"Curiosité n'est que Vanité" [Oliver]

Ruben secoua son parapluie quand il arriva sous le porche des Clover’s Caves, un pub dans Soho connu pour avoir été d’anciennes caves à vin et bières, ce qui lui donnait la particularité d’offrir une salle toute en vieilles pierres, en arches et en plafond bas. Il entra dans la salle et discuta avec le barman pour lui demander de guider son rendez-vous vers sa table. Ici, c’était Inquisiteurs friendly, la patronne étant l’une des leurs, elle leur permettait de leur fournir un lieu où se voir en dehors du QG. Il était notamment pratique pour certains de leurs rendez-vous externes pour rester dans la famille sans pourtant divulguer l’emplacement du QG.
Comme il pleuvait des cordes, il avait déjà préciser qu’il ne se pria pas pour rentrer. Le type qui l’attendait était un journaliste nommé Oliver Nox. Celui-ci l’avait contacté après une de ses conférences lors d’un colloque de vulgarisation des arts et des sciences sur la sorcellerie. il y avait mené une longue conférence où il avait expliqué comment les légendes sur les sorciers avaient eu finalement une influence sur l’histoire avec des périodes comme l’Inquisition, et comment cela s’est répercuté sur l’imaginaire d’aujourd’hui. L’homme aiguisé pouvait potentiellement comprendre qu’il avait vécu des vrais phénomènes paranormaux, sans pourtant pouvoir lui faire avouer sans le vouloir qu’il connaissait l’existence de la vraie magie. Il se souvenait d’un type vraiment pas moche qui lui avait posé pas mal de questions. C’était Nox, qui avait été apparement par la suite assez intéressé pour le recontacter.
Avant d’accepter un rendez-vous, Ruben avait effectué des recherches sur lui. Il fallait dire qu’avec les Inquisiteurs de son côté, celui lui facilitait la tâche. Il officie sur le net avec le pseudo «Callum» et s’intéresse à tout ce qui est paranormal. Il semblerait qu’il soit du genre curieux. Très curieux. Il était potentiellement à le recherche de quelque chose de particulier, et cela avait piqué son propre intérêt. Il avait eu au moins envie de faire plus ample connaissance. Dans le pire des cas, il aurait juste potentiellement perdu son temps, dans le meilleur, il aurait une piste à transmettre aux recruteurs.
Installé à la table, il passa une main dans ses cheveux pour les remettre un peu en place. Les boucles ne sont pas amies de l’humidité. Il redressa également son col de chemise et consulta son portable. Quand il reconnu la silhouette du journaliste, il se leva avec un grand sourire.

- Ah ! Bonsoir Monsieur Nox, ravi de vous voir, lança-t-il sur un ton amical. Ruben savait qu’il avait cette capacité à paraître sympathique à première vue, et il fallait dire que cela l’aidait beaucoup au quotidien. Il espérait le mettre assez en confiance à la longue pour qu’il tente de se confier.  Il lui tendis la main pour le saluer, puis le laissa s’installer à leur table.

- Je sais que ça peut paraître un peu bruyant mais promis dans cette alcôve on est tranquille pour discuter... Vous prendrez quoi à boire ?

Si Ruben avait le café comme pêché principal, il avouait volontiers que l’alcool était sûrement bon second.

Le mois dernier avait été plus que chargé et Oliver espérait qu’il aurait le temps de souffler un peu plus à présent.  Il avait son fils plus régulièrement et son instinct de journaliste avait repris le dessus. Les évènements étranges avaient été légion ces derniers temps et suivre les différentes pistes sur lesquelles il évoluait lui permettait d’éviter de penser au retour de son frère et à son départ tout aussi brusque. Oliver risquait de devenir dingue à réfléchir à cette situation. S’il partait à sa recherche, peut-être pourrait-il le retrouver mais était-ce réellement une bonne chose ? S’il avait disparu, c’était qu’il n’était pas apte à gérer ça pour l’instant, et au vu de l’existence qu’il avait mené, son frère pouvait le comprendre. Mais rester là, les bras ballants alors que son frère était en vie ?! Alors qu’il s’était toujours senti coupable de sa disparition ?! Définitivement, il avait besoin de s’occuper pour ne pas devenir chèvre. C’était son leitmotiv depuis des années après tout, alors autant continuer. Musculation, enfant, natation, course à pied, enfant, tir, photo, enfant, cross fit, enfant, urbex. Et surtout, coincé entre tout ça et son job du soir : enquête. Bref, Oliver ne se posait jamais, refusant de se détendre, d’être inactif, conscient qu’il n’avait aucune envie d’être exposé à ses propres pensés.

La semaine précédente, il avait assisté à un colloque. Passionnant et surtout, intriguant. Il ne pouvait laisser passer ça et en avait profité pour prendre contact avec le conférencier, profitant de l’occasion.

Il se retrouvait donc là, passant les portes d’un pub pour retrouver l’inconnu qu’il avait bien vite repéré dans la pièce. Un geste vers Ruben, un sourire et il s’était glissé jusqu’à lui.

- Ah ! Bonsoir Monsieur Nox, ravi de vous voir
« Monsieur Shadwell… »

Une poignée de main, un sourire rendu et il s’était assis à ses côtés.

- Je sais que ça peut paraître un peu bruyant mais promis dans cette alcôve on est tranquille pour discuter... Vous prendrez quoi à boire ?
« Non, ça sera très bien. Je n’étais encore jamais rentré ici, ça tombe bien. Un whisky pour moi merci. »

D’ordinaire, il aurait plutôt opté pour un café durant ce type de rencontre, mais l’heure tardive se prêtait plutôt à l’alcool. De plus, il cherchait également à le détendre vis-à-vis d’un sujet délicat. Le but étant bien sûr de se maîtriser de son côté.

« Merci d’avoir accepté une nouvelle rencontre. Le sujet de la dernière fois m’intrigue, je dois l’avouer. Je n’ai pas résisté à en discuter plus amplement. »

Débarrassé de sa veste, assis à la table du pub, Oliver avait remercié la personne qui était venu les voir pour prendre la commande.

« J’ai un peu fouillé votre travail mais en discuter de vive voix… c’est souvent plus instructif finalement. Vous êtes sur ce sujet depuis longtemps ? »

Accueillant comme toujours, Ruben avait hâte de sonder un peu plus cet homme. Il n’oubliait pas que les Inquisiteurs se sont formés d’abord en cherchant ceux, qui comme eux, auraient pu avoir été en contact avec des sorciers. De plus, en tant qu’informateurs, il faut faire cracher des indices à des gens qui se rendent pas compte qu’il rendent très utiles. Une fois leur poignée de main échangée, il se rassit à la table. Il lui demanda s’il souhaitait prendre quelque chose, puis appela la serveuse pour la commande à laquelle il ajouta une simple pinte. C’était bien pour commencer, et puis s’il voulait être vraiment pro, il ferait mieux d’éviter de ne plus marcher droit... Il avait choisi un lieu plutôt casual, mais il n’oubliait pas pourquoi on avait souhaité le voir.

- Sans souci, j’avoue être comme pas mal de chercheurs : j’aime parler de mon travail.

Ruben restait avenant et sympathique. Il avait fait un effort d’élégance dans un costume bleu marine dans une laine chinée, avec une chemise blanche. Il avait laissé tombé la cravate pour ne pas faire trop habillé non plus. Ils restaient dans un bar. Avec quelques pintes, la veste disparaitra bientôt sur le dossier de sa chaise avec le reste, il le savait très bien. Il n’hésita pas à répondre franchement aux questions d’Oliver :

- Je dirais que c’est plutôt récent par rapport à toute ma carrière de chercheur. Je dirais un peu plus de deux ans ? Je vous avoue, c’est suite à certains évènements dans ma vie que j’ai voulu m’y pencher.

Cette perche était-elle une poutre ? Bien sûr, et elle était totalement intentionnelle. S’il avait vécu quelque chose lié à la magie, cela résonnerait peut-être en lui. Le souci sera de savoir si jamais c’est un type qui pense pouvoir parler aux aliens ou s’il avait vraiment eu affaire à la magie, la vraie. Il fallait faire le tri, car il y en avait eu des illuminés qui ont frappé à la porte des Inquisiteurs.


- Cependant, cela reste une continuité de mes recherches vu que je faisais déjà des travaux sur les rapports entre la religion et la science. Comme je l’ai un peu expliqué lors du colloque, la sorcellerie dans l’histoire est liée à la religion, vu que beaucoup de rites païens ont été taxés de sorcellerie par l’Eglise pour forcer les fidèles à ne plus les pratiquer.

Il ne développa pas plus, il ne souhaitait pas refaire l’intégralité de sa conférence. En revanche, il souhaitait que le journaliste s’étende un peu plus sur les raisons qui l’avaient poussé à le contacter. Que souhaitait-il savoir à travers les recherches d’un lettreux ?

- Je vous avoue j’ai été un peu surpris que vous me contactiez dans le sens où je me suis montré plutôt concret dans mon analyse. Et je me suis permis de regarder un peu ce que vous faites... Est-ce que vous croyez vraiment au paranormal ou c’est juste une sorte d’intérêt ? Je ne juge personne, ne vous inquiétez pas. Je suis juste curieux.

Autant aborder rapidement la question, car si c’était un énième taré qui pensait sérieusement qu’un monstre spaghetti volant avait créé l’univers, il préférait ne pas perdre son temps. Enfin, il ne le perdait pas vraiment, si ça se trouve, Nox faisait juste son boulot et devait bien essayer de vendre son travail à un canard quelconque pour manger autre chose que du riz blanc. Il avait en horreur le riz blanc d’ailleurs, il n’était pas un vecteur de bon souvenirs. Il en avait un peu trop mangé en fin de mois dans sa vie. Bref, il préférait écrémer rapidement la possibilité qu’il puisse l’informer sur les sorciers.

- Sans souci, j’avoue être comme pas mal de chercheurs : j’aime parler de mon travail.
« Je comprends ça. »

Lui-même pouvait être intenable quand il le voulait. Cependant il avait également appris à la dure comme certaines choses doivent rester secrètes. A présent, bien plus conscient qu’il pouvait à tout moment se trouver face à une personne dangereuse qui le testait, Oliver restait bien plus prudent. Comment faire pourtant, quand il devait engager la conversation sur ce type de sujets glissants alors même qu’il savait qu’il se mettait en danger ? « Callum » ou qui que soit l’homme qui lui avait donné ce pseudonyme – SON pseudo – était l’un d’eux. Un magicien. Et il avait joué la carte de l’inconnu. Alors qui pouvait se cacher derrière le visage des inconnus ? Ou des amis… ?

Oliver s’était pourtant assit, souriant, d’apparence détendue, cherchant à jauger son interlocuteur. Comment faire un pas vers lui sans se mettre en danger ? L’équation impossible du jour.

- Je dirais que c’est plutôt récent par rapport à toute ma carrière de chercheur. Je dirais un peu plus de deux ans ? Je vous avoue, c’est suite à certains évènements dans ma vie que j’ai voulu m’y pencher.
« Ah oui ? »

Tient donc ? Une perche ? Une poutre ? Un tremplin ? Une péninsule ?
Le serveur était arrivé à ce moment-là, empêchant Ruben de s’étendre sur le sujet, les forçant donc à relancer la conversation lorsqu’il était parti.


- Cependant, cela reste une continuité de mes recherches vu que je faisais déjà des travaux sur les rapports entre la religion et la science. Comme je l’ai un peu expliqué lors du colloque, la sorcellerie dans l’histoire est liée à la religion, vu que beaucoup de rites païens ont été taxés de sorcellerie par l’Eglise pour forcer les fidèles à ne plus les pratiquer.
« Oui bien sûr, ça semble assez logique d’ailleurs. Tout comme bien des pratiques taxées de sorcelleries pouvaient en fait être liées à des pathologies comme la chorée de Huntington. »

Quoi ? Ça semblait si choquant qu’un journaliste fouillant le sujet depuis plus d’un an et bouffant des conférences ouvertes au public – ou pas - soit au courant de ce genre de choses ? Bien entendu, Oliver avait creusé cette thématique depuis bien longtemps et connaissait bien les analyses scientifiques, historiques, sociologiques qu’il avait mis du temps à comprendre.

- Je vous avoue j’ai été un peu surpris que vous me contactiez dans le sens où je me suis montré plutôt concret dans mon analyse. Et je me suis permis de regarder un peu ce que vous faites... Est-ce que vous croyez vraiment au paranormal ou c’est juste une sorte d’intérêt ? Je ne juge personne, ne vous inquiétez pas. Je suis juste curieux.
« Quoi, ‘me dites pas que vous avez réussi à faire le tour en trois heures : je ne vous croirais pas. »

Il n’avait pas loupé l’information. L’homme avait cherché qui il était, ce qu’il comprenait. Une attitude parfaitement légitime. Bien heureusement, il n’y avait aucune théorie ridicule sur les réseaux le concernant. Chacun de ses articles se faisait avec preuves à l’appui, démarche scientifiques, témoignages, références, sources. Il ne s’agissait pas d’un travail d’amateur et, surtout, il n’y avait rien de réellement farfelu. Rien de ce qu’il pourrait dire, finalement. Mais ça aurait été apporté trop d’attention sur lui et, surtout, il n’avait pas les preuves adéquates actuellement pour s’aventurer sur des sujets trop glissants. Rien que du concret, de l’accrocheur parfois, certes, mais rien dont il puisse avoir honte. Et bien sûr, si Ruben lui disait qu’il avait été concret, il n’avait pas été exhaustif, et c’était bien les non dits qui intéressaient Oliver à l’heure actuelle.

« Plutôt que de m’intéresser au paranormal, c’est plutôt les limites de la normalité qui me fascinent. Je m’explique : les consensus scientifiques qui définissent ce qui est ‘notre réalité actuelle et admise’ ne sont rien d’autre que des théories basées sur des faits, des calculs, des croisements de données. Mais il suffit parfois d’un rien pour tout basculer. Pour passer du fixisme à l’évolutionnisme, du neptunisme ou du plutonisme à la dérive des continents et j’en passe. Il suffit d’un rien pour finir par se dire « E pur si muove ! ». C’est à cette limite là que je m’intéresse. A ce petit détail qui change totalement notre perception du monde. Rien de farfelu là dedans, rien que des faits. Je pense qu’en effet, nous sommes sans doute … bien naïfs face à ce qu’on pense être le monde que nous connaissons et que certaines choses nous échappent. J’ai tendance à vouloir mieux comprendre ce qui passe trop souvent sous silence. L’inexplicable. »

Certaines disparitions. Certains oublis. Certains meurtres étranges.

« J’aime à comprendre que le mythe des dix plaies d’Egypte pourraient être dû à un bloom toxique ayant frappé le Nil et entraîné les désastres qui ont été contés ensuite. »

Des explications qu’il avait vraiment et qu’il aimait à creuser. Mais ces aspects scientifiques étaient surtout là pour rassurer son interlocuteur quant à sa fiabilité et à son sérieux. Non, il n’était pas un illuminé comme il y en avait beaucoup. Mais oui, il y avait des zones d’ombres dans son univers et il cherchait à les éclairer.
Oliver était finalement venu prendre son verre de la main droite.

« Et puis j’ai eu deux trois évènements qui m’ont également poussé sur cette voie. » Son regard franc était braqué dans celui de son interlocuteur, cherchant à y déceler ce qu’il avait derrière le crâne. « Vous m’en parleriez ? » Un demi-sourire tout en prenant une gorgée sans détacher son regard de l’homme. « Show me yours i show you mine ; quelque chose dans ce goût-là. »

Scars. Bien sûr. Rien d’autre, pensez-vous, enfin…

Posant son verre, il s’était appuyé sur son dossier, gardant cet air un peu provocateur qui s’était tissé sur ses traits. Séducteur aussi, sans doute, d’une certaine façon.

Les présentations et les formalités passées, Ruben put jauger un peu mieux Nox. Passé le fait qu’il le trouvait à son goût, il était également drôle et sympathique. Il avait une tête de bon gars, cette aura bonhomme qui vous disait qu’il vous voulait aucun mal. Le prof restait sur ses gardes, il savait très bien à quel point on pouvait jouer de son apparence. Car il savait faire de même. Il comprit rapidement que son interlocuteur était loin d’être con. Du moins, il connaissait son sujet, en était passionné plutôt. Peut-être que le fait de se retrouver devant un prof d’université lui mettait un peu la pression aussi. Pression qui n’avait pas lieu d’être, Ruben se considérait loin comme étant la science infuse dans son domaine. Surtout que les chercheurs avaient cette tendance à ne se centrer que sur un sujet. Bref, en tout cas Oliver avait plus ou moins saisi sa perche, du moins il savait qu’il avait déjà éveillé son intérêt. Il sourit à la petite plaisanterie du type, oui trois heures c'était bien trop court.

-Oui, impossible d’être exhaustif en si peu de temps... Moi-même je ne me considère pas assez avancé dans mes recherches pour couvrir tout le sujet, il est si vaste.

Tout un monde à découvrir, bien plus que le pauvre journaliste ne le songeait. S’il n’était vraiment pas au courant, dans le fond.

- Exactement, il suffit d’une simple découverte et le monde change de visage. Je ne vous apprend rien des moment dans l’histoire où la remise en question des sociétés a été vertigineuse. La découverte de l’héliocentrisme a été une rupture qui a remis en question toute la pensée au sens large de l’époque, et la suprématie intellectuelle de l’Eglise. Je n’exclue pas qu’à l’heure actuelle nous pourrions découvrir quelque chose d’aussi gros, qui expédie toutes nos croyances à la poubelle.

Il le questionna ensuite sur son rapports aux phénomènes paranormaux, et le laissa disserter de son côté. Il fut surpris de voir qu’il ne lui parlait pas d’inexplicable réellement inexplicable. Bon, cela prouvait qu’il n’était pas un illuminé, sinon il aurait sauté sur l’occasion pour lui parler d’extraterrestres ou alors de monde dirigés par la race des reptiliens.

- Vous m’en parleriez ? Show me yours i show you mine ; quelque chose dans ce goût-là.

Ruben dû se mordre très fort la lèvre pour ne pas céder à son humour potache. S’il n’était pas en rendez-vous pro (ou alors qu’à sa première bière) il aurait ajouté joyeusement  : «j’espère que vous ne parlez pas de nos bites respectives». Ne connaissant pas assez Nox pour être au naturel, il préférait rester dans son rôle de très sérieux professeur d’université. Cependant, le côté direct du type renforça sa prudence. Son assurance aurait sûrement conduit quelqu’un d’un peu naïf à déballer tout, tout de suite, et il n’aurait eu qu’à cueillir les infos. Peut-être lui prêtait-il trop de mauvaises intention, que c’était purement innocent, mais tout le monde pouvait être un sorcier. Peut-être qu’il y avait des types chargé de retrouver les Moldus suspicieux et de leur faire oublier ce qu’ils avaient vu. Il n’excluait pas qu’ils existaient. Il cherchait d’ailleurs dans les archives historiques, dans les légendes, les récits s’il existait déjà des cas d’amnésies collectives. Il esquiva en partie sa question.

- Hum, c’est délicat... Vous voyez, je suis le genre à travailler de la même manière que vous. Vos articles rationalisent le paranormal, ils sont très sourcés. Vous faites un travail plutôt conséquent... En vrai, il s’apparente un peu au mien.

Il engloutit le fond de sa bière laissant son interlocuteur sur sa faim. Le verre vide claqua d’un son assuré contre le bois de la table.

- Par rapport à ce que vous avez vécu... Est-ce que vous pensez qu’il y a des phénomènes qui ne peuvent ne pas être expliqués par un quelconque raisonnement scientifique ? Hors... de l’ordre naturel, tel que nous l’entendons ?

Il ne pouvait pas être plus clair. Il risquait de peut-être passer pour un cinglé, mais bon, au pire il pouvait toujours prétendre à une quelconque expérience mystique un peu bateau s’il voyait que Oliver n’était pas très réceptif à ce qui concernait les sorciers.

-Oui, impossible d’être exhaustif en si peu de temps... Moi-même je ne me considère pas assez avancé dans mes recherches pour couvrir tout le sujet, il est si vaste.
« Ça c’est certain. »

La question était : à quel point estimait-il que le sujet était vaste ? Est-ce qu’ils en savaient autant l’un que l’autre ? Et surtout, comment tâter le terrain afin de déterminer ce qu’ils pouvaient dire sans passer pour des illuminés. La première étape consistait sans doute à éviter de passer pour un taré complotiste accro aux émissions du genre. Bien des conneries circulaient sur internet. Faisant parti de cet univers, Oliver savait qu’il fallait parfois jouer serrer pour différencier les deux catégories de personnes. Mieux valait donc commencer par poser les bases. Il appartenait à la catégorie « homme de sciences » pas à celle des charlatans. Et s’il croyait les faits, il savait aussi les interroger.

- Exactement, il suffit d’une simple découverte et le monde change de visage. Je ne vous apprend rien des moment dans l’histoire où la remise en question des sociétés a été vertigineuse. La découverte de l’héliocentrisme a été une rupture qui a remis en question toute la pensée au sens large de l’époque, et la suprématie intellectuelle de l’Eglise. Je n’exclue pas qu’à l’heure actuelle nous pourrions découvrir quelque chose d’aussi gros, qui expédie toutes nos croyances à la poubelle.

Il reprenait l’allusion qu’il avait fait sur l’héliocentrisme afin d’appuyer ses dires.

« C’est justement là-dessus que je m’interroge oui. N’y aurait-il pas quelqu’un à avoir posé le genou au sol sans se relever pour hurler une tirade en italien qui changerait la face de l’humanité ? »

Galilé s’était incliné face à l’église pour finalement se redresser et s’exclamer le fameux ‘e pur si mueve’. Et pourtant elle tourne. Une avancée scientifique qui avait changé la façon dont nous percevons le monde. Oliver savait que cette nouvelle avancée existait. Seulement, il faisait partie de ceux qui n’avaient encore rien déclamé en Italien.
Etait-ce également le cas de Ruben ? La question était posée à mi-mot.
Combien de personnes se taisaient, tout autour d’eux ?

Il le cherchait, c’était clair. Et il l’avait vu tiquer sur sa provocation. Une envie de répondre à l’humour peut-être ? Ou à ce qu’il sous-entendait derrière cette barrière frontale ?

- Hum, c’est délicat... Vous voyez, je suis le genre à travailler de la même manière que vous. Vos articles rationalisent le paranormal, ils sont très sourcés. Vous faites un travail plutôt conséquent... En vrai, il s’apparente un peu au mien.
« Que de compliments. Vous avez bien bossé votre recherche à ce que je vois. »

Le verre vide de son comparse claquait sur le bois de la table devant le demi-sourire d’Oliver. Il ne doutait pas de la qualité de son travail. Ce qu’il publiait était millimétré, parfaitement jaugé et ne laissait pas place à l’erreur. Il savait comme on pouvait être promp à vous enfoncer dans ce métier et il n’était pas du genre à laisser la moindre faille. Mais outre les louanges, il voyait surtout l’éclat allumé dans le regard de son interlocuteur. Elle arrivait, la question cash.

- Par rapport à ce que vous avez vécu... Est-ce que vous pensez qu’il y a des phénomènes qui ne peuvent ne pas être expliqués par un quelconque raisonnement scientifique ? Hors... de l’ordre naturel, tel que nous l’entendons ?

Définitivement, ils se cherchaient.
Professionnellement parlant, bien sûr. Rien à voir avec les civilités précédentes oh ! Pour qui me prenez-vous ?

Terminant son verre à la suite, Oliver était resté un instant silencieux, le regard plongé dans celui de Ruben, un petit sourire au coin des lèvres, les yeux inquisiteurs.

Verre à la main, il l’avait désigné en un petit geste à une serveuse qui passait. Signe de tête, remerciements, elle leur en apportait deux nouveaux.

« C’est pour moi. »

Il reposait son verre sur la petite table qui les séparait. Choisir ses mots. Laisser des informations, ne pas trop en dire. Il ne pouvait pas jouer la sécurité, sinon ils ne seraient pas là.

« Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui nous échappent encore actuellement que la science ne pourrait pas expliquer. Présentement, j’estime qu’il est possible que certaines des théories qui font consensus pourraient subir… comment vous avez dit ? Une rupture. Il est possible que certaines bases soient erronées car nous manquons d’informations. »

Les verres étaient arrivés et s’il avait remercié l’homme qui venait de les déposer, Oliver n’avait pas quitté Ruben du regard, décryptant chacune de ses réactions, et n’avait repris la parole qu’une fois de nouveau seuls.

« Je pense que ces informations-là, certains les détiennent. Mais que pour des raisons de sécurité, il convient sans doute de se taire. Et que la sacro-sainte Eglise n’a pas grand-chose à voir avec ça cette fois-ci. »

Cette fois, il était clair. Et pouvait définitivement passer pour un allumé si l’homme en face de lui n’était pas sur la même longueur d’onde que lui. Il lui semblait qu’ils jouaient au ping pong. Qu’il s’agissait là d’une véritable joute verbale où chacun jugeait l’autre, en révélait un peu, faisait un pas en avant, se dévoilant sans trop en dire.
Quoi ? Professionnellement j’entends ! Merde c’est fou ça, ce double discours !

Les présentations faites, les deux hommes avaient commencé à se chercher. Fait étrange, ce genre de conversation lui rappelait sa jeunesse quand il cherchait à savoir discrètement si un homme qui l’intéressait était de son bord ou non. Chercher les indices, tenter de les provoquer, pour cerner son identité. Le genre de choses que tu ne pouvais dire cash au risque de tomber sur un homophobe de merde. Ouais, c’était la même chose, sauf qu’il essayait de savoir s’il connaissait l’existence de la sorcellerie. Ils parlèrent alors de Galilée, de l’incertitude de la connaissance.

- C’est justement là-dessus que je m’interroge oui. N’y aurait-il pas quelqu’un à avoir posé le genou au sol sans se relever pour hurler une tirade en italien qui changerait la face de l’humanité ?
- Hé bien, ce se ne sera pas moi, je ne parle pas Italien, plaisanta-t-il avec un petit sourire.  À moins qu’on dise que l’Espagnol compte ?

Puis il décida de passer à la vitesse supérieure avec une question plus directe. Il devait prendre parfois des risques. Il devait faire confiance à son instinct, et trier ce qui était issu de sa propre paranoïa, de ses propres peurs. Il n’avait pas l’impression de se tromper avec ce gars, il n’avait l’air de ne pas connaître grand-chose de la vraie magie, des sorciers. Ruben supposait que s’il était un sorcier, ou avait accès à la magie d’une quelconque manière, il n’aurait pas été fasciné autant par le paranormal si finalement, il en avait eu la réponse. On pouvait construire tout une identité, certes, mais les sorciers ne lui semblaient pas assez au fait des croyances des Moldus pour être aussi crédible. Et avant de rencontrer Oliver, il avait bien potassé son boulot. Il ne se garantissait pas que le joli minois du journaliste ne le trompe pas, et que cette rencontre était tout à fait sécuritaire, mais on ne faisait pas d’omelettes sans casser des oeufs. Il rebondit donc immédiatement sur la perche que lui avait tendu son interlocuteur :

- Au risque de passer pour un taré conspirationniste, je pense également qu’une partie du monde, et sa vérité, nous est totalement dissimulée... On est d’accord qu’on ne pas évidemment d’Illuminatis, de Francs-Maçons, ou de Reptiliens ou autres croyances limites, mais de quelque chose qui est hors de notre portée. Je ne dis pas ça par hasard, parce que mes recherches ont pointé deux trois-choses intéressantes.

Ruben but quelques gorgées de bières pour faire durer le suspens. Il posait ses jetons sur le tapis un a un. Dans cette étrange partie de Poker, il bluffait légèrement car il avait la certitude de ce qu’il avançait. Mais afin de ne pas finir à poil - enfin dans un autre contexte c’est plus intéressant - il ne pouvait pas faire un All-In. Il n’avait pas encore mesuré totalement son adversaire. Néanmoins, en parlant de ses recherches, il essayait de l’hameçonner. Il resterait vague, et si jamais il en venait à des détails qui ressemblait à la magie sorcière, il continuerait en ce sens.

- De votre point de vue, qui pourraient être ces personnes, ou plutôt ce groupe ? Ou plutôt... Est ce que vous croyez qu’il existerait des individus qui seraient très sensibles au surnaturel, mais que le lambda ne verrait juste rien ? Des sortes... de médiums élaborés ?

Deux solutions maintenant : soit il allait le prendre pour un fou, soit il serait intrigué et voudrait en savoir plus. Mais Ruben avait tout fait, du moins, il l’espérait pour passer pour une personne concrète et non un énième cinglé. Mais c’était le jeu ma pauvre Lucette.

- Hé bien, ce se ne sera pas moi, je ne parle pas Italien, plaisanta-t-il avec un petit sourire.  À moins qu’on dise que l’Espagnol compte ?
« Hm, je doute que les italiens et les espagnols ne valident ce raccourcit mais admettons. » Un petit sourire en coin. « Vous avez des racines espagnoles ? »

Une question bien badine dans une conversation qui l’était bien moins. Ils tâtonnaient tous les deux, se tendant des perches, tournant autour du pot, lançant des brides d’informations sans pour autant jouer franc jeu. Il y avait trop à jouer, trop de danger dans l’énoncé frontal de la vérité. S’il passait juste pour un taré paranoïaque et conspirationniste, c’était une chose, mais s’il avait un ennemi face ça à lui, ç’en était une autre. Pour autant, il aurait fallu que la couverture de cet homme soit celle d’un enseignant spécialisé dans la sorcellerie. Ça semblait gros mais pourquoi pas ? En revanche, pour lui, Oliver faisait un suspect beaucoup plus crédible. Alors il lâchait du lest, sentant parfaitement que son interlocuteur accrochait à ce qu’il racontait.

- Au risque de passer pour un taré conspirationniste, je pense également qu’une partie du monde, et sa vérité, nous est totalement dissimulée... On est d’accord qu’on ne pas évidemment d’Illuminatis, de Francs-Maçons, ou de Reptiliens ou autres croyances limites, mais de quelque chose qui est hors de notre portée. Je ne dis pas ça par hasard, parce que mes recherches ont pointé deux trois-choses intéressantes.
« On est d’accords oui.. »

Oliver sentait qu’il n’avait pas terminé et s’il s’était était attentif, un léger sourire étirait le coin de ses lèvres. Les deux hommes semblaient sur la même longueur d’onde et en face de lui, Ruben à son tour lâchait du lest, laissant entrevoir ses propres avis.

- De votre point de vue, qui pourraient être ces personnes, ou plutôt ce groupe ? Ou plutôt... Est ce que vous croyez qu’il existerait des individus qui seraient très sensibles au surnaturel, mais que le lambda ne verrait juste rien ? Des sortes... de médiums élaborés ?

Des médiums ? L’idée ne l’avait pas vraiment effleuré à vrai dire. Ce terme, il l’associait essentiellement à des histoires de fantômes et il ne s’agissait pas de ça à ses yeux. S’était-il trompé et Ruben était-il sur un autre type de manifestations paranormales ? Cherchait-il à l’aguiller sur une autre piste ou avait-il trouvé d’autres choses que ce qui avait retenu l’attention du journaliste ? Ou bien était-il simplement réellement fanatique des histoires de fantômes, une idée qui lui plaisait moins car il lui semblait être sur une sacrée piste en la personne de l’enseignant.  

Bon, rassemble tes esprits mon enfant. C’est le moment de poser tes cartes.

« Plus qu’être sensibles, je pense que certaines personnes peuvent… comment dire ça sans passer pour un taré psychosé ? Je ne sais pas, contourner les règles de la physique au point d’être capables de faire des choses que la plupart des gens ne comprennent pas ou même n’envisagent pas. Ce qui pourrait s’apparenter à de la sorcellerie, pour faire le lien avec ma présence ici à l’origine, oui. Mais je suppose que pour faire ça, il faut en effet avoir une sensibilité particulière, en effet. »

D’accord, dit comme ça, ça semblait encore plus dingue que simplement dire qu’il existait des gens aptes à se servir de la magie afin d’effacer la mémoire des gens, de changer leur apparence ou de tuer quelqu’un à distance sans arme à feu. Oliver qui s’était accoudé à la table entre temps s’était calé de nouveau sur le fond de sa chaise, lâchant un soupire en avalant quelques gorgées de sa boisson, agacé de ne pas réussir à faire plus crédible.

« Bon je suis conscient de ce à quoi ça ressemble donc avant de continuer de passer pour un sacré dingue, vous me parleriez de ces ‘deux-trois choses intéressantes’ plutôt que de me laisser mariner comme ça ? »

Il se faisait moqueur, un peu charmeur aussi, il fallait l’avouer. Mais ça faisait déjà plusieurs fois que Ruben faisait allusion à ces choses. Il en avait assez dit pour qu’ils se comprennent s’ils étaient sur la même longueur d’onde alors ces anecdotes pourraient sans doute leur permettre de trancher sur la question.

- Hm, je doute que les italiens et les espagnols ne valident ce raccourcit mais admettons. Vous avez des racines espagnoles ?
- Tant pis, je voulais tenter avec ce que j’ai...Répondit-il dans un petit sourire. Non pas espagnoles, colombiennes, bien que c’est un pays que je ne connais pas très bien en vérité.

Bon ça se voyait un peu à sa tronche, mais en même temps on lui demandait s’il avait de la famille originaire du Maghreb, d’Inde ou du Pakistan. Il suffisait d’être un peu plus bronzé que la moyenne pour soulever les interrogations, mais il avait le privilège de faire beaucoup plus «blanc» qu’Oliver par exemple.

- Promis je vends pas de farine étrange à mes élèves après mes cours. Je ne suis pas prof de chimie de toutes façons, rajouta-t-il en référence à une certaine série, peut-être trop habitué à qu’on associe la nationalité de sa mère avec une des faces les plus tristes de la Colombie.

Puis enfin, ils rentrèrent dans ce qui les intéressaient réciproquement. Voilà, maintenant ils étaient sûrs, ils étaient sur la même longueur d’onde. Le mot «sorcellerie» fut enfin placé sur la table, en même temps que le verre vide de Ruben par ailleurs. Il ne savait pas si l’alcool l’aidait à délier sa langue et descendant sa méfiance, mais il avait désormais l’impression qu’il avait fait les bons jugement envers Oliver Nox.

- Pas d’inquiétudes, je vais prendre le temps de vous expliquer...

Il prit une longue inspiration

, puis réfléchit un peu à ce qu'il pouvait lui avancer. Et surtout comment. Il fit genre de regarder autour de lui pour vérifier que personne n'était dans le coin. Il n'en avait pas besoin, Ruben savait qu'il était en terre alliée, mais pas Oliver.

- J’ai dégoté il y a un peu plus de deux ans un document qui m’a intrigué dans les archives d’un petit village dans le sud du Dorset. Je faisais des recherches sur en très gros le renouveau du fantastique à travers la période gothique britannique et sa résonance jusqu’à nos jours. Plus précisément, sur un auteur quasi inconnu du début du XIXème siècle, en pleine période romantique et gothique, qui s’est donné la mort par suicide dans des circonstances étranges en 1834. Ses poèmes et ses écrits vers la fin de sa vie racontaient peu à peu son dégoût de l'existence, sa fascination pour la mort, que l’on retrouvait dans ses correspondances. En apparence, un bon cas de dépression majeure, rien qui pourrait alerter. Si ce n’est que les archives ont révélé des cas similaires dans tout le village. Plusieurs cas de démence graves, de suicides, donc des troubles psychiatriques lourds. Le fait est qu’en creusant, on voit que ces cas ne sont pas dans les mêmes lignées, et leur alimentation n’a pas eu l’air de connaître de changement en particulier. Les archives révèlent de phénomènes comme des gelées nocturnes et matinales en pleine été, des brusques chutes de températures. On retrouve cela dans les textes de cet auteur, qui parle également dans un poème d'une impression de se faire sucer toute source de joie dès qu’il en éprouvait.

Il prit une pause afin que son interlocuteur puisse bien noter ce qu’il disait. Ruben ne révélait pas tout, il est vrai que s’il avait commencé ces recherches pour son travail, l’histoire de ces archives ne l’aurait jamais autant intrigué s’il n’avait pas eu connaissance de la magie. Il aurait sûrement songé à un phénomène que l’on peut parfaitement expliquer par la science, et n’aurait pas continué plus loin.

- J’aurais pu m’arrêter là, mais il y a eu en tout six cas similaires répartis entre le Sud du Royaume-Uni, le Nord de la France, et les côtes Belges, répartis entre environ 1730 et 1890 environ. Les phénomènes ont disparus aussi rapidement qu’ils sont apparus, de deux semaines à un mois et demi. Dans le seul cas des Hauts-de-France, les archives décrivent que des enquêteurs sont venus et le problème a été éliminé. Pas de traces de résolutions similaires sur les autres. Il y en a fait très peu de traces.

Il pris une légère pause, pour voir si Oliver suivait toujours. Comment allait-il réagir face à ces informations ? Ruben était persuadé qu’il allait mordre dedans à pleines dents. Pour un type passionné comme lui, c’était une aubaine.


- Cette histoire a de quoi faire un épais article pour vous, je suppose. Mais je vous conseille vivement qu’elle reste en état de discussion... Car je pense que comme vous, il y a peut-être... Vous aimez les comics ? Il y a peut-être des sortes de X-Men.

Des sorciers, définitivement des sorciers, mais il devait faire en sorte de se faire passer pour un type seul, sans la puissance d’une organisation complète derrière. Il devait savoir comment il se positionnait face à eux. Il pouvait bien exister des personnes qui seraient fascinés par l’existence de la magie.

- Je pense que si nous avons vraiment affaire à des personnes aux capacités extraordinaires, elles peuvent tout à fait se camoufler à nos yeux. J’ai même un cas intéressant dans ce sens... À New York, en 1926, j’ai repéré un cas d’amnésie collective, où plusieurs habitants de Brooklyn ont oublié ce qu’ils faisaient la soirée dernière, voire leur nuit entière. En pleine période de prohibition, c’était difficile de se procurer de l’alcool pour se torcher chez soi... Donc l’hypothèse qu’ils étaient tous ivrognes est difficile à soutenir. Le fait intéressant est que certaines de ces personnes ont eu des cauchemars qui étaient étrangement similaires... Mais je n’ai pas pu vraiment creuser en ce sens encore.

Il cherchait encore des cas similaires, mais  il n’avait pas trouvé grand chose. Par définition, travailler sur des choses que les gens ont oublié laisse peu de traces. Ruben s’arrêta et soupira légèrement.

- Vous savez... Bien que j’ai creusé mon sujet, quand je vous parle, j’ai vraiment l’impression de sonner comme ces documentaires qui argumentent que ce sont les Aliens qui ont battit les pyramides, parce que ça sonne beaucoup plus freakshow que d’avouer qu’un peuple non-européen ait pu avoir des techniques très avancés. C’est un peu raciste au passage, je crois...

- Tant pis, je voulais tenter avec ce que j’ai...Répondit-il dans un petit sourire. Non pas espagnoles, colombiennes, bien que c’est un pays que je ne connais pas très bien en vérité.

Un petit sourire. « Ah oui ? »

Oliver, tu vas te concentrer sur les informations que tu viens chercher, pas sur le mec qui peut te les fournir je te pris. Un peu de professionnalisme quand même un peu là merde !

- Promis je vends pas de farine étrange à mes élèves après mes cours. Je ne suis pas prof de chimie de toutes façons,

C’était un rire franc qui avait pris Oliver alors qu’il suspendait son geste, évitant de boire tout en riant à la boutade de son interlocuteur.

« Pas d’histoire de narcotrafic pour moi ce soir alors. »

Il ne le dirait pas, mais à choisir, il préférait éviter d’être mêlé à d’autres emmerdes. Oliver savait qu’il marchait sur le fil du rasoir depuis plus d’un an maintenant. S’il disparaissait soudainement à son tour, il n’en serait pas plus choqué que ça. Chacune de ses choix l’amenait plus encore sur cette pente dangereuse qu’il côtoyait depuis bien des mois. Si Liam y avait laissé sa vie, il savait qu’il étai lui-même déjà bien trop impliqué pour faire marche arrière. Fermer les yeux ne ferait d’ailleurs pas taire le danger. Il pourrait bien cesser sa propre lutte, lui, ses proches, sa famille n’en seraient pas moins en danger. Pour autant, nous savons tous comment Breaking Bad se termine, alors autant limiter les dégâts.
Et non, pas tous. Un sorcier pure souche ne le saurait sans doute pas. Mais ça, Oliver n’en savait rien.

Est-ce que cet interlude aurait pu faire sacrément dévier la conversation ? Totalement. Mais s’ils se cherchaient, c’était actuellement sur le plan professionnel. Enfin, du moins quasiment essentiellement.
Donc colombien vous disiez ? Hein ? Ah non, pardon, sorcellerie. Parlons sorcellerie.

Et en réalité, oui, parlons-en. Parce que s’il y avait moyen de l’hameçonner, c’était bien celui-là. De toute manière, c’était bien là ce qui l’intéressait en cet instant. Et dès lors que Ruben avait commencé à lui expliquer ce qu’il avait noté d’étrange durant ses recherches, le journaliste, captivé, s’était mis à prendre des notes, concentré sur chacun de ses dires, il intégrait les informations, poussant distraitement son verre quasiment terminé, trop absorbé pour le terminer. Chaque donnée raisonnait un peu plus que la précédente avec ce qu’il avait pu lui-même découvrir au fil des mois. Chaque phénomène étrange lui parlait, attisant sa curiosité, allumant en lui cette flamme journalistique qui refusait de s’éteindre malgré toutes ses tentatives. Oliver aurait aimé simplement fermer les yeux et passer à autre chose. Des mois durant, il avait cherché à oublier, à se protéger.

Mais voilà où il en était.

- Vous savez... Bien que j’ai creusé mon sujet, quand je vous parle, j’ai vraiment l’impression de sonner comme ces documentaires qui argumentent que ce sont les Aliens qui ont battit les pyramides, parce que ça sonne beaucoup plus freakshow que d’avouer qu’un peuple non-européen ait pu avoir des techniques très avancés. C’est un peu raciste au passage, je crois...
« Seulement un peu ? »

Un petit sourire en coin et Oliver se redressait, lui qui s’était penché sur la table durant les explications de son interlocuteur. Posant son téléphone sur le plan  de bois, il était resté un instant à détailler Ruben de son regard perçant, brillant de l’excitation de la découverte avant de finir son verre pour le poser de nouveau, rejoignant celui, vide, de l’enseignant.

« Je crois surtout que vous et moi, on a vraiment beaucoup de choses à se dire…. Et de données à croiser. »

La crainte de passer pour un illuminé, il la connaissait et la comprenait. Peut-être Ruben n’en connaissait pas plus que ces phénomènes inexpliqués, peut-être en connaissait-il finalement plus que lui. Dans tous les cas, c’était officiel, cette piste, il n’était pas prêt de la lâcher de si tôt.

« Pas besoin de partir si loin que 1926 pour situer des cas d’amnésies. Norwich, en mai dernier. Pas moins d’une dizaine de cas d’oublis généralisés sans aucune foutue raison préalable. La médecine sèche sur leur cas… séchait. Ils semblent tous s’être parfaitement désintéressés du sujet. Liverpool, en juin 2014, deux jeunes sont rentrés chez eux, la mémoire totalement défaillante. Comme si leur cerveau avait été parfaitement dévasté. Alzheimer précoce. Ils n’ont pas la vingtaine, pas d’autres cas, pas d’antécédents médicaux. Par contre des phénomènes qui sortent de l’ordinaire dans le coin. Expliqués… mais surtout étrangement peu documentés. Et ça c’est sans compter le séisme de bonne magnitude qui nous a frappé il y a quelques mois et dont apparemment tout le monde se fout. »

Accessoirement.
La ville semblait passer à autre chose, tout naturellement, comme si rien n’était choquant là dedans. Sauf qu’ils ne vivaient pas sur la faille de San Andréas et que côté contexte tectonique, l’Angleterre était plutôt épargnée de ce qu’il en avait appris. Et encore une fois, les données semblaient disparaitre au fur et à mesure qu’il s’était mis à creuser le sujet.

« Le Caire, l’année dernière, trois hommes qui avaient rapportés des photos d’une créature étrange qui trouvent la mort dans des circonstances pour le moins inexpliqués sans que ça ne semble choquer qui que ce soit, et plus aucune trace de ce qu’ils avaient ramené. Et je n’aborde pas vague de crises cardiaques soudaines et parfaitement regrettables qui ont lieu ces derniers temps. Je dénombre une trentaine de cas vraiment suspects et ... étrangement utiles dans les deux années dernières rien que dans le pays, pour celles que j’ai trouvé. »

Dont mon mec.
Et que dire de ma propre mémoire ?  

« Et on en parle des meurtres actuels ? Parce que la théorie la plus sympa actuellement, c'est le retour de Jack l'éventreur. Les extra-terrestres n'ont qu'à bien se tenir... »

- En réalité j’ai grandi entre Glasgow et Birmingham. Ce n’est pas très Colombien comme coin.

D’accord, il devait s’en ficher un peu de sa vie, mais puisque la conversation était sympathique... Il ne put s’empêcher de blaguer un peu.

-  Pas d’histoire de narcotrafic pour moi ce soir alors.
- Non, vous devrez vous cantonnez aux séries, rétorqua-t-il avec un petit sourire amusé. Puis enfin, il put se lancer dans les récits de sorcières. Les vraies, pas celles des contes de fées. Il déballa ses recherches, et Nox semblait boire ses paroles, notant activement toutes les anecdotes. Il finit par comparez ses paroles à ces documentaires freakshow sur les pyramides dans u trait d’humour. Ruben sourit, tout à fait d’accord, quand Oliver lui affirma que cette hypothèse était complètement raciste. Il hocha la tête doucement quand il comprit que le journaliste avait amassé également énormément d’infirmations. Ce fut à son tour de noter quelques éléments.

- J’avoue c’est... plutôt impressionnant tout ce que vous avez là. Peut-être parce que j’ai la tête un peu trop tournée dans le passé, je n’ai pas prêté autant attention au présent. Je surveille un peu les nouvelles, mais pas autant que vous. Ma spécialité, à vrai dire, c’est plutôt les archives.

Avant il le faisait plus, c’est juste que gérer tout ce qui était commandement était plus long.  deplus, grâce à son statut de chercheur, il était plis aisé d’avoir accès aux archives.  Egalement, ils avaient multiplié les opérations directement sur le terrain, et avaient un peu délaissés ce genre de petite chose qui pourtant, leur donnerait des pistes. Ruben le nota dans un coin de sa tête, c’est bien le genre de chose qu’il pouvait par exemple confier à Timothy. C’était pas très dur, pas très suspect vu qu’il était étudiant en journalisme, et il n’y avait pas trop de pression émotionnelle. Il pouvait même présenter ça comme une sorte de jeu. Il pourrait demander à d’autres informateurs qui n’étaient pas très terrain de s’y mettre. Il aborda les fameux assassinat étranges de ces derniers mois.

- J’ai effectivement suivi l’affaire des meurtres dans les medias, elle m’a intrigué... On peut en effet penser à un tueur en série particulièrement glauque mais... Bon, je n’ai rien qui prouve que les loup-garous existent, mais imaginons que quelqu’un aie le talent de se changer en animal... Genre un gros carnivore, ce qui expliquerait l’état des victimes. En agissant une fois par mois, peut-être qu’il voudrait faire penser à un loup-garou.

Il semblait que Timothy lui avait expliqué que de rares sorciers avaient acquis cette capacité à changer de forme, mais qu’ils étaient très contrôlés par le gouvernement magique. Mais comme tous textes de loi, il doit exister des contravenants qui ne sont pas répertoriés. Ou alors un sorcier de ce genre bossait pour le gouvernement. Ce dernier en a strictement rien à carrer de quelques moldus morts, si ce n’est pas eux qui ont commandités les meurtres. Mais dans tous les cas, c’était une hypothèse plausible. Les loup-garous... Si ceux-là existaient, ce serait un gros problème.

- Ça me parait complètement fou de parler de ça comme une réelle possibilité... Ajouta-t-il immédiatement, affiché un petit rire gêné. En vrai, pas du tout, mais il préférait montrer qu’il n’en savait pas plus pour le moment. Sinon, de fil en aiguille, il serait trop vite obligé de lui révéler l’existence des Inquisiteurs.

- Je vous avoue je n’aurais jamais cru que notre rencontre finirait comme ça...

Voilà, on rajoute une couche pour mettre les doutes sur le fait qu’il dirigeait tout un pan d’une organisation secrète. Non, il avait tout fait pour savoir si ce type était un charlatan ou non. Il voyait déjà en quoi il pouvait lui être utile. En lui donnant certaines pistes, il pourrait aller les explorer pour lui, et en échange de quelques infos, il pourrait en récupérer d’autres. En revanche, il ne souhaitait pas se précipiter pour parler de cette idée à Gregory. Déjà, il devait vérifier si elle était viable, apprendre à connaître le type avant de le servir sur un plateau aux recruteurs. Ensuite, il préférait garder quelques cartes dans sa manche, il pressentait qu’il en aurait besoin.

- On devrait définitivement rester en contact... Je pense qu’on devrait peut-être en parler dans un contexte on va dire... plus intime.

Hum, est ce que ça porte à confusion ? Il vaudrait mieux préciser parce qu’on dirait qu’il l’invite à un rendez-vous galant... Ce ne serait pas pour lui déplaire, Nox avait beaucoup de charme mais Ruben mettait un point d’honneur à ne pas trahir la confiance de la personne avec qui il était en couple.

- Un bar bondé n'est pas très idéal... Je ne pensais vraiment pas trouver quelqu’un qui puisse confirmer mes hypothèses. À vrai, je pensais vraiment me tenir à un discours universitaire . Un petit sourire malicieux naquit du soin de sa lèvre. Je pense qu’on a pas mal à se raconter, en plus. Donc je vous propose que je vous envoie les détails de ce que je vous ai décrit. En échange, vous me donnez les vôtres... Mais j’ai une seule condition : ne me citez pas si on vous demande où vous avez eu l’info. Je vous déconseille très fortement d’en faire un article. J’ai peur que ce ne soit pas des gens très bien intentionnés si vous diffusez des éléments qui compromettent le secret de leur existence. On pourrait tenter de vous effacer la mémoire, même pire.  

Ruben savait la vérité, il préférait le mettre en garde au cas où Nox aurait la super idée de tout publier sans réfléchir aux conséquences. Un homme ne serait pas de taille contre un sorcier énervé, même si celui-ci est seul.

- J’avoue c’est... plutôt impressionnant tout ce que vous avez là. Peut-être parce que j’ai la tête un peu trop tournée dans le passé, je n’ai pas prêté autant attention au présent. Je surveille un peu les nouvelles, mais pas autant que vous. Ma spécialité, à vrai dire, c’est plutôt les archives.

Si tu penses que ça c'est impressionnant, t'as pas fini de l'être.

« C’est bien… comme ça on se complète. »

PROFESSIONNEL Oliver on a dit merde !
Oui ben on se complète professionnellement ! Oh ! Ça va, pas besoin de monter sur tes grands chevaux là merde, il prend ça comme il veut… Interprétation libre.

- J’ai effectivement suivi l’affaire des meurtres dans les medias, elle m’a intrigué... On peut en effet penser à un tueur en série particulièrement glauque mais... Bon, je n’ai rien qui prouve que les loup-garous existent, mais imaginons que quelqu’un aie le talent de se changer en animal... Genre un gros carnivore, ce qui expliquerait l’état des victimes. En agissant une fois par mois, peut-être qu’il voudrait faire penser à un loup-garou.

La première réaction du journalisme avait été le scepticisme évident. Non, clairement, il n’était pas prêt à croire que les loups-garous puissent exister. Pour autant, s’il avait levé les sourcils dans une moue perplexe, la réalité de ce qu’il avait pu découvrir ces derniers mois le rattrapait rapidement. Etait-ce réellement si peu probable quand il savait déjà que ces gens étaient capables d’effacer les mémoires, qu’ils pouvaient communiquer à travers des feux, tuer des gens d’un simple mot et… et effectivement modifier leur apparence. Après tout, il avait vu de ses yeux des modifications physiques bien loin d’être comparables avec celles dont ils parlaient actuellement. Mais pourquoi pas ? Pourquoi cela ne pourrait pas aller plus loin ? L'idée le faisait frissonner d'avance.

- Ça me parait complètement fou de parler de ça comme une réelle possibilité...
« Complètement. Mais autant j’allais rire à cette idée… autant à la lumière du reste… en fait j’vais rester sceptique et garder le truc dans un coin de mon crâne. »

Comme souvent, du reste, avec ce qui lui semblait improbable. La réalité actuelle, c’était surtout qu’il avait besoin de preuves pour s’avancer. Et le peu qu’il possédait était loin de l’écarter d’une telle possibilité. Cependant, il n’irait pas balancer l’intégralité de ses connaissances comme ça, sans réellement connaître Ruben et sans la moindre garantie.

- Je vous avoue je n’aurais jamais cru que notre rencontre finirait comme ça...
Un petit sourire amusé. « J’avoue que moi je l’espérais. »

Il n’était pas venu pour rien et s’il l’avait sollicité, c’était en effet pour en apprendre plus… mais il n’imaginait pas pour autant tomber sur une telle mine d’or.

- On devrait définitivement rester en contact... Je pense qu’on devrait peut-être en parler dans un contexte on va dire... plus intime.

Son petit sourire en coin s’attardait, flottait encore quelques instants. Intime hein ?

« C'est aussi mon avis. Avec plaisir. »

Pour l’intime, oui, certes, mais surtout pour le professionnel. Pas que l’autre possibilité lui déplairait mais disons que ça n’était pas la raison de sa présence.

- Un bar bondé n'est pas très idéal... Je ne pensais vraiment pas trouver quelqu’un qui puisse confirmer mes hypothèses. À vrai, je pensais vraiment me tenir à un discours universitaire
Nouveau sourire, un peu trop charmeur pour la situation, le regard brillant, un peu mutin. « Navré de vous faire sortir du cadre. »

Oui bon, hein, voilà. Sorcellerie nous disions. Trop de malice dans cet échange, revenons-en à des sujets sérieux messieurs voyons !

Je pense qu’on a pas mal à se raconter, en plus. Donc je vous propose que je vous envoie les détails de ce que je vous ai décrit. En échange, vous me donnez les vôtres... Mais j’ai une seule condition : ne me citez pas si on vous demande où vous avez eu l’info. Je vous déconseille très fortement d’en faire un article. J’ai peur que ce ne soit pas des gens très bien intentionnés si vous diffusez des éléments qui compromettent le secret de leur existence. On pourrait tenter de vous effacer la mémoire, même pire.  
« Je ne comptais pas vous citer sans autorisation, rassurez-vous. » Pas son genre. « Et je filtre quand même une grande partie des informations que je présente. Je ne suis pas naïf, je sais ce que je risque.. » Oh que oui, il le savait. Il vivait chaque jour avec ce deuil brûlant en lui et la peur d’entraîner ses proches dans un danger qu’il ne pouvait quantifier. Pour autant, Oliver ne se voyait simplement pas arrêter de creuser les pistes qu’il avait déterré. Ce danger, il resterait là, qu’il en soit conscient ou pas. Et d’ailleurs en parlant d’être lucide sur la situation : « Et ma mémoire est déjà altérée. »

Il avait sorti une carte de sa poche, la déposant sur la table. Dessus, mail et téléphone. L’avantage d’être free-lance.

« Et je sais par qui. » Il donnait l’information d’une manière légère, presque anodine. Ça n’était pas le cas, mais ils feraient comme si. Un petit sourire. « Le deal me va. »

Encore une fois, il ne dévoilerait pas tout, bien entendu, ça viendrait au fil du temps. Mais ils avaient en effet bien des choses à se dire tous les deux.

Peut-être étais-ce la bière, mais il ne put s’empêcher de répondre «Comme deux pièces de Lego» lors qu’Oliver mis en valeur leur complémentarité. Le ton était bien moins formel, mais après avoir entamé sa troisième pinte, Ruben se rendait moins compte que cela pouvait être pris comme un sous-entendu. Remarque, ce n’était pas tellement si innocent que ça. Le type était à son goût, il le reconnaissait, et après avoir parlé avec lui, parler d’un lieu où ils pouvaient avoir plus d’intimité pouvait avoir un double-sens presque volontaire... Mais il était un type honnête et il respectait beaucoup trop Amber pour lui faire un coup fourré. Enfin fourré... C’était le cas de le dire... Bref il se concentrait sur chaque réaction du type en face. De toutes façons, même s’il était célibataire, mélanger les torchons et les serviettes  - soit le professionnel et les relations intimes - lui semblait être un mauvais calcul pour le moment. Lui comme son interlocuteur avaient décidé de garder chacun leurs informations pour le côté. Chacun avaient des choses que l’autres souhaitait... Mais Ruben avait conscience qu’Oliver était loin d’être débile. Comme lui, il ne balancerait pas ses infos sans rien.
L’informateur fut étonné qu’il reste sceptique sur la théorie d’un mage capable de se métamorphoser. Il nota alors qu’il n’avait sûrement pas conscience des possibilités quasi illimités qu’offraient la magie. Ruben n’était pas rassuré quant à l’existence possible des loup-garous, alors il préférait nier ce fait en se limitant aux Animagus, bien qu’il ne connaissait pas le terme. Le fait qu’il existât des êtres ultra dangereux qui se baladaient une fois par mois était un peu trop anxiogène pour lui. Pourtant, avec tout ce qu’il avait vu, il ne serait pas autant surpris. Il lui sembla que c’était un peu la même chose pour le journaliste.
Le fil de la conversation lui décrocha quelques sourires. On pouvait les prendre comme amusés, un peu charmeurs, mais au fond Ruben était très satisfait d’avoir obtenu ce qu’il voulait. Il ne voulait juste pas le paraître. Il était à visage découvert, et généralement, rester à l’arrière lui plaisait bien. Il reconnaissait qu’il aimait mener les choses, mais aussi qu’il n’était pas le plus courageux des hommes face au paranormal. Rester en vie était une meilleure option que la gloire de l’héroïsme.

- Navré de vous faire sortir du cadre.

Le sourire séduisant d’Oliver ne lui échappa pas. Bon, il commençait à avoir l’impression que son gaydar ne déconnait pas trop... Mais il lui faudrait quelques bières encore pour qu’il avoue cash qu’il est son type. Ah oui, sinon, la sorcellerie...

- Je vous fais confiance, vous me semblez quelqu’un de sérieux, ajouta-t’il quand Oliver lui assura que rien ne serait divulgué sans son consentement. Le journaliste parla de son altération de mémoire. Les sourcils de Ruben s’étaient alors comprimés l’un contre l’autre dans une expression très sérieuse. Il se passa la main dans ses cheveux, se questionnant une demi-seconde sur ce quoi il pourrait bien répondre. Il pourrait tout à fait rétorquer «Oh bah moi aussi, mon ex-femme adorait faire ça. D’ailleurs elle s’est barrée avec mes enfants en tentant d’effacer son existence.». C’est sûr, ça créerait de lien, mais il ne pouvait pas trop en dévoiler sur lui-même... Restons stratégiques.

- Vous avez déjà été confronté à quelqu’un qui vous a effacé la mémoire ? Dit-il d’une voix un peu secouée, mais surtout calculée. Je suis... désolé pour vous.

Un silence. Oui, il pouvait tenter cela. Créer du lien lui semblait plutôt important ; lier deux hommes avec une situation similaire. Il se passa la main dans les cheveux.

- À vrai dire... Je pense que j’ai été confronté également à un effacement. Quelque chose au fond de ma mémoire de colle pas. J’ai dû voir ce que je n’aurais pas du.

Ce n’était pas faux, vu qu’Aurea l’avait enchanté plusieurs fois. Il se demandait si c’était un peu comme les antibiotiques, s’il n’y avait une résistance au sort d’Oubliettes qui se créait à force. Il tourna la carte entre ses doigts, puis se décida de la ranger dans sa poste de chemise. Comme ça il ne l’oublierait pas.

- Mais j’arrive pas à recoller les morceaux. Je serais curieux de savoir comment vous avez fait...

Il sentait cependant que la conversation devait arriver vers sa fin. Du moins, elle continuerait à distance.

- Ou si vous voulez, on en parlera une autre fois. Je ne souhaite pas être indiscret.

«Comme deux pièces de Lego»

Un petit sourire en coin et le regard brillant. Tu m’en diras tant…. Il n’aurait pas dit non à la proposition, c’était certain. L’homme était à son gout, en témoignait la pelle de sous-entendus qu’ils s’étaient échangés et les sourires un peu trop enjôleurs qu’il lui accordait pour un cadre plus ou moins professionnel. Il était certain cependant que la conversation avait pris au fur et à mesure du temps un ton moins formel. Pour autant, si ce petit jeu exercé à mi-mot lui plaisait bien et qu’il y participait avec amusement, Oliver restait également – et surtout – conscient de ce qu’il faisait ici. Mêler l’utile à l’agréable, oui, en témoignait cette pointe de plaisir, ce frisson un peu bête qui le prenait au fil de la conversation. Mais il ne fallait pas lâcher de vue l’utile. C’était sans doute bête, mais le journaliste se rendait compte qu’il n’avait finalement pas agit comme ça depuis Liam et son décès, un an plus tôt (Charlie, et la formation impromptue de son fils mis à part, bien entendu). Comme quoi, il avait eu beau affirmer qu’il n’y avait rien de profondément sérieux entre eux, sa mort et ce qu’il y perdait l’avait sans doute affecté plus qu’il ne le pensait. Il y avait eu deux femmes depuis, deux rencontres d’une soirée, pas plus. Pas d’homme. Une réalité qui ne lui était pas venue à l’esprit jusque là. Cela ne voulait pas dire qu’il comptait rentrer avec Ruben ce soir, bien sûr, quelques regards appuyés, des sourires et des sous-entendus n’aboutissent pas nécessairement à quoi que ce soit, d’autant plus dans le cadre qui les avait amenés à se rencontrer. Simplement, c’était agréable, voilà tout. L’idée d’une éventuelle suite était plaisante et réveillait en lui des envies presque oubliées. Mais pour l’heure, le sujet, s’il était régulièrement entrecoupé de badinages, restait la sorcellerie.

- Je vous fais confiance, vous me semblez quelqu’un de sérieux

Un petit sourire et il le remerciait d’un modeste signe de tête, enchaînant sur les sujets qui les intéressait à l’heure actuelle. Que Ruben lui fasse confiance était un bon point, non négligeable au vu du thème qui les amenait à échanger à l’heure actuelle et il en était en partie rassuré, estimant que son interlocuteur semblait sincère. Ils agissaient tous deux en accordant une part de confiance à l’autre qui pouvait leur jouer des tours. Mais sans elle, ils n’avanceraient pas, il s’agissait donc d’un risque à prendre. Sans elle, jamais Oliver n’aurait lâché les données qu’il apportait actuellement… ni celles qu’il gardait encore sous cape, prêtes à êtres posées sur la table à l’avenir.

- Vous avez déjà été confronté à quelqu’un qui vous a effacé la mémoire ?

Manifestement, il accrochait. Oliver, lui, se contentait d’hocher de la tête en silence, sérieux, affecté sans doute en un sens, soucieux à vrai dire, plus qu’affecté.

-Je suis... désolé pour vous.
« Merci. »

Pas besoin de trop en faire, ça ne lui ressemblait pas. Bien entendu, savoir que son esprit pouvait être – et avait été – manipulé l’angoissait profondément, en témoignait les crises d’angoisses qu’il avait fait à l’époque. Mais à présent, le journaliste reprenait une sorte de contrôle sur ces évènements et celui-ci lui était salutaire.

- À vrai dire... Je pense que j’ai été confronté également à un effacement. Quelque chose au fond de ma mémoire de colle pas. J’ai dû voir ce que je n’aurais pas du.
« C’est mon opinion oui. Je pense que c’est un procédé plus que courant chez eux. … Ou alors j’ai trop regardé Men in Black. »

Un demi-sourire. Ça semblait sans doute aberrant, mais c’était l’idée. Quelqu’un s’approchait trop de la vérité, voyait quelque chose qu’il ne devait pas voir et le problème se réglait rapidement en altérant ses souvenirs. Dans quelle mesure pouvaient-ils être manipulés ? La question se posait avec un naturel désarmant… et passablement angoissant. Et si la manœuvre venait de proches ? A quel point pouvaient-ils se trouver orientés par les uns et les autres et dans quelles proportions leurs décisions leur appartenaient ? Vaste sujet. Terrifiant.
A tel point qu’il l’évitait la majeure partie du temps.

- Mais j’arrive pas à recoller les morceaux. Je serais curieux de savoir comment vous avez fait...

Il avait subi cela également. Ruben n’était pas le premier qu’Oliver avait rencontré dans ce cas. Après tout, c’était bien en enquêtant sur des disparitions suspectes qu’il était tombé sur ce type d’anomalies, mais se trouver face à quelqu’un qui puisse avoir vécu la même chose que lui, surtout à présent, était toujours particulier. Rassurant. Bien sûr, l’homme pouvait se foutre de lui, mais au vu des précisions apportées jusqu’ici, Oliver en doutait.

- Ou si vous voulez, on en parlera une autre fois. Je ne souhaite pas être indiscret.

Un petit sourire. « J’ai l’enregistrement. C’est comme ça que j’ai su. Et comme ça que j’ai pu identifier mon coupable. Mais en effet, je ne souhaite pas en parler ici. Et puis, ça nous fait toujours une sacrée bonne excuse pour nous revoir. »

Ok, c’était facile et tendancieux, mais nécessaire. Non seulement, ça matchait bien avec Ruben, mais surtout, Oliver restait particulièrement curieux de savoir ce qu’il pourrait lui apporter de plus et ce qu’il ne lui disait pas…. Ou ne lui dirait pas. La curiosité est un vilain défaut, je l’admets, mais dans son cas, il s’agissait bien souvent de son corps de métier. Que voulez vous, on ne se refait pas. D’autant que pour le coup, même sans curiosité, il aurait sans doute été ravi de revoir son interlocuteur.

S’il s’était demandé un moment si son interlocuteur était intéressé par els hommes, ses gestes avait tendance à lui dire que oui. Ou alors était-ce son vain espoir qu’un beau gosse s’intéresse un minimum à lui ? Même si son gaydar s’affolait au fil des sous-entendu et de la complicité qu’il tissait, il n’avait pas vraiment confiance en sa capacité de séduction. Contrairement à ce que pouvait suggérer son assurance, il n’avait jamais été du genre à enchaîner les conquêtes et c’était plutôt ses anciennes relations qui avaient été le trouver. C’était toujours aussi complexe de ne pas être hétéro dans cette société et il avait peur de surinterpréter les signes. Quoiqu’ici... Tout son instinct criait qu’il aurait pu proposer de transformer cette entrevue en rendez-vous galant et l’autre aurait accepté sans ciller. Cependant, il repensa à Amber. Il savait que leur relation n’allait pas très bien, mais ce n’était pas une excuse pour céder à la première tentation venue... Enfon bref, la sorcellerie. Il était là pour ça.
Il continua son rôle de professeur d’université. Il se devait de protéger le Inquisiteurs au cas où il s’était trompé sur le charmant journaliste. Il vint à s’intéresser de très près àn la révélation de Nox : il savait qu’on lui avait effacé la mémoire. Il connaissait même le nom de son agresseur. Ruben s’accrocha à l’information comme un bernacle sur une vieille barque.

- C’est simple pour ma part : je me connais bien. Je sais très bien comment je suis fatigué, et j’ai plutôt bonne mémoire. J’ai eu ce trou,genre, je fais quelque chose, et impossible de savoir ce qui s’est passé durant une dizaine de minutes, comme si j’avais été en pilote automatique. Et quand je suis tombé sur cette histoire de morts étranges... J’ai relié les points en affinant mon hypothèse.

Plus exactement ces trous. Réguliers. Il avait même été voir des médecins qui avaient été convaincus que le stress lui causait ces absences. Aurea l’avait juste laissé erré de médecin en médecin sans ouvrir sa gueule. Il avait fini par accepté de vivre avec, ce qui est la seule solution quand la médecine n’a pas de solution. Il avait également la conviction que parfois elle modifiait juste la mémoire quand elle le pouvait, car à force de répétition, cela devenait risqué. C’était terrifiant de se dire qu’il était sûrement possible de prendre la vie de quelqu’un, de modifier ses souvenirs, et de le voir devenir une tout autre personne. L’ultime manipulation.

- Je pense aussi que c’est une pratique courante, peut-être même institutionnalisée avec des agents spécialisés. J’ai juste pas de preuves que ça existe. En même temps, c’est le principe...

Ruben releva un sourcil étonné quand le journaliste lui balança qu’il avait une preuve de cet effacement de mémoire. Un enregistrement, surement sur un téléphone. Il était intéressant de noter que les sorts ne prenaient pas sur les machines, et que cela perdurait malgré tout. Il eut immédiatement l’idée d’une procédure pour les Inquisiteurs à réaliser en cas d’effacement de mémoire. Cette preuve qu’ils pouvaient contrer grâce à la technologie les sorts mémoriels changeait un peu tout.

- Et cet enregistrement... N’a pas été modifié par la magie ? Il est resté intact ?

Il préféra poser la question, il ne voulait pas avancer une source sans preuves.

- Ce sera avec plaisir que je vous croiserais à nouveau, déclara-t-il avec un sourire beaucoup plus séducteur qu’il ne voudrait. Il redevint très vite sérieux, grattant un peu sa barbe qui s’épaississait à vue d’oeil chaque jour. Je pense qu’également, cela peut être utile d’avoir un allié dans notre... quête.

Il y eut un silence. Il sortit un stylo et griffona un bout de page de carnet qu’il avait arraché proprement.

- Je vous avoue que je suis quelqu’un d’occupé comme vous avez pu le deviner quand on a essayé de fixer ce rendez-vous. Donc je ne sais pas quand on peut se reprogrammer un rendez-vous, mais je vous donne mon portable perso. Comme ça, vous pouvez m’envoyer des messages...

En espérant qu’il ne prenne pas trop ça pour une occasion de fixer un rendez-vous galant. Ce serait gênant de lui avouer qu’il avait un peu flirté alors qu’il était déjà en couple. Il se sentait un peu penaud de s’être pris au jeu maintenant.

- Je vous tiens au courant de mon côté.

Et alors qu’il achevait les dernières formalités, il sentait que la conversation était terminée, et que chacun rentrerait bientôt chez lui débrifier seul à seul avec leurs cerveaux.

C’est drôle de voir comme parfois les gens se trouvent, se comprennent sans vraiment se parler, s’entendent sans y penser. Non, Oliver ne cherchait pas spécialement ce type de contacts avec cet homme malgré une attirance qu’il ne nierait pas. Son regard s’attardait depuis qu’il était entré dans l’amphithéâtre, il l’avouait sans ambages. Pour autant, est-ce qu’il prévoyait réellement de prolonger les choses ? Non, à l’heure actuelle, si Oliver se laissait aller à quelques répliques ambigües, il savait surtout vouloir avancer sur le sujet de la magie, le faisant clairement passer avant une quelconque attirance mutuelle. Et puis, il fallait l’avouer, autre chose interférait. A le voir, Oliver restait charmant, détendu, s’amusant de la situation et de cette attraction qui semblait réciproque. Pour autant, restait en lui, dans l’ombre, cette réflexion douloureuse. S’il n’y avait pas eu grand monde ni dans sa vie ni dans son lit depuis la mort de Liam, ça n’était sans doute pas pour rien. D’autant que parmi ce ‘pas grand mode’, il n’y avait pas d’hommes. Pas que le journaliste se posa la moindre question sur sa sexualité, celle-ci étant finalement bien identifiée depuis des années.. En revanche, si Liam avait été le premier avec qui semblait se profiler quelque chose de plus sérieux, sa mort l’avait sans doute marqué bien plus qu’il l’admettait. Alors oui, ce flirt était le premier depuis plus d’un an. Mais il révélait aussi  une certaine forme de facilité. Ils étaient là pour le boulot et il se savait trop en attente d’informations pour risquer de perdre un potentiel informateur si vite. Alors oui, actuellement, Oliver savait qu’il n’y aurait rien. Pas de risques, donc, ce qui rendait cet échange bien plus  simple. Facile, évident même. Le retour d’une sensation qu’il avait laissé de côté pendant des mois et dont il ressentait soudainement le manque sans y avoir été préparé. Une sensation plaisante qu’il se surprenait à désirer poursuivre.

Mais focus, mon ami, sur ce que tu es venu chercher. Le reste, on verra plus tard. Chaque chose en son temps.

- C’est simple pour ma part : je me connais bien. Je sais très bien comment je suis fatigué, et j’ai plutôt bonne mémoire. J’ai eu ce trou,genre, je fais quelque chose, et impossible de savoir ce qui s’est passé durant une dizaine de minutes, comme si j’avais été en pilote automatique. Et quand je suis tombé sur cette histoire de morts étranges... J’ai relié les points en affinant mon hypothèse.
« Je vois bien oui.. »

C’était aussi de cette manière qu’il avait joint les informations alors que lui-même n’était pas encore impliqué, tantôt sceptique sur ce qu’on lui racontait, tantôt happé vers un monde qui l’interrogeait sans cesse. Mais s’il s’était s’agit de lui en première instance, aurait-il douté ? Aurait-il perdu ce temps ? Sans doute moins.


- Je pense aussi que c’est une pratique courante, peut-être même institutionnalisée avec des agents spécialisés. J’ai juste pas de preuves que ça existe. En même temps, c’est le principe...

Lâchant une grimace, Oliver imaginait qu’il puisse s’agir en effet de quelque chose de mis en place par des groupes, une pratique réellement institutionnalisée, acceptée, avec ses codes et ses règles. Est-ce que cela pouvait signifier une structure aussi importante que leurs systèmes de politiques en parallèle de leur monde ? Le journaliste hochait du chef en silence, intégrant ces suppositions, à la fois heureux des pistes de réflexions que Ruben lui apportait mais également inquiet de ce qu’elles pouvaient signifier.

S’il avait retrouvé la parole, c’était pour expliquer sa propre situation, renseignant son interlocuteur sur ce qu’il avait lui-même découvert et comment.

- Et cet enregistrement... N’a pas été modifié par la magie ? Il est resté intact ?
« Dur à définir puisque je n’ai aucun souvenir de cet échange… Mais la discussion est là, c’est indéniable, et j’ai beau cherché je ne sais pas ce que je faisais là-bas ni qui est cet homme. Tout ce dont je me souviens c’est d’avoir été sur les lieux et d’en être ressorti hagard après avoir discuté avec un inconnu… le même sans aucun doute. Il voulait m’accompagner à l’hôpital, mais sans trop savoir pouvoir j’en ai eu peur et je suis parti. »

Avec le recul, il comprenait pourquoi, une partie de son être sans doute alerté par la situation. Il fallait également dire que se retrouver absent dans un lieu isolé avec un parfait inconnu sans trop se souvenir de ce qui s’y est passé…. Avait de quoi l’alerter immédiatement, le poussant à fuir immédiatement. D’une manière générale, Oliver avait depuis longtemps accepté ne pas entrer dans les codes de l’acceptable, risquant ainsi bien des situations délétères du seul fait d’être lui-même. Mais s’il s’agissait d’un fait établi, s’il l’acceptait et faisait avec depuis des années, refusant de s’arrêter de vivre pour une société immature et amorale, il savait aussi repérer les dangers et ce jour-là, son corps avait semblé prendre les devants avant même que son cerveau n’imprime ce qui clochait réellement.
Cependant, il ne présenterait pas tout ça ici, pas dans un lieu public, et pas dès le premier soir… ce n’est pas un homme facile voyons (si) ! Ainsi, Oliver voyait se terminer cette agréable rencontre, lui intimant qu’ainsi, ils pourraient se voir de nouveau, chose qu’il ne pouvait qu’encourager.

- Ce sera avec plaisir que je vous croiserais à nouveau

Un sourire en coin, les yeux brillants de malice et d’amusement, il ne pouvait que noter le charme indéniable de ce sourire séducteur, y répondant presque malgré lui.

Focus, messieurs.

Je pense qu’également, cela peut être utile d’avoir un allié dans notre... quête.
«  Je dirais même que c’est nécessaire. »

C’est une bonne idée ça, soyons alliés.

- Je vous avoue que je suis quelqu’un d’occupé comme vous avez pu le deviner quand on a essayé de fixer ce rendez-vous. Donc je ne sais pas quand on peut se reprogrammer un rendez-vous, mais je vous donne mon portable perso. Comme ça, vous pouvez m’envoyer des messages...

Portable perso ? Bon à savoir.

« Parfait, on s’organisera ça. »

Il n’y manquerait pas. En premier lieu parce qu’il était avide des informations que l’enseignant pouvait encore lui fournir, et en second… parce qu’il serait hypocrite de dire que cet échange lui avait déplu. Prenant le papier donc, il avait lui-même laissé sa carte sur la table tout en se levant. Deux numéros échangés valent mieux qu’un lorsqu’on veut revoir quelqu’un.

- Je vous tiens au courant de mon côté.
« Très bien ! A plus tard donc, et bonne soirée ; Ruben.. »

C’était avec un petit sourire qu’il s’était éloigné, délaissant volontairement l’aspect très formel du début de leur rencontre.

Maintenant, il lui fallait réfléchir à toute cette histoire, poser les informations qu’il avait récolté, en dégager les questionnements et les déductions adéquates. La soirée, si agréable eut-elle été, n’était pas terminée.