement pouvait-il être le pire et le meilleur qui soit ? Elle refusait cette pensée. Alors elle se concentrait sur ce deuxième élément déclencheur, sur cet autre homme qui foulait de ses pas le sable derrière elle et qui venait s’asseoir à ses côtés, là où elle avait chuté. Et elle ne pouvait, au fond, pas résister à l’envie de lui en vouloir, pour tout un tas de raisons qui ne faisaient pas vraiment sens parfois, et qu’elle ne dirait sûrement pas à haute voix.

Elle lui en voulait de ne pas partager sa peine, à lui, quelle qu’elle soit.
Elle lui en voulait de ne pas avoir de réponse.
Elle lui en voulait de ne pas en chercher avec elle.


Et elle s’en voulait, d’y penser, d’être atteinte par son absence autant que par sa présence. Elle s’en voulait d’en éprouver le manque, qu’il n’en soit pas pareil de son côté. Elle s’en voulait d’espérer quelque chose de lui qu’il était incapable de donner, ne voulait pas donner, ne comptait pas donner, n’avait jamais appris à donner. Elle s’en voulait autant qu’à lui, au fond, d’avoir créé ce lien entre eux qui finirait exactement comme le précédent. Il s’en irait, ou mourrait, et elle serait seule dans son esprit. Aussi seule que durant toutes ces journées à vouloir oublier.

Pourquoi tu ne m’as pas dit que ça ne fonctionnait pas l’oubli ?

La preuve en est, je suis aux pieds de cette maison de mort.


« C’est vrai. C’est un putain de mausolée. »
« C’est moi, le putain de mausolée. »
Oui, le mausolée, c’était elle. Cette maison n’en était que le reflet, la manifestation tangible. Le symbole visible. Mais en elle, dans son esprit, demeurait cet homme aux petites lunettes et au visage trop rigide, au coeur si énorme qu’il n’aurait jamais du s’arrêter de battre. A vrai dire, elle le sentait battre à travers elle. Elle l’entendait, dans ses pensées, elle le voyait dans ses souvenirs, et il manquait au corps, aux sens, ce que l’esprit détenait et appelait : l’odeur, la chaleur, les gestes, la présence véritable.

Alors, pourquoi pas au fond ? Foutre le feu à cette baraque, se foutre le feu aussi, dans le même temps.

« Tu t’en voudrais si tu faisais ça. » 

Mais je ne suis pas vraiment là, non.

Un souffle amusé, douloureux, siffla entre ses lèvres alors que le briquet s’éteignait et demeurait dans sa main, comme une possibilité. Son regard ne lâchait pas les vagues, et le son de la voix du sorcier se mêlait aux mouvements de la mer.

« C’est le manque que tu veux cramer. Les bonheurs auxquels tu n’as plus accès. La facilité d’un passé fantasmé. » Elle ferma une seconde les paupières. Parce qu’il avait raison, et qu’elle le savait.
« Ce serait une erreur. Ton passé et tes espoirs d’avenir font partis de toi, tu en as besoin pour avancer. »

Le ton calme de sa voix lui paraissait presque étrange. Elle était davantage habituée aux intonations de voix plus féroces, dans le tourbillon de leurs rages communes qui s’accordaient si bien. Ce n’était pas la seule chose qui s’accordait : leurs peines, elles aussi, se comprenaient très bien. Du moins, ce qu’elle décelait de la sienne, à lui. Le peu qu’elle avait vu, ce qu’elle avait compris.

Pourquoi demeures-tu inaccessible ?
Pourquoi es-tu là ?
Pourquoi reviens-tu toujours?


Elle le savait. L’instinct, les détails qui s’entassaient discrètement.
Mais il existe des moments où l’instinct ne parlait pas assez fort et où on devenait aveugle, injuste, à cet autre qui nous faisait face et qu’on aurait pu comprendre parfaitement si l’on y était disposé. Si on écoutait, regardait, ressentait.

Dans les silences, dans les fausses absences et les vraies, dans les regards, dans les mots dits et non-dits, dans la violence comme dans l’inaction de gestes inconnus, c’était là, ça commençait à être là, dans une fragilité qui n’avait de sens que par la peur de tout ce que ce lien bouleversait, créait. L’inconnu fait peur, n’est-ce pas Logan ? Ah, voilà peut-être ce qu’elle lui reprochait en silence : d’avoir bien plus peur qu’elle et de ne pas l’assumer. Alors la question se posait : était-il venu la voir se détruire, se laisser mourir, par curiosité ? Ou était-il là par inquiétude ? Par culpabilité ? Par affection ? Et son silence, le pouvoir qu’il aimait exercer sur elle, étaient-ce seulement parce qu’il avait peur d’affronter l’intimité, la profondeur d’un lien qu’il n’avait pas demandé, qu’il ne voulait pas, au fond ?

Hm. La voilà, la fatigue, la lassitude, le pessimisme...toutes ces questions qu’elle s’était posée, tous ces mots jamais dits, jamais osés, elle les portait trop lourdement ; alors dans son rejet de tout, des autres comme de lui, elle les avait déposé en partie car déjà le poids d’elle-même était trop un fardeau. Et elle préférait penser qu’il n’était rien d’autre qu’un voyeur de la déchéance, qu’une autre ombre curieuse. Elle n’avait plus de force pour comprendre, plus de force pour être juste, plus de force pour vouloir ce lien, ce soir.

Un rire cynique lui échappa.

« Es-tu en train de me dire que l’espoir me fera avancer ? Oh, comme l’hypocrisie est grande. Mais cela ne m’étonne pas… Tu sais ce que j’ai dit à Alec la dernière fois… » Elle ne le regardait toujours pas, son regard se perdait dans la lumière de la lune sur les vagues. Ce n’était pourtant pas à la faible luminosité qu’elle parlait, c’était à l’obscurité. Ou alors, c’était elle qui parlait à travers elle. « Tous les professeurs sont des hypocrites. » souffla-t-elle. « Tu n’échappes pas à la règle, Logan. Tu attends de moi que je m’accepte, et toi tu n’essaies même pas. »

Le venin débordait de ses lèvres comme de l’acide.
C’est idiot, les méchancetés qu’on peut lancer à ceux qui comptent.
Ce pouvait bien être la vérité, peu importait à vrai dire. Elle avait juste besoin qu’il parte, qu’il s’en aille, qu’il la laisse.

Je ne veux pas que tu me vois.
Pour une fois, je ne veux pas.


« J’ai juste pensé que tu aurais besoin de compagnie. »

Au fond du néant, tous les deux, c’était ça ? De la compagnie dans le noir ?

« My solitude does not depend on the presence or absence of people ;
on the contrary, I hate who steals my solitude without, in exchange,
offering me true compagny »
F. Nietzsche

Elle cligna plusieurs fois des paupières, ses sourcils se fronçant alors que son coeur se serrait.

« De la compagnie... » répéta-t-elle dans un souffle. « Pour quoi faire ? Pour constater avec moi que j’ai tout fait de travers, que je ne peux ni retourner en arrière, ni avancer et que par conséquent je suis coincée ? Je n’ai ni progressé, ni rien appris. » C’était faux, bien sûr. L’élève, au fond d’elle, n’avait jamais grandi. Et la rage dans sa voix, qui crachaient ces mots, n’était destinée qu’à elle-même.

Le briquet tomba, alors que ses ongles s’enfonçaient dans ses genoux.

« Kezabel a raison. Je ne suis qu’un mensonge, Logan. »


Et je ne sais pas comment ne pas l’être.

Le Déshonneur et le Mensonge, sur un coin de plage, regardant le large, voilà ce qu’ils étaient.

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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Mar 23 Fév 2021 - 12:47
Je suis la déshérence. Je suis tes peines, tes haines. Je suis l’absence et l’oubli.

Les stigmates du rejet coulaient en lui depuis l’enfance, bien sûr, comme autant de plaies infligées à un enfant en marge. Autant de rappels sanglants que jamais il n’appartiendrait aux autres, à leur monde, à leurs pensées, à leur affection. Alors l’enfant avait appris à attaquer mais pas vraiment à aimer. Et encore moins à accepter l’autre. L’Autre qui n’était là que par instinct, par ambition, par besoin. L’autre qui attendait de lui, toujours.

Protection, connaissance ou adrénaline.

Logan était un outil, habitué à ce qu’on lui demande de résoudre les problèmes, de prendre les décisions, d’encaisser  à la place des autres. Alors il agissait, comme s’il s’agissait là de la seule manière d’être reconnu. Il gérait les crises, endiguait les débordements, cachait les cadavres. Et à chaque fois, il obtenait un retour, si maigre soit-il. Une réciprocité. Une reconnaissance passagère, éphémère. Pendant quelques instants, il existait. Et puis le besoin s’estompait, les autres s’éloignaient, et il demeurait. De manques en manques, l’absence avait fini par devenir cendre, ne plus blesser, sa saveur si amère effacée par les années de rejet. Il n’était pas homme qu’on puisse aimer.

Pas homme qu’on puisse aider.

Peut-être ne faisait-il que répondre à un besoin, un truc partagé dont il se dissimulait lui-même, trop barricadé pour l’accepter. Il les comptait, bien sûr, dans son fort intérieur, ceux qui restaient. Il notait ceux qui n’avaient pas besoin de lui. Celui ? Le seul, sans doute. Il délaissait ses propres besoins, bien trop éloignés de sa conscience pour qu’il puisse les comprendre. Alors seule restait l’amertume. Celle d’être celui qu’on rejette une fois utilisé, comme une machine hors d’usage, une anomalie dans le paysage.

Et elle rejetait, bien sûr.
Mais elle avait encore besoin de lui.
Elle en avait des cadavres à enterrer.

Alors il demeurait.

La soif de puissance asséchée, l’attrait du chaos assoupi, il n’y avait plus que ça, plus que le grondement des vagues qui déferlaient sur le roc qu’il était devenu, refusant de plier, comme un vieil adage venu polir la roche de son âme.

« C’est moi, le putain de mausolée. »

Oui. Car tu es remplie d’amour.

Ce sujet, il le voyait sans le comprendre, le frôlait et le fuyait bien souvent, inapte à savoir, à voir, à accepter. Inapte à trouver les mots, à trouver la clef. Et pourtant, il avait été aimé.

Alors lui aussi n’était qu’un putain de mausolée.
Par sa seule et unique faute.

Alors il se taisait, n’acquiesçait pas, ne rejetait pas, il laissait juste ces mots se faire absorber par la nuit sans savoir véritablement qu’en faire. Si Logan savait, sans doute saurait-il gérer ses propres pertes. Ces deuils qui lui rongeaient l’âme sans qu’il ne les exprime à qui que ce soit. Ces deuils qui ne le poussaient pas sur une plage mais dans une ville bondée à scruter le visage de celle pour qui il n’était plus qu’un inconnu. Ces deuils qui le forçaient à fuir les autres, à leur laisser la possibilité de se reconstruire au loin, sans doute plus par amour que par haine. Lui aussi il en était enseveli sans véritablement savoir s’en extirper.

Sauf que contrairement à Sanae, il les provoquait les uns après les autres, victime illégitime de coups qu’il infligeait sans savoir les retenir. Alors peut-être la poussait-il à agir ainsi. Pour comprendre, pour savoir, pour se reconnaitre. Pour ne pas être seul.

« Es-tu en train de me dire que l’espoir me fera avancer ? Oh, comme l’hypocrisie est grande. Mais cela ne m’étonne pas… Tu sais ce que j’ai dit à Alec la dernière fois… Tous les professeurs sont des hypocrites. Tu n’échappes pas à la règle, Logan. Tu attends de moi que je m’accepte, et toi tu n’essaies même pas. »

Un instant, la brise du soir soufflait entre eux, soulevant quelques mèches sombres qui claquaient contre la joue de la jeune femme.

« C’est vrai. »

Face à ses contradictions, il ne cherchait plus réellement à lutter, jamais véritablement blessé de se confronter lui-même. Ou peut-être que si. A trop se compartimenter, on se noie dans ses contrastes. Alors les mots étaient calmes dans la nuit, bien loin des intonations lugubres dont il était capable.

Et toi tu fuis. Tu me prends comme barricade pour éviter tes propres tourments. Comme si le sujet, c’était moi. Mais ça ne l’a jamais été. Il n’a jamais s’agit que de toi.

« De la compagnie...  Pour quoi faire ? Pour constater avec moi que j’ai tout fait de travers, que je ne peux ni retourner en arrière, ni avancer et que par conséquent je suis coincée ? Je n’ai ni progressé, ni rien appris. »

Il aurait pu répondre, nier, argumenter. Mais il laissait le sel parler.

Il suffirait de peu pourtant, pour la déchirer en deux. Pour l’anéantir, la briser, la réduire au néant. Mais le monstre était cadenassé.

« Kezabel a raison. Je ne suis qu’un mensonge, Logan. »

Il l’observait, reine des cendres, perdue dans ses propres méandres.

Et pourtant, les flammes qui menaçaient, elle les avait bien fait choir dans le sable. Ni un aveu, ni une négation, encore moins un abandon. Ses ongles s’enfonçaient dans sa peau, comme pour la blesser là où plus tôt, elle cherchait dans la douleur la force vive de l’existence.

« Un mensonge n’est rien d’autre que le pendant d’une autre vérité. Celle qu’on n’assume pas. Si nous étions faits que de ce qu’on s’avoue, il n’y aurait que des coquilles vides. Et tu es loin de l’être. »

Derrière eux, la bâtisse aurait pu brûler, elle n’en aurait que reflété la déchéance qui calcinait leurs cellules.

« Je ne te parle pas d’espoir Sanae. Je te parle d’acceptation. » L’espoir n’avait jamais été un grand allié, il l’avait honni il y avait bien des années.

Et le calme, le recul, l’acceptation, c’était lui qui se forçait, à coup de lames dans son âme, à les faire sortir de ses propres méandres. Ceux qu’il avait puisé ici et là, difficilement, auprès de personnes qui semblaient bien plus abouties qu’il était lui-même. Alors la suite, elle aurait pu être prononcée par Ismaelle ou bien Maxence sans doute avec plus de facilité qu’il ne les exprimait, lui, après un long silence. Comme si les mots étaient difficiles, les concepts délicats, la recherche hors de portée.

Parce qu’il enfouissait profondément la jalousie, la haine, la solitude.

Pour l’arracher de ce putain de gouffre, de ce brasier qui menaçait si fort.
Parce qu’il avait vu la chute, qu’il la voyait osciller trop violemment pour lui refuser ça.

Et parce qu’à son tour, il se niait.

« Il a été là pour toi. Il t’a tracé un chemin. Difficile par sa réalisation, mais simple parce que tu n’avais pas de choix à faire. Tu le suivais, à cœur perdu, parce que tu avais confiance en lui. Parce qu’il savait. Il a fait des erreurs, parce qu’il n’était pas infaillible. Maintenant tu dois assumer tes choix. Il n’est plus là pour en porter le poids. Et personne ne pourra te dire qui être ou quoi faire, parce que personne ne détient la réalité de qui tu es. Ça c’est ton job. C’est vrai : il n’est plus derrière toi. Et c’est vrai que ce qu’il t’a laissé fait mal. Mais c’est pas un mausolée. C’est un guide. A toi de voir ce que tu gardes ou pas. »

’Je suis désolé… de n’avoir pas su t’aimer. ‘ disait-il quelques semaines plus tôt.
On apprend. Chutes après chutes, manques après manques.  

« C’est parce que tu es riche des autres que leur absence te fait si mal. Et parce que ce passé est important et bourré d’enseignements, tu sauras faire la part des choses. Mais tu es vive, tu n’as jamais su voir tes propres progrès, trop obnubilée par tes échecs. C’est ta façon de faire depuis toujours. Et pourtant tu apprenais. T’as juste plus personne pour pointer le doigt sur le chemin parcouru. »

Doucement, il se tournait de nouveau, posait le regard sur elle, étrangement doux.

« T’as mal comme t’avais mal à l’époque. C’est juste une douleur d’adulte. A laquelle tu survivras et que tu arriveras à dépasser. »

Comme bien d’autres avant toi.
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M. Logan Rivers
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M. Logan Rivers
Ven 26 Fév 2021 - 23:20
A les regarder, ensemble, sur cette plage, l’on aurait pu pleurer de la tristesse de cet échange. Pas à cause des mots qui étaient dits, mais de ceux qui demeuraient dans le silence des vagues et de la brise. La mer venait à eux et avalait les non-dits pour les entraîner dans les profondeurs. Voilà que se trouvait côte à côte deux âmes aux manques incommensurables. Était-ce plus difficile de gérer le manque de ce qu’on n’avait jamais eu ou de ce qu’on avait eu jadis et qu’on avait perdu ? Et qu’advenait-il d’eux lorsque les deux manques venaient s’entasser, s’empiler comme autant de lames perforant le coeur ? Comment fait-on pour respirer quand on sent ce vide abyssal peser si lourd sur ses poumons, bloquer le thorax, bloquer les mots, les demandes, les appels, les douleurs ? Comment fait-on pour se retenir de plier, de s’écraser, de se tordre lorsque l’intensité de ces manques devenait torture ? On se barricadait derrière la peur, derrière la rage, derrière la rancoeur, la haine, la jalousie de ceux qui n’éprouvaient pas le vide. Et l’appel du vide, là, en contre-bas d’un pont, d’une colline, résonnait comme la seule solution, comme le mécanisme auto-destructeur de tous ces coeurs qui hurlaient un malheur que personne n’entendait. Presque personne…

Ils n’étaient pas préparés, pas prêts à accepter, en toute connaissance de cause, qu’on les entende vraiment. Et cet autre, là, sur cette plage, était la manifestation d’un souhait muet, jamais prononcé, à peine pensé à l’intérieur de soi, chargé d’un espoir désespérant et douloureux, et il était devenu impensable au fil des années de voir exaucer ce vœu viscéral. Alors ils luttaient, tous les deux à leur manière, contre cette chose qui voulait combler un peu de vide, qui cramait l’esprit, qui bouleversait l’âme solitaire. Lui, demeurait barricadé fermement, incapable de donner autre chose que la violence de la rage, que la toxicité d’un coeur déserté, abandonné, emmuré, renié ; il luttait contre la proximité, contre l’intimité, contre cette facilité qu’avait cette autre âme à le voir, à le comprendre.

Et pourtant, il était là.

Et elle… ? Elle...elle savait les dangers d’un tel lien. Elle savait la peur, la souffrance. Elle savait la brutalité engendrée dans l’amertume et l’impuissance. Elle savait l’angoisse, oppressante, désarmante. Et elle savait, surtout, qu’il n’y avait pas d’issue. Ce qui les reliait ne mourrait pas, pas sans emporter quelque chose au passage et leur laisser un morceau calciné dans les profondeurs de l’esprit, du coeur, et du ventre. C’était bien plus qu’un savoir, qu’une connaissance : elle vivait les conséquences d’un tel lien, mort depuis des mois, et il n’y avait rien de plus déchirant. Rien de plus envahissant et vide à la fois. Oui, voilà, c’était cela : l’absence était envahissante. Partout, tout à la fois, même lorsqu’elle se taisait. Elle était rampante, comme une plante, et elle fissurait les murs en grandissant. Alors sans doute que dans sa fuite de tout, elle avait espéré empêcher l’issue, empêcher le lien de se renforcer, arrêter l’affection qui se dessinait envers lui...prévenir, avant qu’il ne soit trop tard, le désastre d’un lien qu’il refusait d’avoir. Elle s’était convaincue qu’il n’y avait que le pouvoir, que la violence, que la curiosité malsaine, l’élan viscéral de leur don. Plus facile. Plus facile de rejeter, plus facile d’amortir l’impact.

Alors, c’était bien le sel de la mer qui parlait.
C’était le sel des larmes qui ne coulaient plus.

Mais il était là. Il demeurait présent.
De la compagnie, disait-il.
Et tout ce qui montait en elle était de l’acidité, le dégoût d’elle-même qui suintait de chaque pore, parce qu’elle échouait, sans cesse, et qu’il était là pour le voir. Parce qu’il lui avait permis de se libérer, qu’ils l’avaient fait ensemble, et qu’elle n’arrivait pas à se défaire de ses propres mensonges. Dans la bile, macérait également cette envie qu’il soit là, ce besoin insupportable de l’avoir près d’elle, pour traverser la tempête avec elle. Parce que c’était ça, au final….la tempête n’était pas terminée. Loin de là.

« Un mensonge n’est rien d’autre que le pendant d’une autre vérité. Celle qu’on n’assume pas. Si nous étions faits que de ce qu’on s’avoue, il n’y aurait que des coquilles vides. Et tu es loin de l’être. »

Si elle ne l’avait pas encore regardé, cette fois-ci, elle détourna complètement la tête de l’autre côté. Ongles plantés dans ses genoux, sourcils froncés, traits tirés. La douleur peignait son visage.  

Loin d’être une coquille vide…
Oui, une coquille pleine de mensonges. Pleine d’erreurs, pleine de questions sans réponses, pleine de manques et de batailles menées toutes à la fois.

« Je ne te parle pas d’espoir Sanae. Je te parle d’acceptation. »

Elle ne voulait pas l’entendre. Ce mot, ce mot qui la dégoûtait à présent. Acceptation. Elle avait cru s’accepter, faire le bon choix. Et plus elle s’était acceptée, plus elle avait heurté les autres. Elle s’était laissée dériver en elle-même, si fort, si rapidement, qu’elle s’était perdue de vue. Pourtant, c’était l’acceptation qu’elle cherchait...sans la distinguer vraiment.

« Il a été là pour toi. Il t’a tracé un chemin. Difficile par sa réalisation, mais simple parce que tu n’avais pas de choix à faire. Tu le suivais, à cœur perdu, parce que tu avais confiance en lui. Parce qu’il savait. Il a fait des erreurs, parce qu’il n’était pas infaillible. Maintenant tu dois assumer tes choix. Il n’est plus là pour en porter le poids. Et personne ne pourra te dire qui être ou quoi faire, parce que personne ne détient la réalité de qui tu es. Ça c’est ton job. C’est vrai : il n’est plus derrière toi. Et c’est vrai que ce qu’il t’a laissé fait mal. Mais c’est pas un mausolée. C’est un guide. A toi de voir ce que tu gardes ou pas. »

Un instant, elle avait fermé les yeux. Et le son des vagues n’arrivaient pas à couvrir le son de sa voix. Cette voix qu’elle peinait presque à reconnaître tant ses inflexions étaient différentes. Elle ne savait pourquoi, mais une seconde, elle entendit en écho ce « Ça va ? » qu’il avait soufflé après le grand fracas de la baie vitrée.

Que fais-tu Logan ?
Combien de mots, combien de phrases viens-tu de lui adresser ?
A quel point pèsent ces efforts que tu fais, en cet instant, pour elle ?

Les mots l’accrochaient, sans lui laisser l’opportunité de fuir, ne serait-ce que dans ses pensées. Ils la ramenaient, la tiraient vers eux, et la bouleversaient. L’image de son père vrillait son esprit, et son coeur menaçait d’exploser. Un instant, elle manqua d’air. Elle manqua d’air pour d’eux. Pour elle-même, dévastée par le manque de cet homme qui l’habitait toujours et qui était pourtant perdu. Pour lui, qui n’avait jamais rien eu de semblable : une pensée qui la percuta en cette seconde plus intensément que jamais.

« C’est parce que tu es riche des autres que leur absence te fait si mal. Et parce que ce passé est important et bourré d’enseignements, tu sauras faire la part des choses. Mais tu es vive, tu n’as jamais su voir tes propres progrès, trop obnubilée par tes échecs. C’est ta façon de faire depuis toujours. Et pourtant tu apprenais. T’as juste plus personne pour pointer le doigt sur le chemin parcouru. »

Il l’avait vue enfant, face à ses tuteurs, face à son père. Incapable d’accepter d’échouer, incapable de prendre le temps. Et il voyait, jour après jour, à travers leurs affrontements, à quel point l’échec faisait peur, à quel point elle enrageait de s’y confronter.

J’ai l’impatience de la réussite. J’ai du mal à l’attendre et l’échec vient bien avant elle.
Il se répète cruellement et rend l’attente plus meurtrière encore.


« T’as mal comme t’avais mal à l’époque. C’est juste une douleur d’adulte. A laquelle tu survivras et que tu arriveras à dépasser. »

Elle sentit très nettement le poids de son regard sur elle, mais ce ne fut pas ce qui la perturba. Ce qui  perturba chaque cellule de son être, c’était la douceur dans sa voix, le calme dont il faisait preuve. Alors, elle ouvrit les paupières, et elle eut l’étrange impression que cette réalité n’existait pas, qu’elle était un rêve où il lui parlait et où elle l’écoutait, au rythme des vagues. Elle se tourna lentement vers lui, sourcils froncés, et l’acier de son regard la percuta avec moins de violence qu’à l’ordinaire. Et peut-être que ce fut le moment précis où elle réalisa véritablement qu’il était là, que ce n’était pas un rêve, qu’elle n’avait pas trop bu. Et qu’au fond, ces prunelles qui perforaient l’âme lui avaient profondément manquée.

« Je suis fatiguée Logan. » souffla-t-elle. « Je me suis construite avec lui, pendant des années. Il est apparu alors que je n’avais plus aucun espoir, plus rien, plus de doute sur le fait que je serai à jamais seule dans mon esprit. Et j’ai suivi ses pas, son rythme, ses idées : de sa façon de parler à sa façon de bouger...j’ai calé toute ma vie sur un homme qui est entré dans mon esprit des centaines de fois sans vraiment me voir. J’ai tout appris avec lui et j’ai scellé mon esprit au sien, et lui au mien. Et en partant, il a tout emporté. Je dois tout reconstruire, tout réapprendre. Mais je dois le faire avec son absence, et cette partie de lui qu’il a laissé collé à moi, en moi, et ...je suis fatiguée. »

Un souffle douloureux passa ses lèvres alors qu’elle se détournait, laissait retomber ses mains autour de ses jambes. La mer venait à eux, et peut être dans son mouvement, leur rendait-elle un petit peu de ce que contenait le silence...

« J’entends ce que tu me dis...J’entends aussi à quel point ça te coûte. » souffla-t-elle. «Tu me regardes et tu vois quelqu’un qui a eu plus de chance que toi...qui a eu quelqu’un, au moins. Quelqu’un qui a pris le temps d’être là. » Elle déglutit, sans le regarder. « Et là, tout de suite, je ne sais pas si c’est mieux. Je ne sais pas si c’est mieux d’avoir eu ce quelqu’un et de l’avoir perdu, que de ne jamais avoir eu personne. Parce que j’ai l’horrible impression d’être redevenue cette enfant de sept ans qui ne savait rien. »

Elle soupira et laissa retomber son dos dans le sable. Elle en avait marre de regarder les flots sombres et mouvants, alors ses yeux se posèrent sur l’étendue noire au-dessus d’eux, parsemée d’étoiles.

« Je ne regrette pas ce changement. Je serai morte, à petit feu, s’il n’était pas survenu. » Si tu n’étais pas survenu... « Je ne sais juste pas quoi en faire. Si personne ne peut me dire qui je suis, et que je ne le sais pas moi-même, je suis censée faire quoi au juste ? … Etre personne, tout court, c’est sans doute plus simple, non ? » murmura-t-elle en tournant son visage vers lui.
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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Sam 27 Fév 2021 - 1:42
« Je suis fatiguée Logan. »

Il existe une maison, face à la mer comme celle-ci. Et devant elle, une baie vitrée parfois brisée. Cette maison laisse par moment passer les courants d’air glacés qui sifflent et aspirent toute vie des lieux autrefois joyeux. Il existe dans cette maison un certain silence à la fois apaisant et tonitruant. Et dans cette maison, un fauteuil. A côté, un verre d’alcool, parfois brisé lui aussi.
Et l’homme qui était dedans ?

Cette fatigue, elle n’était pas neutre, elle s’insinuait partout, coulait dans chaque interstice pour ronger chaque fibre de son propriétaire. Cette fatigue, elle allait plus loin que ce simple mot et bien sûr, Logan entendait tout le vide qu’il y avait derrière. Il y distinguait le tumulte, le sang et la cendre.

Et parce que dans cette maison, durant des jours, il y avait une femme assise au sol, face à ce fauteuil de cuir. Une femme à déblatérer des âneries, brisant par moment le vide pour ensuite laisser le silence reprendre possession des lieux… eh bien il y avait à présent un homme assis dans le sable à ses côtés.

Qui laissait le silence de l’épuisement trouver le chemin du verbe.
Tracer dans les vagues toute la violence de l’absence d’un père.
Poser dans son âme toute la puissance de la privation.

« Je me suis construite avec lui, pendant des années. Il est apparu alors que je n’avais plus aucun espoir, plus rien, plus de doute sur le fait que je serai à jamais seule dans mon esprit. Et j’ai suivi ses pas, son rythme, ses idées : de sa façon de parler à sa façon de bouger...j’ai calé toute ma vie sur un homme qui est entré dans mon esprit des centaines de fois sans vraiment me voir. J’ai tout appris avec lui et j’ai scellé mon esprit au sien, et lui au mien. Et en partant, il a tout emporté. Je dois tout reconstruire, tout réapprendre. Mais je dois le faire avec son absence, et cette partie de lui qu’il a laissé collé à moi, en moi, et ...je suis fatiguée. »

Il laissait les mots s’exprimer, sans y répondre réellement, conscient de la douleur que les siens avaient causé chez elle. Pourtant, elle ne ruait pas, ne frappait pas, ne lâchait pas les chiens enragés de la colère comme il aurait pu s’y attendre. Logan avait percé, droit dans le cœur, droit dans les souvenirs d’un père perdu. Mots justes, durs, lancinants sans doute même. Bien sûr, ils faisaient mal. Bien sûr, l’absence de celui qui vous a toujours montré la voie laisse une sensation de vide qui semble aspirer toute vie, tout espoir en dehors de soi. Il ne serait plus là. Ni pour la guider, ni pour assumer son existence à sa place, ni pour poser un regard éclairé sur son avenir, ses pensées ou son présent. Mais d’autres seraient là.
D’autres bien plus doué que lui du reste.

« J’entends ce que tu me dis...J’entends aussi à quel point ça te coûte. »

Etait-il prêt à ça ? A faire face à quelqu’un qui ne le connaissait pas mais semblait pourtant avoir tant d’informations, tant de sensibilité pour ce qu’il était. Tant de facilité à le percer à jour qu’il ne pouvait que fuir.
Et pourtant il restait. A un moment donné, il ne savait trop quand, elle était devenue celle qui avait un sens. Celle dont la présence valait quelque chose, au moment où plus rien n’en avait. Par réflexe alors, Logan restait placide, ne se détournait pas, comme pour nier l’évidence. Oui, ça lui coûtait, et elle savait parfaitement pourquoi. Puisqu’il avait beau avoir brisé les limites, redéfinie son histoire, il n’en était pas moins un gosse aux fractures bien ordinaires.

«Tu me regardes et tu vois quelqu’un qui a eu plus de chance que toi...qui a eu quelqu’un, au moins. Quelqu’un qui a pris le temps d’être là. »

Elle ne le regardait pas, et s’il ne détournait pas les yeux, Logan ne la voyait plus véritablement le temps d’un instant. Oui. Elle avait eu quelqu’un et pas lui. Quelqu’un qu’il haïssait profondément, avec la rage de l’enfant laissé de côté. Quelqu’un qu’il défendait pourtant aujourd’hui, parce que l’enfant avait grandit et que parfois, l’adulte savait faire la part des choses et défendre celui qui avait fait de son mieux, il le savait, il s’en doutait. Et c’était bien là ce qui était douloureux.
Il se plongeait dans ses souvenirs et voyait ce qu’elle avait été. Mais il voyait aussi ce qu’elle aurait pu devenir, qui elle aurait pu être. Et parmi tous ces chemins, il n’y en avait pas tant de plus avantageux que celui qu’elle avait emprunté grâce à lui. Bien sûr, il avait fait des erreurs. Qui n’en fait pas ? Mais il n’avait pas abandonné, il avait été là pour son enfant, celle qui ne partageait même pas la moitié de son sang.

Et oui, à travers ces chemins jamais foulés, il voyait le sien. Solitaire.
Parmi ces chemins, il voyait celui où lui n’avait cessé de s’écorcher les genoux à force d’y tomber sans avoir jamais personne pour l’en relever.

« Et là, tout de suite, je ne sais pas si c’est mieux. Je ne sais pas si c’est mieux d’avoir eu ce quelqu’un et de l’avoir perdu, que de ne jamais avoir eu personne. Parce que j’ai l’horrible impression d’être redevenue cette enfant de sept ans qui ne savait rien. »

Il hochait la tête en silence, sans savoir véritablement quoi dire. La vérité, c’était que d’autres auraient su. Ceux pour qui ce deuil avait un sens.
La vérité, c’était que pulsait dans ses veines la violence de la frustration, de la colère et du manque. Mais toute cette rage qui aurait pu exploser en d’autres temps, il la muselait, la faisait taire, l’ensevelissait. Parce que ce serait donner des armes à l’autre, en premier lieu. Et parce que ce serait se servir des siennes que de réagir en cet instant. Et que pour l’heure, en un geste, il pouvait la faire basculer.
Ce qu’il ne ferait pas.  

Alors Logan laissait mourir ces maux autant qu’il laissait s’ensevelir la haine là où la nuit seule sait tout engloutir.
Non, il ne savait pas. L’enfant de sept ans en lui ne s’était pas senti longtemps déboussolé. Il avait tellement combattu les autres qu’il ne se souvenait pas réellement de la sensation que cela fait d’être celui qui ne sait rien, qui ne voit pas où il va, qui ne sait pas comment faire. Car même enfant, il savait. Appris trop vite, trop tôt, pour ne pas tomber plus fort que tout autre. Mais elle… elle il savait. Cette sensation qu’elle décrivait, il la comprenait parce qu’il l’avait sentie en elle et en d’autres. Elle était là, à tracer son chemin un temps avant de s’estomper sans qu’il n’arrive réellement à s’en saisir. Oui, Logan voyait, mais ne savait quoi dire. Il vaut dès lors mieux se taire.

Même lui savait passer les chaînes de la bienséance lorsqu’elles étaient nécessaires.

Sauf que Logan…
Ça s’appelle de la bienveillance.

« Je ne regrette pas ce changement. Je serai morte, à petit feu, s’il n’était pas survenu. »

Si je n’étais pas survenu...

Un instant, son regard se détournait, retrouvait le point où la mer confine avec l’horizon. Un instant, il fuyait à son tour, percé droit dans l’âme. Il ne répondrait rien, ne dirait rien, ne sourcillerait pas, ne bougerait pas. Mais il entendait. Et le long de sa colonne vertébrale, jusqu’au centre de ses os, quelque chose venait de crisser, de grincer, de menacer d’ouvrir les fêlures.
Elle trouvait le moyen de le protéger là où il attendait les coups et l’acide. Là où il s’attendait à ce qu’elle déferle, percute les blessures, elle n’en faisait rien, y coulait le miel, laissait faire le temps.

Posait quelques mots sur les maux. Sur la culpabilité.

« Je ne sais juste pas quoi en faire. Si personne ne peut me dire qui je suis, et que je ne le sais pas moi-même, je suis censée faire quoi au juste ? … Etre personne, tout court, c’est sans doute plus simple, non ? »murmura-t-elle en tournant son visage vers lui.

Un sourire, amusé, se traçait doucement sur ses lèvres alors qu’il soufflait dans les ombres de la nuit. Rien d’agressif, de piquant, de malsain cette fois. Juste un souffle calme, doucement amusé par ces mots.

« C’est pas mon surnom ça ? »

Ce nom était tracé régulièrement au travers de ses souvenirs, comme une symphonie qui revenait en boucle régulièrement. Une blague que seuls quelques uns comprenaient.

Une blague terriblement douloureuse pourtant.

Je ne suis personne. Un bâtard n’est jamais personne. Et c’était justement parce qu’il avait réussi à s’élever si violemment au dessus de cette condition qu’il y avait là un humour qui ne lui échappait pas.

« Ce n’est pas parce qu’une chose n’est pas nommée qu’elle n’existe pas. Elle en est même d’autant plus puissante. » Un instant de silence. « Tu ne peux pas être personne, Sanae. Car tu es déjà trop pour trop de monde. Ils ne comprennent pas. » C’est vrai. « Mais ils n’ont pas besoin de ça. » Pour t’aimer. « Et toi tu n’as pas besoin de ça pour être quelqu’un »
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M. Logan Rivers
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Lun 1 Mar 2021 - 15:37
« On ne guérit jamais de ce qui nous manque, on s’adapte, on se raconte d’autres vérités.
On vit avec nous-mêmes, avec la nostalgie de la vie. »
Margaret Mazzantini




Dans les manques profonds de l’âme, le désespoir s’insinuait et la douleur encrassait tout, nécrosait les rouages, infiltrait chaque moment, chaque souffle d’espoir, et tout crevait comme des feuilles mortes laissées à l’abandon. On crevait autant de ce qui était perdu que de ce qui n’avait jamais été là, jamais vécu, jamais éprouvé, jamais possédé. On se traînait dans la vie avec une âme déjà rouillée, un organisme empoisonné et on faisait semblant, parfois mal et parfois bien, de vivre comme les autres attendaient de nous voir vivre. Les attentes pesaient aussi lourdement que les absences, et à chaque pas fait de travers, à chaque rejet, à chaque abandon, la crasse s’épaississait, engluait tout, donnait raison au désespoir. Il arrivait un moment où l’on devait faire une croix sur l’espérance ; et l’amertume prenait le relais, faisait grandir la haine et la douleur. C’était un engrenage sans fin, sans issue. Et pourtant, parfois, alors qu’on ne s’y attendait pas, il y avait quelqu’un qui reconnaissait les manques et les douleurs dans les silences. Quelqu’un qui voyait que le ton était faux et que le sourire n’atteignait pas les yeux. Quelqu’un qui comprenait et qui, sans en avoir l’air, tenait la main invisible de l’âme...ne serait-ce qu’un moment, quelques secondes, à sentir que si la solitude était là, elle était vécue à deux.

Se tenir compagnie, même dans les ombres, même dans la déchéance, même dans la douleur.
C’était ce qu’elle avait tenté de faire pour lui, jour après jour, semaine après semaine, sans rien recevoir que du silence. Et ce silence, elle l’avait habité autant que possible, à sa manière, s’y glissant pendant quelques heures de son temps, malgré la fatigue et la frustration. Elle l’avait fait parce qu’on lui avait demandé, parce que c’était son travail, et que cet homme, dans ce fauteuil, immobile et absent, était pourtant bien là. Le corps meurtri et l’oeil vague, perdu au loin, en lui. Elle lui avait parlé comme on se parle à soi-même, sans attendre de réponse. Et au fil du temps, elle ne l’avait plus vraiment fait par acquis de conscience, parce qu’elle en était chargée, mais parce qu’elle avait envie de l’aider, envie de le voir se mouvoir à nouveau ; tout comme la promesse faite envers lui pour entraîner Alec s’était muée en autre chose, avait pris de l’importance, s’était imbibée d’une affection muette. Elle s’était offerte, elle et son esprit, comme pour lui donner refuge, montrer patte blanche, se faire accepter peu à peu dans cet espace où il ne disait rien, respirait sans exister...où il ne semblait pas vouloir exister.

Alors, oui, peut-être que ce soir, sur ce coin de plage, au bord d’une étendue noire, il venait à elle comme elle était venue à lui, pour lui tenir compagnie, attendant de la voir prendre la décision d’exister à nouveau. Comme les rôles s’inversaient parfois étrangement… Et peut-être y avait-il de la reconnaissance là-dedans, un juste retour des choses. Elle voyait dans sa façon de parler, dans sa façon d’encaisser la rage, la frustration, le rejet, qu’il enfermait ses démons, mettait de côté la douleur, la jalousie peut-être aussi, et qui la frappait soudainement en l’écoutant. La douleur de celui qui n’avait rien eu se taisait face à celle qui avait eu et tout perdu. Et il n’y avait pas un manque plus important que l’autre, parce qu’en voyant le sien elle entendait les non-dits, voyait les chiens enchaînés plus nettement que jamais alors qu’il tendait une main vers elle. Une main tremblante. Pas habitué à faire ce geste. Pas habitué à cette proximité, à cette bienveillance. Pas habitué à ce lien. Pas habitué aux émotions qu’il suscitait. Mais il taisait le rejet, autant qu’il le pouvait, et elle n’avait pas besoin d’étendre son esprit pour le comprendre...parce que dans l’obscurité de la nuit, elle le voyait aussi clair que le jour.

Personne pour le guider, lui. Personne pour l’aimer, enfant. Personne pour lui apprendre, pour le prendre par la main, pour le voir véritablement.
Moi je ne vaux rien. Je ne suis qu’un bâtard, rappelle-toi.

Oui, je me rappelle. Je me rappelle de chaque mot, de chaque regard, de chaque geste, de chaque intrusion, de chaque souvenir partagé dans l’affrontement, marqués au fer rouge dans mon esprit. Je me rappelle l’homme silencieux dans son fauteuil, à l’abandon, comme de l’homme qui se réveillait soudain. Je me rappelle l’instant où tu as déposé ma tête sur l’oreiller pour que je puisse me reposer. Je me rappelle le soulagement et la peur engloutie. Je me rappelle la férocité de la bataille, l’ardeur de la vie. Et je me rappelle de l’étincelle vorace au fond des prunelles claires.

Ne l’ai-je plus, la mienne, au fond des yeux ?
L’ai-je laissée mourir, en voulant tout oublier?


S’était-elle perdue en voulant se trouver ?
Et lui, s’était-il perdu sans avoir le temps d’exister ?

C’était étrange, cette façon qu’avait sa douleur de s’apaiser, ne serait-ce qu’un peu, dès lors qu’une autre entrait en jeu. Etrange comme son âme s’apaisait au contact d’une autre. Etrange comme lorsqu’elle l’écoutait, elle oubliait un instant la viscosité de son désespoir. Elle avait voulu être seule, s’éloigner, tout laisser de côté, et il suffisait d’un autre pour faire résonner quelque chose en elle. C’était ça, le pouvoir qu’il avait sur elle. Et ce pouvoir, ce soir, il ne l’utilisait pas pour la faire couler, pour la briser, pour l’attacher au fin fond du gouffre qu’elle s’était creusée...il la ramenait, doucement mais sûrement, vers quelque chose d’autre, vers la réalité. Et dans ce même mouvement, il l’attachait à lui, sans même le vouloir, sans même le voir.

Alors, pour rétablir l’équilibre des efforts qui le malmenaient, elle se tournait vers lui et le regardait, le regardait vraiment, pour couler un peu de chaleur dans les fissures glacées de la sa forteresse. Dans son regard, elle avait vu la résistance muette, celle-là même qui avait été la sienne, à elle, face à son père. Et elle s’était détournée, comme par pudeur, parce qu’elle savait, comprenait, que les mots qu’elle disait troublait quelque chose en lui de profondément caché. S’il voulait le cacher, alors elle ne regarderait pas.

Elle allongea son dos dans le sable, parlant autant à lui qu’à la nuit, à la mer, au ciel et à la brise. Elle parlait, consciente que les mots s’envoleraient peut-être, se laisseraient aller dans le néant, parce qu’il n’y répondrait pas, qu’il avait le droit de ne pas le faire. Il ne pouvait pas le faire, en vérité, et elle le savait. Mais ce n’était pas parce qu’on n’attendait pas de réponse qu’on ne devait pas les dire, ces choses. Et ce n’était pas parce qu’il n’aurait pas de solution qu’elle ne devait pas poser les questions, celles qui la hantaient, celles qui la tiraillaient.

Pouvait-elle n’être personne et demeurer là ?
Pouvait-elle s’oublier et se reposer après son naufrage ?

Et à sa question, un souffle amusé de sa part.

« C’est pas mon surnom ça ? »

Mains sur son ventre, le regard vers le ciel, Sanae sourit. Un brin de tristesse venait pimenter ses lèvres. Oui, c’était son surnom. Celui inscrit dans son téléphone, celui qu’elle utilisait dans un humour piquant. Personne. Peut-être y avait-il autant de dérision que de reproche dans ce surnom, elle pouvait bien l’avouer. Et peut-être aussi était-ce une façon de se moquer de ce titre...parce qu’il était loin d’être Personne, pour elle.

Je ne veux voir Personne.
Je veux te voir, toi.


« C’est vrai… » soupira-t-elle. « Un petit mensonge de plus, ce surnom. » ajouta-t-elle à voix basse. Un gros mensonge, plutôt, contenu dans un seul mot.

Tu n’es pas personne, Logan.

Mais moi, j’aimerais l’être.


« Ce n’est pas parce qu’une chose n’est pas nommée qu’elle n’existe pas. Elle en est même d’autant plus puissante. » Ses prunelles accrochaient le ciel sombre, de même qu’il lui semblait que son corps s’enracinait dans le sable sous elle. Une seconde, son regard retomba de l’étendue étoilée jusqu’à lui, se posant sur sa silhouette avant de s’en détourner. Heureusement qu’ils ne se regardaient pas...Elle déglutit et quelque chose en elle fut soulagée sans qu’elle ne cherche à l’expliquer.

Non, ce n’était pas parce qu’une chose n’avait pas de nom qu’elle n’existait pas, qu’elle n’était pas là, qu’elle n’était pas importante. Peut-être les choses les plus importantes avaient-elles ce point commun : elles ne se disaient pas, n’avaient ni titre, ni nom.

« Tu ne peux pas être personne, Sanae. Car tu es déjà trop pour trop de monde. Ils ne comprennent pas. Mais ils n’ont pas besoin de ça. Et toi tu n’as pas besoin de ça pour être quelqu’un. »

Si seulement tu pouvais te parler à toi-même, pour te convaincre…

Il y a des instants suspendus où la bouche s’ouvre pour parler mais ne trouve pas les mots.
Non, elle ne trouvait pas les mots.
Elle les trouvait d’autant moins que tout ça venait de lui.

Et au fond de sa poche, son téléphone pesait une tonne. De l’autre côté de cette ligne, se trouvaient tous les gens qu’elle aimait et qu’elle avait laissé. Et dans la brise qui emportait ces paroles, les faisant virevolter autour d’eux, elle entendait les fracas d’une dispute, l’impact d’une gifle et la voix de son père.

«C’est lui qui m’a donné une identité. Et j’ai l’impression qu’il la prise avec lui. » Un souffle douloureux trouva ses lèvres tremblantes. « Plus je me cherche, plus j’ai l’impression de m’éloigner d’eux tous…Tu as raison : je suis trop pour tout le monde. Juste trop.» Trop à gérer. Trop à encaisser. Un instant de silence, l’aveu faisait mal avant même d’être énoncé. « J’ai vu dans les yeux de ma sœur qu’elle ne me reconnaissait plus, et qui peut l’en blâmer ? J’ai fait quelque chose que je n’aurai jamais imaginé faire. Juste parce que...ça faisait du bien sur l’instant, ça faisait du bien de lâcher, de laisser la colère tout emporter. »

Et à présent, elle ne se reconnaissait plus non plus.

« Je suis passée d’un extrême à l’autre et je sais que je dois trouver un juste milieu...mais j’ai peur de retourner à ce que j’étais. Tu vois...je suis bloquée. » L’agacement envers elle-même durcissait le ton de ses mots. Elle se redressa dans le sable, agrippa la bouteille qui était entre eux et la prit entre ses cuisses, l’ouvrit d’un geste frustré, avant de la porter à ses lèvres.

« J’avance à tâtons en moi-même. Envahie par la nuit du doute, j’hésite. Et si j’allais me perdre ? Peut-on dire à l’esprit d’aller plus à droite, plus à gauche ?
Mais déjà : y a-t-il une direction en soi ? »
Ingrid Astier, Petit éloge de la nuit.


Elle lui tendit la bouteille, son regard se posant sur lui.

« Tes paroles sont aussi éloquentes que tes silences, tu sais. » souffla-t-elle, amusée.

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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Mar 9 Mar 2021 - 23:50
Assoupir la douleur, délaisser l’amertume, se mettre de côté, soi et ses manques, ses oublis, ses erreurs et ses craintes. Accepter de laisser l’autre prendre toute la place alors même qu’on n’en a jamais réellement eu soi-même. Alors même qu’il a fallu nous battre pour obtenir une reconnaissance, que chaque semblant de place qu’il a pu obtenir ne semble être qu’une imposture.
Logan avait souvent l’impression d’avoir forcé bien des choses. Forcé pour sa place, professionnelle, personnelle, amicale peut être. Il en avait forcé des barrières pour devenir quelqu’un, incapable de rester dans l’ombre, de disparaitre, de se faire bouffer par les autres. Rester en avant, c’était une façon de survivre. Refuser de prendre part au conflit, de se positionner, c’était une manière de garder le choix. Non pas celui de se battre ou non, mais celui d’être. Parce  qu’après tout, il avait tant passé de temps à combattre contre ce qu’il n’était pas qu’il ne savait pas réellement ce qu’il était. Alors la bienveillance, ça n’était pas son fort. Se mettre de côté, accepter de taire ses propres sentiments, tout acides qu’ils soient, c’était se nier. Or il avait beau insuffler le vent de la rébellion chez Sanae, il n’était pas en reste, toujours coincé entre deux sentiments, deux besoins. Il s’adaptait, voilà tout. Pour survivre. Mais vivre lui restait inconnu. Dès lors, comment une telle personne pourrait lui apporter les réponses dont elle avait désespérément besoin ? Peut-être s’était-il mis dans cette situation, dans une posture de sachant qu’il ne maîtrisait pourtant pas. Non, Logan n’avait pas les réponses. Lui aussi prenait les décisions sans réellement savoir de quoi le lendemain serrait fait. Sans savoir s’il faisait les bons choix. Depuis très jeune, il avait décidé de les assumer, quoi qu’il en coûte. De ne pas regretter, de ne jamais faiblir. Etait-ce ce qui était arrivé ? Etait-ce si simple ? Sans doute pas, mais il avançait. Parfois, il en entraînait d’autres avec lui, tantôt dans la chute, tantôt dans… autre chose. En posant son regard sur elle ce soir-là, la question ne cessait de cogner en lui. Dans quoi l’entraînait-il ? Jusqu’où ? Etait-ce une bonne chose ? Une partie des questions qu’il n’évoquerait jamais trouvaient des réponses dans les mots qu’elle lui adressait. Des mots simples pourtant, emprunts d’une capacité d’écoute dont il n’était lui-même pas capable. D’une aptitude à entendre malgré le chaos intérieur. Elle était là, la raison pour laquelle elle avancerait, saurait trouver l’équilibre, quand lui resterait dans les abysses. Là, la raison qui prouvait ses aptitudes humaines, sa capacité à se stabiliser, à retrouver le chemin vers les autres. Il y avait quelque chose d’ironique à noter que cette voie se traçait vers lui quand lui-même agissait au mieux pour en faire de même, soulagé et gêné qu’elle note ses fuites, cessant de lui imposer son regard.

Sanae s’allongeait, écoutait, se taisait. Son regard avait cessé de peser sur lui et lui-même avait fini par le poser au loin, comme pour limiter l’impact de ce qu’il pouvait dire. Peut-être tant sur lui que sur elle d’ailleurs. Mal à l’aise avec sa propre humanité, oui. Il se mettait en danger à l’heure actuelle et elle en avait parfaitement conscience. Pire, il notait les gestes qu’elle faisait pour lui faciliter la tâche, comme s’il était celui qui le méritait ou qui en avait besoin. Comme si c’était là la tâche qui lui incombait. Il s’effaçait, et pourtant, elle lui redonnait une place. Et cette simple idée le mettait mal à l’aise, inapte à se situer dans l’espace qu’elle lui offrait.

Alors ses mots avaient fini par se tarir, attendant les siens, ceux qui mettaient du temps à venir, bouleversée par une absence qu’il avait lui-même du mal à saisir tout à fait. Bien sûr, la douleur, il la comprenait, intrinsèquement, parce qu’elle l’avait baignée alors qu’il infiltrait ses souvenirs. Pourtant, oui, elle lui échappait. Mais celle qui filtrait de chaque mot, chaque souffle, chaque trait tiré, il l’entendait pourtant.

«C’est lui qui m’a donné une identité. Et j’ai l’impression qu’il la prise avec lui. » Il y a sans doute une part de vrai. « Plus je me cherche, plus j’ai l’impression de m’éloigner d’eux tous…Tu as raison : je suis trop pour tout le monde. Juste trop.» Trop à gérer, oui. « J’ai vu dans les yeux de ma sœur qu’elle ne me reconnaissait plus, et qui peut l’en blâmer ? J’ai fait quelque chose que je n’aurai jamais imaginé faire. Juste parce que...ça faisait du bien sur l’instant, ça faisait du bien de lâcher, de laisser la colère tout emporter. »

Oui, ça fait du bien. C’est libérateur, surtout après tout ce temps sous chape. Pouvait-on vraiment lui en vouloir ? Mais pouvait-elle seulement comprendre ce que c’est de se renier sans cesse, de taire une partie de soi, d’oublier qui l’on est, intrinsèquement. Kezabel n’avait jamais connu que la surface. On n’avait appris à Sanae qu’à se taire. Qu’à masquer sa véritable nature, si intenable, si angoissante pour les autres. Et elle, elle se prenait l’inconnue d’un côté, et le poids des mensonges et de la culpabilité de l’autre.

« Je suis passée d’un extrême à l’autre et je sais que je dois trouver un juste milieu...mais j’ai peur de retourner à ce que j’étais. Tu vois...je suis bloquée. »

L’ombre d’un sourire, rien de plus, à la lueur de la lune dont il observait le reflet sur les vagues tandis que Sanae se redressait brusquement, les gestes aussi secs que ses mots. La bouteille, elle l’agrippait, la débouchait, en prenait quelques gorgées avant qu’il ne distingue un mouvement vers lui. Elle la lui tendait.

C’est drôle, ce qui passe par le non dit. Une bouteille devient une arme, une barrière puis un échange. Une entrée. Un merci.

« Tes paroles sont aussi éloquentes que tes silences, tu sais. »

Cette fois, c’était avec un vrai sourire qu’il réagissait, un souffle amusé fendant les ombres.

« Profite ! »

Pas besoin de préciser que ça n’arrivait pas si souvent que ça : personne n’en doutait.

En silence quelques instant, il portait le goulot à ses lèvres, en prenait quelques gorgées à son tour avant de la lui rendre.

« T’es pas bloquée. T’es juste à la croisée des chemins et on a toujours fait les choix pour toi. Donc tu te figes face à l’étendue des possibilités. »

Tu deviens adulte. L’acceptation de soi, la construction de son identité, le refus du père puis sa recherche. La rébellion.  L’inquiétude face aux choix et ce qu’ils représentent, face à la mise en avant du nouveau soi. L’obligation d’assumer des décisions sans en reporter la faute ou la réussite sur l’autre.

« Tu dis avoir peur de redevenir celle d’avant, mais en même temps la crainte même qu’on te voit comme celle d’aujourd’hui te tiraille, ce qui prouve qu’il n’y a pas de retour complet en arrière possible. Et tu évites de l’énoncer. » Pour éviter d’autres rejets. Le mien ? « Tu as raison, tu dois trouver l’équilibre. Et elle… s’en veut probablement de ne pas avoir vu que celle que tu étais ne te correspondait pas, ce qui ne facilite pas les choses. Les deux extrêmes ne te sont pas viables. Alors il va simplement falloir trouver où situer le curseur. »

Un instant, il plantait ses iris clairs, si clairs, tranchant si violemment avec le reste de ses traits, évoquant sa catin de mère bien autant que ceux-ci tranchaient au sein de sa famille.  

« ça fait un mois et demi. Ça ne fait qu’un mois et demi. Tu n’as jamais été très douée pour la patience. »

Ce n’était pas un jugement de valeur, seulement un fait.
« Tu n’es pas bloquée. Tu te crois bloquée, nuance. Tu fais des pas vers l’une puis vers l’autre, ça sera plus précis au fil des jours jusqu’à ce que tu trouves ce qui te convient, c’est tout. Les autres t’accepteront. Et tu t’accepteras. Lequel des deux clans sera le plus rapide, j’en sais rien. Mais les deux se feront. » Une vague plus puissante que les autres attirait son attention et il ajoutait, comme absorbé par les mouvements des volutes blanches sur le sable : « L’essentiel de ceux qui comptent le feront du moins. Elle le fera. »

Certaines choses demandent le temps d’être digérées, d’un côté comme de l’autre, voilà tout.
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M. Logan Rivers
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M. Logan Rivers
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M. Logan Rivers
Dim 14 Mar 2021 - 23:11
Il suffisait parfois d’un bout de plage, à la bordure des vagues paisibles, pour qu’une âme soit rejointe par autre chose que l’obscure présence d’un fantôme et qu’au-dessus du néant n’apparaissent quelques étoiles. Oui, il fallait parfois peu pour lier ensemble deux solitudes, deux errants aux coeurs meurtris et qui, l’espace d’un instant, trouvaient en l’autre une main tendue. Ils ne se touchaient pourtant pas, dans la pudeur d’un lien nouveau, et les mots, les regards, les voix contentaient quelque chose d’invisible, apaisaient l’inavouable. Les questions débordaient alors que les lèvres tentaient d’exprimer l’ampleur de la perdition, la douleur de l’échec, les manques inconsolables. Rien n’aurait pu combler ces derniers, et sans doute se refusaient-ils tous deux à y croire : le sillon déjà creusé voulait s’abreuver d’eau mais des mains tremblantes l’empêchaient, détournaient le tuyau. Il fallait trop de courage, trop d’espoir, peut-être, pour accepter que l’eau claire ne vienne s’écouler sur ce qui brûlait trop, asséché déjà par l’amertume, et les cloques qui s’étendaient ne trouvaient nul repos.

Ou peut-être si...un peu...juste dans l’échange simple et pourtant si fort, des deux âmes qui se parlaient sans trop faire peser le regard. Ils se voyaient bien assez dans les mots.

Elle avait attrapé la bouteille comme on s’agrippe à l’espoir du réconfort et elle y porta sa bouche avant de lui tendre le goulot : un simple geste porteur de tant de choses. Comme toujours, sans doute, entre eux...un minuscule détail voulait dire bien trop. Et dans un amusement sincère, elle souligna l’éloquence de ses silences autant que des paroles qui trouvaient le chemin boueux de ses lèvres. Un cadeau, voilà ce qu’il lui donnait peut-être. Un geste. Un rendu dans l’inversement de leurs rôles. Souligner l’effort, c’était souligner la préciosité d’un tel moment, et c’était un merci caché dans les courbes des syllabes qui demeurait, planant, dans la brise du soir.

Un sourire fendit le visage du sorcier et elle le vit passer comme une étoile filante, rare dans la noirceur des ombres balayant ses traits.

« Profite ! »

Elle eut le même souffle amusé que lui et détourna le regard, pinçant les lèvres, tandis qu’il buvait à son tour le même poison qui ne faisait plus vraiment d’effet.

Oh, mais elle en profitait. Parce que ce moment ne se répéterait peut-être jamais, et la tristesse se glisserait dans les traces de ses pas… Pourtant, ce ne fut pas le silence qui retomba entre eux. Elle avait planté ses prunelles dans l’horizon noir de ses pensées quand il l’en tira à nouveau.

« T’es pas bloquée. T’es juste à la croisée des chemins et on a toujours fait les choix pour toi. Donc tu te figes face à l’étendue des possibilités. » L’un des pendants du problème se trouvait là, dans cette vérité atroce : elle s’était toujours calée sur quelqu’un pour correspondre à ce qu’on attendait d’elle, et voilà que déboussolée par l’absence, elle avait cherché à satisfaire d’autres visages, d’autres attentes, cherchant un ancrage pour trouver une direction…mais rien ne collait, tout faisait mal, parce qu’elle s’était éveillée et qu’elle savait, désormais, que la bonne direction était celle qui lui correspondrait, à elle, et non aux autres. Se satisfaire soi-même, être son propre ancrage, trouver en soi les réponses à ses propres questions...voilà un défi qu’elle ne se sentait pas prête à relever. Et pourtant, tout l’y guidait, tout lui hurlait de le faire.

« Tu dis avoir peur de redevenir celle d’avant, mais en même temps la crainte même qu’on te voit comme celle d’aujourd’hui te tiraille, ce qui prouve qu’il n’y a pas de retour complet en arrière possible. Et tu évites de l’énoncer. » Sa mâchoire se crispa, et un souffle fut bloqué quelques secondes dans la tension soudaine. Elle déglutit silencieusement, fixant au loin. « Tu as raison, tu dois trouver l’équilibre. Et elle… s’en veut probablement de ne pas avoir vu que celle que tu étais ne te correspondait pas, ce qui ne facilite pas les choses. Les deux extrêmes ne te sont pas viables. Alors il va simplement falloir trouver où situer le curseur. »

Et s’ils partaient au moment où elle se trouvait enfin ?
Et si celle qu’elle serait ne leur convenait pas ?
Et si le prix à payer pour être soi était la solitude dans l’abandon atroce ?
Bien sûr que l’ombre du rejet lui faisait peur, alors elle taisait les craintes enfouies de voir partir ceux qui l’aimaient dans un extrême, puis dans l’autre, comme une seule face d’une pièce de monnaie. Cela faisait un moment que la pièce oscillait sans retomber d’un côté ou de l’autre, et elle avait le tournis, la nausée. Tout était éreintant. Quand est-ce que la pièce finirait par se fixer ? A moins qu’elle ne soit destinée à osciller à jamais ?

Elle le sentit se tourner vers elle alors elle fit de même et son regard perçant et clair l’accrocha sans effort.

« Ça fait un mois et demi. Ça ne fait qu’un mois et demi. Tu n’as jamais été très douée pour la patience. » Elle l’observa, muette, réalisant soudain ce qu’il disait. Un mois et demi. Ça ne faisait qu’un mois et demi. Dans cette vérité brutale, son coeur s’écrasait au fond de son ventre et ils se détournaient tous deux. « Un mois et demi... » répéta-t-elle dans un souffle, comme s’il fallait l’énoncer elle-même pour mieux le comprendre. Tout s’était enchaîné si vite, si violemment. Le temps ne passait pas dans son esprit, il défilait à grands pas sans lui laisser le temps de distinguer autre chose que des formes vagues. Un élastique qui se tendait, se tendait, se tendait et se figeait parfois avant de se tendre à nouveau...jusqu’à se propulser plus avant et chuter. Non, elle n’avait jamais été patiente, on le lui avait toujours dit, toujours reproché. Son père avait tenté de lui apprendre et c’était en enfouissant son impatience qu’elle avait réussi à avancer ; mais elle n’avait jamais appris à véritablement la contrôler. Cette impatience, c’était la peur...la peur viscérale de tout, de ne pas être la hauteur, de ne pas réussir, de ne pas comprendre assez vite. Elle voulait faire fuir l’angoisse de l’attente insupportable des résolutions ; comme si, en commençant un livre, elle feuilletait déjà la fin. On ne commençait pas un livre par sa conclusion ; ni un voyage par son terminus. L’important, c’était le périple, les chapitres qui défilaient, les hauts et les bas, les retournements comme les passages lisses et fluides. Mais ça, elle n’arrivait pas encore à le comprendre. Sans doute passer d’un extrême à l’autre était la solution facile pour elle, plus rapide : ce côté-là ne convient pas ? Alors, je vais à l’opposé, c’est tout droit. Sauf que l’histoire n’était pas aussi simple : c’était dans l’entre-deux, sûrement, qu’elle devait se trouver, dans un équilibre précaire, peut-être, mais dans une démarche assumée d’être l’imperfection totale et humaine.

Des vagues plus fortes, s’engloutissant elles-mêmes, venaient jusqu’à eux et leur fracas résonnait dans le sien.

« Tu n’es pas bloquée. Tu te crois bloquée, nuance. Tu fais des pas vers l’une puis vers l’autre, ça sera plus précis au fil des jours jusqu’à ce que tu trouves ce qui te convient, c’est tout. Les autres t’accepteront. Et tu t’accepteras. Lequel des deux clans sera le plus rapide, j’en sais rien. Mais les deux se feront. » S’acceptera-t-elle ? L’accepteront-ils ? Il semblait en être persuadé, mais elle doutait, doutait si fort que tout en elle se trouvait paralysé. Et si Kezabel ne lui pardonnait jamais ? Et si cette gifle ne s’effaçait pas ? Et les erreurs qu’elle avait faites et qu’elle ferait encore finissaient par lui enlever tous ceux qui comptaient ? Son esprit n’arrivait pas à se détourner des échecs, enrayé dans une spirale éternelle. « L’essentiel de ceux qui comptent le feront du moins. Elle le fera. »

Elle se tourna vers lui à nouveau, sourcils froncés, les traits tirés dans une réflexion douloureuse.
L’essentiel de ceux qui comptent….Donc pas tous. Ils ne resteraient pas tous. Il la rassurait sans lui cacher la vérité, sans enrober. C’était ça, l’honnêteté bienveillante. La vérité faisait mal mais elle préparait...si tant est qu’on pouvait être préparé à tout ça.

Car si Kezabel ne lui pardonnait jamais, si elle n’acceptait pas qui elle était...tout s’écroulerait. Et si les autres partaient...alors il ne resterait plus rien. Plus rien pour se raccrocher. Plus rien pour respirer un peu mieux. Personne ne viendrait la tirer des ombres. Plus rien que le néant et elle-même et ses erreurs et ses échecs et ses faiblesses…

Ses prunelles le recouvraient comme pour imprimer sa silhouette dans ses rétines.
Et toi... ? Et toi ? Feras-tu partie de ceux qui resteront ?

« A l’instant où je m’assumerai, ils s’en iront. »
souffla-t-elle. « Je ne serai plus celle qu’ils voulaient que je sois… Ils ne se retrouveront plus en moi, ils n’auront plus ce qu’ils désiraient chez moi...alors, plus rien ne les retiendra. »

Seras-tu celui-là ?
Celui qui part quand le chaos sommeillera, ou s’éteindra complètement?




Et eux, tous...seront-ils des absents ou des présents ? Que se passait-il quand on ne reconnaissait plus une personne qu’on aimait, qu’on respectait, qu’on appréciait ? Quelle force fallait-il...quel degré d’attachement...pour accepter l’évolution des autres ? Les chemins, souvent, se séparaient quand les différences s’accroissaient.

Plus je suis moi-même, plus je suis seule ou entourée ?

Sans doute était-ce la seule question qui lui importait.


Et au fond de sa poche, vibrait le son de ces autres qui revenaient à la charge. Le son du réel. Le son de tout ce qu’elle avait laissé derrière. Elle ferma un instant les paupières, serra les lèvres si fort qu’elles devinrent blanchâtres et sa main glissa dans sa veste, extrayant le téléphone en soupirant.

« Et voilà qu’ils persistent pourtant... » chuchota-t-elle, davantage pour elle-même que pour lui.

Elle ne s’était pas préparée, non, pour la déferlante qui lui crispa le coeur en voyant le prénom s’afficher sur l’écran. Le téléphone éclairait son visage défait, ses pupilles dilatées, épuisées, et son doigt vint appuyer sur le bouton qui la replongea dans la pénombre. Le téléphone cessa de vibrer mais l’appel se poursuivait. Elle se sentait incapable de répondre, incapable de répondre aux questions, incapable de lui parler...à Elle. Elle qui avait hanté ses pensées si férocement durant des jours et des jours. Elle aussi...s’en irait.

Si elle ne répondait pas, c’était parce qu’elle n’avait toujours pas décidé si elle allait revenir. Toujours pas décidé s’il fallait qu’elle revienne.

Ses doigts se crispaient sur le téléphone dont l’écran se ralluma. Un message. Elle ne l’ouvrit pas tout de suite, se leva. Ses pieds s’enfoncèrent dans le sable et elle contempla un instant les vagues, son téléphone jonglant d’une main à l’autre. Une envie de le balancer dans l’eau. De le regarder couler dans le sel de la mer.

Si son père avait été là...il aurait dit que c’était lâche.
Et elle ? Que disait-elle ?

La langue contre ses canines, bouche entrouverte, elle soupira rageusement et ouvrit le message.

Décroche. Urgent.

Etait-ce une façon de la piéger, de la forcer à répondre ?

Elle laissa retomber sa main à son côté, le téléphone entre ses doigts.

« Je ne sais pas quoi leur dire, Logan. »

Je ne sais pas quoi lui dire.

Oui, que disait-on quand on était soi-même responsable de l’abandon ?
Que dire pour justifier son absence ? Comment affronter la colère ?

Le téléphone vibra à nouveau dans sa main.
Le réel la pressait de revenir, de se rattacher à nouveau à lui et s’était comme un son entêtant, qui crissait sur elle comme de la craie sur un tableau. Elle serra les dents, un grognement roulant dans sa gorge et elle décrocha.

Un temps de silence, rien ne franchissait sa bouche.

« Sana ? » La voix de Margo la fit frissonner.
« Oui… » souffla-t-elle.
Il y eut quelques secondes où elle n’entendit plus rien. Elle n’était peut-être pas la seule pour qui les mots manquaient.
« Rentre tout de suite, Keza a besoin de toi.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? » Les mots avaient fusé de sa bouche alors que tout son corps se crispait, se figeait. Kezabel. Des images percutantes, sciant son crâne en deux, venaient s’entrechoquer en elle. Et les deux secondes de silence à l’autre bout du file la torturaient. Elle allait ouvrir la bouche pour lui hurler de lui dire mais Margo fut plus rapide...
« On l’a retrouvé avec Cooper. On n’sait pas encore par qui, ni pourquoi mais ils ont été enlevés pour être interrogés. »

Torturés.

C’était ça le vrai mot.

Elle n’entendit plus rien après ça. Comme un acouphène, un son strident la prenait tout entière.
Elle raccrocha.
Son bras retomba à nouveau.
Le sable s’enfonçait, ou peut-être était-ce elle…

« Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon... »


Un instant de blanc, vu de l’extérieur.
Seul le bruit des vagues qui venaient lécher ses pieds, réveiller les entailles.
Mais elle ne sentait plus rien.

« Il nage autour de moi comme un air impalpable »

Plus rien que la rage.
Comme une bouffée de chaleur la sidérant sur place, comme un sabre la transperçant de part en part, comme le vent qui se levait soudain pour balayer la plage, comme le tonnerre et les éclairs fendant son organisme…tout crissait, tout s’écartait et s’écrasait.

« Je l’avale et le sens qui brûle mon poumon »


Oui, son poumon se gorgeait de fureur, et la violence, déjà, chatouillait ses doigts.
Elle se sentit trembler. Ses dents claquaient entre elles tant les nerfs s’éveillaient dans une brutalité dont elle ne reconnut pas l’intensité. Ça débordait. Ça débordait violemment. Là, en elle, montait la marée qui voulait tout dévaster. Et comme en réponse, la mer s’agitait à ses pieds et engloutissait ses orteils.

« Et l’emplit d’un désir éternel et coupable. »


Oh, comme les images qui affluaient dans son esprit se faisaient sanglantes…
Il n’y avait plus de questions, plus d’hésitation. Plus de pitié. Tout battait en elle, la mesure de la destruction. Vive, brutale. Quelque chose scandait au fond de son âme. La mort. La mort à ceux qui voulaient tout lui prendre. La pendaison. La coupure nette et franche, à la nuque ou à la gorge, là où tout dégorge. Le désespoir du condamné dans le fond des yeux. Le sang giclant jusqu’au cieux.

Le voilà, l’extrême salvateur. Celui qui emportait toutes les faiblesses, toutes les erreurs.
Sourd aux plaintes, et aveugle, il empoignait le corps, étranglait la torpeur.

Le sang jaillirait autant que la furie fusait d’elle.
Des trombes s’abattaient, mais pas d’eau. Pas de pluie.

L’ouragan de son âme déversait des torrents de furie.
Tout grésillait et plus rien d’autre en elle n’existait que la Violence.

Ah ! Nous voilà enfin à nous deux réunies.
Toi et moi, comme de vieilles amies.

Le vent se levait, plus brutal, dans la nuit.

Et Sanae se retourna, lentement, comme si un trop lourd mouvement aurait pu tout faire éclater. Bouche entrouverte, poings crispés, fermés, aux phalanges blanchies.
Son regard se posa sur Logan et il n’y avait jamais eu de noirceur plus profonde dans ses prunelles que celle-ci. Et tout au fond, tout au fond, là, tapi dans les ombres, dansait une flamme féconde car déjà naissait en elle la folie.

Des mèches de cheveux noirs voletaient autour d’elle, s’écrasaient contre sa nuque. Le liquide ambré dans la bouteille se mit à chauffer, à bouillir. Oh, comme elle tremblait de rage.

« Je vais les tuer. Tous. »

Les mots s’étaient échappés entre ses dents serrées et on eut presque cru qu’elle était calme tant la fureur la figeait sur place. Son coeur n’était plus qu’un organe à l’agonie. En elle, se jouait des funérailles moqueuses, des exécutions rieuses. Ses narines frémirent.

Tout brûler. Tout brûler de ceux qu’elle haïssaient.
Ils n’avaient pas de noms ?
Peu importaient.

Elle transplana dans la maison.

Plus qu’une idée en tête.
Prendre sa baguette.
Brûler le Ministère.
Brûler les Supérieurs.

Tout faire disparaître.


« Et jette dans mes yeux pleins de confusion
Des vêtements souillés, des blessures ouvertes,
Et l’apperail sanglant de la Destruction ! »
La destruction, Charles Baudelaire.

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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Jeu 18 Mar 2021 - 21:31
Si elle est à la croisée des chemins, toi, où es-tu ? Pourquoi l’accompagner ? En quoi est-ce ton combat ? Sur ce fauteuil, face à la baie vitrée, quand tu observais les vagues, n’étais-tu pas fatigué de te battre pour les autres ? C’est pourtant bien ça qui te ramène à la vie, bien avant l’envie de brûler, bien avant l’envie d’exister. Tu ne t’es ranimé que pour faire une chose, une seule : ce qui devait être fait. Pour eux. Et chacun des deux, tu les as éloignés. C’est pourtant si loin de tes propres besoins, toi qui clame de les emparer, d’en faire ton gouvernail. Voudrais-tu que Sanae obtienne ce que tu te refuses ? Cherches-tu à la voir réussir là où tu échoues obstinément ? C’est égoïste… ou bienveillant ? Veux-tu la voir réussir pour lui prendre la clef, pour emprunter le chemin qu’elle aura alors tracé ? Ou veux-tu la voir aller mieux … malgré ça, malgré elle, malgré toi ?
Tu les as éloigné les uns après les autres pour les protéger. Comme si ce lien que vous aviez, qui t’es cher même si l’admettre t’es compliqué… comme s’il était déjà arrivé à son terme. Ismaelle ou Maxence, à qui tu ne donnes aucune nouvelle. Alec, que tu pousses chez l’ennemi, espérant que tes manigances lui permettront d’avoir la vie sauve. Aileen, à qui tu enlèves toute trace de celui que tu as été pour elle. Maeve, à qui tu n’apportes pas les réponses, jusqu’à provoquer le rejet pur et simple, ton sang sur les pavés, la douleur à tes côtés. Et cette plaie, tu la gardes, jusqu’ici, comme pour la graver dans ta chair.

C’est leur absence, à tous, que tu gardes comme une plaie.

Sanae est-elle la prochaine ? C’est un sacrifice, un don ou un premier pas hésitant sur une voie inconnue, que tu fais là ? Le mois dernier, il y avait une certaine forme de contrôle dans vos échanges. Tu provoquais la furie, tu appelais au chaos. Et maintenant ? Fais tes choix Sanae. Vis pour toi. Connais-toi. Je croyais que tu étais le seul à la connaître, le seul à voir, le seul à savoir. Elle t’a accusé de chercher le contrôle sur elle. Etait-ce ce que tu faisais ? Est-ce ce que tu largues ? Le marionnettiste coute les fils, perd le contrôle, laisse l’autre évoluer comme il le souhaite. Si tu en avais le contrôle, tu ne te serais pas déjà effacé, car ce n’est jamais de ça dont il a eu peur mais de l’affection. L’intimité. Pourquoi lui accorder si tu en rejette l’idée à ce point ? Pourquoi être là ? Ne sens-tu pas trembler les fondations de tes murs ?

Alors ? Egoïsme ou bienveillance ?


« Un mois et demi... »

Il l’observait réaliser avec un petit sourire, comme si elle percutait la réalité. Un temps court et long tout à la fois.

« C’est peu, un mois et demi, pour reconstruire le travail d’une vie. »

Un regard doux, tendre à vrai dire, qu’il détournait bien vite. Oui, c’est peu pour reconstruire ce qu’il avait mis quelques minutes à faire tomber. Et pourtant, ses mots, ils résonnaient encore, claquant à ses tympans comme une acceptation. Comme pour lui confirmer ce qu’il avait du mal à entendre : elle ne lui en voulait pas. Il y avait pourtant bien là des angoisses qu’il taisait, des traumas qu’il honnissait.

Ça te ferait si mal d’admettre sur tu aimes ça ? La complicité qui se met en place, pudique, réconfortante. Salutaire sans doute. Hésitante peut être. Douloureuse ? Agréable ? Inquiétante ? Tu ne sais qu’en faire, de cette connivence. Moins encore de cette envie qui griffe et t’étrangle. Celle qu’elle s’en sorte.

Mieux que toi.


Logan ne dissimulait pas la réalité. Bien sûr, certains partiront probablement, choqués par ce qu’ils percevront même peut être comme une trahison. Ils penseront peut être qu’elle n’avait pas été honnête, qu’elle leur avait dissimulé la vérité. Ce n’était sans doute pas faux, se la dissimulant tout autant qu’à eux. Mais encore fallait-il à présent identifier qu’elle était la réalité vraie. Qui es-tu ?  

Tu pourrais lui répondre. Tu pourrais l’influencer.
Je ne le ferais pas.


La blessure du regard d’un père cramait déjà son être. Il ne chercherait pas à la manipuler pour répondre à ses propres désirs, ses propres besoins.

« A l’instant où je m’assumerai, ils s’en iront. » souffla-t-elle à l’instant même où ces pensées prenaient forme dans son esprit. Peut-être avaient-ils déjà trop partagé ? La sensation restait étonnante pour lui qu’elle n’avait qu’à peine visité. « Je ne serai plus celle qu’ils voulaient que je sois… Ils ne se retrouveront plus en moi, ils n’auront plus ce qu’ils désiraient chez moi...alors, plus rien ne les retiendra. »

Son regard d’acier trempé croisait le sien, conscient de la question muette qui résonnait entre ses mots. Qui tranchait le cœur de leurs maux.

Alors Logan ? N’est-elle que ça ? Objet de désir et de besoin. Miroir de ta propre réalité. Est-elle là, la limite de ta considération ? C’est ce qu’elle craint. Et cette crainte témoigne d’un attachement. Ou d’un besoin.

Et si je n’ai pas les réponses, suis-je encore utile auprès de toi ?

Et pour toi ? Que vaut sa présence si elle ne t’apporte plus ça.
Quoi, ‘ça’ ?
La vision miroir, la recherche de l’autre, de celui qui sait les tourments, qui connait la violence de l’ignorance, celle de l’éloignement systématique d’autrui, celle de l’ingérence. Tu cherches l’enfant miroir que vous étiez tous deux. Tu cherches la solution, peut être. Tu cherches à être compris Logan. Tu cherches un semblable. Tu as effleuré cette possibilité étrange auprès de deux personnes. L’une a cherché à te tuer. L’autre t’avoue à mi-mots qu’elle ne pourra jamais être un reflet.

L’une te parasite et te fuit. L’autre t’appelle et s’apaise.

Les deux t’échappent.

A quel point le souffle te manquera, si tu perds ça ? A quel point peux-tu gérer le rejet, l’éloignement ? Jusqu’où peux-tu accepter de ne pas obtenir ce pour quoi tu crèves depuis l’enfance ?


Plus rien ne les retiendra.

« Tu n’as pas à te nier pour le désir des autres. » Y compris les miens. « Vis pour toi Sanae. Si certains s’en vont, c’est qu’ils n’étaient pas bons pour toi. D’autres les remplaceront. »

Enterre-moi si je ne suis pas à la hauteur de tes révolutions.

Ses iris auraient pu prendre la couleur de l’orage. Il n’y avait pourtant que celle des fonds marins où on s’enfonce, fixant le ciel au dessus des flots, intenables. Tu en connais les reflets, tu t’es laissée couler sous la glace.

« Et voilà qu’ils persistent pourtant... »

Elle sortait son téléphone sans pour autant passer le cap de décrocher, laissant l’écran s’allumer dans le vide. Encore. Et encore. Et il décelait toute la détresse de ce moment dans ses prunelles.

« Je ne sais pas quoi leur dire, Logan. »
« Je te proposerai bien de t’envoyer une casse pied pour te dévisager jusqu’à ce que tu trouves quoi dire mais elle est occupée. »

C’était un petit sourire compréhensif qu’il lui offrait, plus que des réponses qu’il n’avait pas.

Et si tu n’as pas les réponses.
Je sais l’issu, merci.


Non, Logan n’était pas la meilleure personne pour trouver quoi dire, certainement pas quand il s’agissait de faire le premier pas, de s’excuser ou de pardonner. Certainement pas quand il s’agissait d’épargner les autres. Alors non, il ne savait quoi dire et son regard désolé le lui clamait plus encore. L’humour qui cache le décalage. Qui masque le rapport aux autres bien malmené, les inconstances, l’incapacité de donner ce qu’il faudrait au moment voulu. Oui, il savait qu’il n’était pas à la hauteur. Mais ses conseils ne seraient là qu’une vaste fumisterie, et ce moment, ces relations comptaient trop pour Sanae pour qu’il ne soit celui qui les brise par une mauvaise connaissance des liens humains. Alors il se taisait, conscient de ce que cela signifiait, de l’éloignement qu’il provoquait à chaque fois qu’il n’avait pas les réponses à lui apporter, des risques que cela signifiait pour lui.

Ils sont là pourtant. Ceux qui sont bons pour toi. Ils sont là, ceux qui sont à la hauteur.

« Décroche ce téléphone…. »

Tu as besoin d’eux. D’elle. D’elles ? Qu’importe.
Ne jette pas leur présence dans les ombres glaciales de l’océan.

Et si le silence s’emparait des lieux un instant, les appels revenaient à la charge. Et elle décrochait, Logan détournant le regard, le posant sur le sable un instant. Un instant, il avait failli s’éloigner, lui laisser de l’espace, du large. Un instant seulement car déjà, il se figeait, notait son changement de timbre autant que l’orage qui zébrait déjà ses prunelles, chargeait l’air d’une lourdeur anormale. Là, dans les ombres, quelque chose vibrait, tonnait, il n’avait pas besoin d’étendre son esprit vers elle pour le savoir. Fronçant en silence les sourcils, il s’était arrêté, se redressant doucement à mesure que les muscles de Sanae se crispaient, que l’air se mettait à vibrer. Laissant la posture assise, conscient que le moment était passé, Logan se levait en silence, le regard posé sur celle dont l’ombre se distillait jusque sur les flots, grandissant, prête à tout englober. Toute l’eau du monde ne suffirait pas à éteindre le brasier qu’il distinguait là, sur ce dos englouti d’ombre encadré par les scintillements naïfs de l’eau qui allait et venait, inconsciente de l’orage qui grondait. Elle prenait la lumière, la noyait. Et ses ombres recouvriraient le monde. Quel que soit le problème, ce serait en l’incendiant qu’elle le dissoudrait comme on dissout un corps à l’acide.

Et, lentement, comme un soldat à l’orée d’un combat, elle se retournait vers lui, ses prunelles comme des orbes, des trous noirs dans lequel toute la lumière du monde pourrait disparaitre.

Brille la folie. Repais-toi de son âme.

C’est ce que tu voulais voir en elle. C’est là toute la puissance dans laquelle tu aimerais te noyer. Te perdre. Se trouve-t-elle ? Les ténèbres coulent à travers ses phalanges blanchies comme le feraient les coulées vermeilles qu’elle appelle de tout son être. Se trouve-t-elle ? Ou est-ce la route froide de l’oubli qui se dresse ? Le chemin damné des lamentations.

Tu t’y sens seul Logan ?
La voilà.


« Je vais les tuer. Tous. »

Des mots qui tonnaient jusque dans sa poitrine sans qu’il ne cesse de l’observer avec calme, détachement. Cette fois le monstre ne répondait pas. Le dragon serrait les mâchoires, ne fulminait pas, n’envisageait pas de cracher le souffle putride de la mort, heureux de trouver une comparse. Non. Car l’homme observait.

Face aux ténèbres, choisis-tu le brasier ?
Que vaut le sang coulé ?


Des mots crachés, échappés par l’énergie de la fureur.

Qui est mort ? Qui ont-ils pris ?
Kezabel ?


Orbes funestes.

Prends la fureur, noie les ténèbres. C’est le moment.

Elle disparaissait déjà, le laissait là, mâchoires serrées, paupières closes un instant dans le fracas des vagues qui s’étaient, semble-t-il, éveillées en même temps que la folie tapie dans son esprit.

Prends. Fracasse. Détruit. »

Il disparaissait à son tour dans un craquement sinistre, arrivait dans la demeure, aux côtés de Sanae sans une grimace pour les tiraillements sourds au côté.
Et sans un mot, il bloquait les lieux, l’empêchait de partir à l’aveuglette, exerçant un contrôle inviolable sur chaque atome autour d’eux, son regard d’acier posé sur elle.

« Tu y es finalement. » La voix qui craquelle les ombres. « Face à ton choix. Qu’est-ce que tu veux faire ? » Que s’était-il passé ? Il ne connaissait qu’une raison, la devinait, cette évidence putride. Quelqu’un avait-il seulement ressenti ce tourbillon dévorant quand il était tombé ? Sans doute pas. « Tu peux débarquer au ministère et les tuer uns à uns. Coupables directs ; indirects. Innocents. Otages. Et je t’accompagne. On les détruits, on les brise. On les disloque.» Etends les os craquer, les suppliques éraillées, noyées dans le glapissement du sang qui s’échappe des gorges ouvertes. « Tu y tomberas. » Le glas d’un destin funeste, d’une autre évidence évoquée comme un simple fait dont il ne doutait pas. « Auquel cas tu ne reverras plus les autres. Ils devront se reconstruire sans toi, encaisser les dégâts, faire face à la crise, aux conséquences. »

Un instant de silence où chaque mot cramait comme les flammes d’un incendie.

« Tu peux taper dans le tas et je seras avec toi. » Deux dragons prenant leur envol, crachant la fureur sur le monde des mortels. « Mais si tu fais ça, ils ne seront pas les seuls à payer. » Tes proches tomberont tout autant. « Et je doute que tu atteignes les coupables. » Coupe la tête de l’hydre… c’est ce que j’ai fait. Regarde où nous en sommes. Ils ne seront pas là. Tu te prendras une armée, et nous feront un massacre. Un massacre bien dérisoire. « Ou alors tu peux attendre. Trouver les preuves, les coupables. Frapper fort, juste. » Là où il faut. Couper les têtes adéquates. « Et être là pour elle, aujourd'hui. »

La voix était féminine, il connaissait ses proches, ses sentiments pour les uns et les autres. Les conclusions n’étaient pas compliquées.

Qu’as-tu fais Logan ? Qu’as-tu fais de ta croisée des chemins ? Tu pouvais suivre le tumulte, le réveiller, t’en draper. Tu pouvais participer au massacre, te perdre, te gorger de toute la violence qui te colle à la gorge.

Le regard dans le sien, néant contre acier, chaos contre raison.

C’est tes choix.

L’air vibrait, mais il n’en lâcherait pas l’emprise.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

Qu’importe les sorts, qu’importe la violence, il voyait la dévastation dans ses prunelles et ne la laisserait pas agir bêtement. Peut être était-ce parce qu’il la connaissait trop bien ou simplement parce que ce monstre, il lui était trop familier pour qu’il en ignore les pensées, mais il savait la tuerie, le carnage qui vibrait jusqu’à noyer ses pensées dans une boue atroce.

Et si elle décide de sauter du pont ? La rattraperas-tu ?


Que crois-tu que je fais ?
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Mer 24 Mar 2021 - 10:56
Le temps s’écoulait lentement sur cette plage, rythmé par les vagues qui s’échouaient à leurs pieds. Il y avait un calme amer qui lancinait dans l’air et Sanae contemplait à la fois l’étendue sombre devant ses yeux et le naufrage qu’était sa vie.

« C’est peu, un mois et demi, pour reconstruire le travail d’une vie. »

L’ombre du sourire, l’ombre de la tendresse, elle l’avait vu rapidement passer avant qu’il ne se détourne. Elle ne dit rien, se contenta de le regarder une seconde encore avant de laisser son regard retomber dans le vide devant elle. Oui, c’était peu. Trop peu pour tout reconstruire à zéro. Elle voulait vivre mais elle avait l’impression de le faire mal, de se tromper sans cesse alors que les autres semblaient savoir très exactement qui ils étaient.
Peut-être pas tous, en vérité. Le savait-il, lui-même, qui il était vraiment ? Ou faisait-il simplement ce qu’elle avait fait durant des années ? Se nier, réfréner ses profonds besoins, se cacher en permanence. N’était-ce pas pour cela qu’il ne partageait pas ses pensées avec elle ? Une seule intrusion, c’était tout ce à quoi elle avait eu droit. Elle savait qu’elle n’aurait sûrement pas plus. Pourtant, s’il se cachait d’ordinaire derrière la violence et le pouvoir, il se montrait bien plus sincèrement en cet instant. Sans doute que c’était le moment pour l’équilibre de se restaurer, ne serait-ce qu’un peu entre eux.

« Tu n’as pas à te nier pour le désir des autres. » Un souffle amer siffla entre ses lèvres alors que ses doigts attrapaient du sable pour le rejeter plus loin. « Vis pour toi Sanae. Si certains s’en vont, c’est qu’ils n’étaient pas bons pour toi. D’autres les remplaceront. »

La réponse vint percuter la brise immédiatement avec une acidité ferme, sans détours.

« C’est moi qui ne suis pas bonne pour eux….Et c’est moi qu’ils remplaceront. » Le ton était dur, tranchant.

A cette assertion, il lui semblait que son coeur se fermait. Assez pour ne pas entendre, comprendre tout ce qui se disait entre les mots. Il y avait dans sa volonté d’être aimée, de correspondre une amertume qui grandissait à mesure qu’elle réalisait qu’elle ne pourrait être acceptée par tous...que les autres, tout comme elle, auraient des choix à faire. Mais laisser partir quelqu’un ou une idée n’avait jamais été une chose aisée pour la sorcière. Lâcher prise...était une impossibilité dans son esprit. Elle croyait en avoir été capable pendant si longtemps mais elle n’avait fait qu’engloutir ces choses sans pouvoir les relâcher, les laisser s’en aller.

Non, elle ne pouvait pas lâcher prise ; c’était bien tout le problème dans sa recherche de l’oubli. Elle n’oubliait rien. Et le monde se rappelait sans cesse à elle...dans les vibrations d’un téléphone qu’elle regardait sans savoir quoi faire, quoi dire.

« Je te proposerai bien de t’envoyer une casse pied pour te dévisager jusqu’à ce que tu trouves quoi dire mais elle est occupée. » Elle se tourna vers lui, fronçant les sourcils, interrogatrice. De qui parlait-il ? Encore un rappel qu’elle ne savait presque rien de sa vie. Un homme qu’elle connaissait et ne connaissait pas, tout à la fois. Mais elle n’eut pas le temps de demander. La vibration reprenait entre ses doigts.

« Décroche ce téléphone…. »

Etait-ce qu’il faisait, lui ? Lâcher prise sur elle ?
Sa manière de la diriger vers les autres était-elle une façon de l’éloigner de lui ?


Des questions pour plus tard. Pour un autre jour. Un autre soir.
Car déjà, alors qu’elle décrochait, le monde s’évanouissait dans les flots.

Il lui semblait que la mer montait en elle et portait dans ses eaux troubles le poison de la rage. Aveugle. Dévastatrice. Elle n’était parcourue que par les tremblements de la férocité folle. Celle qui occultait tout, qui déformait les visages et les mots. Au diable les principes, au diable la prudence. Elle voulait tuer.

La seconde d’après, elle avait déjà disparu pour réapparaître entre les murs de cette maison qu’elle avait ce soir en horreur. Dans le chaos du salon dévasté, Sanae cherchait sa baguette, retournait les débris, jetait les coussins éventrés. Gestes pressés, furieux. Son souffle n’était plus qu’une bourrasque qui ne cessait de faire s’emballer son coeur. Sa magie, déjà, électrisait l’air alentour. Elle ne se retourna pas au son du craquement derrière elle. Bien sûr qu’il la suivait...cette fois-ci, était-ce pour la suivre dans sa rage ou pour l’arrêter ? Elle mit la main sur sa baguette dans un geste hargneux. Quelque chose pulsait en-dessous de son épiderme. Des milliers d’insectes grouillant dans son organisme comme autant de petites bombes chargées de poison.

« Tu y es finalement. Face à ton choix. Qu’est-ce que tu veux faire ? Tu peux débarquer au ministère et les tuer uns à uns. Coupables directs ; indirects. Innocents. Otages. Et je t’accompagne. On les détruits, on les brise. On les disloque. Un crépitement en elle, ses muscles roulaient. Elle tremblait du désir profond de tout détruire. Tu y tomberas. Auquel cas tu ne reverras plus les autres. Ils devront se reconstruire sans toi, encaisser les dégâts, faire face à la crise, aux conséquences.» Elle abattit son regard sur lui comme un violent reproche. Ses doigts serrés sur sa baguette, des mèches de ses cheveux se soulevant dans la brise qui s’engouffrait par les baies vitrées brisées. Les mots la frappaient sans lui laisser l’opportunité de leur échapper alors elle se détournait, secouait la tête. La neige qui demeurait sur la table basse du salon lui apparut plus tentatrice que jamais. Tout bourdonnait dans son esprit. Le « on », elle ne l’entendit pas. Il la traversait sans l’accrocher.

Tout ce qu’elle voyait derrière ses paupières qui se fermaient une seconde sur son visage crispé était l’image de Kezabel. Elle imaginait les blessures, les traumatismes, le sang qui coulait...le sang de sa sœur...et il prenait soudainement une couleur toute particulière, parce que c’était celui de la petite fille qu’elle avait tant voulu protéger. Parce qu’elle aurait voulu qu’il ne coule jamais et que personne ne pose ses mains sur elle. Mais elle avait échoué. Et chaque entaille sur son corps, chaque cheveu coupé était la marque de cet échec cuisant.

Ce n’était pas la colère qu’elle éprouvait envers les Supérieurs qui était si étouffante, c’était sa culpabilité.

« Tu peux taper dans le tas et je serais avec toi.  Mais si tu fais ça, ils ne seront pas les seuls à payer.  Et je doute que tu atteignes les coupables. Ou alors tu peux attendre. Trouver les preuves, les coupables. Frapper fort, juste.  Et être là pour elle, aujourd'hui. »

Elle se tournait vers lui, sa poitrine se soulevant furieusement. L’ombre percutait l’acier. Son visage déformé par la brutalité de la fureur haineuse se crispa davantage. Elle passa une main dans ses cheveux, s’y cramponnant presque comme si elle voulait les arracher, avant de les relâcher. Mâchoire serrée, elle faisait un pas vers lui, narines frémissantes. « J’en ai marre d’attendre » siffla-t-elle, chaque mot imprégné d’une rage qui rendait les syllabes rêches, lentes. « Marre de toujours entendre le même PUTAIN DE REFRAIN ! » Sa voix tonnait. Les murs tremblaient, secoués par la magie qui fusait d’elle. « Attendre de venger mon père. Attendre pour Kezabel. Attendre, attendre, attendre ! Attendre quoi ?! J’attends mais rien ne change. Ils continuent à me prendre ceux que j’aime. Ils s’en sortent toujours et nous on trime pour QUE DALLE ! J’en ai marre de récolter des noms, de les choper un à un comme on ramasse des putain de miettes. »

Le dégoût de l’impuissance suintait de tous les pores de sa peau. Son pied vint se projeter contre une chaise déjà renversée, l’envoyant valser plus loin dans un craquement sonore, un cri de rage perçant sa poitrine.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
Son regard se releva vers lui, dents serrées.
« Ce qu’il se passe à chaque fois...ils enlèvent les nôtres pour nous foutre dans la gueule qu’ils PEUVENT ! Ils peuvent faire ce qu’ils veulent de nous et marcher librement comme si tout leur appartenait…. » Un temps de silence. Son coeur implosait, ses entrailles se tordaient. Elle déglutit en le fixant. « Ils ont kidnappés Kezabel et Dorofei et les ont torturés. » Une grimace de dégoût déforma tout son visage. « Et j’étais pas là... » souffla-t-elle d’une voix faible. Un aveu d’échec à vomir. Et la douleur lancinait tant son être qu’elle n’arrivait plus vraiment à respirer. Sa main libre trouva sa poitrine en froissant le tissu de son haut, se détournant de Logan.

Où était-elle pendant que sa sœur se faisait torturer ?
Dans les limbes de l’oubli.

Elle avait échoué auprès de Kezabel.
Elle avait échoué auprès de Margo qu’elle avait abandonné.
Elle avait échoué auprès d’elle-même…

Zéro pointé. Recalé. Disqualifié. Alors finalement, n’y avait-il pas qu’un geste désespéré pour rattraper ce qu’elle avait fait de sa misérable vie ? La mort, parfois, pouvait gommer les méfaits. Si elle se débarrassait d’un grand nombre de Supérieurs alors mourir dans ce combat en valait la peine.  
La main qui s’était recroquevillée sur son buste se tendit dans l’air et un des katana accroché aux murs vint trouver sa paume. Baguette dans une main, lame dans l’autre.

Ses doigts enserrait le manche, pointe du sabre vers le bas, et elle le tint contre elle en s’avançant vers le sorcier. « Tu as tué leur chef et un autre a pris sa place. Tu coupes une tête et une autre repousse…S’ils meurent tous, ou la majorité, il ne restera plus qu’à pourchasser les derniers survivants comme nous ils nous pourchassent. Mettre fin à tout ça. » Elle releva les yeux vers lui. « Tu n’en as pas marre de te cacher ? » Son ton se faisait plus doux alors qu’elle se rapprochait de lui. « Tu ne veux pas leur montrer à quel point tu es fort ? Toi aussi ils t’ont trop pris... » Pourquoi veux-tu me dissuader d’y aller ? Ce ne sont pas seulement mes ennemis. « Moi j’m’en fou de crever, tant que eux...ils crèvent avec moi. » La douceur de sa voix s’était éteinte, transformée en une fermeté froide, glaçante, et l’air autour d’y accrodait. Son regard se planta dans le sien sans ciller, dans une détermination brutale. « Laisse...moi...partir. » siffla-t-elle, ses mains se resserrant sur ses armes.

Tu ne vois pas la main tendue, Sanae ? Tu ne vois pas qu’il tente de te sauver alors que tu te précipites vers ta fin dans l’espoir de te laver de tes erreurs ? Une erreur ne peut en rattraper d’autres. Tu t’aveugles, tu veux sauter sans filet. Tu te punis de ton absence en la faisant définitive pour les autres… Tu te précipites, comme toujours, comme si cela pouvait te sauver de tes émotions qui débordent. Mais fuir ne les fera pas plus petites dans l’horizon...elles te talonneront toujours.


Que la rage et la culpabilité étaient deux sœurs mauvaises…
Elles embrumaient tout, déformaient la réalité, tordaient les pensées. Il n’y avait alors plus de sagesse, plus de mesure. Elles emportaient les fragments de tendresse, de compréhension, de confiance et ne dégageaient de la place que pour la suspicion, le dégoût et le désespoir.



« He who hurries through life hurries to his grave. »
George R. R. Martin

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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Jeu 25 Mar 2021 - 19:04
Ce n’est pas ce qu’on fait tous ? Faire semblant, avancer sans trop savoir vers où, poser un pas après l’autre avec l’intime impression que dans le fond, on ne sait pas ce que l’on fait et qu’on a une chance sur deux de mal faire ? Avancer à l’aveugle, se planter, se casser la gueule, s’écrouler, recommencer, comprendre ses erreurs, les refaire, changer de façon de faire, se planter encore. On a l’impression mal faire, de ne pas avoir le mode d’emploi, tout simplement car le chemin est escarpé, emprunté pour la première fois dans ces conditions, avec ces bagages à porter, avec les personnes qui nous accompagnent, peut être, pour un bout de chemin. Parfois long, parfois moins.

« C’est moi qui ne suis pas bonne pour eux….Et c’est moi qu’ils remplaceront. »

Il haussait des épaules sans se formaliser du ton sec et froid. La peine fait mal, la peur de l’abandon résonne. Ça prendrait du temps. Depuis quand était-il lui-même aussi serein sur ces sujets-là ? Sans doute seulement lorsque ça ne le concernait pas.

Et pourtant.
Et pourtant ça le concernait, avec tant de violence que lui-même hésitait sur son chemin rocailleux mal éclairé.

« L’un n’empêche pas l’autre. Je doute qu’ils soient bons pour toi si tu ne l’es pas pour eux. »

Ne serait-ce de par ce qu’ils te renvoient, de part la façon dont tu le reçois. De part ce qu’ils provoquent et t’imposent par leur seule présence.

Et moi ? Je me situe dans quelle catégorie ?

Est-ce qu’il laisserait partir ceux qui le devaient ? Ses propres sensations de rejet, d’abandon et de solitude le bouffaient, bien sûr. Que dire d’un homme qui avait décidé de lâcher prise, de se laisser reculer dans les ombres, de laisser la vie aux autres et de s’enfermer dans la mort…. Et ne revenir que pour une chose : voir les autres partir. Aileen, Alec, Maeve, Sanae. Si on ajoutait ceux qu’il maintenait volontairement à distance, que restait-il ?

Un connard sur une plage à faire ce qu’il y avait de mieux pour l’autre.

Trouver quoi dire, trouver quoi faire, se mettre de côté pour autrui et s’assurer qu’ils avancent, quitte à vous laisser sur le bord du chemin. Il aurait pu continuer d’affirmer qu’il n’en faisait rien, qu’il voulait brûler et vivre pour lui. Il pouvait lui demander de le faire, mais dire qu’il agissait ainsi serait un pur mensonge. Avait-il d’ailleurs seulement fait une seule chose pour lui-même qui ne soit pas survivre, dérogeant à ce besoin élémentaire pour en protéger certains sans véritablement prendre de place dans leur existence. En avait-il seulement une ? A voir le regard d’Aileen à l’instant où elle venait lui demander de s’éliminer de sa vie, oui, bien sûr. Et pourtant l’impression restait là, collait à son épiderme comme le sec de l’océan. Il avait un impact, oui. Littéralement. Sa présence était comme un coup dans la gueule, bouleversant le quotidien, percutant les gens plus que s’y offrant une place à leurs côtés. Un impact. Un coup droit dans le plexus, pour Sanae, pour Maeve, pour Aileen. Pour Alec ? Trop jeune pour s’en rendre compte, sans doute. Mais c’était ce qu’il était. Une frappe.

Qui fait mal, puis qui guérit si on s’en éloigne.

Il n’avait plus rien dit, s’étonnant de son regard interrogatif quand il l’évoquait, fronçant les sourcils en voyant son expression changer, son esprit bloqué en lui, n’infiltrant pas l’autre ni ses tourments. Il observait juste, spectateur muet, la tempête faire rage, s’en prenait les bourrasques sans s’en faire, le regard fixe, inquiet de ce qu’elle traversait encore. Peut être aurait-il dû s’en faire pour les autres, pour ce que cela signifiait. Pour ceux qu’il aimait, lui aussi. Celui que personne n’appellerait jamais, quoi qu’il se passe.

Il transplanait à son tour, une mince part de son esprit s’étonnant des capacités de Sanae, hors du commun lorsqu’elle perdait le contrôle. Un truc de légimens de naissance ? Peut être.  

Le cœur qui s’explosait dans la cage de sa poitrine, il lui semblait l’entendre en échos dans la sienne alors qu’il apparaissait à son tour dans le chaos de la maison dévastée. La coke, il n’y accordait pas un regard, pas plus qu’au reste des décombres. Les seuls qui l’intéressaient, là, c’était ceux qui s’écroulaient dans un esprit qu’il avait trop souvent visité pour mal le connaître. Tout résonnait, s’embrouillait, explosait sur les bordures d’une bulle qu’il créait sans même s’en interroger. L’habitude de la contenir ou de la maintenir prisonnière ? Faisait-il ça ? Ou l’empêchait-il juste de s’exploser la gueule contre la falaise vers laquelle elle fonçait.

Contre la surface de l’eau gelée.

Les mots étaient posés, calmes. Logan reprenait la posture de celui qui l’avait affrontée, la tempête, si souvent qu’il en avait perdu le compte. Pas la sienne, mais celle d’une existence troublée durant laquelle il avait si souvent été positionné comme celui dont on attendait les décisions. Celui qui avait contenu ses propres débordements… et les avait laissé emporter bien des noms dans la tombe. Y compris le sien. Alors la colère, sifflant, perfusant l’orbe du regard de Sanae, il l’attendait sans ciller, sans en sembler réellement impacté. Inquiet, oui. Tremblant, certainement pas. L’homme d’hier revenait, supplantait l’humain comme le monstre, se postait en muraille infranchissable, prêt à prendre les coups pour défendre sa posture et prendre la décision qui s’imposait. Qu’importe qui tombait, tant que ce qui devait être fait l’était.

« J’en ai marre d’attendre » sifflait-t-elle, la douleur explosant autant que la rage, sourde et froide. Ô combien meurtrière. Celle qu’il attendait, dont il se repessait avec une violence que tant récusaient. Mais il ne s’en gorgeait pas. Absorbait, la laissait s’écouler, ne s’en nourrissait pas. « Marre de toujours entendre le même PUTAIN DE REFRAIN ! » Coup de tonnerre. « Attendre de venger mon père. Attendre pour Kezabel. Attendre, attendre, attendre ! Attendre quoi ?! J’attends mais rien ne change. Ils continuent à me prendre ceux que j’aime. Ils s’en sortent toujours et nous on trime pour QUE DALLE ! J’en ai marre de récolter des noms, de les choper un à un comme on ramasse des putain de miettes. »

Quel carnage aurait-il pu faire s’il l’avait décidé ? Les tuer, tous, sans exception. Avant même que la situation ne leur échappe. Quelle erreur avait-il fait en laissant faire, en décidant qu’il n’appartenait pas à cette guerre ? Quels massacres aurait-il évité s’il s’était mué en bête ? Etait-il seulement déjà cet homme à l’époque ?

Pourtant, la rage qui s’écoulait, le percutant comme les gouttelettes de sang de tous ceux qui s’inscrivaient à l’instant même sur une liste prophétique. Pourtant, il ne réagissait pas, gardait calme et analyse. Le bien commun, avant le reste. Comme il l’avait toujours fait dès lors que retombait sur ses épaules la responsabilité de dizaine d’enfants. Si fragiles soient-ils.
Il posait seulement la question.

« Ce qu’il se passe à chaque fois...ils enlèvent les nôtres pour nous foutre dans la gueule qu’ils PEUVENT ! Ils peuvent faire ce qu’ils veulent de nous et marcher librement comme si tout leur appartenait…. »

En effet. C’est ce qu’ils font. Bienvenue dans mon monde.

« Ils ont kidnappés Kezabel et Dorofei et les ont torturés. »

Cette fois, le coup de tonnerre ne venait pas de Sanae, ne grondait pas dans sa gorge. Ou peut-être que si. Mais s’il tonnait, c’était dans sa poitrine, perfusant ses muscles autant que ses veines. Kezabel, il s’en doutait, sentait déjà se répandre l’acide de la culpabilité, parfaitement conscient des risques qu’elle avait pris en lui fournissant un abri. Conscient qu’en prenant cette décision, Alec n’avait pas fait le bon choix, s’en faisant plus pour lui que pour eux. Peut-être ne devait-il sa santé mentale qu’à cette décision. Certes. Si elle l’avantageait lui, elle n’en était pas moins mauvaise. Cette nouvelle, il s’y était préparé au vu de la réaction de Sanae.
L’autre, beaucoup moins.

L’ami d’enfance, celui qui se trouvait à ses côtés sur l’estrade. Celui qu’il avait observé, sentant l’ombre de la mort peser sur eux, hurler quand on lui arrachait l’œil. Celui qui avait accompagné ses années à Poudlard, le seul dans lequel il s’était jamais un tant soit peu reconnu, qui lui avait accordé son affection ainsi qu’une certaine forme de compréhension. Le seul avec qui il avait daigné parler à l’origine.

Tonnerre, oui. Le chaos avait fusé comme une ombre dans ses prunelles, fait crissé ses nerfs comme un mauvais coup de violon dans les ténèbres. Et pourtant il ne cillait pas. Et l’ombre repartait, muselée, enfouie.

« Et j’étais pas là... »

Moi non plus.

Sauf que contrairement à elle, il compartimentait. Il existait, pourtant, l’homme qui brisait tout sur son passage, qui avançait dans les ombres, prêt à se repaître des hurlements de ses ennemis à l’agonie. Il grondait, là, quelque part au fond des abysses. Mais l’anarchie était contenue, gardée sous contrôle. Pour faire les choix qui s’imposaient.

« Tu as tué leur chef et un autre a pris sa place. Tu coupes une tête et une autre repousse…S’ils meurent tous, ou la majorité, il ne restera plus qu’à pourchasser les derniers survivants comme nous ils nous pourchassent. Mettre fin à tout ça. »

Une idée glaçante dans laquelle il aurait aimé se noyer tout entier, avaler leur sang, sentir l’air leur manquer, s’éteindre entre ses doigts.

Mais puisqu’il n’en avait plus que sept, il faudrait sans doute revoir un tant soit peu ce plan.

« Tu n’en as pas marre de te cacher ? »

Oh, si. Tu n’imagines pas les remous du dragon sous la surface, la violence de l’acide qui perfuse ses veines et appelle au meurtre en cet instant.

« Tu ne veux pas leur montrer à quel point tu es fort ? Toi aussi ils t’ont trop pris... »

Ils n’ont pas pris. J’ai perdu, nuance.

Est-ce qu’il tuerait Johan et les autres un jour ? Très probablement. Combien en avait-il déjà éliminé, les uns après les autres, sans vraiment y penser ? Beaucoup. Combien de corps avait-il enterré, éliminé. Ceux dont il avait emporté la vie, oui. Mais ceux d‘Alec également. Ceux d’Enzo. Un homme, même, tombé sous les mains de Maxence. Combien ?

Etait-ce plus que ce qu’ils avaient pris, eux ? Sans doute.

Alors il l’observait prendre les armes. Et il ne grondait toujours pas de concert.

« Moi j’m’en fou de crever, tant que eux...ils crèvent avec moi. »

As-tu réellement besoin de le préciser ?

« Laisse...moi...partir. »

Ton discours est double Logan. Ton discours est trouble Logan.

« Je ne t’en empêcherai pas. J’en serais. Mais je sais que créer des martyrs, c’est perdre une guerre. Alors ça ne résoudra rien. »

Le regard droit vers les ténèbres et la folie.

« Si elle a la moindre chance de se remettre, tu écraseras son avenir en allant là-bas. T’auras pas que le sang de tes ennemis sur les mains. »

Le sien aussi.
Et crois moi je sais ce que ça fait.
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M. Logan Rivers
Ven 26 Mar 2021 - 11:15
Que se donnaient-ils les uns les autres ?
Des morceaux d’eux-mêmes, des reflets changeants, des mots et des silences, des moments d’oubli comme des piqûres de rappel ; un peu de chaleur, un peu d’espace ; du réconfort, de la confiance et quand il le fallait, de la violence. L’espace d’être soi, l’envie de vivre, la force de continuer, voilà ce que les êtres avaient à s’offrir de plus beau, de plus humain. Une compagnie dans le noir autant que dans les flammes. Quelqu’un vers qui se tourner, vers qui s’interroger sans même attendre de réponse. Non, elle ne s’attendait pas à ce qu’il détienne toutes les clés et sans doute était-ce dans l’ignorance qu’il l’aidait le mieux à trouver. L’ignorance de l’avenir, de ce qu’il faudrait faire et comment mais pas l’ignorance de la souffrance de l’autre. C’était ça, qu’ils se donnaient l’un l’autre. La compréhension. Celle tant attendue depuis si longtemps, tous deux laissés dans les ombres de leurs cages respectives. Et comme tous ceux qui se comprenaient sans mal, ils avaient leur propre langage. Un langage qui n’était pas seulement dans les mots mais dans ceux, cachés, qui ne se disaient pas à voix haute, dans les gestes et les détails qui passaient entre eux.

« L’un n’empêche pas l’autre. Je doute qu’ils soient bons pour toi si tu ne l’es pas pour eux. » C’était étrange comme parfois, certains mots pouvaient ramener des visages douloureux. Celui de son père lui apparut en une fraction de seconde. Oui, c’était bien ce que l’on donnait aux autres, ce que l’on offrait de soi et ce qu’on renvoyait comme bonté qui pouvait trouver le même écho sincère ; si on offrait de la violence, on en recevait soi-même...si l’on tendait une main généreuse alors on gagnait une aide prochaine. Elle retrouvait à la lisière de l’oubli toutes les choses qu’on lui avait apprises et elle les regardait avec méfiance.

Je me méfie de la vertu...elle m’a tout volé.

Sanae ne répondit pas. Elle se demanda un instant d’où il tenait toute cette sagesse soudaine ; ou peut-être l’avait-il tût tout ce temps. Etait-il bon pour elle ? Et elle, pour lui ? Qu’avait-elle à lui offrir ? Ne demandait-il rien ? Des tréfonds méconnus de lui-même, il lui semblait entendre quelque chose de familier qui appelait d’une voix faible… bien sûr, qu’il voulait quelque chose. La même chose que tout le monde, voilà la vérité. Celle qui faisait mal pour quelqu’un qui tentait plus que tout de cacher son humanité. Elle la voyait, l’entendait, comprenait.

Mais même lorsque deux êtres se comprennent et s’entendent, il y a des surdités détestables, des absences comme des gouffres et elle n’écoutait par moment que sa propre voix. Alors, la distance qu’elle mettait, aussi fluctuante que l’humeur, faisait tout grésiller. L’incompréhension venait mettre un voile entre eux.

Elle basculait dans le déraisonnable.
Sa conscience ne dictait plus de morale. Elle voulait tout engloutir à mesure que la rage l’engloutissait elle. Tout dévaster. Tout détruire. Les mots s’écoulaient de sa bouche, mélasse ignoble qui irritait sa gorge et donnait la nausée. Kezabel et Dorofei, torturés. Enlevés comme l’on cueille des roses...avant de les foutre sur une tombe. Comme l’imagination était impitoyable parfois...les blessures s’étendaient dans son esprit sur les corps des concernés, faisaient pourrir la peau, la parsemaient de tons violacés. Elle entendait les os craquer, les hurlements de douleur et de terreur briser les cordes vocales. Et la sienne tonnait dans l’air saturé de la pièce. Une pièce sous couvercle...sous le grand chapiteau de son gardien. Il ne tremblait pas, ne cillait pas. Un stoïcisme étrange s’était emparé de lui et pourtant, elle savait que quelque chose avait crépité en mentionnant Dorofei. Oui, oui, lui aussi voulait sentir les nuques craquer entre ses mains. Il était du même feu que le sien et il offrait de brûler ensemble. Un instant de vengeance.

Jamais ses armes ne lui avaient paru plus tentantes entre ses doigts.

« Je ne t’en empêcherai pas. J’en serais. Mais je sais que créer des martyrs, c’est perdre une guerre. Alors ça ne résoudra rien. » Son regard percutait le sien et elle eut un sifflement animal. Elle se détourna, une grimace sur le visage. Son coeur cognait dans sa cage, douloureux. Toute embrumée qu’elle était, Sanae savait ce qu’il faisait : on ne détournait pas quelqu’un de la mort sans lui en montrer toutes les conséquences. Alors cela ne servait à rien de dire le « non » que sa rage attendait pour fondre sur lui...il détournait, l’emmenait là où il voulait et elle le regardait faire sans pouvoir contrer les effets. Elle ne savait pas s’il était sérieux, s’il l’aurait véritablement accompagné ou s’il bluffait, espérant qu’elle renonce. Etait-ce un vrai « on » ? On va les briser. On va les tuer. On va les étouffer de nos mains.

« Si elle a la moindre chance de se remettre, tu écraseras son avenir en allant là-bas. T’auras pas que le sang de tes ennemis sur les mains. »

Elle lui tournait le dos, la main qui tenait sa baguette attrapant le tissu sur son ventre.
Son corps tremblait parce que tout en elle se battait. Le conflit tourbillonnait. Deux forces lancées à vive allure l’une contre l’autre, deux armées féroces qui voulaient gagner.

« ARRÊTE ! » tonna-t-elle. Chaque fibre de son corps tentait de refuser ses paroles...en vain.

Elle savait, savait qu’il avait raison.
Le prix à payer de sa folie, elle le connaissait.
Il y mettait des mots pour l’empêcher de l’ignorer.

Si elle tombait, elle emporterait des ennemis avec elle.
Mais elle emporterait Kezabel également. Parce que peu importait la rancoeur que sa sœur devait lui porter, il n’y avait pas de doute sur l’amour qui les unissait. Cet amour, il était synonyme de destruction totale si l’autre venait à abdiquer aux mains de la Mort.

Alors, quoi ? Si elle n’y allait pas, si elle ne tuait pas, que faire de toute cette rage ? Que faire de ces vagues meurtrières qui l’assiégeaient sans répit ? Ses mains tremblaient violemment sur ses armes.

« Je sais tout ça... » murmura-t-elle d’une voix cassée dans le bourdonnement de son être. Ses dents claquaient comme si elle avait soudainement froid. Elle n’arrivait pas à se défaire de la culpabilité qui la rongeait.

Donnez donc mon corps aux chiens pour qu’ils le dévorent, je ne serai pas plus à l’agonie.
Elle se souvenait de toutes les chutes de sa sœur, de toutes les entailles aux genoux, de tous les pleurs, de tous les bleus et les éraflures. Elle se souvenait de la morsure de la honte dès lors que Kezabel se blessait quand elle devait la surveiller. C’était ça, son fardeau. Se souvenir de tout, dans les moindres détails. Chaque putain d’erreur. Se remémorer sans cesse cette responsabilité qui s’était imposée sans qu’elle ne puisse s’en empêcher. Et chaque blessure sur le corps de sa sœur était une défaite pour elle. Un clou planté dans la peau. Une cicatrice. Une pensée parasite. Rappel constant qu’elle n’était pas à la hauteur, qu’elle n’arriverait pas à la protéger.

Sanae fit un pas en arrière. Equilibre manquant. Elle avait l’impression que son crâne se sciait en deux, une brèche apparaissant en son milieu pour s’écarter douloureusement, répandant des ondes électriques, vibrantes, jusque dans ses yeux. La sorcière cligna plusieurs fois des paupières et passa quelques doigts sur son front.

« Où est-ce que ça va tout ça Logan ? Si je n’y vais pas...où est-ce que... je mets tout ça ? »

La colère, la culpabilité, la peur, la honte...toutes ces émotions qui la gagnaient, se déversaient en elle en comprimant ses poumons, où pouvaient-elles aller sans blesser qui que ce soit ? Si elle ne s’en servait pour détruire des âmes ce soir-là, alors qu’en faire jusqu’à ce que sonne l’heure de la vengeance ? Il lui semblait que son corps et son esprit étaient trop petits pour tout digérer, tout engloutir, et elle se sentait sur le point de tout lâcher sans avoir envie de le faire.

Elle luttait.
Comme elle avait autrefois lutté contre ce qui la traversait si violemment.
Cette fois-ci, elle sentait un tel déferlement qu’elle refusait de le laisser exploser véritablement. Ses armes tombèrent au sol. Baguette et sabre. Ses mains vinrent recouvrir ses oreilles alors que ses yeux se fermaient, visage crispé.

Là, elle reconnaissait les signes.
Cela faisait longtemps que ça ne lui était pas arrivée.
La panique. Le trop plein. Tout ce qu’elle avait voulu oublier, balayer, occulter revenait alors avec une brutalité qui donnait envie de crever sur place. Cruels réflexes qui se mettaient en place à nouveau. La trappe. Tout engouffrer dans la trappe. Espérer que tout y contiendrait en sachant pertinemment que c’était faux. Essayer quand même. Se laisser charcuter par les chaînes. Prendre tout ce qui vibrait dans l’air et l’enfouir à l’intérieur de soi. Enfouir. Enfouir. Enfouir. Combattre le torrent qui lui arrivait en pleine gueule.

Tous ses membres étaient pris de violents tremblements. Son souffle n’était plus saccadé, il lui échappait. Et la sensation de sentir son contrôle s’en aller, de sentir son coeur prêt à sortir de sa poitrine comme une balle part d’un fusil, ne faisait que faire grandir la peur viscérale. Elle se souvenait de toutes ces fois où petite elle avait soufflé entre ses lèvres tremblantes, des larmes creusant la peau de ses joues, qu’elle avait peur d’exploser. Masa, je vais exploser. Comme un ballon. Comme une piñata. Un volcan. Des vitres sous la force du vent. Exploser et n’être que des morceaux éparpillés.

Ses mains frappèrent, frappèrent son crâne. Écraser les émotions. Reprendre le file de ses pensées. Arrêter de voir le visage ensanglanté de Kezabel. Stop. Stop. Stop.

Elle n’était même plus consciente du tourbillon tout autour d’elle. Plus consciente du recroquevillement de son corps. Plus même consciente de sa présence à lui. Incapable de demander de l’aide. Pourtant, il aidait. Il mettait un mur entre eux et le reste du monde. Il englobait tout pour contenir le débordement. Mais c’était à elle de gérer ce qui se crashait en elle…

Où est-ce que tout ça peut aller ?

Il lui semblait que ce flux interminable d’émotions la sillonnait de part en part sans trouver l’endroit où s’épancher brutalement. Une balle de flipper, lancée à une allure qui la rendait folle. Ça cognait sur tous les côtés, ça vrillait dans tous les sens. Elle n’était plus qu’un grésillement, qu’une onde de choc qu’elle tentait de réfréner mais qui froissait la surface de sa peau. Des bourdonnements dans sa tête. Des virages, des flashs dans son esprit. Elle ne savait pas où aller, autre que dans la trappe. Elle refusait de laisser ça s’échouer tout à fait à l’extérieur d’elle-même. Elle aurait pu, oui. Il était là, il avait l’habitude.

Il suffisait de lâcher prise.
Lâcher.
Lâcher.

Laisser s’en aller la culpabilité qui la meurtrissait de l’intérieur.
Laisser s’en aller la honte.
Laisser exploser la rage dans son entièreté.
Et prier pour qu’elle ne devienne pas que des éclats de vitres brisées.

« Je suis d’humeur à me dissoudre dans le ciel. »
Virginia Wolf
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Sanae M. Kimura
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Sanae M. Kimura
Jeu 8 Avr 2021 - 17:08
Ça n’aurait pas dû se passer ainsi. J’étais pas censé apparaitre dans l’équation, à aucun moment. J’étais l’inconnu, l’inaccessible. Ma présence n’avait pas de sens, rien qu’une ombre fugace dans ton existence. Peut être la mèche qui allume le brasier, peut être celui qui en attise les braises. Mais un souffle, ça va, ça vient, ça disparait. J’aurais dû disparaitre, je n’aurais pas dû être là, ici, sur cette plage. Je n’aurais pas dû m’en faire pour toi. Ça n’aurait pas dû être un sacrifice de prononcer quelques mots. Ni une évidence d’accepter l’impensable.

Il aurait voulu ne pas éprouver de manque, mettre son humanité sur pause, la garder sous cape, éviter de se mettre lui-même dans l’équation quand il s’attachait pourtant à ne parler que d’elle. Oui mais quoi qu’il fasse, sa propre ombre planait sur ses mots. Ses propres manques qu’il niait pourtant à chaque instant. Se nier, pour lui permettre de prendre les décisions qui s’imposaient, sans jouer le rôle d’une ancre ou d’une chaîne. Logan se plaçait en filet de sécurité, qu’importe les coups qu’il risquait de se prendre au passage, qu’importe la sensation d’abandon ou de rejet qu’il distillait lui-même dans son esprit blessé. Chaque mot était prononcé comme une aide, une bouée à la mer, une main tendue. Et en agissant ainsi, il en avait conscience, il risquait de la projeter loin de lui.

Et ça n’aurait pas dû être si dur. Tout comme ça n’aurait pas dû être … évident.

Pourtant, ça l’était. Tout autant que ce calme qui s’abattait sur lui aussi brusquement que sur la maison entière, comme une chape de protection, l’assurance qu’il ne la laisserait pas agir par instinct sans avoir réfléchi à la situation, sans avoir pesé son choix. Alors, quel qu’il soit, il la laisserait faire, n’était pas là pour la brider ou la forger à son image. Mais il savait distinguer ce moment où la folie prenait le dessus. Ce moment qu’elle vivait à présent avec tant de violence et qui l’avait également amenée au bord de la rupture. Car à lorsqu’on lâche la bride, qu’on agit sans filtre, il faut encaisser les conséquences. Et celles-ci, il les voyait se dessiner à l’horizon, comme les nuages sombres d’un orage qu’on voit approcher, qu’on entend gronder au loin. Il les voyait malgré le tumulte dans lequel il se trouvait. Malgré la violence de ses actions, la précipitation de ses mots, la précipitation du venin dans ses veines. Oh il le sentait gronder ce cœur, prêt à laminer tous ceux qui pourraient se présenter sur sa route. Il la voyait, toute la fièvre du sang qui battait à ses tempes. Et là, au fond, engloutie, hurlait la sienne. L’envie de tout détruire, de sentir le claquement sourd des os qui craquent, les ondes de la douleur qui se répandent et emportent tout. Oh oui, là, au fond de lui, quelque chose hurlait, se brisait sur les murs de sa forteresse interne. Mais il l’emportait dans les abysses. Il ne restait plus que l’homme qui avait mené une école. Une révolution peut être aussi. Celui qui laissait ses émotions de côté, mises sous clef, pour simplement faire ce qui devait être fait. Et là, comme hier, il devait être celui qui ne flancherait pas.

« ARRÊTE ! »

L’air entier s’était rétracté avant d’onduler autour de lui. Mais il ne cillait pas, deumeurant, calme dans la tempête.

Tue les ennemis. Tue les faibles. Tue les coupables.
Mais tue…. Tue la peine. Tue la peur. Tue la haine. Tues, chaque bride de ses souvenirs venues engloutir les rivages d’un passé partagé avec un seul ami. Blessé. Encore. Tue. Tu le fredonnement du chaos, il ne restait que la logique. Prendre les bonnes décisions, ne pas exploser.

Ce qui est fait ne peut être changé, ce qui est hors de ton contrôle ne doit te dévaster.

Ça crépitait, ça implosait tout autour d’elle, tourbillon incessant de douleurs sourdes.

« Je sais tout ça... »

Comme le roulement d’un char dans la nuit. La décision était prise, il le savait, les mots avaient percé la rage, trouvé du sens en elle et touché une corde sensible. Enfin, touché… non, il l’avait frappé avec toute la force de l’affection et de la culpabilité. Il l’avait violentée jusqu’à ce qu’elle soit couverte de sang, que les ondes se répandent partout en elle et fassent crisser ses nerfs, déclenchant la déferlante en elle, bridant, oppressant ses poumons, écrasant son cœur et son âme de contradictions infâmes. Hier, il lui apprenait à cesser de s’asservir, de s’asphyxier, lui hurlait de vivre pour elle, de brûler la vie, d’en prendre le contrôle, d’exploser, d’exister, de prendre tout l’espace. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui il la sentait se ratatiner sous l’impact de ses mots. Aujourd’hui… il lui demandait de penser aux autres car il savait que c’était le choix à faire. Parce qu’il était humain, profondément, et que derrière les plaies, derrière les besoins, les envies, les refus. Eh bien il y avait ce truc, cette lueur qui perçait par moment ses prunelles. Là, le refus qu’elle se détruise. Là, le refus de l’entraîner dans les tourments qu’il se devait d’encaisser.

Oui, il l’aurait suivie si elle avait fait un choix différent. Il serait sans doute tombé ce soir. Mais ça aurait été tout gorgé de sang, de chaos, d’une violence absurde et sublime dont il se serait repu sans trêve. Ce massacre, ça aurait été tant le sien que celui de Sanae, les deux dragons envolés, déchainés, ingérables, incontrôlables.

Et pourtant c’était bien de contrôle dont il s’agissait.
Pas de chaînes, mais un voile. Celui de la logique et des responsabilités. Celui qui blessait de culpabilité, qui imposait la structure, la restriction. Celui qui imposait de réfléchir et de répondre aux données par la meilleure des voies et non celle que le corps et l’âme hurlent de choisir. Mais les armes étaient tombées. Le chemin ne serait pas gavé de sang.

Il le serait de larmes.

Un pas en arrière.

Il le serait d’amour.

Là était sans doute sa limite.  

Elle se brisait en deux, écartelée par la violence de ces forces qui s’opposaient en elle. L’une et l’autre, sans cesse en conflit, affrontées dans un combat à mort, s’emportaient dans une lutte infame qui la noyait totalement. Elle perdait le souffle, elle tranchait ses nerfs. Et seconde après seconde, elle se rétractait, se recroquevillait dans d’anciens réflexes.

Comment tu te sens dis-moi Logan ? Jure que l’humain, là, ne crève pas de l’acide qui transpire de chaque pore de sa peau. Ta culpabilité, elle est où, d’être la plaie qui brûle et perce l’autre ainsi. Tu penses avoir fait les bons choix ? Regarde-là. Alors, elles sont où les réponses. Dis-moi, dis-lui. Elle en fait quoi de tout ça ?
Toi, t’en fais quoi ?


Tout brûlait, flambait en elle et ses gestes se retournaient contre elle, griffant, frappant son crâne quand elle s’accroupissait, le souffle devenant sifflement, les pensées tourbillonnaient, la giflant à  chaque tour comme des feuilles dans le vent venant claquer l’épiderme. Sauf que les feuilles avaient le tranchant du rasoir.

Alors il l’avait rejoint, à son niveau, sans une pensée pour le chaos que les entourait, ne cédant pas un pouce de magie, contenant le tumulte.

Et ses mains glissaient par-dessous ses bras, prenant son visage entre ses doigts blessés, un pouce comme une caresse sur sa pommette, l’autre forçant son menton à se relever, ses yeux à se poser sur ses yeux trop clairs.

Trop calmes.
Trop compréhensifs.
Trop humains.

Tu l’as, ta solution. Elle est là depuis des mois.
Lâche jusqu’à l’apaisement. Tu sais que j’encaisserai. Tu sais que je saurais. Tu sais que tu es en sécurité. Lâche. Tu sais que tu en as le droit.

Tu sais que vous n’êtes pas seules face au tumulte.


~Des morceaux d’eux-mêmes, des reflets changeants, des mots et des silences.
L’espace d’être soi, l’envie de vivre, la force de continuer, voilà ce que les êtres avaient à s’offrir de plus beau, de plus humain. ~
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M. Logan Rivers
Jeu 15 Avr 2021 - 13:07
« Il y a souvent plus de choses naufragées au fond d’une âme qu’au fond de la mer. »
Victor Hugo


Un voile invisible et magique s’était déposé sur la demeure et plus rien n’en sortait. Tout était contenu, protégé du regard du monde qui aurait pu juger sévèrement cet être qui débordait si fort. Cet être plein d’une désespérance lasse, épuisante, qui allait jusqu’à faire percuter les genoux au sol. Petite chose recroquevillée sous le poids des émotions armées de dents qui lacéraient tout sur leur passage. C’était son âme qui s’était amassée sur elle-même dans un geste destructeur et qui pourtant, symbolisait toute sa volonté à ne pas laisser s’échouer davantage sur ce qui l’entourait toute la force de ce qui l’assaillait. Elle était lasse, oui, cette âme. Lasse de toujours éclater, intérieurement ou extérieurement, les deux souvent, sans savoir comment échapper à elle-même, sans pouvoir se maîtriser sans se nier. Elle se sentait écrasée par tout ce que son esprit avait englouti durant ces dernières semaines. Écrasée par les échecs qui prenaient bien plus de place que les maigres réussites. Écrasée par les non-dits et les mensonges jetés pour faire mal. Écrasée par la culpabilité, la honte, les envies autant que ce qui l’écœurait violemment. Écrasée par les souvenirs des autres qui se mêlaient aux siens. Écrasée par les absences, les manques qui tiraillaient son ventre, sa peau, ses muscles. Et sans doute son imagination pessimiste venait couler une couche de désespoir supplémentaire sur tout le reste : et si elle n’y arrivait jamais ? Et si Kezabel ne lui pardonnait pas, ne se remettait jamais ni du traumatisme, ni de l’absence, ni des mots tranchants ? Et si elle ne trouvait jamais de manière de s’équilibrer ? Et si elle restait perdue à jamais dans l’oscillation constante de son existence ?
Et si cet homme qui déposait une chape protectrice sur la maison de son enfance disparaissait pour la laisser seule dans son esprit, seule parmi ceux qui ne pourraient jamais complètement comprendre, savoir ce que leur don altérait, faisait peser comme fardeau ?

Peut-être était-ce pour cette raison qu’elle n’avait pas fondu sur lui pour se délivrer de toute cette frustration à éprouver toujours trop fort, qu’elle n’avait pas non plus tenté de lui faire payer dans l’injustice la plus totale le prix de sa rage ? Cette autre âme qui souffrait, elle voulait la garder près d’elle autant que possible pour une raison essentielle et humaine qui la dépassait...qui les dépassait. Elle ne voulait pas s’épuiser lui aussi, alors qu’il était lui-même écrasé par tant de poids dont elle ignorait encore toute l’étendue mais dont elle devinait pourtant la charge. Elle ne voulait pas qu’il pense qu’il n’était qu’un défouloir, qu’un réceptacle de toutes ses douleurs, de toutes ses fureurs.

Et pourtant...pourtant, il venait à elle alors que tout s’écroulait. Elle n’avait plus eu véritablement conscience de sa présence depuis l’instant où elle s’était recroquevillée sur le sol au milieu des vents terribles de son être en conflit. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’en plein champ de bataille, il glissait ses mains sous ses bras et ses doigts venaient toucher son visage. Un pouce sur sa pommette créait un sursaut dans son ventre comme un rappel de sa présence, tandis que ses autres doigts meurtris relevaient son menton. Ses paupières s’ouvrirent et l’acier vint s’écouler dans l’ébène de ses prunelles. Il n’y avait rien de tranchant dans ce regard clair, rien d’incisif. Elle y lisait quelque chose de nouveau et de pourtant terriblement familier.

Oui, il y avait de l’humanité dans ces yeux.
Une humanité qui l’intimait à se libérer et à se déverser sans peur.
Une compréhension silencieuse.

Pas besoin de mots pour ces choses-là, surtout pas entre eux. S’il y en avait besoin, cela aurait été pour dissiper les malentendus, les doutes, les angoisses qui se révélaient sans jamais vraiment être prononcées. Ils s’étaient rencontrés dans le silence. Un silence qu’elle avait tenté de faire disparaître  peu à peu. Mais ce soir-là, en cet instant précis, c’était elle qui n’avait plus de mots. Plus de mots pour dire ce que lui inspirait ce regard, ni ces doigts qui la ramenaient à lui dans le présent. Un geste qui lui donnait une porte de sortie. Oui, la porte de sortie d’elle-même là tout de suite, c’était lui.

Lui qui pouvait encaisser, lui qui pouvait garder le calme sur l’extérieur, lui qui protégeait les alentours autant qu’elle-même. Lui qui était là depuis des semaines dans la tourmente qui surgissait souvent sans avoir d’autre moyen d’éclater, sans blesser les autres, qu’en lui.

Avait-elle un autre choix ?

Elle savait que non, malgré toute l’ardeur qu’elle mettait à ne pas vouloir le blesser.

Tout son visage se crispa, l’impuissance au fond des prunelles. Ses mains agrippèrent les pans de sa veste, ses ongles s’enfonçant dans le tissu alors que ses dents se serraient, que ses lèvres tremblaient. Tout en elle semblait se galvaniser en une gigantesque vague prête à tout engloutir, à s’abattre…montant, montant, montant en elle dans une sensation vertigineuse qui lui déclencha un gémissement douloureux comme un seul sanglot contenant tout ce qu’elle éprouvait et qu’elle ne pouvait contrôler. Et enfin, la vague atteignit sa plus monstrueuse hauteur et traça son ombre menaçante sur le sorcier…

...jusqu’à retomber sur lui d’un seul coup, avec une violence jamais connue auparavant dans son être.
Elle lâchait, lâchait complètement et son esprit déferlait sur Logan. Pas de jubilation, pas de plaisir. Il y avait dans le regard de la sorcière, un pardon muet.

Et une seule larme coula sur sa joue.

Pardon. Pardon de te laisser avec tout ça. Tout cette rage amère et viscérale. Toute cette frustration d’être perdue. Tous ces manques. Toutes ces plaies, ces peurs qui me scient de partout. Pardon de te donner ce rôle. Pardon de te réduire à ça. Tu es bien plus.

Mais je n’ai pas d’autre issue que toi.


Il était son seul ancrage dans le présent en cet instant. La seule chose qui puisse la retenir de se sentir dissoute parmi le flot de choses qui s’échappaient d’elle comme une marrée immonde et terrifiante, affluant sur le sorcier, s’épanchant sans retenue. Ce flot-là ne semblait pas se tarir, il se ruait avec une force qui la dépassait entièrement et qui faisait trembler ses mains sur sa veste. C’était comme s’il ne venait pas tant de son esprit que de son ventre, dans les tréfonds entremêlés de toutes ses angoisses nourries d’une imagination putride. Toutes les ondes et les remous qu’avaient créés ses erreurs prenaient une forme solidaire et s’abattaient sur la forteresse sans volonté de la faire flancher mais par le besoin essentiel de se déverser. Tout s’échappait d’elle, quittait les locaux délabrés de son être pour fondre sur le sorcier. Oh, comme elle aurait aimé pouvoir laisser s’en aller ces choses qui pesaient si lourdement jusqu’à n’être qu’un compartiment vide, paisible. Ne plus ressentir, c’était ne plus se laisser déborder, n’est-ce pas ?

Ça voulait aussi dire mourir.
Et peut-être mourrait-elle plus facilement de n’éprouver aucune joie, aucun plaisir, aucun bonheur plus fort que tout ce qui aurait pu l’entacher…

Prends tout. Prends tout ça et jette-le dans la mer.
Ne le retiens pas en toi, ne sois que le tremplin qui aide à propulser ces choses plus loin encore.


Son regard ne quittait pas celui de Logan. Elle se noyait en lui, se laissait aller autant qu’elle lâchait tout ce qu’elle avait retenu depuis son départ. Et en elle, quittant chaque interstice, chaque fissure, chaque crevasse, se propulsait les douleurs entassées, l’encrassement le plus visqueux dans les jours troubles et désordonnés qui s’étaient écoulés. Elle n’était pas même sûre de pouvoir arrêter le flux qui s’époumonait contre les parois de la forteresse ; elle laissait seulement tout s’abattre sur les murs, fuser avec une brutalité qu’elle ne maîtrisait pas. Il n’y avait pas de revendication dans ce geste mental, seulement le désespoir sous sa forme la plus pure...celui d’une jeune femme dont l’esprit était trop plein. Trop plein de tout. Chaque image se juxtaposant à une autre, créant des bouchons, des lourdeurs exécrables dans les cavités de sa mémoire et elle ne savait plus quoi faire de tout ça, à part laisser son esprit se libérer des murs trop étroits.

Alors le raz-de-marrée continuait, se faisait plus violent encore dans l’empressement qu’il se termine enfin. Son souffle erratique ne gonflait pas véritablement ses poumons, il lui semblait manquer d’air. Son ventre se tordait de douleur sous la puissance libérée aussi brutalement. C’était comme dénouer des nœuds…une fois libérés, ils avaient toujours un peu la forme de leur contorsion. Sans doute d’ailleurs, seraient-ils tordus à jamais.

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Sanae M. Kimura
Ven 16 Avr 2021 - 14:35
Tant de violence et de désespoir dans cette âme tordue, malmenée. Tant de pertes et de remords, de questionnements et d’abandon. Tant de repères calcinés, d’affections écartelées, d’aptitudes reniées. Tant de chocs que l’âme se déformait un peu plus à chaque battements de cœur, enflammant l’atmosphère et coupant l’oxygène de ses poumons un peu plus à chaque seconde. Tant d’erreurs, de malheurs. Dans de bonheurs calcinés, d’espoirs hors de portée. C’est pour ça que tu t’accrochais tant à cette notion si malformée ? Car l’espoir te manque à présent, il n’est qu’une chandelle depuis trop longtemps éteinte qui ne peut plus illuminer les ombres pour te guider de nouveau. Il te faut apprendre à naviguer dans les eaux glaciales et sombres. Il te faut apprendre à poser un pas après l’autre dans les ténèbres, te relever malgré ce qui y rôde. Abandonner, sans véritablement savoir ce qui t’attend, le savoir que la vu mène au pouvoir. Peut-être y a-t-il dans les ombres le dessin d’une voie à laquelle tu n’aurais pu accéder si la chandelle était restée, t’aveuglant trop violemment de l’amour d’un père. L’amour rend aveugle après tout, l’adage n’est sans doute pas né par hasard. Peut-être pourrais-tu trouver, là, quelque part derrière la panique et le doute, une nouvelle façon de découvrir ton monde. Peut-être n’est-il pas si immonde, si on apprend à l’entrevoir autrement ?

Peut-être faut-il seulement une main tendue dans le noir. Qu’importe si celle-ci l’est par un homme trop fendu au désespoir.

Car c’était bien de ça qu’il s’agissait. D’Homme. L’humain derrière le guerrier, l’humain derrière le monstre ou le dragon. Logan la raccrochait à la sienne, d’humanité, appelant à la bienveillance sans pour autant renier la violence. Il la rattrapait, l’empêchait de sombrer. Et pourtant, le choix lui revenait. Le sang ou les larmes. La mort ou la vie. Dans tous les cas, il l’aurait accompagnée, aurait brandit la lame ou la main, mais il aurait suivi. Sans doute n’était-ce pas ce qu’on attendait de lui. Sans doute n’imaginait-on pas ce qu’il s’évertuait parfois si fort à dissimuler.  Sans doute n’imaginait-on pas à quel point ce regard lui avait tordu les trippes, véritable uppercut dans sa conscience. Car il n’y avait pas là que la violence de la douleur, l’ingérence de l’absence, l’asphyxie de la culpabilité. Là, il n’y avait pas que Kezabel. Lorsqu’il l’appelait, l’encourageait, lorsqu’il se positionnait en issue, sans attendre quoi que ce soit de retour, il y avait là quelque chose qui lui était bien souvent refusé. Il y avait la peine de blesser. La culpabilité de s’épancher. Pas de supplique, pourtant, elle prenait l’opportunité comme un besoin vital de trouver une faille, une fuite possible à ce qui implosait de toute part. Nécessaire échappatoire. Pour autant, l’excuse, elle l’assaillait totalement, agressait ses sens et tordait son âme.  

Viens… échappe-toi.

Et elles s’écroulaient, les digues. Il les sentait grincer, crisser, céder les unes après les autres. Mais l’esprit ne s’évadait pas ainsi. Non, il devenait armée, vague, déferlante. Il s’amassait sur lui-même comme le ferait un poing avant de s’abattre. Mais il y avait là les milliers de poings des milliers d’enfants et d’adultes qu’elle avait été. Les milliers de hurlements de chaque coup porté, reçu, renié. La peine de chaque humiliation, chaque erreur, chaque angoisse avortée, refusée. Il y avait là les milliers de larmes non versées, les milliers de doutes et de craintes. Il y avait la fureur de l’enfant abandonnée, la ferveur de l’adulte délaissée, l’épuisement de l’animal qui n’a jamais cessé de se battre contre lui-même.

Il y avait la violence de toute une existence écorchée vive.

Et cette violence, il l’avait réceptionnée autant qu’elle l’avait percuté de plein fouet, s’écrasant sur lui, l’enfermant, le noyant sous tous ces cris muets, cette espérance suppliante. Les rires avortés, les pleurs délaissés, les espoirs supprimés, les avancées décimées, ils s’étaient déversés comme autant d’espoirs calcinés.

Ça n’était pas une attaque, pas à ce niveau, ça n’était pas une libération jubilatoire. C’était juste la violence d’un nouveau souffle là où la vie aurait dû cesser à force de convulser.  

Alors d’un côté, il contenait, chape de plomb refusant la moindre fuite meurtrière, gardant Sanae dans une parfaite bulle de protection salvatrice. Et de l’autre, il la recevait, l’accueillait presque, comme si la violence pouvait être réellement accueillie comme une amie, reçue sans jugement, sans réponse.
Il l’absorbait, toute la virulence de cette armée d’écorchées.

Le trop plein de toute chose, il l’acceptait, s’y noyait sans vraiment y perdre le souffle. Peut-être aurait-il dû savoir qu’à force de la protéger, il en oubliait de se perserver. Il n’avait eu que vaguement conscience de cette faille, cette faiblesse, là, qui sous l’assaut avait fini par céder et laisser passer le flot acide.

Alors, avant même qu’il ne réalise, elle s’était déversée dans l’abime.


**

« Il n’y a que la peur qu’ils comprennent ces bêtes-là. Crois-moi, je sais pas pourquoi tu laisses un bâtard comme lui prendre le dessus sur toi. Mais il est hors de question qu’il déshonore comme ça votre nom, tu piges ?! »

Les coups pleuvaient, violents, erratiques, le souvenir volant d’un choc à l’autre sans vraiment s’arrêter. Comme s’il clignait des yeux devant une scène lointaine, empêchant Sanae d’en saisir l’essence. Et pourtant, elle résonnait encore, la voix de ce gosse de dernière année, qui frappait avec tant de véhémence le corps d’un enfant de douze ans à peine. Et ce corps, il ballotait, violenté de toute part. Il ne réagissait pas. Non, il tentait de contenir, avec toute la panique d’un gosse hors de contrôle. Les cheveux trop longs qui trempaient dans le sang lui rentraient dans les yeux, piquaient ses orbites. Les chocs percutaient ses os. Et pourtant il n’y avait qu’une chose qui importait : se contenir. Ne pas être le monstre. Pourquoi ? Pourquoi les prémunir quand ils cherchaient si brusquement l’asservissement ? Pourquoi ne pas refuser ? Parce qu’il avait intégré, depuis bien longtemps qu’il ne pouvait faire ça. Qu’il ne devait agir ainsi. Un seul instant et il risquait de déraper. Et à partir de là, jamais il ne serait autre chose que celui dont on devait rester loin. Pourtant, c’était déjà ce qu’il faisait, s’isolant de lui-même de tous ceux qui, pourtant, pouvaient être différents de sa famille. Mais dans l’année, jamais il n’avait vraiment accepté de contacts humains, trop conscient de ce qui risquait de se passer si ses émotions l’emportaient. Jamais… presque jamais. Il y avait un con assez têtu pour tenter le diable. Un idiot qui revenait à la charge. Un idiot qui, bien des années avant le drame, refusait de plier.

« Cooper sera le prochain. Ça va bien les conneries ! »

Et la rage s’était fait meurtrière, elle s’était invitée dans ses veines comme une lame venue les lui trancher. La rage, elle l’avait poussé au suicide social en un instant. Rien qu’un moment d’oubli lors duquel il était soulevé de terre, l’acier de ses prunelles d’enfant venu capter le regard de son agresseur. Derrière, Logan n’avait même pas vu le regard de son frère s’arrondir, ne l’avait pas vu tendre une main vers son ami pour l’arrêter. Non, il n’avait vu que ces iris verts remplis de mépris. Et l’instant suivant, il possédait chaque pan de ses pensées, déferlait dans chaque souvenir sans savoir se contrôler. Il percutait, déferlait, rebondissait sans vraiment réussir à capter l’essence de ce qu’il aurait pu chercher avec plus de maîtrise.

Et bientôt, l’autre desserrait sa prise et l’enfant retouchait terre, son bras volant à son tour sur la gorge de l’adolescent, serrant de ses petits doigts furieux. Et un seul mot craché en défonçant les pensées qu’il larguait pourtant brusquement : « Non. »

D’un pouce, l’enfant soulevait le menton de son agresseur, le surplombant à présent que l’autre était tombé à genou. C’était lui qui le lâchait, lui qui posait un regard tranchant sur son frère, lui qui s’éloignait sans être inquiété. Lui, si froid et violent dans chaque fibre de son être, qui semblait si parfaitement maîtriser la situation qu’il en devenait glaçant, dangereux. Lui qui, pourtant, s’effondrait intérieurement de ne pas être capable de plus. De n’être si peu. Lui qui n’attendait plus rien désormais.

Cooper n’en su jamais rien. Et aucun d’eux ne lui tomba dessus.

**

Logan aurait pu s’en défaire, forcer le retrait, percuter la vague à son tour et la réduire à néant. Mais ça n’était pas ce qu’il cherchait. Alors elle avait percé, oui. Et il l’avait laissée faire, endiguant la fuite à ce seul souvenir, ce truc qui était revenu à la surface par un manque de maîtrise de sa part. Inattention, épuisement, chaque explication était bonne. L’enfer de sa magie, il la contenait. La déferlante de son don, il l’affrontait. Et la fatigue, la rage, le flux d’émotions des jours passés, il y faisait face. Mais la vague avait fini par ébranler les fondations qui s’avéraient moins imprenables qu’elles y paraissaient. Et il laissait faire. Pas de réaction de rejet, seulement ses doigts qui se crispaient autour de quelques mèches de cheveux. Comme une façon de l’ancrer, de lui donner l’autorisation, de la laisser faire. N’arrête pas. Lâche ce qui doit l’être. Ne contient rien.  Il y avait tant de choses compromettantes dans son esprit, tant de faits qui suffiraient à briser des vies. Tant de données qui briseraient les autres. Mais de toutes, c’était celle-ci qui ressortait. Simplement parce qu’elle n’avait rien de foncièrement grave. Elle avait trait à son humanité, voilà tout. Voilà en quoi elle la lui volait. Mais il n’y avait rien de dangereux à ce qu’elle possède ce souvenir, alors il le lui laissait.

Peut-être y avait-il finalement dans tout ce déferlement ingérable de magie que leurs esprits constituaient quelque chose de profondément humain, véridique, naturel. Quelque chose qui avait trait à la dénomination même de cette fureur qui avait grandit en eux dès le premier jour pour les noyer totalement tous deux, puis chaque personne autour ensuite.
Dans ce moment partagé, il y avait là une certaine évidence : en cet instant, pour une fois, la légimencie devenait ce qu’elle aurait dû toujours être : un don.

Alors ce souvenir, il lui offrait.

Et lorsqu’enfin, le flux s’était tari, la violence s’était faite silence et qu’autour d’eux, tout se taisait, ne laissant qu’un parfum de remords dans l’univers dévasté, Logan laissait poser son front sur le sien un court instant, comme pour reprendre son souffle. Et c’était sans colère qu’il posait de nouveau les yeux sur elle, se redressait sans un commentaire sur ce qui venait de se passer.

Et d’une main tendue, il ajoutait seulement : « Je te ramène à Londres. »

Quand le silence, lui, soufflait d’autres mots. Tu es pardonnée.

- Fini pour moi je pense -
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M. Logan Rivers
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M. Logan Rivers
Sam 24 Avr 2021 - 15:44
Son corps s’épuisait à mesure que son esprit s’épanchait.
Mais y avait-il fatigue plus harassante que celle du trop plein contenu dans un si petit espace ? Ses pensées, ses émotions, son coeur, son âme, tout ceci était comme un arbre planté dans un vase. Dès lors qu’on laissait ces choses grandir et grossir alors le vase se fendait et explosait dans l’élargissement dévastateur. Elle était un trop plein. Plein de tout et de rien. Elle l’avait toujours été, le serait sûrement toujours. Mais quand elle était seule et abandonnée, sur son petit lit d’orpheline, Sanae n’avait alors pas eu d’autre choix que de contenir ou tout détruire autour d’elle, saccager, frapper, hurler. Il n’y avait, en ce temps-là, pas de contenant assez fort, pas de vase flexible qui puisse accueillir le gigantisme de son âme, par de prunelles assez profondes pour s’y glisser tout entière sans avoir peur de fissurer l’autre.

Non, il n’y avait eu personne pour qu’elle puisse s’épancher jusqu’à sentir le soulagement soulever les nœuds de son estomac. Alors, quand son regard sombre se trouvait ancré si fermement dans celui du sorcier, il y avait un goût de revanche sur ce qu’elle n’avait pas eu enfant. Le besoin viscéral trouvait vers quoi d’autre se tourner que le vide solitaire de l’incompréhension. Parce que ces deux yeux faits d’acier qui la capturaient et l’invitaient avaient en eux le savoir terrible de ceux qui ont ce don. Et si Sanae déstabilisait dans sa monstruosité, Logan surprenait par son humanité. Tous  deux  étaient si différents à l’extérieur de ce qu’ils contenaient vraiment. On n’aurait pu prêter au sorcier une humanité aussi franche dès lors qu’elle sortait de sa forteresse. On n’aurait pu deviner sous l’impassibilité ou la fureur vorace un tel besoin des autres, d’être compris et accompagné. Oh, il se plaisait sûrement à dire qu’il était seul et qu’il le demeurerait à tout jamais mais elle savait qu’au fond, cette assertion était imbibée d’une amertume tenace, dévoreuse des âmes qui s’y trouvaient bloquées.

Elle connaissait cette peur des autres. Peur du regard, peur d’une proximité qu’on n’était pas prêt à accepter pour ce qu’elle avait de meilleur. Peur, aussi, de s’habituer à une présence, à un soutien jusqu’alors méconnu. Elle avait été cette personne effrayée du reste du monde, le regardant de loin en se demandant ce qu’elle y avait de si profondément inadapté chez elle pour qu’elle ne soit pas comprise dans ces embrassades, dans ces bienveillances humaines qui réchauffaient et donnaient de quoi boire. Elle avait été cette solitaire meurtrie qui n’osait pas croire, n’osait pas espérer et qui s’évertuait à mettre des barrières avec l’affection dont elle crevait pourtant de sentir les contours. Oui, elle avait été cette enfant terrifiée autant à l’idée d’être aimée que de ne jamais l’être. Incapable de se faire confiance, incapable de voir en elle ce qui pourrait être accepté et apprécié. Et l’amertume avait grandi en voyant les autres trouver une famille. Une place. Cette terreur, elle la savait toujours là en lui, grimpante et détestable tant elle s’était ancrée si profondément. Car il n’y avait eu personne pour le sortir de là. Personne pour lui donner de l’espoir. Personne pour lui donner, enfant, un tant soit peu de chaleur. Alors la peur avait continué à grossir en lui à mesure qu’il devenait homme. Un homme avec une terreur d’enfant.

La vérité, c’était qu’il n’y avait pas de plus grande peur que celle d’un enfant qu’on n’avait pas aimé, pas rassuré, pas enlacé. Comme si en grandissant cette peur devenait un peu plus mature quand on donnait à l’être qui l’abritait un petit peu de force pour la contrer, des arguments pour la repousser. On ne lui avait rien donné de tout ça, à lui, et sa peur était restée à l’état brut. Il s’était simplement construit avec elle, en elle, autour d’elle. Peu importait. Elle était là, surpuissante. Et le seul moyen de cohabiter et de survivre avait été de la faire sienne, de la prendre à bras le corps et de s’en servir. S’en servir pour faire peur aux autres, pour devenir un monstre qui n’avait pas peur de la Peur.
Le monstre avait seulement oublié qu’il était un homme.
Un homme qui avait besoin d’une présence.
Besoin de contact.
Besoin de mots autant que besoin d’exister dans un silence paisiblement partagé.
Besoin d’être reconnu, aimé, entendu, compris.
Besoin d’être récompensé, admiré, valorisé.
Besoin de savoir qu’il existait.
Besoin de savoir qu’il avait sa place, là, quelque part et que cette place lui appartenait.

Il était tout aussi humain que les autres.
Et ce fait-là lui était détestable parce qu’il était effrayant.
Le monstre qu’il était devenu n’était qu’une couverture rassurante.

On n’enlevait pas sa couverture à un enfant dont le ventre se tordait de frayeur.

Voilà pourquoi la sorcière implorait un pardon silencieux dans l’échange qu’ils partageaient. Voilà pourquoi une larme coulait sur sa joue quand il l’invitait à déferler. Voilà pourquoi elle se trouvait touchée en plein coeur quand il l’accrochait à lui, prenait de ses mains abîmées son visage, capturait ses prunelles voilées.

...parce que malgré la terreur de l’enfant perdu dans sa forteresse glaciale, malgré le monstre qui aurait pu sortir jouer, malgré l’inconfort, il était là devant elle avec un regard si humain qu’il l’enserrait tout à fait.

Alors elle n’était plus seule dans son esprit.
Et il n’était plus un monstre en cet instant.

Ils étaient deux enfants qui comprenaient si bien les maux de l’autre qu’ils n’avaient pas besoin de se parler en cette seconde. Deux enfants qui trouvaient enfin quelque chose de profondément beau et humain dans le don qu’ils portaient tous deux. Un échange. Une porte. Un pont.

Oui, c’était un pont.
Juste au-dessus du gouffre qu’était la solitude.
Le légimencie n’était plus seulement un moyen d’attaque ou de défense. Plus seulement un fardeau ou une malédiction. C’était un pont construit entre deux âmes qui avaient pour habitude de franchir la distance pour rencontrer un autre mais pas l’habitude qu’on la franchisse pour eux. Pour ce qu’ils étaient vraiment, dans l’acceptation pure et simple de toutes leurs erreurs et leurs failles. Et elle eut l’impression qu’il l’accueillait de l’autre côté de ce pont et qu’il la laissait franchir la ligne.

Ce n’était pas une impression.
Là, dans la déferlement de son esprit sur le sien, Sanae avait fait trembler la forteresse et avait pénétré l’enceinte si bien gardée. Elle ne se posait pas même la question du comment, elle entrait comme une cascade. Du reste, les raisons étaient multiples : le sorcier enveloppait l’espace autour d’eux, son attention était divisée et la sienne, à elle, était fixée sur lui alors que son trop plein s’abattait avec force. Un sursaut s’était fait sentir au fond de son ventre mais Logan ne la repoussait pas. Il acceptait.

Il acceptait.
Et il n’y avait pas de mots assez forts pour décrire cet instant.

Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle se plongeait en lui et qu’il resserrait sa prise pour lui intimer de ne pas s’arrêter.

Et d’un seul coup, elle était lui, là, dans les images qui défilèrent comme si elles lui appartenaient.


« Il n’y a que la peur qu’ils comprennent ces bêtes-là. Crois-moi, je sais pas pourquoi tu laisses un bâtard comme lui prendre le dessus sur toi. Mais il est hors de question qu’il déshonore comme ça votre nom, tu piges ?! »

Ce mot, encore…bâtard.
Elle avait envie de le vomir.

Autant qu’elle avait envie de vomir des coups qui venaient fondre sur lui. Chaque impact faisant résonner le mot plus fort encore. Bâtard. Bâtard. Bâtard. Il vrillait ses oreilles. Et le goût du sang lui sembla parvenir de sa propre bouche tant elle le sentait si violemment. Il s’était contenu. Contenu en lui-même par peur de tout briser autour de lui alors même qu’on le mettait à terre, qu’on le frappait, encore et encore.

Quelque chose en elle hurlait.
Ses doigts s’accrochèrent plus fort aux pans de sa veste comme si elle ne voulait pas le lâcher et le laisser aux prises de ces mains qui le cognaient si fort.

C’était idiot. Le passé était le passé. Ce n’était qu’un souvenir. Un souvenir ne pouvait pas vraiment être changé. L’esprit pouvait tricher mais à ce moment-là, ce gamin avait été seul et meurtri par les autres. Pourtant, elle aurait donné beaucoup pour avoir pu s’accrocher à lui dans cette image, pour avoir été là à ses côtés, pour avoir pris les coups avec lui, pour avoir glisser sa main d’enfant dans la sienne.

« Cooper sera le prochain. Ça va bien les conneries ! »

Un nouveau sursaut au fond d’elle. Ou bien, était-ce le sien, à lui ? La rage montait d’un seul coup. Aucun moyen d’y échapper. Elle englobait l’entièreté de l’être et se faisait menaçante. Les os tremblaient, les nerfs vrillaient. Et l’enfant se relevait pour affronter de son regard tranchant ses bourreaux. L’esprit se tendait, fusait, déferlait. Oh, comme c’était étrange comme sensation. Être dans l’esprit de quelqu’un qui étirait son esprit. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne l’avait pas ressenti. Et surtout pas ainsi. Elle sentait la force du don fracasser les portes d’entrées non scellées. Aucune maîtrise. Il ne cherchait rien, il ne s’arrêtait pas, il s’époumonait et frappait avec bien plus de véhémence que les coups qui avaient plu sur son corps.

La rage était une balle qui partait d’un seul coup sans prévenir. Tout comme cette petite main qui venait enserrer la gorge de l’adolescent en plantant son esprit dans le sien.

Un seul mot.
Un seul.

« Non. »

On pouvait désapprouver de l’intrusion violente.
Mais il n’y avait rien de plus humain que ce « non ». Car ce refus n’était pas pour lui-même mais son ami. Son seul ami.

La voilà ton humanité Logan...elle est dans la protection de ceux que tu aimes si fort sans jamais le dire à voix haute. Elle est dans la bienveillance que tu leurs octroies bien plus qu’à toi-même.

Elle ne put empêcher les émotions contradictoires qui tordaient son ventre. Autant de fierté que de tristesse. Et le souvenir s’éloignait en même temps que lui, laissant ses bourreaux à genoux tandis que lui, marchait.

Vers sa solitude…


La main de la sorcière vint entourer sans violence son poignet. Juste un contact.

...plus maintenant.


Et avec ça, la déferlante se calmait.
Le trop plein s’était épuisé et il n’y avait plus que les ondes rebondissantes dans son organisme. Le souffle court, sa tête se baissait légèrement alors qu’elle quittait l’acier des prunelles pour fermer une seconde les paupières. Autour d’eux, le flux magique s’était calmé. Un silence étrange et fatigué les entourait. Et ce ne fut que lorsqu’elle sentit son front contre le sien qu’elle rouvrit les yeux. Ils reprenaient leur souffle dans une proximité qu’ils apprenaient un peu plus à chaque fois.

Un soulagement discret détendit ses entrailles quand elle ne vit aucune colère dans son regard. Et s’il tendait une main vers elle, se redressant alors, c’était seulement pour lui mettre fin à l’oubli. Fin à la perdition.

« Je te ramène à Londres. »

La ramener chez elle. La ramener vers Kezabel. Vers la vie qu’elle avait voulu laisser derrière. La ramener à elle-même et ceux qu’elle aimait.

Et un mince sourire timide étira le coin de ses lèvres.

Merci.

Parce qu’elle était pardonnée.

Alors Sanae prit sa main et se releva à son tour.

Il la raccompagnait de l’autre côté du pont.


FIN DU TOPIC
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Sanae M. Kimura
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