AccueilAccueil  FAQFAQ  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment : -21%
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, ...
Voir le deal
39.59 €

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas

Carnival of Rust - Aza

 :: Autour du monde :: Grande Bretagne :: — Angleterre
Dim 13 Sep - 22:14
- En soirée suite à la cérémonie du mariage -


‘Sérieusement c’est quand même dingue qu’un type comme ça se tape le luxe de marcher parmi nous tu penses pas ?’

Des réflexions comme celle-là, il en avait mangé toute la journée. Alors il se glissait dans les conversations, s’imposait, toujours avec humour, parfois acerbe, parfois tranchant, souvent en demi-teinte, souvent doux-amer, aimant voir les gens perturbés, incapables de savoir sur quel pied danser avec lui. Mais jamais il ne s’effaçait, jamais il ne s’enfuyait. Non, il était là, terriblement présent alors que dans le fond, Jessen n’espérait qu’une chose : pouvoir s’esquiver. Mais il assumait son rôle, tant de général que de cadre du ministère, socialisait, s’imposait parfois, tenait son titre, finalement. Il aimait ça, se battre pour sa place, s’imposer là où on ne souhaitait pas sa présence. Et chaque réception était une nouvelle manifestation de force. Pas brute, non, mais pernicieuse, subtile. Rien qu’un jeu léger, une façon de se glisser dans la foule, de s’y inviter, s’y forgeant une place sans demander leur avis à ceux qui ne voulaient pas de lui. Ou alors uniquement pour des raisons pratiques. Et ces raisons, il les entendait, sur toutes les lèvres, florilège intenable de chaque mariage. Qui sont les prochains ? Cet instant superbe où chaque célibataire est passé au crible, scruté, remis en cause.

Non mais quelle bande de vautours ..

Est-ce qu’il y était passé ? Bien sûr que oui.

Tout comme une autre, qu’il avait vu s’esquiver en douce. Furieuse ? Possible. Mal à l’aise, ça, c’était certain. Elle n’avait pas cessé d’en prendre, loin de correspondre au cadre imposé par les sangs purs. Trop en retard ? A son âge ? Bande de tarés. La situation l’épuisait à vrai dire, rien qu’à voir l’enchainement de mariages pour Maggie et il n’avait qu’une envie, lever les yeux au ciel et défoncer des gorges, juste pour le plaisir. Juste pour rendre un peu de liberté dans ce monde si rigide. Oui, c’était bien lui qui pensait ainsi. Lui tout à la fois parfaitement rigoureux et toujours en dehors du cadre.

Tu sais qu’il s’est fait l’un de ses collègues ?
Vrai.
Mais il était vraiment ami avec le sang mêlé ?
Oui.

Et il lui manquait. Comme son ex femme à vrai dire. Comme n’importe quelle présence amicale. Mais enfin on le lâchait. Les vautours avaient fini leur tour, il avait fini par les forcer à songer à d’autres sujets, à arrêter de le considérer comme l’attraction soudaine - hey, il y a deux jeunes mariés qui semblent sur le point de passer à l’échafaud, ça ne vous suffit pas comme distraction ? – alors, à son tour, il prenait l’air. Irrésistiblement attiré par celle qu’il avait scruté du coin de l’œil durant toute la durée de la journée ? Oui. La robe fluide la soulignait à chaque mouvement, mise en valeur. Il aurait été difficile de ne pas passer à côté. Difficile de ne pas en accrocher l’image à chaque instant. Difficile de ne pas voir la lave dans ses prunelles à chaque fois qu’on venait l’embêter un peu plus sur des sujets qui lui pesaient manifestement. Liberté martelée. Et elle tourbillonnait cette lave. Avaient-ils conscience d’à quel point elle rêvait de la voir s’abattre sur eux ? D’à quel point elle devait se contenir en cet instant, mise sur le devant de la scène. Le dégout, il le lisait sur ses lèvres, le voyait dans son isolement nécessaire. Là, dehors, sous le porche, en travers de la brume. Celle que la pluie appelait.

Calmement, il sortait du tumulte, rejoignait le calme qui régnait autour d’elle, la rejoignait, elle, silhouette sombre dans la pénombre. Voilà, là il la retrouvait. Les yeux s’égarent sur cette jambe qui s’échappe du tissu, longue, fine, désirable.
Et puis le voilà à ses côtés.

« Tu partages ? »

L’alcool, la nuit, le silence, ta clope. Ce que tu veux à vrai dire.

« J’ai failli sortir avec ta veste, mais pour ça j’aurais dû me manger Finnegan de nouveau, et franchement une fois ça m’a suffit. »

C’est dangereux ce que tu fais Jey. Seuls, dans les ombres, là où la lumière de la réception s’écrase, s’efface. Et dans ton crâne, sa voix suave qui résonne dans un souffle à ton oreille.

« Alors, combien de fois tu t’es tapé le discours du mariage au juste ? »

Calmement, il se glissait à ses côtés. Trop proches pour des inconnus. Trop proches pour des connaissances. Trop proches sans doute pour des collègues. Distance respectable pour des amis.

Trop loin à son goût malgré tout.

Tu le partages ce verre ?
Revenir en haut Aller en bas
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 36
Hiboux postés. : 1493
Date d'inscription : 25/04/2020
Crédits : *
Jessen Tadeus Blackthorn
Lun 14 Sep - 12:56
Durant l’événement du mariage de Connor et Maggie Tveit….
2 avril 2019




« Vous n’êtes pas encore mariée ?! Eh bien...qu’attendez-vous donc ? »

Que tu crèves la bouche ouverte avec ma marque de bottes sur la gueule connard.

« Alors, toujours pas de fiancé en vue ? Il y a pourtant des hommes très respectables ici. »

Oui, autant que ton mari qui préfère se taper ta sœur.


« C’est fou comme certaines personnes prennent leur temps. Attention à vous Carraway, les femmes sont tenues d’enfanter avant d’être trop vieilles pour le faire. Ne gâchez pas vos chances... »

….De vous étriper sur l’autel jusqu’à éclabousser tous les invités avant de vous retirer vos organes et de les bouffer devant leurs gueules ? Ouais, vous avez raison...faut pas gâcher mes chances.

Toutes ces remarques, comme autant de griffures sur sa peau, de poignards dans son ventre, Azalea se les était tapées toute la journée. Les uns après les autres, ils avaient tous défilé pour ajouter leur petit grain de sel, ou plutôt leur goutte d’acide, à un événement qui n’en manquait pourtant pas. Tenue de faire un peu de social ce soir, la sorcière avait fait de son mieux, pour Connor. Cela ne voulait pas dire qu’elle ne le maudissait pas à chaque seconde. Chaque seconde passée à faire de faux sourires, à se retenir de faire claquer dans l’air toutes les remarques acerbes qui lui venaient aux lèvres. Chaque seconde passée à ne pas se laisser emporter par la rage que faisait naître toute cette soirée et ce putain de sentiment d’étouffement…
La robe était légère mais ce n’était pas ça qui enserrait son âme, c’était son rôle qui lui pesait plus que de raison, l’empêchant de respirer. Parfois, allant d’invités en invités sans jamais pouvoir s’en extraire, un autre prenant le relais, la mettant une nouvelle fois en cage, elle relevait la tête, son regard sillonnant la pièce pour finalement tomber sur sa silhouette, à Lui. Piégé lui aussi dans des conversations qui ne l’intéressaient pas, avec des gens qui le méprisaient et qu’il méprisait. A sa vue, il lui semblait quelques secondes ne pas être complètement seule dans tout ça. Lui qui déclenchait tant de réactions sur son passage… On ne le voulait pas ici, pas en ces lieux, pas en ces circonstances, et pourtant il était là. Il était bien là, ne vous en déplaise. Si élégant et beau que certaines femmes devaient sans doute cacher leur émoi pour ne pas trahir leur discours stupide qui voulait le descendre. Oui, il travaillait au Ministère dans le département qui côtoyait le plus le monde moldu. Oui, ses parents étaient des traîtres. Oui, il avait épousé une moldue...mais pour la tuer ensuite et se trouver une place chez les Supérieurs. Cette place, il l’avait gagnée, méritée. Il prouvait tous les jours sa valeur. Bien sûr qu’elle concédait qu’on ne puisse lui faire confiance de prime abord mais il était devenu Général, avait des responsabilités qu’il honorait, et l’importance qu’il donnait à la cause surplombait tout le reste. Il n’était peut-être pas le candidat préféré des sangs-purs mais il était un combattant redoutable néanmoins. Quoi de surprenant ? Il se battait ne serait-ce que ce soir pour s’imposer à sa manière, pour naviguer dans cette fosse aux serpents qui voulaient le mordre. Et dès qu’il ouvrait la bouche, les serpents ne savaient plus siffler, ils étaient troublés, rendus muets par la façon dont il avait de les déstabiliser. Un sourire flotta sur les lèvres de la sorcière en regardant les visages surpris de ses interlocuteurs.

Elle n’aurait pas eu ce genre de réponse pour eux cela dit. La sorcière, elle, avait bien plus de mal que Blackthorn à réfréner ses envies de meurtre : chaque remarque, chaque pique la rapprochait un peu plus du point de rupture. La rage montait, presque aveuglante, et elle savait qu’il était temps de s’éclipser pour respirer. Prenant ses clopes et son verre de whisky, Azalea glissa entre les convives et sortit par la porte qui donnait sur un grand jardin. Personne dehors.

La brise de cette soirée brumeuse vint caresser la peau nue de ses bras, de son dos, de sa jambe et immédiatement, la sorcière se sentit soulagée. Ses épaules se détendirent et elle inspira et expira profondément. Elle avait eu l’impression de manquer d’oxygène toute la soirée. Les mains un peu tremblantes à cause des nerfs mis à rude épreuve, Azalea alla rejoindre, plus loin, des escaliers sur le côté qui menaient au porche, là, loin de la porte d’entrée, à l’abri de la pluie qui ne tarderait pas à s’abattre. Elle s’était assise sur les marches, sa jambe nue ressortant du tissu sombre. Posant son verre de whisky sur le coin de la marche, la sorcière sortit une cigarette entre ses doigts fins et tremblants. La première bouffée était rageuse.
Toutes ces remarques...elles flottaient encore dans son esprit. Toujours pas mariée. Pas d’enfants à l’horizon. Rien de construis. Rien de concret. Une vie décousue, rythmée par des chasses, des sanglots, des cadavres. Tout était sombre chez elle. Aucun signe de lumière qui pourrait provenir d’elle, rien que la lueur des cœurs qu’elle aimait, des liens qui venaient la raccrocher à la réalité, à la vie. Ce n’était pas seulement la rage qui la prenait quand on lui faisait remarquer qu’elle n’avait pas encore construit quoi que ce soit, rien d’une famille, rien d’un avenir à proprement parlé...mais c’était également cette tristesse profonde qu’elle taisait à grands coups de bottes, cette tristesse de vouloir des choses qu’elle n’aurait pas du vouloir. Parce qu’elle était...elle. Elle qui ne voulait pas être enchaînée, elle qui ne voulait pas être l’épouse stéréotypée qui enfante et se tait, elle qui souffrait de cette proximité avec les autres, qui redoutait toujours les attaques en douce, elle qui refusait l’attachement…. Et pourtant, voilà que malgré tout cela, Azalea désirait ces choses simples, banales : savoir ce que cela faisait de rentrer dans une maison où quelqu’un l’attendait, de partager des moments d’intimité, ou des épreuves qu’elle n’aurait pas à surmonter seule, savoir ce que cela pouvait être de tenir pour de bon un tout petit corps qu’on aurait créé… L’image de Nicholas perça ses rétines en même temps que son coeur et elle balaya ces pensées. Hors de question de laisser ces vautours l’atteindre. S’il fallait qu’elle ait toutes ces choses, ce serait à sa façon.

Elle but une gorgée de whisky et son regard se fixa sur la pénombre qui l’entourait. Le brouillard épais, l’humidité dans l’air, tout annonçait que la pluie tomberait bientôt, clôturant une journée déjà bien lugubre au fond. Oh, bien sûr, tout était beau, tout était brillant, étincelant, mille couleurs sur les tables, les murs, tout était parfaitement décoré. Juste pour oublier qu’il s’agissait d’une transaction, de parents vendant leur fille au profit d’une nouvelle alliance. Elle pensait à Maggie...Maggie qui à peine débarrassée de son ancien mari était refourguée à un autre. Oh bien sûr, il s’agissait de Connor et non d’un imbécile violent dont le cerveau se démenait avec deux neurones. Il n’empêche, au fond, Azalea avait mal pour elle parce qu’elle savait que Maggie aurait du se trouver libre, libre d’être cet esprit sauvage, reptilien, cruel.

La sorcière poussa un soupir et se tendit en entendant des pas derrière elle. Sa tête se tourna légèrement, son coude droite posé sur son genou, sa cigarette comme le prolongement de sa main. Ses yeux durent se lever bien haut pour discerner le visage de l’homme.

C’était lui.
Un sourire en coin étira ses lèvres.

« Tu partages ? »

Mon lit ?
Tentant….


Sans un mot, elle tendit sa main gauche vers son verre, ses ongles se refermant dessus et lui tendit sans le lâcher des yeux. Ses yeux oui...elle tentait par tous les moyens de ne pas glisser son regard sur cette veste qui enserrait ces bras musclés, ces épaules larges, sur cette cravate qu’elle avait envie de tirer jusqu’à elle, sur ce pantalon bien taillé qui était de trop. Les moindres détails de sa tenue lui donnait envie de l’en débarrasser, de dévoiler ce corps dont la simple pensée l’embrasait entièrement, faisant bouillir ses veines avec une rapidité exaltante.

« J’ai failli sortir avec ta veste, mais pour ça j’aurais dû me manger Finnegan de nouveau, et franchement une fois ça m’a suffit. »

A la simple évocation de ce nom, Azalea fit une grimace dégoûtée.

« Oh, vous avez bien fait. Ça valait pas le coup. Je choisis l’hypothermie sans hésiter. » Un sourire amusé alors qu’elle tirait sur sa clope à nouveau.

Il se glissa à ses côtés et sa peau frémit immédiatement.
Bon sang, ça ne pouvait pas être normal de lui faire tant d’effet. De quoi était fait cet homme ? Son bas-ventre se noua si fort qu’elle en avait mal. Une sensation familière depuis quelques temps. Ignoble attente. Vicieuse frustration qui ne se satisfaisait pas de fantasmes ou de rêves, mais qui en créait d’autres.

Là, dans ce recoin loin des autres, loin du tumulte d’une fête qui n’en était pas une pour eux, ils se retrouvaient comme les deux outsiders qu’ils étaient, reconnaissant en l’autre cette même envie de s’échapper. Et pourtant, ils étaient restés tous deux bien après la cérémonie : ils avaient des rôles à maintenir, des choses à prouver aussi peut-être...ou alors, ils aimaient bien provoquer, déranger. Peu importait à quel point c’était dur de sentir les regards incisifs des autres sur eux, tout autant que de les entendre murmurer, ou vociférer.
Mais ici, il n’y avait que le silence apaisant de l’obscurité gênée par une lumière lointaine venant de la porte. Et un distant son de musique. C’était là, dans les ombres, que la sorcière était la plus à l’aise et c’était là qu’il venait la rejoindre.

« Alors, combien de fois tu t’es tapé le discours du mariage au juste ? »

Elle poussa un soupir exaspéré qui ressemblait davantage à un grommellement.

« J’ai arrêté de compter après le trente-sixième « Toujours pas mariée Carraway ? Vous attendez quoi ? » ». Elle leva les yeux au ciel, tirant sur sa clope. « En revanche, j’ai listé toutes les façons dont je voulais les tuer et j’en suis venue à la conclusion que l’éviscération serait vraiment chouette pour beaucoup d’entre eux. » Elle grimaça, l’air déçu. « Mais il paraît que ça fait mauvais genre à un mariage...Moi, je trouvais que ça aurait mis l’ambiance. Vous en pensez quoi ? J’hésitais avec les écorcher vifs. »

Carnassière, Azalea était fière de l’idée. La joie de les imaginer étalés par terre dans un bain de sang était la seule chose qui l’empêchait de péter les plombs. La seule chose ? Hm. Peut-être pas. Oh, douce et terrible distraction…

Elle pencha légèrement la tête de côté, son regard glissant sur son visage pour en lire les expressions. Elle s’était mise de côté, sa jambe nue croisant l’autre, tandis qu’elle lui faisait face, tournée vers lui. Il était tout aussi beau dans la lumière que dans l’ombre. Cette pensée la traversa aussi fugacement que naturellement.

« Quant à vous...» souffla-t-elle d’une voix plus posée. « J’imagine qu’ils ne savent pas quoi choisir entre l’envie de vous caser et l’envie de vous voir déguerpir. Quel dilemme pour eux. A titre indicatif, combien de « il ne devrait pas être ici » comparé aux « vous devriez vous marier à une sang-pure » ? Histoire de comptabiliser leur connerie. »

Elle tendit sa clope vers lui, tendant son autre bras pour récupérer le verre entre ses mains, lui prenant sans plus de cérémonie. Ses doigts s’étaient glissés autour du verre, frôlant les siens.  
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous
Invité
Invité
Lun 14 Sep - 18:01
Il existe plusieurs grands types de volcans en fonction de la viscosité de leur lave. Les stromboliens produisent une lave fluide qui s’écoule facilement. Elle glisse en surface, effusive, gérable. Tant et si bien qu’il est possible d’en prendre des photos. Maurice et Katia Krafft étaient des vulcanologues spécialisés du type Peléen. Caractérisé par ses coulées riches en silice, visqueuses. Coulées ? Non. Explosions, brutales, tonitruantes, violents. Les fameuses nuées ardentes. Les coulées pyroclastiques. Mélange de gaz chauffés à haute température, de roches grises, brûlantes mais sèches. Les laves qui s’accumulent difficilement sans que la surface ne rompe. Celles dont la pression augmente au fur et à mesure, tellement insoutenable que la roche finie par craquer. Le sol se brise, explose, et soudain, c’est l’enfer. La nuée envahie le ciel et emporte tout sur son passage, fulgurante, elle brule sur place, dévore les corps, s’abat sur le monde. Maurice et Katia ont pensé pouvoir prévoir l’instant et le lieu de la rupture. Ils n’ont pas pu. Les deux cadavres ont été retrouvés deux jours plus tard.

A l’observer ainsi, plongée dans ce milieu qui n’était pas le sien, Jessen n’avait pas de mal à voir de quel type de lave elle était constituée.

De silice.

Combien ne le voyaient pas ? Combien se pensaient capables de déterminer le lieu et le moment de la rupture ? Combien pensaient y survivre ?

La problématique restait fascinante de son point de vue. Ils s’approchaient tous, colonie bourdonnante, affamée, ne cessant de ronfler à ses oreilles. Et il pouvait presque l’entendre crisser sous leurs assauts. C’était donc ça, une Azalea qui se contenait ? Les grincements rauques de la terre qui tremble sous un monde aveugle et sourd.
Voyaient-ils chaque coup donné ? Chaque augmentation de pression qu’ils apposaient sur une surface instable ? Sans doute pas.

Lui voyait. La lave dans ces prunelles, là, au fond de la salle, qui trouvaient parfois le chemin des siennes.
Et derrière ce feu… Quelles étaient les braises qu’ils ne cessaient d’aviver ? Quelles douleurs, quelles plaies, quels doutes ?

Plus que des réponses, c’était surtout une compagnie qu’il cherchait en cet instant, loin de la foule. Celle de l’exclue malgré elle.
Il la rejoignait, sans doute bien plus à sa place ici que partout ailleurs dans cette journée particulière. Elle lui foutait la nausée. Nausée de les voir s’enfermer, céder aux exigences. Nausée de la solitude aussi, en cet instant. Attaqué de toute part. Bien sûr, il en faisait son affaire. Mais la réalité était là. Entouré d’ennemis, sans cesse, sans trêves. Et si la seule qui n’en fut pas une était morte sous sa lame ?

Nausée donc.

C’était à ses côtés qu’il se sentait le mieux actuellement. La chape de plomb semblait se soulever, là, happée par la nuit. Un comble quand on partait du principe que l’une des premières choses qu’ils avaient pu se dire consistait à traiter de sa propre mort.

« Oh, vous avez bien fait. Ça valait pas le coup. Je choisis l’hypothermie sans hésiter. »
« Bon choix. T’as mon vote aussi. »

Tout mais pas l’entendre déblatérer ses conneries une nouvelle fois.

Il aurait sans doute dû rester là, debout, les avants bras contre la rambarde de l’escalier de bois, à l’observer… mais à être ainsi, il avait également une vue plongeante sur cette jambe glissée en dehors du tissu fin. Longue, fine ; appel à y glisser une main. Sans compter la naissance du dos nus, des bandes de tissus qui l’en barraient… ou l’ombre de son décolleté. Oui, il aurait dû garder cette barrière physique entre eux. Probablement. Pourtant, il fallait croire qu’il n’en avait pas envie. Plus le temps passe, plus l’espace se réduit presque malgré eux. Il la rejoignait donc, son verre à la main, le portant à ses lèvres. Ne franchissait-il pas déjà la ligne de la relation professionnelle, à présent. En public ? Peut-être, oui.

« J’ai arrêté de compter après le trente-sixième « Toujours pas mariée Carraway ? Vous attendez quoi ? » ». Un souffle amusé, son regard porté sur elle, droit dans le regard. La vraie elle, pas cette version fade, édulcorée, qu’elle portait pour sortir. Après tout, ils n’étaient pas collègues, pas en mission actuellement. Ce pouvait être une excuse pour qu’on les croise ensuite ensembles non ?
Premier aveu ? Possible.
« En revanche, j’ai listé toutes les façons dont je voulais les tuer et j’en suis venue à la conclusion que l’éviscération serait vraiment chouette pour beaucoup d’entre eux. » Oui, il avait conscience que ça n’était sans doute pas qu’une façon de parler chez elle. Et chez lui alors ? Un peu aussi. « Mais il paraît que ça fait mauvais genre à un mariage...Moi, je trouvais que ça aurait mis l’ambiance. Vous en pensez quoi ? J’hésitais avec les écorcher vifs. »

Avant-bras sur les cuisses, il entrouvrait les lèvres pour répondre quand, là, à l’intérieur, tonitruant, le rire tapageur de baker parvenait jusqu’à eux. Lèvres pincées, paupières closes un instant, il rouvrait les yeux en les levant au ciel.

« Ecartèlement. »

Je vais lui faire bouffer sa langue à celle-là..

Un soupir agacé. Mais quelle gourde. On n’a pas idée d’en faire des pareils, butez-là sérieusement. Et vas-y que ça veut s’imposer auprès de tous et tout le monde, tellement basique, tellement primaire. Bécasse.

« C’est bien ça l’écartèlement. Et puis les gens participent, c’est convivial. »

C’est le printemps ça. Il fait beau, les oiseaux chantent, on crame des mecs…

Quoi ? Jey n’a pas le droit de regarder des séries françaises ?! Un peu d’ouverture d’esprit merde. Je rappelle qu’il a du temps à perdre à la salle. Enfin perdre…

Un regard de biais et il la voyait se positionner vers lui. Satanée jambe. Par Morgane qu’il voulait l’enserrer entre ses doigts, en remontant le tracé.
Détail auquel il n’avait pas pensé pour cette réception : tout le monde était sur son 31. Elle y compris.

« Quant à vous...»

N’imagine pas toutes les façons salaces dont cette phrase pourrait se terminer. Toi, tu focus sur une conversation normale.

« J’imagine qu’ils ne savent pas quoi choisir entre l’envie de vous caser et l’envie de vous voir déguerpir. Quel dilemme pour eux. A titre indicatif, combien de « il ne devrait pas être ici » comparé aux « vous devriez vous marier à une sang-pure » ? Histoire de comptabiliser leur connerie. »

Voilà, très bien, tu te concentres sur des comparaisons. Fait des stats. C’est bien les stats.
J’aime les stats.

Elle venait lui reprendre le verre, ses doigts frôlant les siens, électrisant ses nerfs au passage.

« Hm je dirais dans mon dos, un bon 50/50. Mais en face on est plus sur du 80/20 en faveur de me faire dégager. T’imagines bien que s’ils me veulent marié, ils ne prendront pas le risque de me le dire en face. Une tare comme moi, ils la veulent la corde au cou, mais loin. Histoire de pas se faire éclabousser au passage…. Ah non ça c’est l’écartèlement. Je confonds les sentences. »

Un petit sourire sur les lèvres et il tendait la main droite, glissant contre la sienne, l’épousant, en prenant la forme le temps d’en attraper la clope entre deux de ses doigts, la lui prenant dans le plus parfait des calmes.

Pente glissante on a dit.
Les abysses.

« Ils en sont tous conscients, ils assumeraient pas un bestiau pareil dans la famille. C’est un assez bon avantage. »

Etrangement plus libre, parce que d’autres le rejetaient, le craignaient.

« Et pour ce qui est de me faire dégager… pas de bol, j’ai tendance à être tenace dans ces moments-là. Une vraie tête de con… »

A quel moment le ton avait changé entre eux ?
Hey. Pas de mission on a dit. Il n’instruisait personne aujourd’hui. Ils auraient tout aussi bien pu se rapprocher ce soir sans raison spécifique. Aucun lien avec les supérieurs.
Rien qu’un 31 pour excuse.
Revenir en haut Aller en bas
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 36
Hiboux postés. : 1493
Date d'inscription : 25/04/2020
Crédits : *
Jessen Tadeus Blackthorn
Mar 15 Sep - 11:23
Il y avait eu un moment durant le repas où la sorcière s’était demandée ce qu’elle foutait ici. Les longues tablées autour d’elle n’avaient aucun charme. Toutes les décorations, toutes les fioritures qui étaient là pour faire oublier que cette journée était ni plus ni moins une transaction déguisée en cérémonie, ne lui apparaissaient que comme d’immondes artifices. Les rires, tantôt gras, tantôt légers, snobs, réservés,  ou froids, s’élevaient de partout dans le tintement des couverts et des verres. Mais elle n’entendait que leur son distant, comme si d’un seul coup ses oreilles s’étaient bouchées. Ses yeux sondaient l’espace, s’arrêtaient sur les mâchoires qui bougeaient, sur les bouches qui engloutissaient, sur les regards qui en disaient longs ou pas assez, sur les paroles chuchotées aux oreilles des autres avec malice. Sous la table, ses mains avaient agrippé sa robe, ses doigts avaient caressé la jarretière qui portait la dague. Elle ne savait plus trop si c’était leurs gorges qu’elle aurait voulu trancher ou la sienne, à elle. Juste pour ne plus les entendre, ne plus les voir. Sans dire un mot, elle s’était concentrée sur les quelques visages qui ne lui inspirait pas du mépris. Un léger sourire vers Mily qui tenait son fils entre ses bras. Mère, épouse, sorcière de caractère, respectée, intelligente, forte. Elle semblait réussir à avoir toutes ces choses, non ? Pourquoi pas elle ? Et comme si elle avait pensé à haute voix, Baker passant par là avec son verre dans les mains était venue mettre son grain de sel. Oh, le beau bébé ! Cet enfant est magnifique ! Et voilà qu’elle avait tapé l’épaule d’Azalea d’un revers de main, hilare. Faudrait vous y mettre. A votre âge, j’avais déjà deux enfants. Tic, tac Carraway ! Et puis elle s’en était allée alors que les visages proches se tournaient vers Azalea pour y voir une réaction. Mais elle n’avait pas flanché pas, impassible. Et un murmure lui était parvenu de la table derrière Il y a des gens qui ne devraient pas enfanter... Et des rires s’étaient élevés pour approuver.  

Les doigts avaient serré davantage la dague, la robe, tout ce qu’ils avaient pu trouver pour ne pas céder à cette envie irrépressible de répandre le sang sur toutes les tablées voisines. La glace recouvrait ses veines tandis que le sang s’y coulait comme une lave puissante. Un regard en direction des autres, plus loin, vers Blackthorn qui tentait de survivre à des conversations qui devaient lui échauffer le sang autant qu’elle. Un regard qui voulait dire Putain, mais qu’est-ce qu’on fout là ? Pourquoi est-ce qu’on s’impose ça ? Pourquoi est-ce qu’on encense leurs idioties alors qu’on sait, nous, qu’il n’y a rien de plus con, rien de plus malsain que cette hypocrisie qu’ils affichent. Elle pouvait bien défendre la pureté du sang, les traditions, les valeurs, c’étaient elles qui la faisaient rester, elles qui l’avaient propulsée dans ce combat, et pourtant, elle haïssait cette façon de faire comme si les violentes familiales n’existaient pas, comme s’il n’y avait pas des mômes qui souffraient dans cette pièce en silence. Elle avait été une de ces mômes, la main de son frère écrasant son poignet sous la table, brisant un doigt alors qu’elle devait se taire, encaisser, et même sourire à ces enfoirés aveugles. Aveugles ? Vraiment ? Non. Ils savaient au fond, mais aucun d’eux ne disait quelque chose, aucun ne se levait pour recadrer des parents qui se croyaient tout permis. S’il n’y avait pas eu ces valeurs dans lesquelles elle croyait, s’il n’y avait pas eu ces ennemis qu’elle haïssait plus que tout le monde dans cette pièce, Azalea aurait quitté ce monde de vautours. Au fond, elle le savait.

Elle n’avait presque pas mangé, presque pas parlé durant tout ce putain de repas, comme si elle avait retenu sa respiration, les dents serrées, le regard soit vide, soit trop plein de fureur. Et dès qu’elle avait pu, elle s’était glissée dehors.

Oh, comme elle voulait les broyer ces hypocrites, ces malades qui inséraient autant de lames dans sa peau à chaque fois qu’ils posaient le regard sur elle, à chaque fois qu’ils prononçaient son nom. Arrêtez de descendre ceux qui vous défendent bande de connards ! Vous voyez pas que ceux qui se battent pour que vous puissiez avoir ce genre de soirée méritent un tant soit peu de respect ? Elle risquait sa vie, mettait tout de côté pour protéger leurs valeurs, leur magie, et voilà qu’on l’insultait, devant elle ou dans son dos, personne ne se gênait.

Non, je ne suis pas la femme sang-pure que vous espériez. Si je ne le suis pas, c’est parce que vous m’avez laissé dans les mains de monstres qui ne respectaient pas même leur propre sang. Vous êtes responsables de ce que vous me reprochez d’être. Alors fermez-là putain.

Et peut-être était-ce une bonne chose en fin de compte...qu’elle ne soit pas cette femme bridée. Peut-être que dans son malheur, elle avait grandi pour rejeter cette image, pour la calciner.

Et lui ? Qu’avait-il vécu enfant pour grandir ainsi, avec cette violence qu’elle voyait en lui sous le masque, sous la maîtrise ? Quelles marques, indélébiles ? Quels tourments de l’enfance ? Des parents traîtres à leur sang, l’embarquant dans un monde qui n’était pas le sien, lui donnant pour héritage une trahison dont il n’était pas responsable, mais victime.
Mais le sorcier n’aurait jamais pu rester victime de tout ça. Oh, Morgane, non… Difficile de savoir si c’était le caractère qui était là dès le départ, ou s’il était survenu comme une conséquence du reste. Il n’en demeurait pas point que Blackthorn s’était adapté, avait épousé son environnement pour le contrôler, pour se l’approprier. Un environnement avec une dualité forte, à l’image de ce qu’il était devenu. Les choses que l’on fait pour survivre...n’est-ce pas ? Comme elle admirait cette façon qu’il avait de naviguer avec aisance, ferme et souple à la fois, prenant sans demander la permission cette place qu’il méritait, jouant avec les codes, jouant avec les mots. Totalement Maître de lui-même. L’ordre incarné. Un ordre qu’on ne pouvait que respecter. Mais apparemment, tout le monde n’avait pas eu le mot. Tout le monde ne comprenait pas. Oui, il était troublant, déstabilisant, double, complexe. Et les gens ne prenaient pas la peine de le considérer dans toute cette complexité : ils choisissaient un seul côté et donnaient leur avis. Mais elle, elle voyait. Toute cette force qui était en lui, toute cette habilité de pouvoir faire partie de deux mondes, et pourtant de se battre pour un seul des deux, trouvant du positif et du négatif de chaque côté, lucide sur les choses. Il se positionnait davantage par ses actes que par ses paroles d’ailleurs, laissant toujours son interlocuteur dans le doute, dans le vague. L’homme mystère. Incompris sur bien des aspects. Indéfinissable.

En le regardant ce soir, Azalea voyait pour la première fois quelque chose qui faisait soudainement écho en elle. La solitude. La solitude de celui qui s’était construit dans l’adversité, de celui qui était sans arrêt entouré de serpents prêts à le dévorer au moindre signe de faiblesse. Combien de similitudes partageaient-ils ? Une solitude en appelait une autre, non ? Ils se répondaient, se comprenaient sans parler.

Et ce n’était pas un hasard s’il la rejoignait désormais, sur ce porche éloigné de l’agitation d’une soirée qui les dégoûtait tous les deux. Là, petite bulle à eux, plongée dans la pénombre d’une soirée brumeuse. Si lui était autant un homme qui vivait à la fois en plein soleil qu’en pleine obscurité, Azalea, elle, était bien plus à l’aise dans l’ombre. Sans doute était-ce ce qui les différenciait le plus :  la sorcière s’était plongée tout entière dans les abysses tandis que lui allait et venait entre le jour et la nuit noire.

Il avait pris le verre pour en boire une gorgée, prenant place à ses côtés. De loin, ils devaient ressembler à deux amis discutant sur les marches d’un porche. C’était la première fois qu’ils semblaient si proches en public – pas de fausse apparence, pas de masque. Si on les surprenait, que penserait-on ? Ce n’était d’ailleurs pas pour rien qu’elle ne l’avait pas abordé durant la soirée, elle n’était pas sûre qu’il voulait qu’on la voit avec elle, pas sûr qu’il faille montrer aux autres ce rapprochement soudain. Soudain, et en même temps, d’une lenteur étrange...

« Bon choix. T’as mon vote aussi. »

Un sourire étira ses lèvres.
Une complicité naturelle s’était installée entre eux. Une compréhension commune. Un agacement partagé. Dans cette proximité, Azalea n’aurait eu qu’à se décaler un peu vers lui, de quelques centimètres, pour que son bras frôle le sien. Toujours ces putain de centimètres. Séparation ignoble, détestable, et terriblement excitante.

Il n’avait pas paru dégoûté par ses paroles acides, délivrant des pensées destructrices, imaginant la meilleure façon de se débarrasser de ces hypocrites qu’ils méprisaient tous les deux. Un coude posé sur une cuisse, le sorcier avait ouvert la bouche pour répondre mais un rire sonore l’interrompit. Baker. Ils se tendirent tous les deux. Blackthorn pinça les lèvres, fermant une seconde les paupières avant de lever les yeux au ciel. Azalea fit claquer sa langue contre son palais, blasée et agacée. Son sang ne fit qu’un tour, comme propulsé par la rage dans ses veines.

« Écartèlement. »

Un léger rire s’échappa de ses lèvres, dissipant un peu l’agacement.
Il soupira et le regard de la sorcière retomba sur la crispation des muscles sous cette peau qu’elle rêvait de goûter. Bon sang, ce qu’elle aurait voulu sentir sous sa bouche cette tension des membres, cette chaleur...

« C’est bien ça l’écartèlement. Et puis les gens participent, c’est convivial. »
« Et puis, ce ne serait pas une vraie fête sans écartèlement. »

Vous connaissez l’expression d’une pierre, deux coups ? Elle tira le tissu de sa robe pour le remonter avec un sourire carnassier, dévoilant sur le haut de sa cuisse la dague dans la jarretière. Sans le quitter des yeux, Azalea levait un sourcil provocateur.

« Ou alors, un ptit coup au passage histoire de la faire taire. J’en ai rêvé toute la soirée. »

Oui, elle pensait souvent à un ptit coup comme ça au passage…
La fourberie de cette femme jouait sur plusieurs tableaux. Il n’y avait rien de plus suave que de parler de meurtre en le liant au plaisir de provoquer le désir d’un homme. Après tout, c’était bien pour lui que cette robe était là, pour lui qu’elle avait accepté de se dévoiler autant, effaçant les cicatrices par un sortilège, ne lui laissant voir qu’une peau laiteuse sans marques, voulant attiser un peu plus ce désir qui cognait dans leurs êtres de plus en plus fort. Et sa main vint faire redescendre le tissu sur cette cuisse, cachant la dague mais laissant sa jambe libre. Cette jambe n’attendait qu’à être touchée, enserrée dans une poigne ferme, pressée.

Comment arrivaient-ils à se parler alors qu’ils n’avaient tous deux qu’une seule envie ? Sentir le corps de l’autre se heurter au sien dans une explosion de violence et de plaisir. La volonté de ne pas craquer, de faire plier l’autre, d’aller au bout du jeu sûrement.

Elle lui avait tendu son verre, leurs doigts se frôlant dans un toucher électrisant. Oh, ces mains...putain, ces mains. Ça faisait combien de temps qu’elle les voulait sur sa peau nue ?
Trop longtemps.
Prunelles enflammées, la sorcière le vit réfléchir un instant avant de répondre.

« Hm je dirais dans mon dos, un bon 50/50. Mais en face on est plus sur du 80/20 en faveur de me faire dégager. T’imagines bien que s’ils me veulent marié, ils ne prendront pas le risque de me le dire en face. Une tare comme moi, ils la veulent la corde au cou, mais loin. Histoire de pas se faire éclabousser au passage…. Ah non ça c’est l’écartèlement. Je confonds les sentences. »

Ils eurent le même sourire amusé.
Et ces doigts revenaient l’embraser un peu plus, glissant entre les siens, nouant son ventre qui n’en pouvait plus de se contracter à chaque souffle près d’elle, à chaque geste, chaque regard. Il récupéra la cigarette, l’étonnant au passage. Cela n’avait été qu’une proposition sans attente : elle s’était attendue à un refus.

« Vous les déstabilisez Général...ils ne savent plus quoi penser de vous. Pauvres petits êtres trop simples... » susurra-t-elle, avec un brin d’acidité.

Elle but une gorgée de whisky, ses lèvres se posant sur le bord du verre pour en savourer le liquide qui lui réchauffa la gorge. Quelques gouttes sur sa bouche, vite balayées par une langue. Lèvres mordues. Et toujours ce regard qui ne le quittait pas, le fixant sans ciller.

« Ils en sont tous conscients, ils assumeraient pas un bestiau pareil dans la famille. C’est un assez bon avantage. »

Un sourire en coin.
Oh, comme elle comprenait…. Qui voudrait d’elle dans sa famille ? Une femme indomptable, c’était forcément synonyme de danger, de scandale.

« Vous avez conscience qu’ils ne vous accepteront jamais ? Vous pouvez bien leur prouver mille fois votre valeur, ils resteront campés sur leurs positions. » Ce n’était pas dit avec méchanceté, c’était un fait. Tout comme elle ne serait jamais vraiment acceptée, elle. « D’un côté, pourquoi vouloir être accepté par des idiots ? C’est bien plus amusant de les provoquer. »

Un clin d’oeil amusé en sa direction.

« Et pour ce qui est de me faire dégager… pas de bol, j’ai tendance à être tenace dans ces moments-là. Une vraie tête de con… »

Elle ria franchement cette fois-ci, son dos allant reposer contre le pilier de bois derrière elle. La sorcière l’observa un instant. Il y avait un éclat étrange dans ses prunelles d’acier : quelque chose qui se faisait appréciateur, presque affectueux. Parce qu’elle se retrouvait en lui, parce qu’elle partageait cette ténacité, cette volonté de ne jamais plier. Et parce que cela lui plaisait chez lui, ne faisait que faire flamber ses veines un peu plus.

« Ils veulent vous voir la corde au cou. Et moi, ils veulent me voir devenir une gentille femme soumise qui se tait et qui obéit pour pouvoir me caser avec un mou ou un tyran. Que de belles perspectives d’avenir ils nous réservent, n’est-ce pas ? »

Elle leva son verre avec un sourire où trônait une fierté sauvage.

« Et chaque jour où nous ne cédons pas est un échec pour eux. Alors, à notre santé. »

Et elle but.
Et ce putain de whisky n’avait jamais été aussi bon qu’avec lui.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous
Invité
Invité
Mar 15 Sep - 15:45
« Et puis, ce ne serait pas une vraie fête sans écartèlement. »

Il n’avait pas réagit, absorbé par son geste, le regard se perdant sur sa cuisse qu’elle découvrait, attirant irrésistiblement ses yeux, volontairement, ouvertement. Une demande à laquelle il répondait sans y songer, glissant sur sa peau diaphane à la lueur de la lune. Et le tissu qui y ondulait comme de la soie, filant sur son épiderme, mettant le sien à vif. Qu’est-ce qui l’excitait le plus dans cette blague-là ? La cuisse, le tissu remonté jusqu’à sa naissance, cette jambe interminable, la jarretière qui lui vrillait les sens ou la dague qu’elle contenait ?

Par Morgane, comment résister ?

Il voulait être le tissu de cette robe, être cette dague qu’il rêvait de glisser hors de son fourreau, être cette jarretière qui enserrait sa cuisse. Il la voulait, elle, besoin, plus qu’envie, de se perdre entre ses cuisses, de gouter le sel de sa peau, de l’entendre rugir à son oreille.

Elle parle j’te signale.
Ah pardon. J’y étais pas. Oui ?

« Ou alors, un ptit coup au passage histoire de la faire taire. J’en ai rêvé toute la soirée. »
« Je serais tenté de m’en charger… »

Glisser sa main contre sa cuisse, en déloger la lame, trouver le con de cette pintade, en trancher la carotide, ne plus entendre de son rire que les clapotis du sang s’échappant de sa gorge. En tremper la pureté immaculée et supposée de cette sinistre réception.

Tentant.

Se retourner et la prendre sur la table des mariés, brisant plus avant de chaque coup de reins le chemin de table chatoyant de ridicules artifices.

Très tentant.

Récréation terminée, le tissu reprenait sa place, l’image imprimée dans sa rétine, l’envie cognant entre ses côtes de se foutre de ces barrières imposées. Comment ? Par qui ? Lui-même ? Leurs égos ? Les convenances ? Ces dernières, ça faisait déjà bien longtemps qu’il les avait extirpées de son esprit. Mais restait le reste.

« Vous les déstabilisez Général...ils ne savent plus quoi penser de vous. Pauvres petits êtres trop simples... »
« Qu’ils arrêtent de se faire mal à trop penser. »

Eux ou toi ?

Les deux mon capitaine. Eux parce qu’il pourrait les tuer, de chagrin, pour cesser d’avoir à entendre leurs inepties. Et lui… Lui parce qu’il pourrait se tuer des siennes, de cette chape, de ces interdits, de ce jeu qui cramait ses veines et irritait ses nerfs. Mais qu’il perpétuait pourtant tout de même. Jusqu’à quel niveau de frustration peut-on aller jusqu’à se consumer entièrement ? L’expérience mérite d’être menée non ?

« Vous avez conscience qu’ils ne vous accepteront jamais ? Vous pouvez bien leur prouver mille fois votre valeur, ils resteront campés sur leurs positions. » Ce n’était pas dit avec méchanceté, c’était un fait. Tout comme elle ne serait jamais vraiment acceptée, elle. « D’un côté, pourquoi vouloir être accepté par des idiots ? C’est bien plus amusant de les provoquer. »

Un souffle amusé.

« J’allais te répondre que le jour où je chercherai leur acceptation, il faudra me prêter cette dague, que je m’en serve contre moi-même. Celle-ci précisément. »

Pour me perdre dans la contemplation de cette jambe fuselée avant d’en perdre la vie.

Non, il ne voulait pas leur approbation, ne voulait même pas leur acceptation. S’il voulait exister dans ce monde, c’était parce qu’on le lui refusait. S’il voulait une place, c’était parce qu’il ne serait jamais un sous-fifre, parce qu’il exécrait la place du fantôme, de l’oublié, de l’ignoré. Parce qu’il serait très exactement là où il avait décidé d’être : au dessus des misérables.

« Ils veulent vous voir la corde au cou. Et moi, ils veulent me voir devenir une gentille femme soumise qui se tait et qui obéit pour pouvoir me caser avec un mou ou un tyran. Que de belles perspectives d’avenir ils nous réservent, n’est-ce pas ? »

Un rire, évident, clair, amusé, partagé. Qu’ils essayent tient, il aimerait bien les y voir…

« Et chaque jour où nous ne cédons pas est un échec pour eux. Alors, à notre santé. »
« Cheers. »

Une taff, à défaut d’une gorgée. Joie pernicieuse que de s’auto détruire. Ironique de penser qu’ils parlaient de santé tout en goutant au péché de drogues acceptées. Ironique de parler de santé tout court, tout en sachant qu’il y a peu elle parlait de l’empoisonner. C’était d’ailleurs sans doute exactement ce qu’elle faisait depuis un mois. Poison délectable que celui qui engluait ses pensées.

« Tu crois que c’est ça qu’ils me réservent aussi ? La molle ou la tyrannique ? » Son regard dans le sien. Autre chose qui y passe. De la complicité. « Je pensais bêtement que le but était de relancer la prédominance du sang… pas de l’appauvrir. Aucun d’entre eux ne te résisterait une semaine. »

Mettre un idiot dans ses pates serait signer son arrêt de mort.
Qu’en était-il de Connor ? No comment.

« Du curare qui cogne dans les veines, le parfum léger muguet dans un verre, du mouron rouge abandonné sur tes lèvres ou de la ricine sur sa cigarette… » Celle-là peut-être.. « Il parait que les femmes tuent sans traces, sans effusions de sang, trop propres pour de telles dérives. » Son regard brûlant dans le sien. Pas d’accusations, pas au sens strict du terme, certainement pas de jugement, rien qu’un amusement subtile qu’elle seule comprendrait sûrement. « Ou la morsure des flammes dévastatrice qui fait crépiter le sang, en efface les traces… je doute qu’ils n’aient le cran de t’imposer quoi que ce soit. L’idiotie sans doute peut-être. Ils partent perdants de toute façon. » Les plus stupides ne le savent juste pas. Ça viendra.

T’as un problème toi.
Ouais. Mon problème c’est que je l’aime bien, et que je voudrais me perdre entre ses reins.

Il y a autre chose que le désir qui dévore ses sens. Autre chose qui le pousse vers elle à tout instant. Cette espèce d’effet miroir, ce besoin de se retrouver dans l’autre, cette connivence subtile de deux âmes à l’agonie, voltigeant dans les ténèbres, flirtant avec la mort.  Et la sensation fugace, brutale, percutante, de ne plus y être seul.
Malmenés par la société, entourés d’hypocrites, d’ennemis, ils ne cessaient de s’avancer, refusaient de reculer. Mais au cours de sa course effrénée, il y avait elle. Elle avait qui il avait envie de s’arrêter un moment, de perdre un peu de temps, de retrouver ce lâcher prise qu’il avait délaissé depuis des années. Combien de temps sans s’écouter, combien de temps sans être totalement dédié au chemin qu’il s’était tracé et dont il remportait chacune des étapes en temps et en heure. Combien de temps ? Sans avoir simplement laissé le hasard emplir complètement les vides. Laissé l’autre l’orienter, se laisser faire, en roue libre, sans véritablement résister, sans le manipuler pour l’amener où il le souhaitait. Simplement apprécier cette complicité qui se nouait entre, passait dans leurs prunelles, se nouait, s’échangeait en souriant doucement, amusés l’un de l’autre. La connivence, sortie de nulle part, appréciée, recherchée.

Il aurait pu l’éviter, comprenant ce qu’elle faisait depuis le début de la soirée. Aurait pu rester loin. L’aurait dû, sans doute. Mais il leur offrait ainsi la possibilité de se côtoyer sans vivre sous la chape de la Cause. Un aveu, sans doute, de la volonté de partager plus avec elle que de simples cours. Une possibilité de le faire, surtout, hors des clous. Pas pour autant qu’il brisait cette distance entre eux, le visage à demi tourné vers elle, il finit par poser un pied sur la marche sur laquelle il était assis, tourné vers elle, le bras posé sur son genou, aspirant une nouvelle fois une bouffée de mort en tube en la dévisageant. Ce truc dans son regard il l’accrochait, s’en nourrissait, le partageait.

Depuis combien de temps n’avait-il pas fait ça ?

La clope ? Bien vingt ans, et le poison électrisait ses veines, les irisait d’une onde de plaisir.
Echanger ce genre de regards ? Sans doute jamais.

Une seconde, le visage qui part légèrement en arrière, il fermait les paupières, grisé par les molécules qui percutaient ses cellules. L’ancien addict qui retombe dans ses drogues douces. A moins que ce soit elle, sa drogue dure.

Un geste vers elle, d’une main il l’invitait à récupérer la cigarette, de l’autre,  à lui rendre le verre.

15 years again ? Un peu.

Peut-être que ça lui avait manqué, de ne pas faire seulement feindre la connivence, l’amitié peut-être. Quelque chose dans ce goût-là.

« Tu crois qu’ils pourraient vraiment t’emmerder directement avec ça ? Sans l’aspect pression sociétale généralisée je veux dire. T’as personne qui pourrait… signer la transaction à ta place non ? »

Autant dire les choses telles qu’elles sont.

Contrairement à Maggie, Connor, Mily, Warren, toute la clique de jeunes.
Tous vendus par les parents.

Parents qu’il possédait toujours lui cela dit.
Quelqu’un a parlé de brasier ?
Allons danser sur leurs tombes tous les deux. Ou y baiser.
Revenir en haut Aller en bas
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 36
Hiboux postés. : 1493
Date d'inscription : 25/04/2020
Crédits : *
Jessen Tadeus Blackthorn
Ven 18 Sep - 23:40
Elle l’avait senti, ce regard qui glissait sur la vue de cette jambe qu’elle lui offrait, appuyant ses dires autant qu’elle jouait avec ses nerfs à lui. Mais les siens, à elle, aussi, subissant ses propres attaques par un revers de baton muet mais fracassant. Parce que ce regard qui ne se gênait pas, ce regard qui coulait sur sa peau laiteuse et venait la réchauffer d’une caresse invisible, il la bouffait tout entière. Elle s’en délectait, s’en abreuvait, comme d’un cocktail violent et doux à la fois qui baignait dans ces prunelles sombres. Il avait toujours réussi à faire ça. Dès leur première rencontre, le mois dernier, et davantage par toutes les journées qu’ils avaient passé ensemble depuis, le sorcier avait réussi à insuffler en elle une sensation étrange. Celle de se sentir exposée. Physiquement exposée. Comme si d’un seul coup, son corps mort sous des vêtements sombres et peu flatteurs, sûr d’être sans intérêt, s’éveillait vraiment, violemment désiré.
Désirée, elle l’avait déjà été. Mais une fois son corps repu des sensations électriques d’un autre contre le sien, il s’endormait à nouveau, retournant en hibernation jusqu’à ce que la violence délicieuse d’un meurtre partagé, l’odeur du sang, ne vienne le sortir de son sommeil. Et sous le regard du sorcier, Azalea sentait ses membres frissonner comme jamais auparavant. Son corps ne s’endormait plus. Il restait éveillé, brutalement éveillé, car malgré l’absence de Blackthorn, n’ayant pas besoin d’être à proximité pour affoler ses sens, son regard la dévorait toujours. Marque indélébile sur sa peau qu’il ne faisait qu’approcher, que couver de ses yeux. Pourtant, aux marques elle était habituée. Marquée de violence, d’insultes comme autant d’entailles sur sa peau, mais rarement marquée par la douceur, par l’amour, et jamais marquée par le désir implacable, explosif, brûlant qu’elle lisait dans ses yeux. Alors cette marque-là, elle la voulait sur son corps.
Savait-il à quel point il la hantait ?

« Je serais tenté de m’en charger… »
« Je ne vous arrêterai pas. »

Oui, chargez-vous en bon sang. Elle n’attend que ça.
Que ces mains parcourant sa peau, que ces doigts s’imprimant sur ses hanches, sur ses seins, sur son dos, encerclant ses cuisses. Que ces dents sur son épaule, dans son cou, sur son ventre, mordant l’intérieur de ses cuisses. Que sa langue, caresse dévastatrice, sur sa chair qui l’appelait tant à la goûter.

Le revers de bâton. Envie dévorante qui crissait contre ses os.

« Qu’ils arrêtent de se faire mal à trop penser. »
« Oh, ça les occupe je dirais. Pendant que d’autres triment pour sauvegarder ce qui leur est cher. »

Lui, autant qu’elle. Bien qu’ils n’évoluaient pas dans le même environnement : lui, dans la lumière d’un Ministère dans lequel il se fondait par une couverture bien choisie, parfaitement maîtrisée tandis qu’il revêtait un autre rôle en secret, prenant les décisions; et elle, dans les ombres terrifiantes, brisant des existences, soldat solitaire, raffleuse aguerrie. Et dans ces lieux mondains, pourtant, tous deux pointés du doigt pour ce qu’ils représentaient pour les autres. Étrange de se dire que les espaces rythmaient et caractérisaient leurs échanges. Au Ministère, il fallait se cacher, éviter qu’elle se montre en sa présence autre que pour des affaires officielles qui ne seraient en rapport avec les Supérieurs. Pas pour rien qu’elle n’avait figuré sur aucun registre lors de leur premier entretien. Pas pour rien qu’elle avait attendu la fin de journée. Un rendez-vous qui aurait pu s’agir de tout autre chose, une affaire banale avec le monde moldu. Chez les Supérieurs, il fallait garder ses distances : lui, le Général des Activistes, et elle, une raffleuse parmi d’autres. Tout comme ici d’ailleurs. A la seule différence qu’ici, ils se rapprochaient du domaine du privé. Privé, mais toujours en proie au regard des autres.
Ces autres, ils ne les accepteraient jamais tout à fait. Des paroles lancées sans agressivité, la vérité, pure et simple que tous deux avaient depuis longtemps acceptés, mais qu’elle réitérait néanmoins, voulant voir sa réaction à lui, plus qu’autre chose. Elle sourit à son souffle amusé. Ce souffle qu’elle rêvait de sentir sur ses lèvres à elle.

« J’allais te répondre que le jour où je chercherai leur acceptation, il faudra me prêter cette dague, que je m’en serve contre moi-même. Celle-ci précisément. »

Un sourcil levé. Amusée. Provocatrice.

« Il faudra me la prendre de force. »

Ses lèvres se pincèrent avec malice. Oui, venez donc la prendre Général. Là, sur sa cuisse qui n’attendait qu’à être touchée. Remontez de votre main le tissu, glissez sur la peau fébrile et brûlante, et retirez donc la dague qui vous intéresse tant. Ou était-ce la cuisse qui éveillait davantage votre intérêt ?

Ce refus de se prêter aux règles, ce refus d’adopter une position claire, toujours dans l’ambivalence, en jouant comme un joueur d’échecs passé depuis longtemps professionnel, Azalea l’appréciait autant que de le voir naviguer avec amusement parmi la foule qui le scrutait sans arrêt. Volonté commune de ne pas se plier tout à fait aux règles, de ne pas suivre le chemin tracé par d’autres pour leurs propres existences. Oh, non, vous vous trompez misérables. Tous deux étaient seuls Maîtres de leurs destins. Alors oui, à leur santé ! A leur santé de toujours se battre, de ne jamais ployer. A leur santé de tracer eux-mêmes leurs chemins. A leur santé de ne jamais avoir peur de sombrer.
Ou peut-être seulement de sombrer l’un dans l’autre.

Son rire se répercuta dans l’air, complice.

« Cheers. »

Le sorcier prit une bouffée de la cigarette qui reposait entre ses doigts. Elle suivit le geste des yeux, amusée. Comme quoi, il y avait bien des moyens d’empoisonner un homme. Une clope. Un verre. Des mots. Une cuisse.

« Tu crois que c’est ça qu’ils me réservent aussi ? La molle ou la tyrannique ? » Un souffle amusé. Les regards ne se percutèrent pas, ils s’entremêlèrent dans une complicité assumée. « Je pensais bêtement que le but était de relancer la prédominance du sang… pas de l’appauvrir. Aucun d’entre eux ne te résisterait une semaine. »

Un sourire aux lèvres, tête légèrement penchée. Son regard le couvait étrangement avec un doux amusement.

« Oh, ils veulent relancer la prédominance du sang. Mais ils ne savent pas s’y prendre. Des idiots, donc. » Un instant de silence. Un aveu à suivre. « Et non, c’est vrai. Ils ne résisteraient pas longtemps avec moi. » Elle leva les yeux au ciel, davantage pour elle-même que pour qui que ce soit.

Oui, ça l’agaçait, au fond. Parce que même ceux qui tenaient un discours en faveur d’une femme forte, sûre d’elle, indépendante, ayant la possibilité de gueuler tout autant qu’un homme….finissaient par reculer ou se plaindre devant un caractère trop fort, une indépendance trop véritable, une force supérieure à la leur. Ouais, soyez fortes et intelligentes, ça peut servir, mais pas trop quand même, ça la fout mal. Putain d’idiots. Faibles.

Elle avait détourné le regard, le fixant sur un point dans l’obscurité du jardin qui s’étendait dans la nuit, buvant une gorgée de son verre à nouveau. Et sa voix lui parvint, douce berceuse à ses oreilles, faisant naître de ses mots un sourire lent, voulant pourtant se retenir mais n’y arrivant pas.

« Du curare qui cogne dans les veines, le parfum léger muguet dans un verre, du mouron rouge abandonné sur tes lèvres ou de la ricine sur sa cigarette… » Lisait-il dans ses pensées ? «  Il parait que les femmes tuent sans traces, sans effusions de sang, trop propres pour de telles dérives. » Elle se tourna à nouveau vers lui et leurs regards brûlèrent ensemble. Elle lisait tout son amusement, dénué de jugement. « Ou la morsure des flammes dévastatrice qui fait crépiter le sang, en efface les traces… je doute qu’ils n’aient le cran de t’imposer quoi que ce soit. L’idiotie sans doute peut-être. Ils partent perdants de toute façon. »

Elle pinça les lèvres et se repositionna, relevant le menton un petit peu, la tête appuyée contre le pilier de bois.

« Hm. » Un instant de silence, son regard ne cillant pas. « Je crains de trahir mon sexe par bien des manières dans ce cas. » Un léger sourire. « Je tue plus souvent comme un homme que comme une femme. Vous voyez, les assassinats silencieux m’ennuient. J’aime les effusions de sang. Les os qui craquent. La violence des gestes. » Pourquoi son ton était toujours suave, emprunt d’une sensualité déstabilisante dès lors qu’elle parlait de tuer ? « Mais ça, c’est dérangeant pour la plupart des gens. Même pour ceux qui sont habitués à côtoyer la mort. Une femme qui tue comme un homme, avec parfois bien plus de violence...c’est impensable. » Elle se redressa, le menton un peu relevé. «  Vous savez pourquoi les femmes tuent en silence ? Parce que c’est un silence nécessaire. Parce qu’il ne faudrait surtout pas que les hommes réalisent à quel point une femme peut être violente, brutale, cruelle. Ils comprendraient alors soudainement qu’ils sont en face du plus grand danger qui soit : une femme en colère, prête à tuer. L’un des plus grands mensonges de l’humanité : la douceur et l’innocence des femmes. » Un éclat illuminait ses prunelles d’acier, un éclat flamboyant. « Et moi...et bien moi...je suis souvent le rappel de ce que les hommes redoutent. Et pour les femmes, je suis celle qui risque d’exposer ce mensonge. Dans les deux cas, on ne m’aime pas. » Un soupire. « Et s’ils doivent tenter de m’imposer quelque chose, c’est le silence. Et vous avez raison : ils partent perdants. Je l’ouvre toujours pour gueuler plus fort qu’eux. »

Elle laissa reposer son dos à nouveau. Leurs regards ne se décrochaient pas. Étrangement, ce n’était pas la fierté, l’arrogance, la malice qui l’emportait dans ses yeux perçants, mais davantage la solitude d’une femme lassée qui doit sans cesse se battre pour garder sa place, pour ne pas leur laisser le terrain de l’enterrer, elle et ses envies, elle et son caractère, elle et sa force. Une solitude qu’elle retrouvait en lui alors qu’il tentait lui-même de survivre dans un monde qui n’acceptait pas son ambivalence, l’interprétait d’une manière simpliste et erronée.

Tournés l’un vers l’autre, ils gardaient toujours leur distance. Sécurité instaurée pour lutter contre cette envie trop poignante de restreindre l’espace qui les séparait. Parce qu’une fois que cet espace serait réduit, ils savaient tous deux ce qu’il adviendrait de leurs corps. La collision brutale et fiévreuse. Cette attente, elle n’était pas seulement un jeu d’ailleurs. Cette distance, pas seulement une torture. C’était aussi un espace qui leur permettait de se découvrir, lentement, sans que personne encore ne se sente trop en danger, trop impliqué. Juste un espace, une bulle dans la bulle. Juste eux, eux et leurs similitudes. Eux et leur solitude partagée. Eux et leurs échanges qui bâtissaient quelque chose de nouveau, creusant un peu plus à chaque fois la profondeur de ce lien qui s’était créé naturellement, sans qu’aucun ne puisse lutter vraiment.

Son pied vint se poser sur la marche, bras appuyé sur son genou alors qu’il relevait la main pour tirer une autre bouffée. Elle aurait pu se sentir mal à l’aise face à ces yeux qui la dévisageaient toujours. Et une partie d’elle le ressentait, ce malaise...et pourtant, elle l’acceptait. Incapable, surtout, de résister à cette connexion.

La tête du sorcier partit légèrement en arrière alors qu’il fermait les paupières un instant, soufflant cette fumée qui virevolta dans l’air brumeux et lourd. Elle ne le quitta pas de son regard incisif, mais ce soir, il était emprunt d’autre chose : une lassitude, une fatigue qui ne disparaissait qu’à l’appel du désir qui venait embraser son ventre, contracter son dos. Sa main se tendit vers elle et elle saisit la cigarette. Et l’autre se tendit pour récupérer le verre. Échange complice. Elle prit la clope entre ses longs doigts fins et la porta à ses lèvres. Là, juste sur ce tube empoisonné, s’étaient posées celles du sorcier. Grisant. Trop grisant. Et cette clope lui brûla presque la bouche alors qu’elle venait se caler entre ses lèvres avides. Une bouffée silencieuse.

« Tu crois qu’ils pourraient vraiment t’emmerder directement avec ça ? Sans l’aspect pression sociétale généralisée je veux dire. T’as personne qui pourrait… signer la transaction à ta place non ? »

Un rire lâché dans un souffle. Amusement amer.

« Non, personne. »

Personne dans son manoir. Personne dans les couloirs sombres de sa solitude recherchée et détestée.

« Je suis libre de mes choix » murmura-t-elle. « Mais la liberté n’est jamais gratuite, n’est-ce pas ? »

Emotions contradictoires.

Oui, je l’ai voulue cette liberté. Je l’ai gagnée. Je l’ai prise des mains de mes bourreaux. Et j’ai travaillé dur pour m’émanciper de ma condition de victime, pour devenir aussi forte qu’il le fallait pour survivre. J’ai du cogner quand il le fallait, hurler pour me faire entendre, tuer pour me faire respecter, pour assouvir mes envies, les revendiquer. Et maintenant que je suis libre, libre d’être moi-même malgré les regards méprisants, effrayés, atterrés…je me retrouve plus seule que jamais. Cette solitude, elle me protège et me terrifie tout à la fois.

Non, cette liberté n’était jamais gratuite.
Elle le payait ce prix...tous les jours. Tous les jours à devoir tenir le rôle qu’elle s’était choisie, qui lui avait permis de survivre, et qu’elle aimait, intensément. Mais plus le temps passait, plus elle aurait aimé que ce rôle n’en exclue pas d’autres. D’autres qu’elle aurait aimé tenir sans jamais vraiment se l’avouer, et surtout pas à voix haute.

« Dites-moi Général... » Moi, Général. «N’êtes-vous jamais fatigué de tout ça ? Même un combattant forcené peut être éreinté. »


Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous
Invité
Invité
Dim 27 Sep - 15:59
« Je serais tenté de m’en charger… »
« Je ne vous arrêterai pas. »
« Je me doute. »

Est-ce que ça le démangeait de s’occuper de quelques cas ici présent ? Plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Il restait là, toujours sous contrôle dans un nid de vipères, conscient de ne pouvoir se mouvoir comme il l’aurait fait si le naturel l’avait emporté. Etait-ce les tenants de ses propos ? Sans doute pas. Conversation glissante, envie grisante d’envoyer au loin tout son beau contrôle. Enserrer sa peau entre ses doigts, heurter son corps du sien, se griser de la charge de l’impact, gouter la saveur de sa peau salée, remonter sa main contre cette jambe tentatrice, jusqu’en haut de la cuisse.

Et dans ses prunelles dansaient les flammes de l’envie charnelle.

Concentres-toi sur l’idée de quelques meurtres Jey.
Ça n’aide pas.
Ah.

« Oh, ça les occupe je dirais. Pendant que d’autres triment pour sauvegarder ce qui leur est cher. »
« Du combat, seuls les lâches s'écartent… »

L’Iliade.

Jessen partageait la sensation. Cette folie constante que tous les peuples n’avaient de cesse que de partager. Les voilà, les riches, les privilégier, ceux qui dictaient les règles mais se cachaient derrière leurs guerriers. Ceux qui érigeaient les lois, les besoins, les dogmes mais ne se pressaient pas pour se battre pour eux. Ceux qui réclamaient leur confort, exigeaient leurs privilèges, quémandaient leur liberté sans jamais envisager de porter un jour les armes pour la gagner. C’était eux, là, dans cette pièce, qui se permettaient de juger, de moquer, tandis même qu’ils restaient loin du champ de bataille, ne connaissaient pas le doux son des glaives qui se heurtent, le crissement de la douleur sur vos os, le gout du sang sur vos lèvres. Ils ne savaient pas. Mais ils pavanaient pourtant, bien persuadés de leur légitimité dans cette mascarade.

Imaginez un roi livrant ses propres batailles… ce serait mémorable.
Achille. Enfin Brad Pitt… bon, toutes les références ne peuvent pas claquer de culture hein.

Il ne partageait pas tout à fait cette opinion cela dit. Simplement cette impression de crasse que cette belle société de nantis leur dégueulait sans cesse en pleine face, tellement peu conscients de l’hypocrisie de leur diatribe. Qu’importe sa posture sociale, qu’importe l’ascension fulgurante dont il était le démiurge, il ne serait à jamais qu’un étranger, l’ennemi d’une classe sociale, le traitre, l’expiateur de fautes qui n’étaient pas les siennes mais dont il jouait tant. Et voilà qu’elle s’ébranlait, cette belle société fallacieuse, voilà qu’elle hésitait, poussée hors de ses beaux sentiers battus tout faits de soie quand il creusait les siens dans la roche, s’écorchait, forçait sans cesse là où personne n’avait jamais osé foutre les pieds. Oui, l’envie de les détruire griffait ses veines, tentait ses nerfs saturés. Mais jamais il ne laisserait une envie foutre en l’air la stratégie savamment mise en place. Les pions tomberaient, bien sûr, un à uns, au moment opportun.

Jamais, Jessen ? En es-tu vraiment sûr ? N’es-tu pas seulement tenté de briser ces chaînes, d’arracher les brides de conscience qui te lient là, loin d’elle. Et pourtant ton regard s’égare, remonte le long de cette cuisse tentatrice,  s’arrête sur la lame, se frustre d’en demander d’avantage.

« Il faudra me la prendre de force. »

Regard, sourire, ton. Tout était chargé de malice, de tentations. Tentations qui le happaient, là, dans la lave de ses prunelles.

« La dague, la cuisse ou la femme ? »

Jey ?
Quoi ?
Non rien, c’est trop tard de  toute façon.

Son regard avait capturé le sien, ne se dérobant pas. De provocations en provocations, combien de temps pourraient-ils tenir encore ? Il ne bougeait pas, ne cherchait pas la chaleur de son corps, n’attendait pas qu’elle le fasse à son tour. Pourtant la distance de sécurité ne cessait de s’effondrer, grignotée pas à pas, brique à brique, morceau par morceaux. Parfois simplement érodée, parfois percutée violemment, toujours ébranlée, jamais anéantie.

« Oh, ils veulent relancer la prédominance du sang. Mais ils ne savent pas s’y prendre. Des idiots, donc. Et non, c’est vrai. Ils ne résisteraient pas longtemps avec moi. »

Difficile de résister longtemps avec toi.

Bien Jey. Tu ne l’as pas dit à haute voix, je te félicite. Même si ces mots sont gravés en lettre de feu dans tes prunelles.
Désireux mais fatigué, l’esprit qui passe d’une émotion à l’autre, d’une envie à la seconde. Tout délaisser, leurs règles factices, leurs opinions illusoires, trompeuses, tout ce cadre qu’ils imposaient sans cesse et avec lequel il jouait. Comme il jouait avec celui qui était instauré entre eux. Etait-ce lui qui en confectionnait les bords ou les laissait-il simplement se déformer pour les laisser s’adapter à qui ils étaient, eux. Après tout, s’il adaptait son comportement au projet qu’il nourrissait depuis bien des années maintenant, il s’était toujours amusé d’assumer ne pas correspondre à leurs attendes, ne cherchant jamais à se travestir pour leur bon plaisir. Non il jouait de ses différences, assumait parfaitement de ne pas entrer dans les cases d’une société puritaine qui ne comprenait pas même son comportement. Comment pouvait-il chercher à être l’un des leurs sans se draper de leurs codes ?

Il ne le cherchait pas. Voilà tout.

Parlaient-ils de meurtres à quelques pas de quelques potentielles victimes ? Oui. Pas de jugement dans son regard, seule une appréciation muette, un coup d’œil au miroir.

« Hm. Je crains de trahir mon sexe par bien des manières dans ce cas. » « Pas ton sexe, seulement leurs convenances. » Une réflexion balancée sans réelle analyse. La critique sociétale était là, assumée. Il était trop monté pour prémunir ses pensées, les falsifier sans cesse, surtout auprès d’elle. Etrangement.
« Je tue plus souvent comme un homme que comme une femme. Vous voyez, les assassinats silencieux m’ennuient. J’aime les effusions de sang. Les os qui craquent. La violence des gestes. »

Que je te rassure Jey, tu n’inventes pas cette impression d’un ton lascif, suave quand chaque parole appelle à la violence.

« Mais ça, c’est dérangeant pour la plupart des gens. Même pour ceux qui sont habitués à côtoyer la mort. Une femme qui tue comme un homme, avec parfois bien plus de violence...c’est impensable. »

Jouissif. Non, pardon, impensable. C’est impensable le mot avancé.
«  Vous savez pourquoi les femmes tuent en silence ? Parce que c’est un silence nécessaire. Parce qu’il ne faudrait surtout pas que les hommes réalisent à quel point une femme peut être violente, brutale, cruelle. Ils comprendraient alors soudainement qu’ils sont en face du plus grand danger qui soit : une femme en colère, prête à tuer. L’un des plus grands mensonges de l’humanité : la douceur et l’innocence des femmes. »

Le menton relevé, un geste de défit, non pas à lui-même mais sans doute plus à ses chromosomes sexuels, à l’image qu’il renvoyait, à son statut d’homme, tout simplement.
Si c’était un soupir qui passait ses lèvres, un sourire étirait doucement les siens, en coin.

« Et moi...et bien moi...je suis souvent le rappel de ce que les hommes redoutent. Et pour les femmes, je suis celle qui risque d’exposer ce mensonge. Dans les deux cas, on ne m’aime pas. »

Hors des cases.
Il n’entrait manifestement dans aucun de ces deux cas. Une appréciation dans ses yeux qu’il n’aurait pas su cacher même s’il l’avait voulu. Des paroles très justes autant qu’elles étaient acerbes, envers elle-même autant qu’envers les autres, c’était pourtant bien ce qu’elle représentait qui l’attirait tant. Pas que ; c’était une certitude, mais cette flamme dans son regard, cette force de vivre, de ne pas flancher face à leur pression, de se dresser, toute puissante, malgré l’impact… il ne pouvait que l’admirer pour ça.
Il resterait donc hors des cases. Avec elle, sans aucun doute.

« Et s’ils doivent tenter de m’imposer quelque chose, c’est le silence. Et vous avez raison : ils partent perdants. Je l’ouvre toujours pour gueuler plus fort qu’eux. »
« J’en doute pas. »

Oh non. Il n’en doutait pas une seule seconde. Pourtant ça n’était pas la violence de la guerrière qu’elle était qui perçait actuellement. C’était la lassitude, la marque d’une fatigue évidente. Celle de la femme qui encaissait sans cesse, aujourd’hui plus encore qu’un autre jour.
Comme lui.
Et comme elle, la solitude autant que la lassitude perçait dans son regard. En aurait-il été autrement avec quelqu’un d’autre ? Sans doute pas. Et jamais il n’imaginait jusqu’ici la brume échangée dans le silence. Connexion sourde au monde qui glissait entre leurs âmes malmenées. La rage de vaincre ne disparaissait pas, elle n’avait simplement pas besoin d’être brandie en bannière en cet instant. Car là, dans les ombres du perron, l’humidité de la nuit, la fraicheur de la roche, c’était bien une muette compréhension qui passait. Vulnérabilité ? Non. Mais connivence de la douleur. La familiarité de situations subies autant que conquises, et une forme de proximité qui se forgeait dans l’obscurité.

« Je suis libre de mes choix » murmura-t-elle. « Mais la liberté n’est jamais gratuite, n’est-ce pas ? »
« En effet.. »

Quel passé, quelles plaies enchaînées sur cette âme décharnée ? Il savait de quel métal elle était faite, mais là, dans le silence de la nuit, isolés de leur frénésie factice, c’était concernant la femme qu’il s’interrogeait. Cette qui encaissait les coups, vibrait autant de joie que de peines, celle qui refusait de ployer mais que les chocs percutaient tout de même. La vérité derrière la montagne, la souffrance derrière le tranchant.
La femme, plus que la guerrière. Sans doute aurait-il dû être étonné de vouloir la découvrir.. mais ça n’était pas le cas. Derrière l’attirance se trouvait ce truc qu’il n’avait pas prévu, jamais envisagé. Une connivence, une complicité qui se mettait en place doucement, sans qu’on ne l’y invite. Parce que derrière elle se cachait une compréhension taciturne. Pas envie de l’expliciter, pas envie de poser le doigt dessus, et pourtant elle était là. Elle prenait son temps pour s’imposer, discrète mais évidente.

« Dites-moi Général...  N’êtes-vous jamais fatigué de tout ça ? Même un combattant forcené peut être éreinté. »

Un sourire et son crâne trouvait doucement contact sur la pierre de la rambarde sur laquelle il était adossé, ses yeux ne quittant pas les siens.
Ce que tu demandes relève de l’intime. Un ressenti que tu partages à mi-mot, qui te blesse tant en cet instant que tu l’abordes sans vraiment t’interroger des conséquences. Tu te livres sans même le voir, tu offres des clefs de compréhension, espérant que quelqu’un s’en empare, que quelqu’un voit, enfin. Te voit. T’entende.

Et inversement ?

Un instant, le silence s’était creusé mais pas la distance. Rien qu’un instant de connivence. Un instant qui confinait à l’étrange. Car en une seconde, cette anomalie, l’irrégularité dans sa vie s’imposait, riait contre son oreille, soufflant sur son épiderme la sensation anormale de trouver en son interlocuteur un complice à défaut d’être un allié.

En était-elle un ? D’allié.  

Un soupir amusé qui brisait le silence.
L’exception hein.

« J’aimerai avoir l’arrogance de dire que non…. mais ce serait sans doute indécent comme mensonge. » Qu’est-ce que la décence ? Vous avez quatre heure. « Donc ça arrive oui. Ce soir sans doute. »

Ça aurait été certain si elle n’avait pas été là. Et pourtant, pour une fois depuis des années, il ne lui semblait pas être totalement isolé face à cette parodie festive.

« Peut-être pas, finalement. »

Parce que là, dans les ombres de la nuit, se formait un truc qui n’était pas prévu. La sensation de trouver après tant d’années une âme semblable. Est-ce qu’il aurait seulement l’outrecuidance d’affirmer être capable d’en rester à distance ? Non. Sinon il ne serait pas là, sinon il n’assumerait pas ce moment, franchissant une limite, acceptant à vue qu’ils se côtoient, profitant de cette excuse toute trouvée. Officiellement, il s’agissait de leur premier contact. Officiellement, il ne serait plus aberrant de les voir en contact. Après tout, pourquoi pas.

Pente glissante. Parfaitement assumée. Attendue.

Nouvelle gorgée, nouveau shoot de poison. Ses lèvres là où elle avait posé les siennes.

« Leur constante hypocrisie me fatigue plus que l’enchaînement des coups. L’aveuglement mondain… » Un soupir. « Ils provoquent nos échecs. Leur entêtement dans des valeurs puritaines et illusoires nous dessert. Comment convaincre si l’image même de ce que l’on cherche à préserver est plus putride que ce dont on se moque ? Leurs excès de vanité les pousse à fermer les yeux sur l’inacceptable. Alors oui… parfois je me demande ce que mon acharnement cherche à sauver ou à modifier. » Nouveau rire de l’autre dinde. « Ou si ça vaut seulement le coup. »

Il l’avait lâchée du regard sans même s’en rendre compte, fixant les ténèbres quelques secondes.
Pourquoi se battre pour ceux qui engendraient des monstres ? Pour leurs bourreaux, leurs créateurs. Comme en science : pas de génération spontanée.

Peut-être serait-ce deux univers qu’il finirait par brûler.

Car les deux les oppressaient.
Les deux ignoraient ces enfants qui mourraient pourtant en plein jour, face aux adultes souriants, affabulant leur existence parfaite. Oubliant. Niant. Dénigrant les appels à l’aide.

Et son regard raccrochait le sien. Que serait l’avenir de Nicholas et des autres ? Finirait-il ici dans quelques années,  convaincu de ses opinions, incertain de ceux qu’il défendait à chaque bataille.

Peut-être n’aurait-il pas dû dire ça. Sans doute même. Alors pourquoi le faire ? Sans doute parce que dans ces prunelles, il devinait par moment les mêmes interrogations. Peut-être parce qu’ils avaient été ces enfants. Et qu’à présent adultes, eux non plus ne savaient toujours pas se situer, s’interrogeant sur le rôle qu’ils acceptaient par défaut, sans véritablement savoir trancher sur leur légitimité. Bien ou mal ? Ethique ou non ? Où est le domaine de l’acceptable quand tant de données sont en jeu, quand chaque acte peut faire pencher la balance et détruire l’architecture même de leur avenir commun. Quel sacrifice était acceptable ? Le leur était déjà engagé depuis tant de temps. Ils l’avaient fait sans même y penser. Mais la question restait là, surgissant par moment : l’acceptaient-ils réellement tout à fait ? Si ça n’était que pour eux, la question ne se poserait pas. Mais pour la crasse, l’hypocrisie, les nuances infâmes d’une société qui les rejetait autant qu’ils l’exécraient par moment…. Le prix fixé était-il seulement le bon ?
Revenir en haut Aller en bas
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 36
Hiboux postés. : 1493
Date d'inscription : 25/04/2020
Crédits : *
Jessen Tadeus Blackthorn
Sam 3 Oct - 0:58
We fight every night for something
When the sun sets we're both the same
Half in the shadows
Half burned in flames


Tamer - Kai-El



Le tango se faisait plus suave, plus lent, plus déstabilisant encore.
Ce n’était plus les gestes pressés, les montées et les descentes rapides qui faisaient sursauter le coeur, mais une lenteur à vous faire frissonner les sens, les vriller par ce qui était infime, minime pour tout œil extérieur. Un rapprochement dans l’espace, un déplacement des barrières, un entremêlement des regards qui se fondaient l’un dans l’autre, les voix se faisaient moins percutantes, les paroles moins piquantes, et alors on sentait dans l’air ambiant de cette danse une douceur sucrée, chargée d’une sensualité perturbante. Même là, dans un tout autre contexte que l’exploration du monde moldu, ils n’arrivaient pas à rester éloignés, ne pouvaient s’empêcher de glisser l’un vers l’autre. Deux aimants qui s’attiraient inévitablement. Et si le tango s’était fait moins violent en apparence, il n’en était rien en-dessous de la surface. Parce que ni la distance, ni le cadre qu’ils ne cessaient d’ignorer, ni le lieu, ni ceux qui les entouraient n’avaient le pouvoir de faire taire cette envie brûlante, si présente en eux qu’elle calcinait les chairs, mordaient les os, perturbait l’esprit tout entier porté sur les gestes de l’autre, sur le sens des mots confiés et non plus jetés. Les provocations avaient été délaissées au profit d’une entente plus évidente. Et si provocation il y avait, c’était celle qui attisait le désir de l’autre, faisait grimper la frustration plus haut encore, repoussant le plafond de verre. Elle sentait quelque chose gonfler dans son ventre, s’emplir de l’intensité de son regard si sombre, si profond, de sa voix, de la façon dont il portait le verre à ses lèvres qui l’obsédaient chaque nuit un peu plus, de la manière dont ses doigts prenaient cette cigarette...oui, quelque chose enflait en elle...quelque chose qui était destiné à exploser, à se crasher, à tout dévaster. Ce moment-là, elle l’attendait avec impatience.

Pourtant, elle savait qu’il ne craquerait pas ce soir. Elle en était persuadée. Cela ne l’empêchait pas de lui dévoiler cette cuisse nue, le tentant avec plus d’aplomb, sachant pertinemment que cela ne ferait qu’amplifier la frustration et l’envie qui brûlaient dans ses rétines. Echo parfait de ses propres envies. Besoins, même. Oui, elle ne savait pas quand, mais c’était devenu un besoin impérieux. Il fallait qu’elle sente un jour ces mains sur elle, sa bouche sur sa peau, son corps contre le sien. Impossible d’y échapper, ce sort-là était scellé. Ils le savaient tous les deux, et cela ne faisait que rendre ce jeu plus délicieux encore.

Tant de choses auraient pu les distraire de la lave qui s’écoulait dans leurs veines...mais ils y revenaient sans cesse, comme une évidence qu’ils délaissaient parfois pour se tourner vers d’autres sujets, d’autres dévoilements, comme des confidences nouvelles et inattendues.

« Du combat, seuls les lâches s'écartent… »
Un souffle amusé. Elle ne connaissait pas la référence, mais cela importait peu. Ces paroles lui parlaient. Les lâches, ces êtres qu’elle méprisait intensément, et qui peuplaient la salle de laquelle parvenaient encore la musique et le son des rires et des conversations qui leur donnaient envie de vomir à tous les deux.

C’était parfois dans l’adversité, dans le rejet, dans la solitude qu’on trouvait les siens. Les vrais. Ceux qui revêtaient les mêmes cicatrices, les mêmes stigmates. Elle n’avait pas besoin de connaître les détails de son passé pour entrevoir en lui des tourments similaires. Pourtant, ses secrets demeuraient hors de portée, loin derrière ce regard de braise, loin derrière ce masque sur lequel tout glissait, imperturbable. Tout ? Peut-être pas. Pas leur désir. Pas leurs ressemblances. Il semblait qu’elle arrivait parfois à frôler de ses doigts, de son souffle quelques cordes similaires aux siennes et elle entendait alors leur mélodie amère et triste. Sans doute réussissait-elle à l’entendre parce qu’elle résonnait avec la sienne à elle. Oui, ce soir, elles s’accordaient étrangement sans qu’aucun d’eux n’aient vraiment pu le prévoir ou le calculer : c’était bien plus naturel qu’ils auraient pu l’imaginer. Et pour l’instant, l’angoisse se muait dans le silence, écrasée par le désir et la curiosité.

« Il faudra me la prendre de force. »
« La dague, la cuisse ou la femme ? »
Un fin et lent sourire étira ses lèvres gourmandes. Oh...vilain garçon. Les flammes dansèrent dans ses prunelles d’acier et elle se mordit la lèvre.
« Les trois mon Général. » souffla-t-elle.

Oui, prenez ma dague.
Prenez ma cuisse.
Prenez-moi.
Brutalement.


Les regards s’accrochèrent à nouveau. Ils ne pouvaient pas lutter. C’était plus fort qu’eux, plus fort que leur volonté de rester éloignés. Leurs prunelles se mêlaient, s’engluaient, se percutaient et le lieu disparaissait, les circonstances aussi, et plus encore ce cadre qui les maintenait souvent à flot et qui restait à leurs côtés, oublié là un instant, seulement un instant, près à être agrippé à nouveau. Mais c’était autre chose qu’elle voulait agripper. Bon sang, ce regard...ce visage, ces épaules, ces bras et ses mains si puissants...oh, si elle s’écoutait, si elle laissait les pulsions rugir furieusement sans se soucier des conséquences, sans se soucier du jeu, de la fierté, du plaisir de le voir plier...elle serait déjà entre ses bras, s’arquerait déjà sous son corps, frémirait déjà sous ses lèvres. Un frisson parcourut son dos, mais ce n’était pas le froid. C’était le besoin violent de lui.

Elle tentait de calmer les contractions de son ventre, gardant une respiration calme, profonde, et elle se raccrochait à la conversation, comme un noyé à une planche. Une nécessité absolue.

« Pas ton sexe, seulement leurs convenances. »
Des paroles lancées aussi naturellement qu’elles le pouvaient. Elle en sourit, amusée. Et il avait raison : c’était la façon dont la société dépeignait son sexe, lui donnait des représentations faussées, des rôles restreints, des ambitions moindres. C’était grisant de l’observer alors qu’elle lui parlait de ces choses qui pourtant, ne franchissaient pas souvent ses lèvres. Il n’était pas offensé, ni prêt à contrer les mots qui lui venaient. Au contraire, au fond de ses yeux, sur ce sourire qui s’étirait sur son visage, elle voyait un avis partagé, une complicité si étrange et agréable qu’elle ne savait pas quoi en penser. Une complicité qui se retrouvait dans leurs regards lassés, emprunts d’une tristesse blasée : combien de fois avait-il du serrer les dents face aux insultes ? Combien de fois avait-il été mordu par la solitude, par le rejet ? Combien de fois avait-il fait semblant que cela ne l’atteignait pas ? A tenter de convaincre les autres que choses-là ne faisaient pas mal, on arrivait parfois à se convaincre soi-même. Mais pas indéfiniment. Et peut-être que ce soir, l’auto-persuasion ne prenait plus. Elle se fissurait au contact d’une lassitude commune. Immédiatement alors, une chaleur nouvelle se dégageait de l’entracte d’une soirée placée sous le signe de la comédie absurde : les masques ne tombaient pas, mais une nouvelle lumière laissait deviner ce qui s’y cachait derrière. Regards et langues affûtés. Esprits accordés. Ils entendaient l’autre plus distinctement encore, loin de l’agitation du monde.

Oui, nous sommes fatigués, lassés, cyniques. Nous avons trop subi, trop encaissé pour croire en cette mascarade. Mais rien dans notre organisme ne peut nous donner du repos alors nous continuons à nous battre, tous les jours, en espérant que la bataille emportera un jour nos corps et nos esprits décharnés. On nous a trop insufflé la rage, la violence, la haine, le mépris, et nous manquons de chaleur, nous manquons de tout ce qui anime un corps sain et paisible. Seuls dans les ombres, seuls dans la lumière, rien d’autre que nos desseins ne nous illumine. Nous fendons la foule qui fait de nous des rejetés et nous croisons le fer pour cette même foule alors qu’elle nous vomit et que nous la vomissons silencieusement. Parce qu’au fond, nos valeurs sont bien plus fortes, bien plus ancrées, bien plus réelles que les leurs. Elles ne sont pas sur la surface de nos êtres, elles prennent racine bien plus loin, bien plus profondément. Notre combat est viscéral.
Et sans doute était-ce pour cela que la solitude nous enveloppe.


Sauf peut-être ce soir.
Sauf peut-être quand ils étaient là, dans la demi-obscurité, comme si cette bulle était à l’image d’eux-mêmes : l’ombre et la lumière, l’Ordre et le Chaos, venus discuter un moment sur les marches d’un escalier. Tu es fatigué ? ...Et toi, tu l’es ?

Une pause incongrue dans le temps.

Alors sa question résonnait dans l’air, venait mordre la fraîcheur humide qui se trouvait entre eux. Se dévoilait-elle dans cette question ? Assurément. Il fallait parfois se dévoiler un peu pour découvrir l’autre. Une chose dont elle n’avait qu’à demi conscience à cet instant, parce que la curiosité prenait le pas sur le reste, parce que la fatigue la prenait et qu’elle se tendait imperceptiblement vers cet autre être qui semblait pouvoir la comprendre.

Elle l’observa silencieusement, lui laissant le temps de trouver ses mots ou de refuser d’y répondre. Un sourire en coin étira les lèvres du sorcier alors qu’il posait sa tête contre la pierre, son regard toujours fixé sur elle. Il eut un soupir amusé au milieu du silence et elle pencha la tête, interloquée. A quoi pensez-vous Général ?
De quoi riez-vous ? De moi ? D’eux ? De vous ? De tout ?


« J’aimerai avoir l’arrogance de dire que non…. mais ce serait sans doute indécent comme mensonge. Donc ça arrive oui. Ce soir sans doute. »

Elle aurait presque voulu détourner le regard face à l’intensité du sien, mais elle n’y arrivait pas.

« Peut-être pas, finalement. »
"Peut-être pas non..."

Que faites-vous ? Que dites-vous ?
Nous nous comprenons ? Vous m’entendez ?

Oh, je vous entends et vous m’entendez. Vous me voyez et je vous vois. Et ce que nous faisons...pas la moindre idée. Pas envie de comprendre. Pas envie d’analyser. C’est là et ça se renforce, ça grandit, ça enfle tout autant que le désir et le besoin.


Le besoin. Ce n’était pas seulement que de ses mains dont elle avait besoin sans le savoir, sans le comprendre…c’était de cette chose qui passait entre eux, un fluide vif qui embrasait et apaisait à la fois comme les faces complémentaires d’une pièce. Elle qui avait tant été seule, là, comme si jusqu’à maintenant elle s’était tenue éloignée du monde sur ce perron, dans le froid de la nuit, sous un ciel plein de nuages noirs, sans avoir une autre âme à qui parler...et maintenant, il venait la rejoindre, sans se soucier qu’on les voit ensemble, trouvant en les circonstances une excuse toute trouvée sans doute. Peu importait ? Peu importait.

N’avait-il pas vu les panneaux de danger sur la route ?
Ne sentait-il pas le chaos de son être ronronner en elle, prêt à jaillir et à l’emporter ?
Ne comprenait-il pas si elle était seule, c’était pour une raison bien réelle ?

Mais, et lui ? Il était seul aussi.
Alors peut-être que finalement, elle aussi aurait du prêter attention aux panneaux.
Et peut-être que finalement, aucun d’eux ne s’en souciait vraiment pour le moment.

Sans doute parce qu’ils menaient déjà un combat contre tous ceux qui étaient à l’intérieur de cette pièce, et qu’en cet instant, l’autre n’était pas un ennemi ou une menace, mais un allié contre la solitude, contre le rejet qui les inondait. Et ils se riaient ensemble de l’hypocrisie du monde, trouvaient une complicité, un accord, dans les pensées qui résonnaient entre eux.

Il but une gorgée et ses yeux suivirent le mouvement de sa main, s’arrêtèrent sur ces lèvres qui se posaient là où les siennes s’étaient trouvés quelques secondes auparavant.

"Leur constante hypocrisie me fatigue plus que l’enchaînement des coups. L’aveuglement mondain… » Un soupir. « Ils provoquent nos échecs. Leur entêtement dans des valeurs puritaines et illusoires nous dessert. Comment convaincre si l’image même de ce que l’on cherche à préserver est plus putride que ce dont on se moque ? Leurs excès de vanité les pousse à fermer les yeux sur l’inacceptable. Alors oui… parfois je me demande ce que mon acharnement cherche à sauver ou à modifier. » Nouveau rire de l’autre dinde. « Ou si ça vaut seulement le coup. »

Elle eut un souffle amusé, le rire ne perçant par sa gorge. Le sorcier regardait les ombres, c’était peut-être en elles qu’il cherchait des réponses, des explications. Pour quoi se battaient-ils au juste ? Enfants maltraités. Tous les deux, à n’en pas douter. On ne pensait pas ainsi sans raison. Elle le voyait sur ses traits, l’entendait dans ses mots, comme une évidence. Ces adultes qui riaient dans cette salle...c’étaient les mêmes qui avaient fermé les yeux sur leur souffrance muette, c’étaient les mêmes qui toléraient la violence envers leur propre sang, les mêmes qui s’octroyaient le droit de briser les leurs, de les broyer pour les façonner à leur image d’hypocrites lâches.

Qu’aurais-tu fais si tu n’avais pas fait partie des Supérieurs ?
Lui avait un jour demandé Klara.

Peut-être que finalement, la bonne question aurait été …. qu’aurais-tu fait si tu avais été de l’autre côté ? Qu’aurais-tu fait si tes ennemis avaient été tes amis ? Pour quoi te serais-tu battue ? Pour qui ? Est-ce seulement la bataille que tu recherches ? Seulement le goût du sang dans ta bouche ? Est-ce que le camp pour lequel tu te bats importe tant finalement ? La Mort a le même visage dans chaque camp. La souffrance aussi. Le rejet, la solitude, la maltraitance, l’hypocrisie. Elles sont pareilles partout.

Elle était née de ce côté-là. Elle y était restée.
Mais pour qui se battait-elle au fond ?

Je me bats cette puissance qui m’a été refusée.
Je me bats pour la magie qui coule dans mes veines.
Je me bats parce que je ne sais rien faire d’autre.
Je me bats pour me distraire de la douleur lancinante de mon être.
Je me bats pour me précipiter plus vivement encore vers ma fin.

Et dans mon combat, je salue de chaque côté du champ de bataille, ceux que je reconnais et qui me reconnaissent, ceux qui comme moi hurlent en silence, qui comme moi ont cette rage au fond d’eux. Je suis née là, et toi ici...nous sommes ennemis mais nous sommes pareils.


Une pensée qu’elle n’irait pas dire voix haute, qui en surprendrait plus d’un sûrement. Oui, elle était capable de respecter ses ennemis et elle leur donnait le meilleur d’elle-même. Parce qu’elle avait hâte de les revoir sur le champ de bataille, parce que c’était la seule façon dont ces êtres si semblables pouvaient se rencontrer.

A moins que...à moins qu’ils se retrouvent dans un moment suspendu, du même côté de la barrière et qu’ils se soient déjà reconnus l’un l’autre.

Leurs regards se raccrochèrent et elle sourit avec une étrange douceur. Elle écrasa sa cigarette sur les marches et se leva lentement, le tissu de sa robe sombre trainant sur l’escalier alors qu’elle se plaçait devant lui, son regard perçant se plongeant plus profondément dans le sien. Un sourire aux lèvres, amusée.

« Il me vient parfois, Général, des envies de tout faire brûler et de tout recommencer. Grisant fantasme quand on pense à tout ce que l’on pourrait modeler, façonner jusqu’à obtenir exactement ce que l’on souhaite. » Un court silence, intense. « Mais il serait naïf de penser que les Hommes se révéleraient moins décevants qu’ils ne l’ont déjà été : l’hypocrisie, la lâcheté, la déloyauté, la stupidité...sont des mauvaises herbes qui finissent toujours par réapparaître. Et si je me mets à fantasmer de ce qui pourrait être...ce n’est que pendant quelques secondes où je tente d’oublier qu’hélas, il n’y a rien à sauver, rien à espérer. Les choses demeureront telles qu’elles sont. » Un souffle amer. « Sans doute n’est-ce pas ce que vous souhaitez entendre...Nous nous battons pour la même cause Général, mais je suis un soldat résigné : nos ennemis, tout comme nos alliés sont comme les pièces d’un échiquier. On peut les déplacer mais ils ne changeront jamais. Ils sont immuables. Figés. Ils engendrent les mêmes pions qu’eux, et automatiquement, nos ennemis se multiplient de la même façon. Immuables. » Elle se pencha en avant, une main de chaque côté de sa tête, posées sur la pierre, son visage à quelques centimètres du sien, ses yeux toujours plantés dans ses prunelles sombres. « Et vous voyez...pour un soldat comme moi...il ne reste plus que le plaisir de la bataille, celui de l’affrontement brutal... »

Un instant de silence et un fin sourire étira ses lèvres carnassières. Sa jambe dénudée sortit du tissu de sa robe et vint se glisser entre les siennes, frôlant l’intérieur d’une cuisse.

« Alors finalement la question qui reste, c’est….qu’est-ce que vous voulez prendre en premier : la dague, la cuisse ou la femme ? »

Un souffle s’échappa de ses lèvres pulpeuses qu’elle finit par mordiller sans lâcher ce putain de regard qui l’enflammait. Son visage était si près du sien...et elle s’offrait plus que jamais à son regard. Son décolleté si près de lui alors qu’elle était penchée sur son corps, l’encadrant de ses bras tendus, sa jambe entre les siennes, cuisse offerte, frémissante d’envie, avec cette jarretière qui l’enserrait et promettait une dague étincelante.

Saisissez l’instant Général...il ne reste plus que ça à espérer.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous
Invité
Invité
Ven 23 Oct - 2:39
La conversation avait beau s’attarder sur des sujets sérieux, intimes presque, leur permettant de se découvrir autrement, de mieux se comprendre… ils en revenaient pourtant là, sans cesse. Comme une évidence. Un besoin violent, dévastateur contre lequel il n’avait même pas réellement envie de lutter. Juste pour la forme, sans doute. Juste pour le jeu. Ou pas tout à fait. Parce que dans le fond, ce truc qui passait faisait du bien. Les sorties de route ne sont pas forcément néfastes. Et si elles le sont… eh bien, elles ont au moins le mérite de surprendre, de nous sortir du chemin tout tracé, de la routine, de l’habituel. De l’ennui. Surtout si, finalement, dans le ravin, on y trouve non seulement le chaos mais également une âme similaire. Une allié peut-être, ou pas. Une âme qu’on a envie d’approcher, dans tous les cas. De côtoyer, de comprendre. Parce que peut-être que cette route, finalement, elle n’était pas tout à fait suffisante.

Et qu’il avait déjà accepté de déraper.

« Il faudra me la prendre de force. »
« La dague, la cuisse ou la femme ? »

Ce sourire, cette lèvre mordue d’envie, il aurait fallu être bien aveugle pour ne pas les voir. Pour ne pas s’en délecter.

« Les trois mon Général. »

*
La question, c’est finalement, jusqu’où comptes-tu déraper ainsi ? Jusqu’au ravin ou au platane ? A moins que tu ne te forces à revenir sur le droit chemin, général…. Mais moi je pense que tu n’en as plus envie. Pas tout de suite du moins. Pas alors qu’ils sont là, tes détraqueurs, qui se terrent, s’exposent, t’exposent, en vérité. Ceux qui se gorgent de suffisance quand tu préfères le calme, finalement. La compagnie des guerriers, le son des armes. Tu es tout autant le chef de rang, le stratège, que le limier. Un  jour te faudrait-il sans doute choisir ta place. Tout comme ta tombe. La préfères-tu exposée en pleine lumière, au gré des vagues ou dans la fange des sous-bois ? Est-ce dans un val que tu tomberas ou sur le parvis d’un colosse de rocs ? Alors, Jessen ? Les bureaux ou les pavés ? Dans tous les cas, tu sais parfaitement comment ça se terminera ; dans le sang.

Mais qui tiendra la lame ?
Elle ?

Moi je crois que ça te plairait. Car ce serait inattendu. Tellement plus amusant, finalement, de t’être fait bouffer par quelque chose de si basique, si ridiculement classique que ça. Quelque chose de simplement humain. Si risible. Puisqu’aucun ne te voit comme ça ici. Personne, jamais. Tu n’es pas l’Homme, tu n’es jamais l’homme. Tu es le général, tu es l’assassin, tu es la lame, tu es la proie même parfois. Mais jamais tu n’es l’homme. Peut-être est-ce bien là ce qui t’attire. Après tout, tu y as répondu à sa question. N’es-tu jamais fatigué ? Oh si que tu l’es. Tu l’es car ta propre existence te coûte tant. Tu l’es car tu vis seul. Tu l’es car tu vis incompris, masqué, frondeur, menteur. Tu te joues tant de mimétisme que tu sais, tu sens, que jamais on ne te perçoit tout à fait comme celui que tu es. C’est pour ça, je le sais moi, je sais…. Je sais que tu tends vers le chaos, car dans le fond, c’est bien le chaos qui t’attire.

Elle t’attire. Car comme un animal, c’est le sang qu’elle renifle. Car comme une femme, c’est l’homme qu’elle perçoit. Et parce que toi, pour une fois, pour une putain de fois, tu fais face, enfin, à quelqu’un qui t’intrigue, t’interpelle.
Parce que pour une fois, il n’y a pas besoin de poser des explications que jamais tu ne donnerais si facilement. Crois-moi, elle le voit. Elle te voit. Sinon elle ne demanderait pas. Et crois-moi surtout : c’est réciproque.

Et bordel moi je vois ! Je vois comme tu aimes ça. Tu sais ce que je pense. Tu l’as toujours su bien avant moi. Ou plus exactement tu sais ce que j’aurais pensé. Tu sais que je t’aurais pensé absurde, inepte, tellement éloigné de tout ce que tu aurais pu être. Oh comme j’aurais pensé à tout ce que tu as pu gâcher en choisissant ta Cause plutôt que moi. Comme j’aurais observé en silence ma mort te consumer. Ton sort t’obséder, sans même que tu en ais conscience. Je l’aurais vue, moi, ce poison qui te ronge doucement, cette apathie qui te noie, cet ennui, viscéral, ce dédain, tonitruant, qui inonde ton âme.
Ne sois pas cette personne-là Jessen. J’ai aimé l’homme, pas la roche.

Et toute la force d’un homme, c’est de vivre. Pas de disparaitre au fil des jours, lentement bouffé par ses objectifs.

*

C’était peut être parce qu’il s’en rendait doucement compte. Peut être parce qu’il souffrait plus qu’il ne le pensait, d’avancer sans cesse vers l’avant, non plus comme l’acharné qu’il était, mais de plus en plus comme un funambule somnambule. Tourné vers son objectif sans s’en détourner. Mais sans réellement exister non plus.

Et parce qu’à défaut de pouvoir tout cramer, peut-être avait-il besoin de s’enflammer.

Et le brasier se redressait, l’approchait.

« Il me vient parfois, Général, des envies de tout faire brûler et de tout recommencer. Grisant fantasme quand on pense à tout ce que l’on pourrait modeler, façonner jusqu’à obtenir exactement ce que l’on souhaite. »

Oh comme il comprenait. Comme il lui semblait s’approcher chaque jour un peu plus de celle qu’elle était dans le fond. Celle qu’il comprenait instinctivement car ils se ressemblaient sans doute plus qu’il ne l’imaginait. Une similitude qui ne cessait de fonctionner comme un aimant. Force magnétique à laquelle il n’avait pas envie de résister. Peut-on réellement vivre une vie de ténèbres, absolument seul ? Sans doute pas.

« Mais il serait naïf de penser que les Hommes se révéleraient moins décevants qu’ils ne l’ont déjà été : l’hypocrisie, la lâcheté, la déloyauté, la stupidité...sont des mauvaises herbes qui finissent toujours par réapparaître. Et si je me mets à fantasmer de ce qui pourrait être...ce n’est que pendant quelques secondes où je tente d’oublier qu’hélas, il n’y a rien à sauver, rien à espérer. Les choses demeureront telles qu’elles sont. »

Pas de désespoir dans ses paroles, non, mais une conviction profonde qu’il partageait. Similitude, donc.
Pas de désespérance, seule de la résignation.

Et ce regard qui l’accroche. L’écorche.

« Sans doute n’est-ce pas ce que vous souhaitez entendre...Nous nous battons pour la même cause Général, mais je suis un soldat résigné : nos ennemis, tout comme nos alliés sont comme les pièces d’un échiquier. On peut les déplacer mais ils ne changeront jamais. Ils sont immuables. Figés. Ils engendrent les mêmes pions qu’eux, et automatiquement, nos ennemis se multiplient de la même façon. Immuables. »

Un sourire amusé sur ses lèvres. N’y a-t-il dans ton esprit pas plus d’espoir que dans le mien ? Ne sommes nous que des soldats au service d’une cause perdue ?
Un geste de plus vers lui et ses mains s’apposaient à plat de part et d’autre de son visage sans qu’il ne bouge. Demeure, sans cesse, le guerrier faussement endormi. Sans trêve pourtant, l’indécente attirance. Incandescente dans ses pupilles, la flamme de l’envie.  

« Et vous voyez...pour un soldat comme moi...il ne reste plus que le plaisir de la bataille, celui de l’affrontement brutal... »

Qu’il se reconnaissait dans ces mots… qu’il les entendait comme s’ils étaient inscrits avec son sang. Après tout, sans doute était-ce le cas. Sans doute la même lave coulait-elle dans leurs veines calcinées. Sans doute les mêmes envies. Celle qui cramait ses nerfs, à chaque seconde égrenée si proche qu’il sentait son souffle sur son épiderme. La réponse à chaque provocation ne tardait pas, toujours plus avant vers lui, toujours plus insistante, toujours plus provocante. A chaque mot, chaque geste, chaque ouverture soufflée avec insolence, c’était la surface qui craquelait un peu plus, celle de la muraille qui les séparait pourtant encore. Car malgré tout, il ne bougeait pas, son petit sourire aux lèvres. Jusqu’où iras-tu ? Jusqu’où irais-je sans pouvoir me défaire de cette envie dévastatrice ?

Sans doute pas bien loin. Puisqu’à son immobilisme indolent, elle réagissait par un geste de plus. Toujours un pas de plus vers lui, un mouvement, une bravade à ces règles établies en sous texte. Un geste, pour achever de cramer ses désirs cinglants. Une jambe échappée de son carcan, nue, accrochant la lueur de la lune pourtant bien ternie par les nuages brumeux. A moins que ça ne soit les lumières de la fête qui venaient se jouer de lui, l’appelant bien plus à se saisir de sa peau d’albâtre qu’à rejoindre les convenances d’une Société dérisoire. Et indécente, effrontée, elle se glissait, s’imposait, entre les siennes, en frôlant une. Frisson grisant l’intégralité de son organisme en attente. Qu’il en crevait que de ne se crasher contre elle. D’autant plus quand tout en elle l’appelait, lui hurlait de prendre ce qu’il désirait tant.

« Alors finalement la question qui reste, c’est….qu’est-ce que vous voulez prendre en premier : la dague, la cuisse ou la femme ? »

La femme, hurlait de tout son être l’organisme entier à la torture. Etait-ce les flammes de l’enfer qui embrasaient totalement ses prunelles plantées dans la calcite des siennes ? Sans aucun doute. Son enfer personnel. Celui d’où il se refusait à craquer. Réellement ? Oh non. Mais s’il y avait un enfer, il savait d’hors et déjà ce qu’on lui réservait… - Ok, non, pas du tout, il y a bien pire. - Pour autant, c’était bien là un sentiment violent qui distordait ses veines alors-même qu’imperceptible, il tendait plus avant vers elle, ses nerfs à fleur de peau, captant si bien chaque inflexion de son organisme, du souffle de ses envies caressant son épiderme en flammes. Il ne quittait pas ses prunelles, gardant pourtant une conscience aigue de tout ce qui chavirait là, dans le reste de son champ de vision. De cette cuisse allongée et diaphane qui l’effleurait, sa main glissant près d’elle, la l’effleurant à son tour sans jamais s’en saisir. Pas de réel contact, juste l’inflexion de l’air qui vibre d’envie, là, contre leurs peaux échaudées. Si encore il n’y avait que la cuisse…. Mais la morsure lente de cette lèvre ne lui échappait pas, paroxysme de cette sensualité violente et profonde qui émanait d’elle et l’embrasait tout à fait. Le fascinait peut être un peu. L’obsédait, aussi, sûrement, à mesure qu’ils s’approchaient. Magnétisme pervers, attrait avide. Attirance évidente.

Ce décolleté, tu l’as choisi pour cet instant précis ?

Et toi, Jessen, l’aurais-tu suivie ici si l’albâtre de sa peau n’accrochait pas ton œil depuis le début de la soirée ? Oh non ne réponds pas, je connais déjà la réponse. Je la crains autant qu’elle me fascine. Je sais, moi, que tu y serais allé quand même.

Je sais que millimètre par millimètre, ton corps s’approche du sien, tes lèvres des siennes et ce, jusqu’au déferlement de violence brusque et puissant qui vous consumera tout deux. Mais hey, Jey.

Pas tout de suite.


- Général ! Général ! Puisque vous êtes là ! J’ai quelques points de détails à voir avec vous ! Ouh on n’y voit rien du tout ici, mais qu’est-ce que vous y fichez !-

Ses jérémiades avaient au moins un avantage plus que notable : couvrir le grondement sourd qui s’était échappé de sa gorge et n’admettait aucune interprétation. Pourtant si la frustration cramait son organisme, c’était bien de l’amusement qui étirait ses lèvres.
L’enfer doit bien ressembler à ça finalement. Et si j’en connais la succube, j’y décèle manifestement également parfaitement cerbère.  

« Ce que je veux importe peu je crois. »

Il s’éloignait d’elle, son regard, complice, accrochant encore le sien, délaissant parfaitement la bienséance qui attendrait de lui qu’il salue la nouvelle arrivante, toute occupée à les rejoindre sans marcher dans les flaques d’eau tout en évitant de laisser traîner sa belle robe de soie. Evidemment, la pintade. Qui d’autre ?

« Je vais tuer cette dinde. »

Ça, tu l’as dit à haute voix. Un peu fort d’ailleurs.

- Pardon ? –  Dit l’autruche.  
« Hm ? Quoi ? »

Plait-il ? Qui a parlé ?
Et voilà qu’il se retournait enfin vers elle, décrochant son regard d’Azalea dans un dernier échange affreusement complice. Affreusement frustré… et affreusement amusé.

« Allons-y, indiquez-moi quelles têtes je dois couper… ! » La tienne.
- Oh rien d’aussi trivial ! –  Oh que si pourtant… et la tienne sautera sans doute la première. A défaut de m’avoir laissé en sauter une autre.  - J’avais des questions concernant le ministère et votre implication dans ce  département bien étrange que vous dirigez. – Celui qui me donne accès à certains registres de décès bien pratiques à falsifier tu veux dire bécasse ? Oui je vois. Je grave déjà ton nom à l’aide d’une encre étrangement… coagulée.

Et voilà qu’il se faisait embarquer par ses obligations, par sa posture, par ses engagements jusque dans la lumière de nouveau. Foutue lumière aveuglante, foutu brouhaha assommant. Et s’il avait réussi à se débarrasser de la dinde, c’était avec un petit sourire qu’il l’avait retrouvée un peu plus tard, accrochant le bras d’Azalea sous un regard… qui en disant long. Mais que la bécasse, dans toute sa splendeur, semblait parfaitement incapable de déceler. Voilà qu’elle comptait réellement lui indiquer le chemin de la piste de danse ? Il y en a qui ont de l’espoir.

Et pourtant, si elle avait fini par la lâcher, trouvant une autre victime à aller importuner, c’était bien l’ombre du général qui passait derrière la diablesse, ses doigts effleurant sa cuisse d’un mouvement fluide du tissu bleuté de sa robe. Là, juste à l’endroit précis où la dague demeurait. Dague qu’il soulevait de son fourreau avant de la laisser retomber dans un claquement sec que seul lui et elle pouvaient déceler, leurs corps de nouveau trop près.

« La dague, donc. »

Juste un souffle au creux de son oreille et il disparaissait de nouveau, emporté par la foule, son regard perçant pourtant les corps en mouvements, droit dans le sien.

Presque comme une promesse acérée.
Revenir en haut Aller en bas
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
Jessen Tadeus Blackthorn
https://impero.superforum.fr/
Âge personnage : 36
Hiboux postés. : 1493
Date d'inscription : 25/04/2020
Crédits : *
Jessen Tadeus Blackthorn
Jeu 29 Oct - 14:58
Ah, les voilà, les rejetés, les détestés, les pointés du doigt, les écartés, les soldats sans avenir. Les voilà à la limite entre les lumières d’une société dont ils étaient les outsiders, et les ombres dans lesquelles ils se mêlaient si parfaitement. Sur ces escaliers, ascension et chute annoncées, à parler comme deux condamnés de la vie sans autre perspective que le combat qu’ils menaient tous deux, de manières de si différentes. Et pourtant c’était leurs ressemblances qui les réunissaient ce soir, qui les réunissaient toujours. Parce qu’au fond, il y avait des cicatrices apposées sur leurs êtres qui avaient creusé leurs âmes des mêmes manques. La solitude, indéniable omniprésence qui tiraillait le corps et l’esprit, sentait les parois de ses forteresses imprenables trembler à l’approche de l’autre...parce qu’il y avait des rencontres qui déclenchaient des événements incontrôlables, inattendus, impossibles à ignorer. Alors au fond, ce jeu entre eux, il n’était qu’une vaine façon de s’accrocher à quelque chose qu’ils tentaient de maîtriser mais qui, indubitablement, finissait toujours par leur échapper. Le désir venait mordre, griffer, caresser leurs peaux avides et enflammées. Rien qu’une proximité, rien qu’un effleurement de tissu, rien que des souffles mêlés et le temps s’étirait, l’air vibrait autour d’eux, et il n’y avait rien à faire pour l’éviter. Rien à faire pour lutter.

Oh, comme ils luttaient pourtant. De vrais combattants, fiers, joueurs, capables d’encaisser les pires attaques. La violence coulait dans leurs veines et il n’y avait rien de doux dans le désir qu’ils éprouvaient. Ce désir, cette envie, ce besoin...peu importait le mot employé, il venait les percuter, les englober, les érafler entièrement. Entre leurs deux corps, une corde se raccourcissait, les obligeait à réduire l’espace. Tendue, crissant dans la tortueuse torsion de sa matière alors qu’ils tentaient de se retenir, de se dégager…

Et ça tirait, ça tirait...si fort.
Parce qu’à force de vouloir résister, ils se plongeaient un peu plus dans l’autre.

Si la sorcière se rapprochait de lui, c’était pour le faire ployer, pour le tenter jusqu’à l’assouvissement du désir, jusqu’à l’effondrement des barrières ; là, en surplomb dans sa robe qui découvrait sa chair laiteuse, et cette dague étincelante, promesses simultanées sur une seule cuisse qu’elle lui offrait. Et alors qu’elle se penchait sur lui, susurrant ses mots, dévoilant sa résignation assumée de soldat prête à mourir, sans doute déjà morte un peu, ses prunelles de glace vinrent rencontrer ces deux profondeurs sombres, intenses, et elle reconnut le brasier qui s’y enflamma. Parce que ce brasier, c’était le sien, le leur, celui qui viendrait cramer leurs membres, étouffer leurs êtres dans un flamboiement à faire perdre la tête.

Chacun de ses mots franchissaient ses lèvres avec autant d’intensité que des lèvres prêtes à se poser sur cette peau qui l’appelait. Oh, Morgane...ce qu’elle aimait se plonger dans ce regard qui l’obsédait tant, comme elle souhaitait plus que tout goûter ces lèvres, mordre ce cou, glisser ses dents sur cette mâchoire qu’elle voulait voir se crisper. Ce corps, si près d’elle, était tout autant que le sien taillé dans la pierre ; rugueux, tranchant, sculpté dans la dureté brute de la roche. Et sous cette surface, elle voyait, sentait, l’incandescent désir qui venait asseoir son empire. Un sourire étirèrent leurs lèvres. Oui, ils se souriaient, parce qu’ils ne comprenaient, qu’ils savaient qu’en l’autre s’élevait un destin, un combat commun. Ils s’étaient engagés tous deux sur un chemin glissant, plein d’épines et de ronces, plein de lave et de glace, et il n’y avait rien en eux qui puisse leur faire rebrousser ce chemin. Ils continuaient à avancer, coûte que coûte, et peu importait les conséquences au fond. Peu importait la douleur du vacillement de leurs corps.

Leurs âmes, elles, brûlaient de se faire entendre.

Et la Tentation se penchait sur le corps désireux de l’homme et chantait à son oreille son chant de sirène …

Prends. La cuisse, la femme, la dague...toutes ces choses n’étaient qu’une seule et même idée. Prends, ô toi le soldat, ô toi le stratège, ô toi le puissant, l’ambivalent, le mystère, l’homme...Prends ce qui manque si cruellement à ta vie sans saveur, sans feu. Ne reste pas dans la vent glacé, trouve en son sein la chaleur brutale qui n’attend qu’à t’incendier. Et brûle en retour, enflamme-toi, défais le cadre, laisse le cramer dans la fusion espérée de deux corps à l’agonie. Quoi ? La sirène ne chante-t-elle pas assez fort ? Ne sens-tu pas son appel faire trembler tes os, soulever la poussière de ton être mis au placard ? Délaisse tes plans, délaisse tes objectifs barbants, pose-les sur le rebord de ce chemin de ronces et oublie un instant, juste un instant, qu’ils existent… parce qu’il est temps que toi tu vives, que toi tu respires sans leurs poisons dans tes poumons. Respire donc le parfum du Chaos qui vient murmurer à ton oreille, regarde ces yeux qui te transpercent et soumets-toi face au néant de l’âme qui te fait face. Couronne-la de succès et vous grimperez ensemble sur un trône fait de braises. Cède à cette cuisse qui vient frôler les tiennes, plie, tombe, rue-toi sur l’irrésistible désir qui n’attend qu’à tonitruer sa victoire.

Abdique.


Et le Chaos souriait lentement, dévoilant ses canines blanches, parce que ses sens captaient le rapprochement du corps qui se tendait vers le sien. A peine une inflexion tandis que les prunelles rougeoyaient de toute la violence de l’envie.

Oui, rapproche-toi, encore, encore…

A peine un effleurement contre sa cuisse, la chaleur de sa main qui ne l’emprisonnait pas, se contentait seulement de glisser sur cette peau qui se contractait à son passage, qui s’embrasait un peu plus par ce contact.

Là...oui, plie… !

Elle pouvait sentir cette joie féroce de la victoire qui s’annonce dans le silence des souffles s’accélérant ; son ventre se tordait, se creusait, et elle retenait le grondement animal qui menaçait de sortir de ses lèvres. Bon sang, qu’elle aimait ce moment suspendu où sa proie semblait foncer tout droit dans son piège, ce moment où enfin elle pouvait presque sentir l’odeur du sang, en imaginer déjà le goût dans sa bouche, la chaleur dans sa gorge, chair contre ses crocs avides, et son coeur s’emballait, ses yeux s’enflammaient davantage, éclat dangereux et fascinant de la faim pure et véritable. Et comme pour s’empêcher de fondre sur lui pour planter ses dents, elle se mordit elle-même la lèvre, besoin primal de fermer cette mâchoire sur quelque chose. N’importe quoi, dans l’attente désespérante du soulagement.

Dépêche-toi donc soldat, la petite Mort n’en peut plus d’attendre…
Encore un effort...l’air se charge, les ombres s’affolent…
Tu y es presque...Un seul geste et c’est terminé...


« Général ! Général ! Puisque vous êtes là ! J’ai quelques points de détails à voir avec vous ! Ouh on n’y voit rien du tout ici, mais qu’est-ce que vous y fichez ! »

QUI OSE ?
QUI?!


Ils grondèrent au même moment, couverts tous deux par la voix perçante de la dinde qui s’approchaient d’eux. Azalea se redressa d’un seul coup, son regard s’abattant brutalement sur la femme, ses narines soufflant comme un animal en colère. Sa mâchoire claqua, se contracta et ses mains se refermèrent sur le tissu de sa robe, sa cuisse retrouvant sa place.

Si près du but…
SI PRES PUTAIN !



« Ce que je veux importe peu je crois. »

Son regard s’abattit sur le sorcier. Elle y voyait l’amusement, mais elle, n’avait aucunement envie de rire. Son nez se fronça, ses dents ne se desserraient pas. Elle tenta de se détendre mais la frustration cramait chacune de ses cellules. Azalea poussa un soupir tandis qu’il s’éloignait, quittait les marches, son regard toujours dans le sien.

Putain...de...conne…

Je...vais...la...buter….


« Je vais tuer cette dinde. »

Exactement !


Un sourire étira ses lèvres, la colère se transformait en amusement sans qu’elle ne puisse y résister. « Preums. » siffla-t-elle, amusée.

Apparemment, il avait parlé un peu trop fort et la dinde arrivant à grands semblait confuse.

« Pardon ? »
- Hm ? Quoi ? »

Hm ? Qui a parlé ? De quoi s’agit-il ? Sourire aux lèvres, se mordant l’intérieur des joues, Azalea profitait d’un dernier échange de regard, partageant avec complicité un amusement piquant. Et derrière leurs airs amusés, une frustration commune…

Pas ce soir donc.
Le jeu continuait.

« Allons-y, indiquez-moi quelles têtes je dois couper… ! »

La réponse était toute trouvée.

La sienne, à cette dinde. Et celles de toute l’assemblée de guignols dans la salle.

- Oh rien d’aussi trivial !  J’avais des questions concernant le ministère et votre implication dans ce  département bien étrange que vous dirigez.

La sorcière leva les yeux au ciel, ses bras se croisant dans son dos alors qu’elle regardait l’échange d’un œil encore flamboyant...mais d’une toute autre violence.

Tu m’as interrompu….pour...ça ?

Est-ce qu’elle imaginait en cet instant plonger la dinde dans une cuve d’huile brûlante ? Oui. Est-ce qu’elle salivait déjà à l’idée ? Oh, que oui !

Et déjà, la dinde embarquait le sorcier avec elle vers l’intérieur de cette salle immonde et Azalea demeurait dans les ombres un instant, à regarder Blackthorn retrouver la lumière nauséabonde de la réception. Mains derrière le dos, la sorcière se retrouva seule. L’amusement quitta son visage et elle se retourna de biais pour observer l’obscurité brumeuse… comme un au revoir plein d’amertume...avant de rejoindre les invités.

Elle se replongea dans le tintement des couverts, des verres qui se heurtaient au travers des rires gras ; les décorations scintillaient toujours mais dans son esprit, tout était flétri et noir. Se fondant dans la foule, son regard acéré ne trompait pas : ne me parlez pas. Sans déconner, allez vous faire foutre. Mais certains ne comprenaient pas le message et elle se forçait alors à sourire à nouveau, davantage une grimace qu’un sourire ; l’humeur noire et les mains chatouillées par tant d’envies.
Et plus tard, son regard accrocha à nouveau le sien tandis que sa main venait agripper son bras au passage ; le désir ne semblait jamais vouloir la quitter. Et voilà que la dinde semblait nourrir l’espoir d’emporter le sorcier sur la piste de danse… Un regard noir en sa direction mais la dinde ne comprenait pas les choses les plus basiques qui soient. Le « dégage » était tentant, voulant s’échapper de sa bouche avec force mais ce fut un soupir agacé qui prit sa place.

Soupir qui fut balayé par un frisson lorsque le sorcier vint se placer derrière elle, sa bouche au creux de son oreille tandis que sa main venait frôler sa cuisse qui sursauta, se contracta. Et il vint sortir la dague de son fourreau pour l’y faire claquer un instant. Et ce claquement l’électrisa à une vitesse ahurissante, comme une décharge envoyée dans son organisme avec toute la violence du désir qui flambait.

« La dague, donc. »

Souffle, là, dans son oreille et elle se tendit, si proche de lui, sentant sa chaleur sur la peau de son dos nu.

L’instant suivant, il n’était plus là.
Et elle n’était que lave, que brasier, que roche craquelée sous la puissance de l’envie qui se déchaînait en elle. Oui, la dague, celle qui transperce, qui fait couler le sang, qui étincelle, qui tranche dans la chair...tout comme le désir tranchait la sienne.


FIN DU TOPIC
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous
Invité
Invité
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
Page 1 sur 1
Sauter vers: